Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année VII — Juin 1864.

(Langue portugaise)

L’ESPRIT FRAPPEUR DE LA SŒUR MARIE.

Le récit suivant est relaté dans une lettre dont l’original est entre nos mains, et que nous transcrivons textuellement.


« A Viviers,  †  ce 10 avril 1741.

« Personne au monde, mon cher de Noailles, ne peut mieux que moi vous instruire de tout ce qui s’est passé dans la cellule de la sœur Marie, et si le récit que vous en avez fait nous a donné un ridicule dans notre ville, je veux le partager avec vous ; la force de la vérité l’emportera touiours chez moi sur la crainte de passer pour un visionnaire et un homme trop crédule.

« Voicy donc une petite relation de tout ce que j’ay vu et entendu pendant quatre nuits que j’y ai passées, et avec moi plus de quarante personnes toutes dignes de foi. Je ne vous rapporterai que les faits les plus remarquables.

« Le 23 mars, jour de l’Annonciation,  †  j’appris par la voix publique que depuis trois jours l’on entendoit toutes les nuits de grands bruits dans la chambre de la sœur Marie ; que les deux sœurs de Saint-Dominique qui habitent avec elle en avoient été si effrayées qu’elles avoient fait appeler M. Chambon, curé de Saint-Laurent, lequel s’étant rendu à une heure après minuit dans cette chambre avoit entendu des tableaux frapper contre la muraille, un bénitier de faÿence remuer avec bruit et avoit vu une chaise de bois placée au milieu de cette cellule se renverser pendant six fois. Je vous avoüe, monsieur, qu’à ce récit, je ne manquay pas de faire bien des plaisanteries ; les dévotes en gros et en détail furent suiettes à ma critique, et dès lors, je résolus d’aller passer la nuit suivante chez cette sœur Marie, bien persuadé qu’en ma présence tout seroit dans le silence ou que je découvrirois l’imposture. En effet, je me rendis ce jour-là même à neuf heures du soir dans cette maison. Je questionnay beaucoup ces sœurs, surtout la sœur Marie qui me parut instruite de la cause de tous ces bruits, mais qui ne voulut pas m’en faire part. Alors, je fis une recherche très-exacte dans cette chambre ; je regardai dessus, dessous le lit ; les murailles, les tableaux, tout fut examiné avec beaucoup de soin, et n’aÿant rien découvert qui pût occasionner tous ces bruits, je fis sortir tout le monde de cette chambre, avec ordre que personne n’y entreroit que moi. Je me plaçay auprès du feu dans la chambre suivante ; je laissay la porte de la cellule ouverte, et sur le seuil de la porte, j’y plaçay une chandelle au moyen de quoi je voÿois de ma place à un pas du lit la chaise que j’y avois placée et presque toute la chambre en entier. A 10 heures MM. d’Entrevaux et Archambaud vinrent me joindre, et avec eux deux artisans de notre ville.

« Sur les onze heures et demi, j’entendis la chaise se remuer et j’accourus aussitôt, et l’aÿant trouver renversée, je la relevai, j’en pris une seconde que je plaçay dans un plus grand éloignement du lit de la malade ; je ne voulus point la perdre de vüe. MM. d’Entrevaux et Archambaud prirent la même précaution, et un moment après nous la vîmes se remuer une seconde fois, le bénitier placé dans le lit de la sœur Marie, mis à une hauteur qu’elle ne sauroit l’atteindre, tinta plusieurs coups, et un tableau frappa trois coups contre la muraille. Je fus dans le moment parler à notre malade ; je la trouvay extrêmement oppressée, et de cette oppression elle tomba dans un évanouissement ou elle perdit la connaissance et l’usage de tous ses sens qui se réduisent à l’ouÿe ; je fus moi-même son médecin ; au moÿen de l’eau de lavande, elle revint en peu de temps à elle-même. De quart d’heure en quart d’heure nous entendions le même bruit, et trouvant touiours les tableaux dans le même état, j’ordonnai à ce bruyant, quelqui fût, de frapper avec le tableau trois coups contre la muraille et de le tourner devant derrière : je fus obéi dans le moment ; un instant après je lui ordonnay de remettre le tableau dans la première situation, je reçus une seconde preuve de sa soumission à mes ordres.

« Comme je m’aperçus qu’il n’y avait rien de bruÿant dans cette chambre qu’une chaise, deux tableaux et un bénitier, je m’emparay de tous ces meubles, alors le bruit s’attacha à des images que nous entendîmes remüer plusieurs fois, et à un petit crucifix qui étoit pendu à un clou contre la muraille. Nous n’entendîmes ni ne vîmes rien de particulier cette nuit ; tout fut calme et tranquille à cinq heures du matin. Nous ne gardâmes pas le secret sur tout ce que nous avions vû et entendu et je vous laisse à penser si je ne fus pas badiné sur ma vision. J’engageay les plus incrédules à être de la partie ; nous y fûmes trois soirs de suitte, et voici ce qui m’a paru le plus surprenant. Je ne vous rapporterai que certains faits, ce seroit trop long si je voulois entrer dans ce détail ; il doit suffire de vous dire icy que MM. Digoine, Bonfils, d’Entrevaux, Chambon, Faure, Allier, Aoust, Grange, Bouron, Bonnier, Fontenès, Robert le hucanteur et beaucoup d’autres en ont été les témoins.

« Le bruit s’étant répandu dans la ville que la sœur Marie pouvoit être l’actrice de cette comédie, je me départis delors de la bonne opinion que j’avois d’elle ; je voulus bien la soupçonner de fourberie, et quoiqu’elle soit paralitique de l’aveu de notre médecin et de tous ceux qui l’approchent qui nous assurent que depuis plus de trois ans elle n’a la liberté que de remuer la tête, je voulus bien supposer qu’elle pouvoit agir, et dans cette supposition voicy, monsieur, de quelle façon je m’y pris :

« Je me rendis pendant trois jours consécutifs à neuf heures du soir dans la maison de la sœur. Je la prévins sur les expédiens que j’allois prendre pour n’être point trompé, en présence de cinq à six des messieurs que j’ay déià nommés. Je la fis coudre dans ses drapts ; elle étoit placée et enveloppée dans son lit comme un enfant d’un mois dans son berceau. Je pris de plus deux papillotes que je mis en forme de croix sur la poitrine de façon qu’elle ne pouvoit faire aucun mouvement sans que cette croix fût dérangée.

« Elle avait ce jour-là même dévelopé le mistère à M. Chambon, qui la dirige à l’absence de M. l’Évêque et à M. David directeur de notre séminaire, ce premier la pria et lui permit de m’apprendre la cause de tous ces bruits ; j’entray delors dans la confidence, et elle m’apprit que c’étoit là une âme souffrante qu’elle me nomma et qui venait par la permission de Dieu pour qu’on la soulageât dans ses peines. Ainsi instruit et précautionné contre l’erreur, je ne laissai personne dans sa chambre. Nous étions huit ce soir-là et tous déterminés à ne rien croire. Sur les 11 heures, les tableaux et le bénitier se firent entendre. Alors M. Digoine et moi fûmes nous placer à la porte avec un flambeau à la main ; il faut observer que cette cellule est petite, que du milieu je pouvois atteindre les quatre murailles sans faire d’autres mouvemens que tendre les bras. A peine fûmes-nous placés que le tableau frappa contre la muraille ; nous accourûmes aussitôt, nous trouvâmes le tableau sans mouvement et la malade dans la même situation ; nous reprîmes notre même poste et le tableau aÿant frappé une seconde fois, nous accourûmes au premier coup et nous vîmes ce tableau tourner en l’air et tourner sur le lit. Je le plaçay à la fenêtre ; un moment après ce tableau frappa trois coups à la vüe de tous ces messieurs. Voulant de plus en plus me convaincre de la vérité du fait que m’avoit avancé la sœur Marie, j’ordonnai à cet Esprit souffrant de prendre le crucifix qui étoit contre la muraille et de le porter sur la poitrine de la malade ; il obéit dans le moment ; tous les messieurs qui étoient avec moi en furent les témoins. Je lui ordonnai de remettre le crucifix à sa place et de remüer le bénitier avec force ; il obéit également, et comme alors j’avois eu soin de mettre le bénitier en vüe de tout le monde, nous entendîmes le bruit et nous vîmes le mouvement. Tous ces signes n’étants pas capables de me convaincre, j’exijay des nouvelles preuves ; je plaçay une table au pied du lit de la malade, et je dis à cet Esprit souffrant que nous lui offrions volontiers nos vœux et nos prières, mais que le sacrifice de la messe étant le plus sur pour le soulagement de ses peines, je lui ordonnai de frapper autant de coups sur cette table qu’il vouloit que l’on dît des messes pour lui. Il frappa dans l’instant et nous comptâmes trente-trois coups ; alors nous prîmes des arrangements entre nous pour les acquitter au plutôt, et dans le tems que nous conferions à ce suiet les tableaux, le bénitier, le crucifix frappèrent tous ensemble et avec plus de bruit que jamais.

« Il étoit deux heures après minuit et je fus faire lever M. Chambon qui fut témoin de tout ce que nous lui avions raconté, puisqu’en sa présence nous lui fimes répéter les 33 coups. M. Chambon lui ordonna de prendre le crucifix et de le porter sur une telle chaise ; aussitôt nous entendons frapper un coup sur cette chaise, nous accourons et nous trouvons le crucifix tout à fait au bas du lit à un pas de cette chaise. Je priay tour à tour M. le chanoine Digoine, M. Chambon et M. Robert de se cacher dans la cellule pour examiner s’ils ne verroient rien ; ils entendirent deux voix différentes dans le lit de la malade ; ils distinguèrent parfaitement celle de la malade qui faisoit plusieurs questions ; quand à l’autre ils ne purent discerner sa réponse, elle s’expliquoit d’un ton fort bas et très rapide ; ces messieurs m’en informèrent, je fus en conférer avec la sœur Marie qui m’avoüa le fait.

« Je proposai à ces messieurs de dire un De profundis pour le soulagement des peines de cette âme souffrante, et cette prière finie, la chaise se renversa, les tableaux frappèrent et le bénitier tinta. Je dis à cet Esprit que nous allions dire cinq Pater et cinq Ave à l’honneur des cinq plaÿes de Notre-Seigneur, et que je lui ordonnois, pour preuve que cette prière lui agréoit, de renverser une seconde fois la chaise, mais avec plus de force que la première. A peine eûmes nous fléchi le genouil que cette chaise, placée devant nos yeux et à deux pas de nous, se renversa en avant, se releva et tomba en arrière.

« Voyant la docilité de cet Esprit et sa promptitude à obéir, je crus pouvoir tout tenter ; je mis sur le lit de la sœur 40 pièces d’argent et lui ordonnay de les compter ; sur le champ, nous les entendîmes compter dans un gobelet de verre que j’avais placé tout auprès ; je prends cette monnoye et la place sur la table ; je lui ordonne la même chose et il obéit dans le moment. J’y mets un écu de six francs et lui ordonne de me désigner avec cet écu le nombre des messes qui lui sont nécessaires ; il frappe avec l’écu 33 coups contre la muraille. Je fais entrer MM. Digoine, Bonfils, d’Entrevaux dans la chambre, nous tirons les rideaux du lit, nous plaçons la chandelle sur le lit et j’ordonne à cet Esprit de frapper et nous désigner le nombre des messes. Nous voyons tous les quatre la sœur Marie touiours dans le même état, sans mouvement et les deux papillottes en forme de croix nullement dérangées et nous comptons les 33 coups frapés contre la muraille. Il est à observer que dans la chambre voisine ou répond cette muraille, il n’y avait âme qui vive ; nous avions pris soin d’éloigner tout ce qui auroit pu faire naître en nous le moindre soupçon.

« Enfin, monsieur, j’ay tenté une autre voye : j’écrivis sur du papier ces paroles : Je t’ordonne, âme souffrante, de nous dire qui tu es, tant pour notre consolation que pour l’entretien de notre foy. Ecris donc ton nom sur ce papier, ou du moins fais-y quelque marque, nous connoîtrons par là le besoin que tu as de nos prières. Je place cet écrit au bas du lit de la malade avec une écritoire et une plume ; un instant après j’entends tinter le bénitier ; nous accourons tous au bruit, nous trouvons le papier en même temps et le crucifix renversé dessus ; je lui ordonne de mettre le crucifix à sa place et de marquer le papier ; nous dîmes pour lors les litanies de la Vierge et notre prière finie nous trouvâmes le crucifix à sa place et au bas du papier deux croix formées avec la plume. M. Chambon qui étoit tout auprès du lit entendit le bruit de la plume sur le papier. Je pourois vous raconter bien d’autres faits également surprenans, mais ce détail me menerait trop loin.

« Vous me demanderez sans doute, mon cher monsieur, ce que je pense de cette avanture ; je vais vous faire ma profession de foy. J’établis en premier lieu que le bruit que j’ai vu et entendu a été produit par une cause. Ces tableaux, cette chaise, ce bénitier, etc., sont des êtres inanimés qui ne peuvent se mouvoir d’eux-mêmes. Quelle est donc la cause qui leur a donné le mouvement ? Il faut qu’elle soit nécessairement ou naturelle ou surnaturelle ; si elle est naturelle, elle ne peut être que la sœur Marie puisqu’il n’y avoit qu’elle dans la chambre. On ne peut prétendre que ce bruit se soit fait par ressort ; nous avons examiné le tout avec la dernière attention, jusqu’à demonter les tableaux, et n’y eût-il eu qu’un cheveu de tête qui eût répondu au bénitier ou à la chaise nous l’aurions aperçu.

« Or je dis que la sœur Marie n’en est pas la cause ; elle n’a pas voulu, je dis plus, elle n’a pas pu nous tromper. Elle ne l’a pas voulu, car seroit-il possible qu’une fille qui est en odeur de sainteté, une fille dont la vie est un miracle continuel, puisqu’il est avéré que depuis trois ans elle n’a mangé ni bû et qu’il n’est sorti de son corps autre chose qu’une quantité de pierres ; qu’une fille qui souffre depuis six ans tout ce qu’on peut souffrir et touiours avec une patience admirable ; qu’une fille qui n’ouvre la bouche que pour prier et qui fait paroître en tout ce qu’elle dit l’humilité la plus profonde ; est-il possible dis-je qu’elle aye voulu nous tromper en imposant ainsi à tout un public, à son évêque, à son confesseur et à quantité de prêtres l’ont questionnée à ce sujet ? Nous avons trouvé dans tout ce qu’elle a dit un accord merveilleux, jamais la moindre contradiction, caractère unique de la vérité, le mensonge ne sauroit se soutenir. Je ne crois pas que les martirs ayent souffert plus que souffre cette sainte fille ; il y a des tems dans l’année que tout son corps n’est qu’une playe ; on lui voit sortir le sang et le pus par les oreilles, et très souvent on arrache des vers d’une grande longueur qui sortent par les narines ; elle souffre et demande continuellement à Dieu de la faire souffrir. Une chose merveilleuse, c’est que toutes les années dans la quinzaine Pâques il lui prend un vomissement de sang ; ce vomissement passé, son gosier se débouche ; elle reçoit le saint viatique, et un instant après il se referme totalement, c’est ce qui lui arriva mercredi dernier.

« Je dis en second lieu qu’elle n’a pas pu nous tromper ; elle est hors d’état d’agir ; elle est paralitique comme j’ai déjà dit, et une demoiselle de notre ville en fut pleinement convaincue lorsqu’elle lui enfonça une grosse aiguille dans le gras de la jambe. Vous voyez d’ailleurs les précautions que nous avons pris ; nous l’avons cousue dans ses drapts et très souvent gardée à vue ; ce n’est donc point elle. Qu’est-ce donc, me dites-vous ? La conséquence est aisée à tirer de tout ce que j’ai l’honneur de vous dire dans cette relation.

« Signé : † l’abbé DE SAINT-PONC,  †  chanoine présenteur. »


Remarque. Il y a une analogie évidente entre ces faits et ceux de l’Esprit frappeur de Bergzabern et de Dibbelsdorf, rapportés dans la Revue Spirite de mai, juin, juillet et août 1858, sauf que, dans celui-ci, l’Esprit n’avait rien de malveillant. Il est constaté par un homme dont le caractère ne peut être suspect, et qui n’a pas observé légèrement. Si, comme le prétendent certaines personnes, le diable seul se manifeste, comment venait-il auprès d’une fille en odeur de sainteté ? Or, il est à remarquer qu’elle n’en était ni effrayée ni tourmentée ; elle savait elle-même, et les expériences ont constaté, que c’était une âme souffrante. Si ce n’est pas le diable, d’autres Esprits peuvent donc se communiquer ?

Deux circonstances ont une analogie particulière avec ce que nous voyons aujourd’hui ; c’est d’abord la première pensée qu’il y a supercherie de la part de la personne auprès de laquelle se produisent les phénomènes, malgré les impossibilités matérielles qui existent parfois. Dans la situation physique et morale de cette jeune fille, on ne comprend pas que le soupçon d’un jeu joué ait pu entrer dans l’esprit des autres religieuses.

Le second fait est plus important. Si quelques-uns des phénomènes ont eu lieu à la vue des personnes présentes, la plupart se produisaient quand elles étaient dans la pièce à côté, dès qu’elles avaient le dos tourné, et en l’absence de la lumière directe, ainsi qu’on l’a maintes fois observé de nos jours. A quoi cela tient-il ? C’est ce qui n’est pas encore suffisamment expliqué. Ces phénomènes ayant une cause matérielle, et non surnaturelle, il se pourrait que, ainsi que cela a lieu pour certaines opérations chimiques, la lumière diffuse fût plus favorable à l’action des fluides dont se sert l’Esprit. La physique spirituelle est encore dans l’enfance.


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