1. — Messieurs et chers collègues,
Il y a quelque temps que je vous ai annoncé de nouvelles explications au sujet de la caisse du Spiritisme. L’inauguration d’une nouvelle année sociale m’en offre naturellement l’occasion. Dans cet exposé, je regrette d’avoir à vous parler de moi, ce que je fais toujours le moins possible, mais dans cette circonstance je ne saurais faire autrement ; c’est pourquoi je vous prie d’avance de vouloir bien m’excuser.
Je rappellerai sommairement le compte rendu que je vous ai soumis sur le même sujet il y a deux ans. [Voir : Discours de M. Allan Kardec au renouvellement de l’année sociale, le 1er avril 1862.]
Au mois de février 1860, un don de 10000 francs fut mis à ma disposition pour en diriger l’emploi à mon gré dans l’intérêt du Spiritisme. A cette époque, la Société n’avait point de local à elle, ce qui présentait de graves inconvénients. L’extension que commençait à prendre la doctrine faisait sentir l’utilité d’un local spécial affecté, non-seulement aux séances, mais à la réception des visiteurs qui devenaient chaque jour plus nombreux et rendaient indispensable la présence permanente de quelqu’un au siège même de la Société. Je fis choix de ce local, qui réunissait les avantages de convenance et de position centrale ; le choix, du reste, n’était pas facile, vu la nécessité de dépendances appropriées à sa destination, jointe à l’excessive cherté des loyers. Le prix de la location de celui-ci, y compris les contributions, est de 2930 francs. La Société ne pouvant supporter cette charge et ne payant que 1200 francs, il restait 1730 francs auxquels il fallait pourvoir. En affectant le don qui avait été fait, soit à l’achat du matériel, soit au paiement de l’excédant du loyer, ce n’était point s’écarter des intentions du donateur, puisque c’était dans l’intérêt de la doctrine, et, en effet, on comprend, aujourd’hui surtout, combien il a été utile d’avoir ce centre où viennent aboutir tant de relations, et combien il était nécessaire en outre que j’y eusse un pied-à-terre. Toutefois, je dois rappeler que si j’habite ce local, ce n’est point un avantage pour moi, puisque j’ai un autre appartement qui ne me coûte rien et qu’il me serait plus agréable d’habiter, et cela avec d’autant plus de raison que cette double habitation, loin d’être un allègement, est une aggravation de charges, ainsi que je le démontrerai tout à l’heure.
Cette somme de 10000 francs fut donc le premier fonds de la cause du Spiritisme, caisse qui, ainsi que vous le savez, est l’objet d’une comptabilité spéciale, et ne se confond point avec mes affaires personnelles. Ce fonds devait suffire à parfaire, à quelque chose près, le loyer pendant les six ans de bail, selon le compte détaillé que je vous ai présenté la dernière fois ; or, le bail expire dans un an, et la somme touche à sa fin.
Il est vrai que le capital de la caisse a été augmenté de plusieurs sommes ; il se compose ainsi qu’il suit :
1º
Donation de février 1860. | 10.000 fr. |
2º
Abandon d’un prêt fait à une époque antérieure dans l’intérêt
du Spiritisme. | 600 " |
3º
Don fait en 1862. | 500 " |
4º
Autre don fait en septembre 1864. | 1.000 " |
5º
Autre don fait en octobre 1864. | 2.000 " |
TOTAL.
| 14.100 " |
Ces deux dernières sommes ayant une destination spéciale, ce n’est en réalité que 11100 francs qui ont pu être affectés au loyer, et qui ne suffiront pas entièrement.
Mais le loyer n’est pas la seule charge qui incombe au Spiritisme ; je ne parle pas des œuvres de bienfaisance, qui sont une chose à part dont nous parlerons tout à l’heure. J’aborde un autre côté de la question, et c’est ici que je réclame votre indulgence par la nécessité où je suis de parler de moi.
2. — On a beaucoup parlé des produits que je retirais de mes ouvrages ; personne de sérieux assurément ne croit à mes millions, malgré l’affirmation de ceux qui disaient tenir de bonne source que j’avais un train princier, des équipages à quatre chevaux et que chez moi on ne marchait que sur des tapis d’Aubusson. † Quoi qu’en ait dit, en outre, l’auteur d’une brochure que vous connaissez, et qui prouve par des calculs hyperboliques que mon budget des recettes dépasse la liste civile du plus puissant souverain de l’Europe (38 millions. Revue, juin 1862, p. 179 ; juin 1863, p. 175), ce qui, soit dit en passant, témoignerait d’une extension vraiment miraculeuse de la doctrine, il est un fait plus authentique que ses calculs, c’est que je n’ai jamais rien demandé à personne, que personne ne m’a jamais rien donné pour moi personnellement ; qu’aucune collecte de denier quelconque n’est venue pourvoir à mes besoins ; en un mot, que je ne vis aux dépens de personne, puisque, sur les sommes qui m’ont été volontairement confiées dans l’intérêt du Spiritisme, aucune parcelle n’en a été distraite à mon profit, et l’on voit d’ailleurs à quel chiffre elles s’élèvent.
Mes immenses richesses proviendraient donc de mes ouvrages spirites. Bien que ces ouvrages aient eu un succès inespéré, il suffit d’être tant soit peu initié aux affaires de librairie, pour savoir que ce n’est pas avec des livres philosophiques qu’on amasse des millions en cinq ou six ans quand on n’a sur la vente qu’un droit d’auteur de quelques centimes par exemplaire. Mais qu’il soit fort ou faible, ce produit étant le fruit de mon travail, personne n’a le droit de s’immiscer dans l’emploi que j’en fais ; quand même il s’élèverait à des millions, du moment que l’achat des livres, aussi bien que l’abonnement à la Revue, est facultatif et n’est imposé en aucune circonstance, pas même pour assister aux séances de la Société, cela ne regarde personne. Commercialement parlant, je suis dans la position de tout homme qui recueille le fruit de son travail ; je cours la chance de tout écrivain qui peut réussir, comme il peut échouer.
Bien que sous ce rapport je n’aie aucun compte à rendre, je crois utile, à la cause même à laquelle je me suis voué, de donner quelques explications.
Je dirai d’abord que mes ouvrages n’étant pas ma propriété exclusive, je suis obligé de les acheter à mon éditeur et de les payer comme un libraire, à l’exception de la Revue dont j’ai gardé la disposition ; que le bénéfice se trouve singulièrement diminué par les non-valeurs et les distributions gratuites faites dans l’intérêt de la doctrine, à des gens qui, sans cela, seraient obligés de s’en passer. Un calcul bien facile prouve que le prix de dix volumes perdus ou donnés, que je n’en dois pas moins payer, suffit pour absorber le bénéfice de cent volumes. Ceci soit dit à titre de renseignement et comme parenthèse.
Somme toute, et balance faite, il reste cependant quelque chose.
Supposez le chiffre que vous voudrez ; qu’est-ce que j’en fais ? C’est là ce qui préoccupe le plus certaines gens.
3. — Quiconque a vu notre intérieur jadis et le voit aujourd’hui, peut attester que rien n’est changé à notre manière de vivre depuis que je m’occupe de Spiritisme ; elle est tout aussi simple maintenant qu’elle était autrefois, parce qu’une vie somptueuse n’est pas dans nos goûts. Il est donc certain que mes bénéfices, si énormes soient-ils, ne servent pas à nous donner les jouissances du luxe. Nous n’avons pas d’enfants, ce n’est donc pas pour eux que nous amassons ; nos héritiers indirects sont la plupart beaucoup plus riches que nous : il y aurait simplicité à m’épuiser à travailler à leur profit. Est-ce donc que j’aurais la manie de thésauriser pour avoir le plaisir de contempler mon argent ? Je ne pense pas que mon caractère et mes habitudes aient jamais pu le faire supposer. Ceux qui m’attribuent de telles idées connaissent bien peu mes principes en matière de Spiritisme, puisqu’ils me jugent si attaché aux biens de la terre. A quoi donc cela passe-t-il ? Du moment que cela ne me profite pas, plus la somme est fabuleuse, plus la réponse est embarrassante. Un jour on en saura le chiffre exact, ainsi que l’emploi détaillé, et les faiseurs d’histoires en seront pour leurs frais d’imagination ; aujourd’hui je me borne à quelques données générales pour mettre un frein à des suppositions ridicules. Je dois à cet effet entrer dans quelques détails intimes dont je vous demande pardon, mais qui sont nécessaires.
De tout temps nous avons eu de quoi vivre, très modestement il est vrai, mais ce qui eût été peu pour certaines gens nous suffisait, grâce à nos goûts et à nos habitudes d’ordre et d’économie. A notre petit revenu venait s’ajouter en supplément le produit des ouvrages que j’ai publiés avant le Spiritisme, et celui d’un modeste emploi que j’ai dû quitter quand les travaux de la doctrine ont absorbé tout mon temps.
4. — Dans la propriété que je possède, et qui me reste comme débris de ce que la mauvaise foi n’a pu m’enlever, nous pouvions vivre tranquillement et loin du tracas des affaires. Le Spiritisme, en me tirant de l’obscurité, est venu me lancer dans une nouvelle voie ; en peu de temps je me suis trouvé entraîné dans un mouvement que j’étais loin de prévoir. Lorsque je conçus l’idée du Livre des Esprits, mon intention était de ne point me mettre en évidence et de rester inconnu ; mais, promptement débordé, cela ne m’a pas été possible : j’ai dû renoncer à mes goûts de retraite, sous peine d’abdiquer l’œuvre entreprise et qui grandissait prodigieusement ; il m’a fallu en suivre l’impulsion et en prendre les rênes. Si mon nom a maintenant quelque popularité, ce n’est assurément pas moi qui l’ai recherchée, car il est notoire que je ne la dois ni à la réclame, ni à la camaraderie de la presse, et que je n’ai jamais profité de ma position et de mes relations pour me lancer dans le monde, alors que cela m’eût été si facile. Mais à mesure que l’œuvre grandissait, un horizon plus vaste se déroulait devant moi, et en reculait les bornes ; je compris alors l’immensité de ma tâche, et l’importance du travail qui me restait à faire pour la compléter ; les difficultés et les obstacles, loin de m’effrayer, redoublèrent mon énergie ; je vis le but, et résolus de l’atteindre avec l’assistance des bons Esprits. Je sentais que je n’avais pas de temps à perdre, et je ne le perdis ni en visites inutiles, ni en cérémonies oiseuses ; ce fut l’œuvre de ma vie ; j’y donnai tout mon temps, j’y sacrifiai mon repos, ma santé, parce que l’avenir était écrit devant moi en caractères irrécusables. Je le fis de mon propre mouvement, et ma femme, qui n’est ni plus ambitieuse, ni plus intéressée que moi, entra pleinement dans mes vues et me seconda dans ma tâche laborieuse, comme elle le fait encore, par un travail souvent au-dessus de ses forces, sacrifiant sans regret les plaisirs et les distractions du monde auxquels sa position de famille l’avait habituée.
5. — Sans nous écarter de notre genre de vie, cette position exceptionnelle ne nous en a pas moins créé des nécessités auxquelles mes seules ressources ne me permettaient pas de pourvoir. Il serait difficile de se figurer la multiplicité des dépenses qu’elle entraîne, et que j’aurais évitées sans cela. La nécessité d’habiter en deux endroits différents est, comme je l’ai dit, un surcroît de charges par l’obligation d’avoir tout en double en objets mobiliers, sans compter une foule de menus frais qu’exige cette double habitation, et les pertes qui résultent de mes intérêts matériels négligés par suite des travaux qui absorbent tout mon temps. Ce n’est point une plainte que j’articule, puisque mes occupations actuelles sont volontaires ; c’est un fait que je constate en réponse à ceux qui prétendent que tout est profit pour moi dans le Spiritisme. Quant aux frais spéciaux occasionnés par la position, il serait impossible de les énumérer ; mais si l’on considère que j’ai chaque année pour plus de huit cent francs rien qu’en affranchissement de ports de lettres, indépendamment des voyages, de la nécessité de m’adjoindre quelqu’un pour me seconder, et autres menus frais obligés, on comprendra que je n’exagère pas en disant que mes dépenses annuelles, qui ont été sans cesse en croissant, sont aujourd’hui plus que triplées. On peut se figurer approximativement à combien, depuis huit ans, a pu s’élever cet excédant en mettant une moyenne de 6000 francs par an. Or, personne ne contestera l’utilité de ces dépenses pour le succès de la doctrine qui eût évidemment langui si je fusse resté dans ma retraite sans voir personne et sans les nombreuses relations que j’entretiens chaque jour. C’est pourtant ce que j’aurais été obligé de faire si rien ne me fût venu en aide.
Eh bien ! messieurs, ce qui m’a procuré ce supplément de ressources, c’est le produit de mes ouvrages. Je le dis avec bonheur, c’est avec mon propre travail, avec le fruit de mes veilles que j’ai pourvu, en majeure partie du moins, aux nécessités matérielles de l’installation de la doctrine. J’ai ainsi apporté une large quote-part à la caisse du Spiritisme.
Dieu a voulu qu’il trouvât en lui-même ses premiers moyens d’action.
Dans le principe, je regrettais que mon peu de fortune ne me permît pas de faire ce que j’aurais voulu pour le bien de la chose ; aujourd’hui j’y vois le doigt de la Providence, et l’accomplissement de cette prédiction maintes fois répétée des bons Esprits : Ne t’inquiète de rien ; Dieu sait ce qu’il te faut, et il saura y pourvoir.
6. — Si j’eusse employé le produit de mes ouvrages à l’augmentation de mes jouissances matérielles, c’eût donc été au préjudice du Spiritisme, et cependant personne n’aurait eu le droit d’y trouver à redire, car j’étais bien le maître de disposer à mon gré de ce que je ne devais qu’à moi-même ; mais puisque je m’en passais avant, je pouvais également m’en passer après ; en l’appliquant à l’œuvre, on ne trouvera pas, je pense, que ce soit de l’argent mal employé, et ceux qui aident à la propagation des ouvrages ne pourront pas dire qu’ils travaillent à m’enrichir.
Ce n’était pas tout de pourvoir au présent, il fallait aussi penser à l’avenir, et préparer une fondation qui, après moi, pût aider celui qui me remplacera dans la grande tâche qu’il aura à remplir ; cette fondation, sur laquelle je dois me taire encore, se rattache à la propriété que je possède, et c’est en vue de cela que j’applique une partie de mes produits à l’améliorer. Comme je suis loin des millions dont on m’a gratifié, je doute fort que, malgré mes économies, mes ressources personnelles me permettent jamais de donner à cette fondation le complément que je voudrais lui voir de mon vivant ; mais puisque sa réalisation est dans les vues de mes guides spirituels, si je ne le fais pas moi-même, il est probable qu’un jour ou l’autre, cela se fera. En attendant, j’en élabore les plans sur le papier.
Loin de moi, messieurs, la pensée de tirer la moindre vanité de ce que je viens de vous exposer ; il a fallu la persévérance de certaines diatribes pour m’engager, quoique à regret, à rompre le silence sur quelques-uns des faits qui me concernent. Plus tard, tous ceux que la malveillance s’est plu à dénaturer seront mis en lumière par des documents authentiques, mais le temps de ces explications n’est pas encore venu ; la seule chose qui m’importait pour le moment, c’était que vous fussiez édifiés sur la destination des fonds que la Providence fait passer par mes mains, quelle qu’en soit l’origine. Je ne me considère que comme dépositaire même de ceux que je gagne, à plus forte raison de ceux qui me sont confiés et dont je rendrai un compte rigoureux. Je me résume en disant : pour moi, je n’en ai pas besoin ; c’est dire que je n’en fais pas mon profit.
7. — Il me reste à vous parler, messieurs, de la caisse de bienfaisance. Vous savez qu’elle s’est formée sans dessein prémédité par quelques sommes versées entre mes mains pour des œuvres de charité, mais sans affectation spéciale, auxquelles j’ajoute celles qui de temps à autre se trouvent n’avoir pas d’emploi déterminé. Le premier don fait dans ce but est celui d’une somme de 200 fr., remise le 20 août 1863. L’année suivante, le 17 août 1864, la même personne me remit une pareille somme de 200 fr. Le 1er septembre, pendant mon voyage, une autre me remit 100 fr. Lors des souscriptions qui ont été publiées dans la Revue, plusieurs personnes ont joint à leur envoi des sommes de moindre importance, avec emploi facultatif. Tout récemment, le 28 avril dernier, quelqu’un m’a remis 500 fr. Le total des recettes s’est élevé jusqu’à ce jour à 1317 fr. Le total des dépenses en secours divers, dons ou prêts non encore remboursés, se monte à 1060 fr. Il me reste actuellement en caisse 257 fr.
8. — Quelqu’un me demandait un jour, sans curiosité bien-entendu, et par pur intérêt pour la chose, ce que je ferais d’un million si je l’avais. Je lui ai répondu qu’aujourd’hui l’emploi en serait tout différent de ce qu’il eût été dans le principe. Jadis j’eusse fait de la propagande par une large publicité ; maintenant je reconnais que cela eût été inutile, puisque nos adversaires s’en sont chargés à leurs frais. En ne mettant pas alors de grandes ressources à ma disposition, les Esprits ont voulu prouver que le Spiritisme ne devait son succès qu’à lui-même, à sa propre force, et non à l’emploi de moyens vulgaires.
Aujourd’hui que l’horizon s’est élargi, que l’avenir surtout s’est déroulé, des besoins d’un tout autre ordre se font sentir. Un capital, comme celui que vous supposez, recevrait un emploi plus utile. Sans entrer dans des détails qui seraient prématurés, je dirai simplement qu’une partie servirait à convertir ma propriété en une maison spéciale de retraite spirite, dont les habitants recueilleraient les bienfaits de notre doctrine morale ; l’autre à constituer un revenu inaliénable destiné 1º à l’entretien de l’établissement ; 2º à assurer une existence indépendante à celui qui me succédera et à ceux qui l’aideront dans sa mission ; 3º à subvenir aux besoins courants du Spiritisme sans courir la chance de produits éventuels comme je suis obligé de le faire, puisque la majeure partie des ressources repose sur mon travail qui aura un terme.
Voilà ce que je ferais ; mais si cette satisfaction ne m’est pas donnée, il m’importe peu qu’elle soit accordée à d’autres. Du reste je sais que, d’une manière ou d’une autre, les Esprits qui dirigent le mouvement pourvoiront à toutes les nécessités en temps utile ; c’est pourquoi je ne m’en inquiète nullement, et m’occupe de ce qui est pour moi la chose essentielle : l’achèvement des travaux qui me restent à terminer. Cela fait, je partirai quand il plaira à Dieu de me rappeler.
9. — On s’étonne que certains personnages haut placés, et notoirement sympathiques à l’idée spirite, n’en prennent pas ouvertement et officiellement la cause en main ; ce serait, dit-on, leur devoir, puisque le Spiritisme est une œuvre essentiellement moralisatrice et humanitaire.
On oublie que ces personnes, par leur position même, ont, plus que d’autres, à lutter contre des préjugés que le temps seul peut faire disparaître, et qui tomberont devant l’ascendant de l’opinion. Disons, en outre, que le Spiritisme est encore à l’état d’ébauche, et qu’il n’a pas dit son dernier mot ; les principes généraux en sont posés, mais on ne fait qu’en entrevoir les conséquences, qui ne sont et ne peuvent pas être encore nettement définies. Jusqu’à présent, ce n’est qu’une doctrine philosophique dont il faut attendre l’application aux grandes questions d’intérêt général ; c’est alors seulement que beaucoup de personnes en comprendront la véritable portée et l’utilité, et pourront se prononcer en connaissance de cause. Jusqu’à ce que le Spiritisme ait complété son œuvre, le bien qu’il fait est limité ; il ne peut être le fait que d’une croyance individuelle, et une adhésion officielle serait prématurée et impossible. Alors aussi, beaucoup de ceux qui le considèrent, à l’heure qu’il est, comme une chose futile, changeront forcément de manière de voir et seront portés, par la force même des choses, à en faire une étude sérieuse. Laissons-le donc grandir et ne demandons pas qu’il soit homme avant d’avoir été enfant ; ne demandons pas à l’enfance ce que l’âge viril peut seul donner. A. K.
Nota. — Cet exposé n’avait été fait que pour la Société,
mais l’insertion dans la Revue en ayant été demandée à l’unanimité et
avec insistance, nous avons cru devoir obtempérer à ce désir. [Voir
le 4e article suivant : Les
deux espions.]
Il y a une image de ce article dans le service Google — Recherche de livres (Revue Spirite 1865).