Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année VIII — Juin 1865.

(Langue portugaise)

LES DEUX ESPIONS.

1. — Un de nos correspondants de Saint-Pétersbourg  †  nous adresse la traduction d’un article publié contre le Spiritisme, dans un journal religieux de cette ville : Doukhownaïa Beceda (Entretiens religieux).

C’est un récit fourni par deux jeunes gens de Moscou,  †  MM***, qui se présentèrent chez nous en novembre dernier, sous les apparences d’hommes de la meilleure compagnie, se disant très sympathiques au Spiritisme, et qui furent reçus avec les égards que commandait leur qualité d’étrangers. Rien absolument, dans leurs paroles ni dans leurs manières, ne trahissait l’intention qui les amenait ; il fallait qu’il en fût ainsi pour jouer leur rôle et accomplir la mission dont ils s’étaient chargés. Certes nos adversaires de France nous ont habitués à des comptes rendus qui ne brillent pas par l’exactitude, en matière de Spiritisme ; mais nous leur devons cette justice qu’aucun, à notre connaissance du moins, n’a poussé la calomnie aussi loin. Cela eût été difficile dans un journal français, parce que la loi protège contre de tels abus, mais aussi parce que trop de témoins oculaires viendraient constater la vérité ; mais à six cents lieues, dans un pays étranger et dans une langue inconnue ici, cela était plus facile. Nous devons aux nombreux adeptes de la Russie une réfutation de cet ignoble pamphlet, dont les auteurs sont d’autant plus répréhensibles qu’ils ont abusé de la confiance qu’ils avaient cherché à inspirer. En s’introduisant sous de fausses apparences, comme émissaires d’un parti, dans une maison particulière et dans une réunion toute privée, qui n’est jamais ouverte au public, et où l’on n’est admis que sur recommandation, pour livrer à la publicité un compte rendu défiguré et outrageant, on se place au-dessous des espions, car les espions, au moins, rendent un compte exact de ce qu’ils ont vu. Il est regrettable que ce soit encore au nom de la religion qu’on fasse de pareilles choses et qu’on les croie nécessaires à son soutien. Ce n’est pas par de tels moyens qu’on ruinera jamais le Spiritisme ; on le grandit par la haine qu’on lui porte. Ainsi en a-t-il été du Christianisme à son début ; en le persécutant, ses adversaires ont travaillé à sa consolidation. Mais à cette époque on n’avait pas la publicité, et la calomnie pouvait couver longtemps ; aujourd’hui la vérité se fait jour promptement, et quand on dit méchamment qu’une chose est noire, chacun peut trouver à côté de soi la preuve qu’elle est blanche, et l’odieux de la calomnie retombe sur ses auteurs.

Les réflexions du journal sont celles de tous les détracteurs qui appartiennent à la même opinion ; elles ont été réfutées tant de fois qu’il serait inutile d’y revenir. Nous citerons toutefois le passage suivant :


2. — « Les Spirites sont-ils en effet en communication directe avec le monde des Esprits, à tel point que les personnages les plus hauts et les plus sacrés arrivent à leur appel ad libitum  †  au gré des médiums, comme au son d’une clochette ? N’y a-t-il pas ici du charlatanisme et une fourberie grossière, non de la part des Esprits qu’Allan Kardec enseigne si bien à distinguer, mais de la part du chef même de cette nouvelle secte, si séduisante pour l’imagination de ses adeptes inexpérimentés ? Deux lettres ci-jointes, de Paris,  †  provenant de personnes dignes de foi, mais qui n’ont pas voulu se nommer, peuvent donner une réponse suffisante à cette question délicate. »


Le Spiritisme n’a jamais dit que les Esprits, quels qu’ils soient, vinssent au gré d’un médium quelconque ; il dit au contraire qu’ils ne sont aux ordres de personne ; qu’ils viennent quand ils le veulent et quand ils le peuvent ; il fait plus, puisqu’il démontre les causes matérielles qui s’opposent à ce qu’un Esprit se manifeste par le premier venu.

Si la communication des Esprits n’est qu’une idée sans fondement et un jeu joué, une seule personne devrait en avoir le monopole ; comment se fait-il que la réalité en soit constatée depuis des années par des millions d’individus, de tous rangs et de tout âge, dans tous les pays ? Tout le monde joue donc la comédie, depuis les princes jusqu’aux roturiers, et cela au profit de qui ? Ce qui est plus bizarre encore, c’est que cette comédie ramène à Dieu les incrédules, et fait prier ceux qui se riaient de la prière. On n’a jamais vu les tours d’escamotage produire des résultats aussi sérieux.

Quant aux lettres des deux émissaires, il serait superflu de relever les sottes et grossières injures qu’elles renferment ; il nous suffira de citer quelques erreurs matérielles pour montrer la foi que mérite leur compte rendu sur le reste.


3. — A l’heure convenue, nous allâmes nous recommander à Allan Kardec.

Il demeure dans un des passages remplis constamment par la foule. Une inscription en grandes lettres annonce que c’est là que s’accomplissent les mystères du Spiritisme.


Au bas de l’escalier est un petit écusson portant ces mots : Revue Spirite, au deuxième, parce que là est le bureau du journal, et que tout journal étant sujet au public doit indiquer son domicile. Au-dessous est écrit : Salle de cours, parce que la salle des séances était primitivement destinée à des cours divers qui n’ont jamais eu lieu depuis que nous habitons ce local. Il n’y a rien là qui annonce l’accomplissement de mystères quelconques. C’est là une première invention de ces messieurs si dignes de foi.


4. — Il était cinq heures du soir ; il faisait sombre et le Spirite n’avait pas de feu.  †  Par des allées tortueuses nous fûmes introduits dans son cabinet.


Les visiteurs ne sont jamais introduits dans notre cabinet, mais dans un salon de réception, qui n’est pas celui d’un palais sans doute, mais où ceux qui ne le trouvent pas digne d’eux sont parfaitement libres de ne pas revenir.


5. — Après nous avoir invités à nous asseoir, il se mit à continuer la conversation avec un jeune homme inconnu de nous. Les paroles de ce dernier nous firent comprendre qu’il était un médium récent, qu’il se trouvait obsédé par la force impure qui lui donne des réponses sous le masque de purs Esprits ; que d’abord les réponses sont voilées par une innocence parfaite, mais qu’ensuite le diable se trahit peu à peu. La voix, l’air ébouriffé du jeune homme, tout dénotait une violente agitation. Le Spirite répondit qu’une pureté morale de la vie, la modération, étaient nécessaires pour communiquer avec les Esprits, et ainsi de suite ; qu’au commencement le médium est ordinairement poursuivi par les mauvais Esprits, mais qu’après il en arrive de bons. Le ton de ce discours était celui d’un maître ou d’un précepteur. Il n’y a pas de doute que tout cela n’était qu’une comédie jouée en notre présence.


Ce jeune homme, nous nous le rappelons, était un simple ouvrier qui venait nous demander des conseils, comme cela arrive souvent. Nous avons continué notre conversation avec lui, parce qu’à nos yeux un ouvrier honnête homme a droit à d’autant plus d’égards que sa position est plus humble. Il est possible que ce ne soient pas les idées de ces messieurs, mais ils y viendront quand, dans une autre existence, ils se trouveront dans la condition de ceux qu’ils traitent aujourd’hui avec hauteur. Quant à la comédie qui, il n’y a pas de doute, était jouée pour eux, il est assez singulier qu’elle fût préparée pour eux alors que nous ne les attendions pas. A leur arrivée, le jeune homme était seul ; puisque nous avons continué la conversation, c’est qu’elle était commencée ; alors nous jouions la comédie à nous deux. Dans tous les cas, elle n’avait rien de bien intéressant, et quand on fait tant, on fait quelque chose de mieux.


6. — Grâce à une obscurité intéressante, le maître n’était pas visible. Il s’adressa à nous par une question qui sondait notre croyance en Spiritisme, son développement à Moscou et ainsi de suite. Il procédait avec beaucoup de réserve jusqu’à ce qu’il eût appris notre désir. On apporta une lampe ; nous vîmes alors devant nous un monsieur assez corpulent, âgé, à la physionomie assez débonnaire, aux yeux singuliers ; ils perçaient pour ainsi dire l’individu : c’est le premier regard, et en second lieu ils étaient empreints d’une certaine rêverie. Je regardai longtemps ses yeux remarquables au plus haut degré sur sa physionomie ordinaire.

Je ne sais pourquoi j’attirai son attention, de sorte qu’il me demanda plusieurs fois si je n’étais pas médium. Notre conversation lui prouvant notre connaissance en matière de Spiritisme, il commença à devenir plus communicatif.


On voit quel était leur savoir en Spiritisme et surtout leur sincérité. Si, par un langage astucieux, ils ont cru nous donner le change, ce sont eux qui jouaient la comédie.


7. — Il se mit à parler en termes obscurs de l’âme et des Esprits ; sa voix fut d’abord calme, mais il termina son discours avec une emphase singulière. Lui ayant demandé comment il distingue les bons Esprits des mauvais, il répondit que l’on mettait préalablement chaque Esprit à l’épreuve ; si l’Esprit ne contredisait pas les opinions morales et religieuses des Spirites, on l’annotait comme pur Esprit. A ma question : pourquoi il ne s’occupait que de la solution des questions morales et ne touchait ni les questions scientifiques, ni les questions politiques (cette demande lui déplut visiblement), il répondit quelque chose dans ce genre : que les Esprits ne s’en mêlent pas.


La politique est généralement le terrain dangereux sur lequel les faux-frères cherchent à amener les Spirites. La morale, selon eux, est chose trop banale et trop vulgaire ; on en est rebattu ; il faut du positif. Un individu décoré qui s’était, sous une apparence trompeuse, introduit dans un groupe d’ouvriers, à Lyon,  †  où se trouvaient aussi quelques militaires, posa cette question : « Qu’est-ce que les Esprits pensent de Henri V ? »  †  La réponse des Esprits et des assistants ne lui donna pas envie de recommencer ni de revenir.


8. — Après une certaine hésitation, il nous permit, vendredi soir, d’assister à la réunion des Spirites. On se proposait de questionner un colonel de la garde décédé depuis peu, ci-devant médium. Nous lui dîmes adieu. La soirée de vendredi m’intéresse et je vous rendrai compte de tout ce que j’entendrai et verrai. On dit pourtant qu’il prend cent francs par chaque séance. Si c’est vrai, il me sera, bien entendu, impossible d’entendre et de voir. Je sacrifierai dix francs, mais pas plus. Paris 2/14 novembre 1864.


Indépendamment de nos principes bien connus, et nettement formulés dans nos ouvrages en fait d’exploitation du Spiritisme sous une forme quelconque, plus de six mille auditeurs qui ont été admis aux séances de la Société Spirite de Paris depuis sa fondation, le 1er avril 1858, peuvent dire si jamais un seul a payé la moindre des choses comme rétribution obligatoire ou facultative ; si même il a été imposé à qui que ce soit, comme condition d’admission, l’achat d’un seul livre ou l’abonnement à la Revue. Quand on exploite le public, on n’est pas difficile sur le choix ; on vise au nombre. On ne concevrait donc pas l’hésitation à admettre ces messieurs ; au lieu de leur permettre de venir, on les y eût sollicités. Par ces seuls mots ils se trahissent ; mais on ne pense pas à tout.

Dès l’instant qu’ils avaient, soi-disant, ouï-dire qu’on payait cent francs par personne, et qu’ils ne consentaient à en donner que dix, comment se fait-il qu’ils ne s’en soient pas assurés séance tenante ? Il était tout naturel, nécessaire même de nous le demander pour n’être pas pris au dépourvu en arrivant. Il y a ici une insinuation perfide, mais maladroite. Dans le compte rendu qu’ils font ensuite de la séance à laquelle ils ont assisté, ils ne parlent pas de paiement ; or, ayant dit qu’ils sacrifieraient dix francs, ils donnent à entendre qu’il ne leur en a pas coûté davantage. Ils ont reculé devant une affirmation ; mais ils se sont dit : « Lançons l’idée, il en restera toujours quelque chose ; » mais quand il n’y a rien, il ne peut rien rester. Si, il en reste quelque chose : la honte pour le menteur.

Au reste, ce n’est pas la première fois que la malveillance et la jalousie ont employé ce moyen pour chercher à discréditer la Société dans l’opinion.

Dernièrement, à Nantes, un individu affirmait que les entrées y étaient à cinq francs par place. Il serait singulier que depuis huit ans qu’elle existe on ne sût pas encore si elle fait payer 100 francs ou 5 francs. Il faut en vérité être bien aveuglé par l’envie de nuire pour croire abuser le public sur un fait aussi matériel qui reçoit chaque jour un démenti, soit par les personnes qui y assistent, soit par les principes qu’elle professe et qui sont formulés sans équivoque dans nos écrits.

De cette calomnie, il ressort toutefois une instruction. Du moment que nos adversaires croient discréditer la Société en disant qu’elle met les visiteurs à contribution, c’est qu’ils regarderaient comme plus honorable de ne rien faire payer ; or, puisqu’elle n’exige rien ; qu’au lieu de viser au nombre des auditeurs, elle le restreint autant que possible, c’est qu’elle ne spécule pas sur eux ; elle coupe ainsi court à toute suspicion de charlatanisme.

La circonstance du colonel qui devait être évoqué nous a mis sur la voie de la séance à laquelle ces messieurs ont assisté ; leur véritable nom ne se trouvant pas sur la liste de ce jour, nous avons par cela même eu la preuve qu’ils se sont présentés sous un faux nom. Cela était d’autant plus facile à vérifier, que ce jour-là était une séance particulière réservée aux membres de la société, et à laquelle n’avaient été admis, par exception, que quatre ou cinq étrangers de passage à Paris.

En nous envoyant leur nom véritable, notre correspondant nous apprend que ce sont les fils d’un haut fonctionnaire ecclésiastique russe.


9. — Vendredi passé, à huit heures du soir, nous nous rendîmes à la séance de la Société spirite. Nous arrivâmes de bonne heure ; les membres n’étaient pas encore nombreux, de sorte que nous pûmes examiner assez minutieusement l’entourage. Une chambre assez grande contenait plusieurs rangées de chaises. Du côté d’un des murs se trouvait une table couverte d’un drap vert, autour de laquelle des chaises étaient placées pour les principaux membres de la Société. Sur la table se trouvait déposée une masse de papier blanc et un tas de crayons taillés ; rien de plus. Au-dessus de la table pendait l’image du Sauveur bénissant.


Une investigation si minutieuse et poussée jusqu’à l’examen des papiers, est passablement indiscrète de la part de gens qui se disent gentilshommes et admis par faveur dans une maison particulière, et à une réunion qui n’a rien de public.

Il n’y absolument rien de suspendu au-dessus de la table. Contre le mur est une petite statuette de saint Louis en costume de roi, président spirituel de la Société, et que ces messieurs ont, paraît-il, pris pour le Christ.


10. — Les murs étaient occupés par des tableaux singuliers. Je les examinai en détail ; le plus grand, peint à l’huile, représente un cercueil avec des chaînes tombées autour de lui ; un site singulier avec des plantes fantastiques entourait le cercueil. Une inscription explique que ce tableau est peint par Allan Kardec.


Ce tableau allégorique est celui dont nous avons parlé dans la Revue de novembre 1862, page 347. [Voir : Ci gît dix-huit siècles de lumières.] Il n’y a ni chaînes ni plantes d’aucune sorte. Au bas est une légende qui en donne l’explication, avec cette inscription apposée sur le tableau même, et en évidence : « Peinture médianimique. Tableau allégorique de l’avènement et du triomphe du Spiritisme ; peint par M. V…, jeune élève en pharmacie, sans aucune connaissance de la peinture ni du dessin. Lyon. » Nous ne savons comment ces messieurs ont pu voir dans ces mots que ce tableau a été peint par Allan Kardec. Ceci donne la mesure de l’exactitude de leur compte rendu, et de la confiance que mérite le reste.


Plus loin, toute une série de tableaux ou dessins, je ne sais trop comment les nommer, faits par diverses personnes sous l’influence des Esprits. Je ne puis vous dire l’impression que produisirent sur moi tous ces tableaux. Je m’examinai, je m’examinai sévèrement, et trouvai que la disposition de mon esprit était en ce moment parfaitement tranquille, pleine de sang-froid, de sorte que l’impression que j’éprouvai à la vue de ces tableaux était indépendante de mon imagination. Les tableaux ou dessins représentent une réunion insolite de lignes, points, cercles, une réunion originale qui n’a aucune ressemblance avec quoi que ce soit. Ils ont tous un certain genre particulier, leur appartenant en commun, mais tout à fait indéfinissable. On dirait qu’il n’y a rien de particulier dans ces points et lignes, et cependant l’impression qu’ils laissent est une des plus désagréables, pareille à un cauchemar fatigant. En un mot, ces dessins ne ressemblent à rien de ce que vous avez jamais pu voir, et pour moi ils sont dégoûtants.


Dans cette collection de dessins médianimiques se trouvent : la maison de Mozart publiée dans la Revue d’août 1858 et que tout le monde connaît ; une tête de Christ faite à Mexico, d’un type admiré de tous les connaisseurs ; un autre Christ couronné d’épines, modelé en terre à la Société Spirite de Madrid,  †  et d’une exécution remarquable ; deux superbes têtes de femme au profil grec, dessinées à la Société Spirite de Constantinople  †  ; un paysage dessiné à la plume par M. Jaubert, vice-président du tribunal de Carcassonne  †  et que signerait un artiste consommé, etc. Voilà les lignes et les points qui ont tourbillonné aux yeux de ces messieurs d’une manière si désagréable et si dégoûtante. Nous serions vraiment tenté de croire qu’un Esprit malin les a fascinés de manière à leur faire voir tout à rebours afin de rendre leur récit plus pittoresque.


11. — Enfin les membres de la Société se rassemblèrent environ au nombre de soixante-dix. Comme dans les sociétés véritables, il y avait là aussi des secrétaires. On lut d’abord un chapitre de l’Évangile ; ensuite le protocole de la séance précédente. J’avoue qu’il n’y avait pas moyen d’écouter sans rire les différentes informations. Par exemple, à Lyon, un Esprit disait des bêtises, c’est pourquoi on détermina de l’exclure du nombre des Esprits de bonne conduite.

Ensuite on lut la nécrologie du colonel spirite qui devait être évoqué pendant cette séance. Il a été auparavant saint-simonien. Allan Kardec dit à la société qu’il lui proposerait des questions sur le rapport du Spiritisme et du saint-simonisme. Un des assistants voulut faire quelques questions, mais le maître déclara que les autres ne doivent pas se fourrer là où on ne les demande pas.

J’attendais toujours qu’on apportât l’appareil qui devait écrire, mais je me trompais ; Allan Kardec sonna, et il nous arriva de l’antichambre un jeune homme à la physionomie de fripon, en un mot prêt, pour un quart de rouble, à apprendre par cœur fût-ce même un demi-livre de toutes sortes d’absurdités. On nous dit que c’était un médium.


Ici ce ne sont plus de simples inexactitudes, c’est le cynisme de l’injure et de l’outrage. Il suffit de citer de telles paroles pour les flétrir. En France leurs auteurs eussent été justiciables des tribunaux. En fait d’inexactitude, nous dirons seulement que, depuis que la Société existe, il n’y a jamais eu de sonnette sur le bureau, et que par conséquent nous n’avons pu sonner. Les oreilles de ces messieurs ont tinté, comme leurs yeux ont miroité en regardant les dessins et la statuette de saint Louis.


Le public, pour la plupart des vieillards, était caractéristique ; presque la moitié consistait en demi-fous. Les jeunes gens, extasiés et ébouriffés, suivaient très attentivement les mouvements du médium. Il se trouvait là des personnes si aveuglément croyantes, que c’était même un péché d’en rire ; on ne pouvait que les plaindre.


Il paraît que c’est un moins grand péché de mentir. Il est vrai que certaines gens pensent que tout mensonge fait pour un bon motif est excusable ; or, dénigrer le Spiritisme est pour quelques-uns un excellent motif.


Que répondit l’Esprit ? Il répondit par le bavardage d’Allan Kardec qu’on peut admirer dans ses ouvrages.


L’Esprit dont il s’agit est celui de M. Bruneau, membre de la Société Spirite, ancien élève de l’École polytechnique et colonel d’artillerie, mort tout récemment.

On peut voir le compte rendu de son évocation dans la Revue de décembre 1864.


Allan Kardec proposa d’évoquer un enfant saint-simonien.


Il y avait ce jour-là à la table, non pas un, mais huit médiums. Comme on venait d’évoquer M. Bruneau qui avait été saint-simonien, et qu’on avait à ce sujet parlé de cette doctrine, son ancien chef, le Père Enfantin,  †  se communiqua spontanément, et sans évocation, par l’un des médiums, et prit part à la discussion. C’est donc le Père Enfantin que le fidèle narrateur a pris pour un enfant saint-simonien.


Quant à nous, nous fûmes ennuyés autant que dégoûtés par l’aspect de tous ces gens ; nous nous levâmes et nous en allâmes. Ainsi finit notre visite spirite. Je ne pus pas pourtant me rendre bien compte si c’est friponnerie ou folie. Mais, assez ! Paris, le 9/21 novembre 1864.


Le rédacteur du journal ajoute :

La personne qui nous a procuré ces deux lettres intéressantes les termine par la remarque suivante : « Le récit consciencieux du témoin oculaire est très important, quand même il n’explique pas tout. C’est pour cette raison que nous pensons que l’extrait actuel ne sera pas dépourvu d’utilité pour les personnes trop crédules en fait de communication avec les Esprits. »

Les réflexions auxquelles les faits de la nature de celui-ci donnent lieu sont résumées dans l’article suivant. [Nouvelle tactique des adversaires du Spiritisme.]



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