Justice
des afflictions. (3.)
— Causes actuelles des afflictions. (4, 5.)
— Causes antérieures des afflictions. (6-10.)
— Oubli du passé. (11.)
— Motifs de résignation. (12, 13.)
— Le suicide et la folie. (14-17.)
— Instructions des Esprits : Bien et mal souffrir.
(18.)
— Le mal et le remède. (19.)
— Le bonheur n’est pas de ce monde. (20.)
— Perte des personnes aimées. Morts prématurées. (21.)
— Si c’était un homme de bien, il se serait tué. (22.)
— Les tourments volontaires. (23.)
— Le malheur réel. (24.)
— La mélancolie. (25.)
— Épreuves volontaires. Le vrai cilice. (26.)
— Doit-on mettre un terme aux épreuves de son prochain ?
(27.)
— Est-il permis d’abréger la vie d’un malade qui souffre sans
espoir de guérison ? [Est-il permis pratiquer l’euthanasie ?]
(28.)
— Suicide intentionnel. (29.)
— Sacrifice de sa propre vie. (30.)
— Profit des souffrances pour autrui. (31.) |
1. Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés. — Bienheureux ceux qui sont affamés et altérés de justice, parce qu’ils seront rassasiés. — Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux est à eux. (Saint Matthieu, ch. V, v. 5, 6, 10.)
2. Vous êtes bienheureux, vous qui êtes pauvres, parce que le royaume des cieux est à vous. — Vous êtes bienheureux, vous qui avez faim maintenant, parce que vous serez rassasiés. — Vous êtes heureux, vous qui pleurez maintenant, parce que vous rirez. (Saint Luc, ch. VI, v. 20, 21.) (Saint Luc, ch. VI, v. 20, 21.)
Mais malheur à vous, riches ! parce que vous avez votre consolation dans le monde. — Malheur à vous qui êtes rassasiés, parce que vous aurez faim. — Malheur à vous qui riez maintenant, parce que vous serez réduits aux pleurs et aux larmes. (Saint Luc, ch. VI, v. 24, 25.)
3. Les compensations que Jésus promet aux affligés de la terre ne peuvent avoir lieu que dans la vie future ; 2 sans la certitude de l’avenir, ces maximes seraient un non-sens, bien plus, ce serait un leurre. 3 Avec cette certitude même on comprend difficilement l’utilité de souffrir pour être heureux. C’est, dit-on, pour avoir plus de mérite ; mais alors on se demande pourquoi les uns souffrent plus que les autres ; pourquoi les uns naissent dans la misère et les autres dans l’opulence, sans avoir rien fait pour justifier cette position ; pourquoi aux uns rien ne réussit, tandis qu’à d’autres tout semble sourire ? 4 Mais ce que l’on comprend encore moins, c’est de voir les biens et les maux si inégalement partagés entre le vice et la vertu ; de voir les hommes vertueux souffrir à côté des méchants qui prospèrent. La foi en l’avenir peut consoler et faire prendre patience, mais elle n’explique pas ces anomalies qui semblent démentir la justice de Dieu.
5 Cependant, dès lors qu’on admet Dieu, on ne peut le concevoir sans l’infini des perfections ; il doit être toute puissance, toute justice, toute bonté, sans cela il ne serait pas Dieu. Si Dieu est souverainement bon et juste, il ne peut agir par caprice ni avec partialité. 6 Les vicissitudes de la vie ont donc une cause, et puisque Dieu est juste, cette cause doit être juste. Voilà ce dont chacun doit se bien pénétrer. 7 Dieu a mis les hommes sur la voie de cette cause par les enseignements de Jésus, et aujourd’hui, les jugeant assez mûrs pour la comprendre, il la leur révèle tout entière par le Spiritisme, c’est-à-dire par la voix des Esprits.
4. Les vicissitudes de la vie sont de deux sortes, ou, si l’on veut, ont deux sources bien différentes qu’il importe de distinguer ; les unes ont leur cause dans la vie présente, les autres en dehors de cette vie.
2 En remontant à la source des maux terrestres, on reconnaîtra que beaucoup sont la conséquence naturelle du caractère et de la conduite de ceux qui les endurent.
3 Que d’hommes tombent par leur propre faute ! Combien sont victimes de leur imprévoyance, de leur orgueil et de leur ambition !
4 Que de gens ruinés par défaut d’ordre, de persévérance, par inconduite ou pour n’avoir pas su borner leurs désirs !
5 Que d’unions malheureuses parce qu’elles sont un calcul d’intérêt ou de vanité, et que le cœur n’y est pour rien !
6 Que de dissensions, de querelles funestes on aurait pu éviter avec plus de modération et moins de susceptibilité !
7 Que de maladies et d’infirmités sont la suite de l’intempérance et des excès de tous genres.
8 Que de parents sont malheureux dans leurs enfants, parce qu’ils n’ont pas combattu les mauvaises tendances de ceux-ci dans leur principe ! Par faiblesse ou indifférence, ils ont laissé se développer en eux les germes de l’orgueil, de l’égoïsme et de la sotte vanité qui dessèchent le cœur, puis, plus tard, récoltant ce qu’ils ont semé, ils s’étonnent et s’affligent de leur manque de déférence et de leur ingratitude.
9 Que tous ceux qui sont frappés au cœur par les vicissitudes et les déceptions de la vie interrogent froidement leur conscience ; qu’ils remontent de proche en proche à la source des maux qui les affligent, et ils verront si, le plus souvent, ils ne peuvent pas dire : Si j’avais fait, ou n’avais pas fait telle chose, je ne serais pas dans telle position.
10 A qui donc s’en prendre de toutes ces afflictions, si ce n’est à soi-même ? L’homme est ainsi, dans un grand nombre de cas, l’artisan de ses propres infortunes ; mais, au lieu de le reconnaître, il trouve plus simple, moins humiliant pour sa vanité d’en accuser le sort, la Providence, la chance défavorable, sa mauvaise étoile, tandis que sa mauvaise étoile est dans son incurie.
11 Les maux de cette nature forment assurément un très notable contingent dans les vicissitudes de la vie ; l’homme les évitera quand il travaillera à son amélioration morale autant qu’à son amélioration intellectuelle.
5. La loi humaine atteint certaines fautes et les punit ; le condamné peut donc se dire qu’il subit la conséquence de ce qu’il a fait ; mais la loi n’atteint pas et ne peut atteindre toutes les fautes ; elle frappe plus spécialement celles qui portent préjudice à la société, et non celles qui ne nuisent qu’à ceux qui les commettent. 2 Mais Dieu veut le progrès de toutes ses créatures ; c’est pourquoi il ne laisse impunie aucune déviation du droit chemin ; il n’est pas une seule faute, quelque légère qu’elle soit, pas une seule infraction à sa loi, qui n’ait des conséquences forcées et inévitables plus ou moins fâcheuses ; 3 d’où il suit que, dans les petites choses comme dans les grandes, l’homme est toujours puni par où il a péché. 4 Les souffrances qui en sont la suite sont pour lui un avertissement qu’il a mal fait ; elles lui donnent l’expérience, lui font sentir la différence du bien et du mal, et la nécessité de s’améliorer pour éviter à l’avenir ce qui a été pour lui une source de chagrins, sans cela il n’aurait aucun motif de s’amender ; 5 confiant dans l’impunité, il retarderait son avancement, et par conséquent son bonheur futur.
6 Mais l’expérience vient quelquefois un peu tard ; quand la vie a été gaspillée et troublée, que les forces sont usées et que le mal est sans remède, alors l’homme se prend à dire : Si au début de la vie j’avais su ce que je sais maintenant, que de faux pas j’aurais évités ! Si c’était à recommencer, je m’y prendrais tout autrement ; mais il n’est plus temps ! 7 Comme l’ouvrier paresseux dit : J’ai perdu ma journée, lui aussi se dit : J’ai perdu ma vie ; mais de même que pour l’ouvrier le soleil se lève le lendemain, et une nouvelle journée commence qui lui permet de réparer le temps perdu, pour lui aussi, après la nuit de la tombe, luira le soleil d’une nouvelle vie dans laquelle il pourra mettre à profit l’expérience du passé et ses bonnes résolutions pour l’avenir.
6. Mais s’il est des maux dont l’homme est la première cause dans cette vie, il en est d’autres auxquels il est, en apparence du moins, complètement étranger, et qui semblent le frapper comme par fatalité.
2 Telle est, par exemple, la perte d’êtres chéris, et celle des soutiens de famille ; tels sont encore les accidents que nulle prévoyance ne pouvait empêcher ; les revers de fortune qui déjouent toutes les mesures de prudence ; les fléaux naturels ; puis les infirmités de naissance, celles surtout qui ôtent à des malheureux les moyens de gagner leur vie par le travail : les difformités, l’idiotie, le crétinisme, etc.
3 Ceux qui naissent dans de pareilles conditions n’ont assurément rien fait dans cette vie pour mériter un sort si triste, sans compensation, qu’ils ne pouvaient éviter, qu’ils sont dans l’impuissance de changer par eux-mêmes, et qui les met à la merci de la commisération publique. Pourquoi donc des êtres si disgraciés, tandis qu’à côté, sous le même toit, dans la même famille, d’autres sont favorisés sous tous les rapports ?
4 Que dire enfin de ces enfants qui meurent en bas âge et n’ont connu de la vie que les souffrances ? Problèmes qu’aucune philosophie n’a encore pu résoudre, anomalies qu’aucune religion n’a pu justifier, et qui seraient la négation de la bonté, de la justice et de la providence de Dieu, dans l’hypothèse que l’âme est créée an même temps que le corps, et que son sort est irrévocablement fixé après un séjour de quelques instants sur la terre. 5 Qu’ont-elles fait, ces âmes qui viennent de sortir des mains du Créateur, pour endurer tant de misères ici-bas, et mériter dans l’avenir une récompense ou une punition quelconque, alors qu’elles n’ont pu faire ni bien ni mal ?
6 Cependant, en vertu de l’axiome que tout effet a une cause, ces misères sont des effets qui doivent avoir une cause ; et dès lors qu’on admet un Dieu juste, cette cause doit être juste. 7 Or, la cause précédant toujours l’effet, puisqu’elle n’est pas dans la vie actuelle, elle doit être antérieure à cette vie, c’est-à-dire appartenir à une existence précédente. 8 D’un autre côté, Dieu ne pouvant punir pour le bien qu’on a fait, ni pour le mal qu’on n’a pas fait, si nous sommes punis, c’est que nous avons fait le mal ; si nous n’avons pas fait le mal dans cette vie, nous l’avons fait dans une autre. 9 C’est une alternative à laquelle il est impossible d’échapper, et dans laquelle la logique dit de quel côté est la justice de Dieu.
10 L’homme n’est donc pas toujours puni, ou complètement puni dans son existence présente, mais il n’échappe jamais aux conséquences de ses fautes. 11 La prospérité du méchant n’est que momentanée, et s’il n’expie aujourd’hui, il expiera demain, tandis que celui qui souffre en est à l’expiation de son passé. 12 Le malheur qui, au premier abord, semble immérité, a donc sa raison d’être, et celui qui souffre peut toujours dire : « Pardonnez-moi, Seigneur, parce que j’ai péché. »
7. Les souffrances pour causes antérieures sont souvent, comme celles des fautes actuelles, la conséquence naturelle de la faute commise ; c’est-à-dire que, par une justice distributive rigoureuse, l’homme endure ce qu’il a fait endurer aux autres ; 2 s’il a été dur et inhumain, il pourra être à son tour traité durement et avec inhumanité ; s’il a été orgueilleux, il pourra naître dans une condition humiliante ; s’il a été avare, égoïste, ou s’il a fait un mauvais usage de sa fortune, il pourra être privé du nécessaire ; s’il a été mauvais fils, il pourra souffrir dans ses enfants, etc.
3 Ainsi s’expliquent, par la pluralité des existences, et par la destination de la terre, comme monde expiatoire, les anomalies que présente la répartition du bonheur et du malheur entre les bons et les méchants ici-bas. 4 Cette anomalie n’existe en apparence que parce qu’on ne prend son point de vue que de la vie présente ; 5 mais si l’on s’élève, par la pensée, de manière à embrasser une série d’existences, on verra qu’il est fait à chacun la part qu’il mérite, sans préjudice de celle qui lui est faite dans le monde des Esprits, et que la justice de Dieu n’est jamais interrompue.
6 L’homme ne doit jamais perdre de vue qu’il est sur un monde inférieur où il n’est maintenu que par ses imperfections. A chaque vicissitude, il doit se dire que s’il appartenait à un monde plus avancé cela n’arriverait pas, et qu’il dépend de lui de ne plus revenir ici-bas, en travaillant à son amélioration.
8. Les tribulations de la vie peuvent être imposées à des Esprits endurcis, ou trop ignorants pour faire un choix en connaissance de cause, 2 mais elles sont librement choisies et acceptées par des Esprits repentants qui veulent réparer le mal qu’ils ont fait et s’essayer à mieux faire. 3 Tel est celui qui, ayant mal fait sa tâche, demande à la recommencer pour ne pas perdre le bénéfice de son travail. 4 Ces tribulations sont donc à la fois des expiations pour le passé qu’elles châtient, et des épreuves pour l’avenir qu’elles préparent. 5 Rendons grâces à Dieu qui, dans sa bonté, accorde à l’homme la faculté de la réparation, et ne le condamne pas irrévocablement sur une première faute.
9. Il ne faudrait pas croire cependant que toute souffrance endurée ici-bas soit nécessairement l’indice d’une faute déterminée ; ce sont souvent de simples épreuves choisies par l’Esprit pour achever son épuration et hâter son avancement. 2 Ainsi l’expiation sert toujours d’épreuve, mais l’épreuve n’est pas toujours une expiation ; 3 mais, épreuves ou expiations, ce sont toujours les signes d’une infériorité relative, car ce qui est parfait n’a plus besoin d’être éprouvé. 4 Un Esprit peut donc avoir acquis un certain degré d’élévation, mais, voulant avancer encore, il sollicite une mission, une tâche à remplir, dont il sera d’autant plus récompensé, s’il en sort victorieux, que la lutte aura été plus pénible. 5 Telles sont plus spécialement ces personnes aux instincts naturellement bons, à l’âme élevée, aux nobles sentiments innés qui semblent n’avoir apporté rien de mauvais de leur précédente existence, et qui endurent avec une résignation toute chrétienne les plus grandes douleurs, demandant à Dieu de les supporter sans murmure. 6 On peut, au contraire, considérer comme expiations les afflictions qui excitent les murmures et poussent l’homme à la révolte contre Dieu.
7 La souffrance qui n’excite pas de murmures peut sans doute être une expiation, mais c’est l’indice qu’elle a été plutôt choisie volontairement qu’imposée, et la preuve d’une forte résolution, ce qui est un signe de progrès.
10. Les Esprits ne peuvent aspirer au parfait bonheur que lorsqu’ils sont purs : toute souillure leur interdit l’entrée des mondes heureux. 2 Tels sont les passagers d’un navire atteint de la peste, auxquels l’entrée d’une ville est interdite jusqu’à ce qu’ils se soient purifiés. 3 C’est dans leurs diverses existences corporelles que les Esprits se dépouillent peu à peu de leurs imperfections. 4 Les épreuves de la vie avancent quand on les supporte bien ; comme expiations, elles effacent les fautes et purifient ; c’est le remède qui nettoie la plaie et guérit le malade ; 5 plus le mal est grave, plus le remède doit être énergique. Celui donc qui souffre beaucoup doit se dire qu’il avait beaucoup à expier, et se réjouir d’être bientôt guéri ; il dépend de lui, par sa résignation, de rendre cette souffrance profitable, et de n’en pas perdre le fruit par ses murmures, sans quoi ce serait à recommencer pour lui.
11. C’est en vain qu’on objecte l’oubli comme un obstacle à ce que l’on puisse profiter de l’expérience des existences antérieures. Si Dieu a jugé à propos de jeter un voile sur le passé, c’est que cela devait être utile. 2 En effet, ce souvenir aurait des inconvénients très graves ; il pourrait, dans certains cas, nous humilier étrangement, ou bien aussi exalter notre orgueil, et par cela même entraver notre libre arbitre ; dans tous les cas, il eût apporté un trouble inévitable dans les relations sociales.
3 L’Esprit renaît souvent dans le même milieu où il a déjà vécu, et se trouve en relation avec les mêmes personnes, afin de réparer le mal qu’il leur a fait. S’il reconnaissait en elles celles qu’il a haïes, sa haine se réveillerait peut-être ; et dans tous les cas il serait humilié devant celles qu’il aurait offensées.
4 Dieu nous a donné, pour nous améliorer, juste ce qui nous est nécessaire et peut nous suffire : la voix de la conscience et nos tendances instinctives ; il nous ôte ce qui pourrait nous nuire.
5 L’homme apporte en naissant ce qu’il a acquis ; il naît ce qu’il s’est fait ; chaque existence est pour lui un nouveau point de départ ; peu lui importe de savoir ce qu’il a été : il est puni, c’est qu’il a fait le mal ; 6 ses tendances mauvaises actuelles sont l’indice de ce qui reste à corriger en lui, et c’est là sur quoi il doit concentrer toute son attention, car de ce dont il s’est complètement corrigé, il ne reste plus de trace. 7 Les bonnes résolutions qu’il a prises sont la voix de la conscience qui l’avertit de ce qui est bien ou mal, et lui donne la force de résister aux mauvaises tentations.
8 Du reste, cet oubli n’a lieu que pendant la vie corporelle. Rentré dans la vie spirituelle, l’Esprit retrouve le souvenir du passé : ce n’est donc qu’une interruption momentanée, comme celle qui a lieu dans la vie terrestre pendant le sommeil, et qui n’empêche pas de se souvenir le lendemain de ce qu’on a fait la veille et les jours précédents.
9 Ce n’est même pas seulement après la mort que l’Esprit recouvre le souvenir de son passé ; on peut dire qu’il ne le perd jamais, car l’expérience prouve que dans l’incarnation, pendant le sommeil du corps, alors qu’il jouit d’une certaine liberté, l’Esprit a la conscience de ses actes antérieurs ; il sait pourquoi il souffre, et qu’il souffre justement ; 10 le souvenir ne s’efface que pendant la vie extérieure de relations. Mais à défaut d’un souvenir précis qui pourrait lui être pénible et nuire à ses rapports sociaux, il puise de nouvelles forces dans ces instants d’émancipation de l’âme, s’il a su les mettre à profit.
12. Par ces mots : Bienheureux les affligés, car ils seront consolés, Jésus indique à la fois la compensation qui attend ceux qui souffrent, et la résignation qui fait bénir la souffrance comme le prélude de la guérison.
2 Ces mots peuvent encore être traduits ainsi : Vous devez vous estimer heureux de souffrir, parce que vos douleurs d’ici-bas sont la dette de vos fautes passées, et ces douleurs, endurées patiemment sur la terre, vous épargnent des siècles de souffrance dans la vie future. Vous devez donc être heureux que Dieu réduise votre dette en vous permettant de vous acquitter présentement, ce qui vous assure la tranquillité pour l’avenir.
3 L’homme qui souffre est semblable à un débiteur qui doit une grosse somme, et à qui son créancier dit : « Si vous m’en payez aujourd’hui même la centième partie, je vous tiens quitte de tout le reste, et vous serez libre ; si vous ne le faites pas, je vous poursuivrai jusqu’à ce que vous ayez payé la dernière obole. » Le débiteur ne serait-il pas heureux d’endurer toutes sortes de privations pour se libérer en payant seulement le centième de ce qu’il doit ? Au lieu de se plaindre de son créancier, ne lui dira-t-il pas merci ?
4 Tel est le sens de ces paroles : « Bienheureux les affligés, car ils seront consolés ; » ils sont heureux, parce qu’ils s’acquittent, et qu’après l’acquittement ils seront libres. 5 Mais si, tout en s’acquittant d’un côté, on s’endette de l’autre, on n’arrivera jamais à la libération. 6 Or, chaque faute nouvelle augmente la dette, parce qu’il n’en est pas une seule, quelle qu’elle soit, qui n’entraîne avec elle sa punition forcée, inévitable ; si ce n’est aujourd’hui, ce sera demain ; si ce n’est dans cette vie, ce sera dans l’autre. 7 Parmi ces fautes, il faut placer au premier rang le défaut de soumission à la volonté de Dieu ; 8 donc, si dans les afflictions on murmure, si on ne les accepte pas avec résignation et comme une chose que l’on a dû mériter, si l’on accuse Dieu d’injustice, on contracte une nouvelle dette qui fait perdre le bénéfice que l’on pouvait retirer de la souffrance ; 9 c’est pourquoi il faudra recommencer, absolument comme si, à un créancier qui vous tourmente, vous payez des acomptes, tandis qu’à chaque fois vous lui empruntez de nouveau.
10 A son entrée dans le monde des Esprits, l’homme est encore comme l’ouvrier qui se présente au jour de la paye. Aux uns le maître dira : « Voici le prix de vos journées de travail » ; à d’autres, aux heureux de la terre, à ceux qui auront vécu dans l’oisiveté, qui auront mis leur félicité dans les satisfactions de l’amour-propre et les joies mondaines, il dira : « A vous il ne revient rien, car vous avez reçu votre salaire sur la terre. Allez et recommencez votre tâche. »
13. L’homme peut adoucir ou accroître l’amertume de ses épreuves par la manière dont il envisage la vie terrestre. 2 Il souffre d’autant plus qu’il voit la durée de la souffrance plus longue ; 3 or, celui qui se place au point de vue de la vie spirituelle embrasse d’un coup d’œil la vie corporelle ; il la voit comme un point dans l’infini, en comprend la brièveté, et se dit que ce moment pénible est bien vite passé ; la certitude d’un avenir prochain plus heureux le soutient et l’encourage, et, au lieu de se plaindre, il remercie le ciel des douleurs qui le font avancer. 4 Pour celui, au contraire, qui ne voit que la vie corporelle, celle-ci lui paraît interminable, et la douleur pèse sur lui de tout son poids. 5 Le résultat de cette manière d’envisager la vie est de diminuer l’importance des choses de ce monde, de porter l’homme à modérer ses désirs, et à se contenter de sa position sans envier celle des autres, d’atténuer l’impression morale des revers et des mécomptes qu’il éprouve ; 6 il y puise un calme et une résignation aussi utiles à la santé du corps qu’à celle de l’âme, tandis que par l’envie, la jalousie et l’ambition, il se met volontairement à la torture, et ajoute ainsi aux misères et aux angoisses de sa courte existence.
14. Le calme et la résignation puisés dans la manière d’envisager la vie terrestre, et dans la foi en l’avenir, donnent à l’esprit une sérénité qui est le meilleur préservatif contre la folie et le suicide. 2 En effet, il est certain que la plupart des cas de folie sont dus à la commotion produite par les vicissitudes que l’homme n’a pas la force de supporter ; 3 si donc, par la manière dont le Spiritisme lui fait envisager les choses de ce monde, il prend avec indifférence, avec joie même, les revers et les déceptions qui l’eussent désespéré en d’autres circonstances, il est évident que cette force, qui le place au-dessus des événements, préserve sa raison des secousses qui, sans cela, l’eussent ébranlée.
15. Il en est de même du suicide ; si l’on en excepte ceux qui s’accomplissent dans l’ivresse et la folie et qu’on peut appeler inconscients, il est certain que, quels qu’en soient les motifs particuliers, il a toujours pour cause un mécontentement ; 2 or, celui qui est certain de n’être malheureux qu’un jour et d’être mieux les jours suivants, prend aisément patience ; il ne se désespère que s’il ne voit pas de terme à ses souffrances. Qu’est-ce donc que la vie humaine par rapport à l’éternité, sinon bien moins qu’un jour ? 3 Mais pour celui qui ne croit pas à l’éternité, qui croit que tout finit en lui avec la vie, s’il est accablé par le chagrin et l’infortune, il n’y voit de terme que dans la mort ; n’espérant rien, il trouve tout naturel, très logique même, d’abréger ses misères par le suicide.
16. L’incrédulité, le simple doute sur l’avenir, les idées matérialistes en un mot, sont les plus grands excitants au suicide : elles donnent la lâcheté morale. 2 Et quand on voit des hommes de science s’appuyer sur l’autorité de leur savoir pour s’efforcer de prouver à leurs auditeurs ou à leurs lecteurs qu’ils n’ont rien à attendre après la mort, n’est-ce pas les amener à cette conséquence que, s’ils sont malheureux, ils n’ont rien de mieux à faire que de se tuer ? Que pourraient-ils leur dire pour les en détourner ? Quelle compensation peuvent-ils leur offrir ? Quelle espérance peuvent-ils leur donner ? Rien autre chose que le néant. D’où il faut conclure que si le néant est le seul remède héroïque, la seule perspective, mieux vaut y tomber tout de suite que plus tard, et souffrir ainsi moins longtemps.
3 La propagation des idées matérialistes est donc le poison qui inocule chez un grand nombre la pensée du suicide, et ceux qui s’en font les apôtres assument sur eux une terrible responsabilité. 4 Avec le Spiritisme le doute n’étant plus permis, l’aspect de la vie change ; le croyant sait que la vie se prolonge indéfiniment au-delà de la tombe, mais dans de tout autres conditions ; de là la patience et la résignation qui détournent tout naturellement de la pensée du suicide ; de là, en un mot, le courage moral.
17. Le Spiritisme a encore, sous ce rapport, un autre résultat tout aussi positif, et peut-être plus déterminant. Il nous montre les suicidés eux-mêmes venant rendre compte de leur position malheureuse, et prouver que nul ne viole impunément la loi de Dieu, qui défend à l’homme d’abréger sa vie. 2 Parmi les suicidés, il en est dont la souffrance, pour n’être que temporaire au lieu d’être éternelle, n’en est pas moins terrible, et de nature à donner à réfléchir à quiconque serait tenté de partir d’ici avant l’ordre de Dieu.3 Le spirite a donc pour contrepoids à la pensée du suicide plusieurs motifs : 4 la certitude d’une vie future dans laquelle il sait qu’il sera d’autant plus heureux qu’il aura été plus malheureux et plus résigné sur la terre ; 5 la certitude qu’en abrégeant sa vie il arrive juste à un résultat tout autre que celui qu’il espérait ; 6 qu’il s’affranchit d’un mal pour en avoir un pire, plus long et plus terrible ; 7 qu’il se trompe s’il croit, en se tuant, aller plus vite au ciel ; 8 que le suicide est un obstacle à ce qu’il rejoigne dans l’autre monde les objets de ses affections qu’il espérait y retrouver ; 9 d’où la conséquence que le suicide, ne lui donnant que des déceptions, est contre ses propres intérêts. 10 Aussi le nombre des suicides empêchés par le Spiritisme est-il considérable, et l’on peut en conclure que lorsque tout le monde sera spirite, il n’y aura plus de suicides conscients.
11 En comparant donc les résultats des doctrines matérialistes et spirites au seul point de vue du suicide, on trouve que la logique de l’une y conduit, tandis que la logique de l’autre en détourne, ce qui est confirmé par l’expérience.
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