Quand on considère l’état actuel de la société, on est tenté de regarder sa transformation comme un miracle. Eh bien ! c’est un miracle que le Spiritisme peut et doit accomplir, parce qu’il est dans les desseins de Dieu, et à l’aide de son mot d’ordre : Hors la charité point de salut. Que la société prenne cette maxime pour devise et y conforme sa conduite, au lieu de celle-ci qui est à l’ordre du jour : La charité bien ordonnée commence par soi, et tout change. Le tout est de la faire accepter.
Le mot charité, vous le savez, Messieurs, a une acception très étendue. Il y a la charité en pensées, en paroles et en actions ; elle n’est pas seulement dans l’aumône. Celui-là est charitable en pensées qui est indulgent pour les fautes de son prochain ; charitable en paroles, qui ne dit rien qui puisse nuire à son prochain ; charitable en actions, qui assiste son prochain dans la mesure de ses forces. Le pauvre qui partage son morceau de pain avec un plus pauvre que lui est plus charitable et a plus de mérite aux yeux de Dieu que celui qui donne de son superflu sans se priver de rien. Quiconque nourrit contre son prochain des sentiments de haine, d’animosité, de jalousie, de rancune, manque de charité. La charité est la contre-partie de l’égoïsme ; l’une est l’abnégation de la personnalité, l’autre l’exaltation de la personnalité ; l’une dit : Pour vous d’abord et pour moi ensuite ; l’autre : Pour moi d’abord, et pour vous s’il en reste. La première est toute dans cette parole du Christ : « Faites pour les autres ce que vous voudriez qu’on fît pour vous » ( † ) ; en un mot, elle s’applique, sans exception, à tous les rapports sociaux. Convenez que si tous les membres d’une société agissaient selon ce principe, il y aurait moins de déceptions dans la vie. Dès que deux hommes sont ensemble, ils contractent, par cela même, des devoirs réciproques ; s’ils veulent vivre en paix, ils sont obligés de se faire des concessions mutuelles. Ces devoirs augmentent avec le nombre des individus ; les agglomérations forment des touts collectifs qui ont aussi leurs obligations respectives ; vous avez donc outre les rapports d’individu à individu, ceux de ville à ville, de province à province, de contrée à contrée. Ces rapports peuvent avoir deux mobiles qui sont la négation l’un de l’autre : l’égoïsme et la charité, car il y a aussi l’égoïsme national. Avec l’égoïsme, l’intérêt personnel passe avant tout, chacun tire à soi, chacun ne voit dans son semblable qu’un antagoniste, un rival qui peut marcher sur nos brisées, qui peut nous exploiter ou que nous pouvons exploiter ; c’est à qui coupera l’herbe sous le pied de son voisin : la victoire est au plus adroit, et la société, chose triste à dire, consacre souvent cette victoire, ce qui fait qu’elle se partage en deux classes principales : les exploiteurs et les exploités. Il en résulte un antagonisme perpétuel qui fait de la vie un tourment, un véritable enfer. Remplacez l’égoïsme par la charité, et tout change ; nul ne cherchera à faire de tort à son voisin ; les haines et les jalousies s’éteindront faute d’aliment, et les hommes vivront en paix, s’entraidant au lieu de se déchirer. La charité remplaçant l’égoïsme, toutes les institutions sociales seront fondées sur le principe de la solidarité et de la réciprocité ; le fort protégera le faible au lieu de l’exploiter.
C’est un beau rêve, dira-t-on ; malheureusement, ce n’est qu’un rêve ; l’homme est égoïste par nature, par besoin, et le sera toujours. S’il en était ainsi, ce serait triste, et il faudrait alors se demander dans quel but le Christ est venu prêcher la charité aux hommes ; autant aurait valu la prêcher aux animaux. Examinons cependant.
Y a-t-il progrès du sauvage à l’homme civilisé ? Ne cherche-t-on pas tous les jours, à adoucir les mœurs des sauvages ? Dans quel but, si l’homme est incorrigible ? Étrange bizarrerie ! vous espérez corriger des sauvages, et vous pensez que l’homme civilisé ne peut s’améliorer ! Si l’homme civilisé avait la prétention d’avoir atteint la dernière limite du progrès accessible à l’espèce humaine, il suffirait de comparer les mœurs, le caractère, la législation, les institutions sociales d’aujourd’hui avec celles d’autrefois ; et cependant les hommes d’autrefois croyaient, eux aussi, avoir atteint le dernier échelon. Qu’eût répondu un grand seigneur du temps de Louis XIV si on lui eût dit qu’il pouvait y avoir un ordre de choses meilleur, plus équitable, plus humain que celui d’alors ? que ce régime plus équitable serait l’abolition des privilèges de castes, et l’égalité du grand et du petit devant la loi ? L’audacieux qui aurait dit cela eût peut-être payé cher sa témérité.
Concluons de là que l’homme est éminemment perfectible, et que les plus avancés d’aujourd’hui pourront sembler aussi arriérés dans quelques siècles que ceux du moyen-âge le sont par rapport à nous. Nier le fait serait nier le progrès qui est une loi de la nature.
Quoique l’homme ait gagné au point de vue moral, il faut convenir cependant que le progrès s’est plus accompli dans le sens intellectuel ; pourquoi cela ? C’est encore là un de ces problèmes qu’il était donné au Spiritisme de nous expliquer ; en nous montrant que le moral et l’intelligence sont deux voies qui marchent rarement de front ; tandis que l’homme fait quelques pas dans l’une, il reste en arrière dans l’autre ; mais plus tard il regagne le terrain qu’il avait perdu, et les deux forces finissent par s’équilibrer dans les incarnations successives. L’homme est arrivé à une période où les sciences, les arts et l’industrie ont atteint une limite inconnue jusqu’à ce jour ; si les jouissances qu’il en tire satisfont la vie matérielle, elles laissent un vide dans l’âme ; l’homme aspire à quelque chose de mieux : il rêve de meilleures institutions ; il veut la vie, le bonheur, l’égalité, la justice pour tous ; mais comment y atteindre avec les vices de la société, avec l’égoïsme surtout ? L’homme voit donc la nécessité du bien pour être heureux ; il comprend que le règne du bien peut seul lui donner le bonheur auquel il aspire ; ce règne, il le pressent, car instinctivement, il a foi en la justice de Dieu, et une voix secrète lui dit qu’une ère nouvelle va s’ouvrir.
Comment cela arrivera-t-il ? Puisque le règne du bien est incompatible avec l’égoïsme, il faut la destruction de l’égoïsme ; or, qui peut le détruire ? La prédominance du sentiment d’amour, qui porte les hommes à se traiter en frères et non en ennemis. La charité, c’est la base, la pierre angulaire de tout édifice social ; sans elle, l’homme ne bâtira que sur du sable. Que les efforts et surtout les exemples de tous les hommes de bien tendent donc à la propager ; qu’ils ne se découragent s’ils voient une recrudescence dans les mauvaises passions ; elles sont les ennemies du bien, et en le voyant avancer, elles doivent se ruer contre lui ; mais Dieu a permis que, par leurs propres excès mêmes, elles se tuent ; le paroxysme d’un mal est toujours le signe qu’il touche à sa fin.
Je viens de dire que sans la charité l’homme ne bâtit que sur le sable ; un exemple le fera mieux comprendre.
Quelques hommes bien intentionnés, touchés des souffrances d’une partie de leurs semblables, ont cru trouver le remède au mal dans certains systèmes de réforme sociale. A quelques différences près, le principe est à peu près le même dans tous, quel que soit le nom qu’on leur donne. Vie commune pour être moins onéreuse ; communauté de biens pour que chacun ait quelque chose ; participation de tous à l’œuvre commune ; point de grandes richesses, mais aussi point de misère. Cela était fort séduisant pour celui qui, n’ayant rien, voyait déjà la bourse du riche entrer dans le fond social, sans calculer que la totalité des richesses mises en commun créerait une misère générale au lieu d’une misère partielle ; que l’égalité établie aujourd’hui serait rompue demain par la mobilité de la population et la différence entre les aptitudes ; que l’égalité permanente des biens suppose l’égalité des capacités et du travail. Mais là n’est pas la question ; il n’entre pas dans mon cadre d’examiner le fort et le faible de ces systèmes ; je fais abstraction des impossibilités dont je viens de parler, et me propose de les envisager à un autre point de vue dont je ne sache pas qu’on se soit encore préoccupé, et qui se rattache à notre sujet.
Les auteurs, fondateurs ou promoteurs de tous ces systèmes, sans exception, ne se sont proposé que l’organisation de la vie matérielle d’une manière profitable pour tous. Le but est louable sans contredit ; reste à savoir si, à cet édifice, il ne manque pas la base qui seule pourrait le consolider, en admettant qu’il fût praticable.
La communauté est l’abnégation la plus complète de la personnalité ; chacun devant payer de sa personne, elle requiert le dévouement le plus absolu. Or, le mobile de l’abnégation et du dévouement, c’est la charité, c’est-à-dire l’amour du prochain. Mais nous avons reconnu que le fondement de la charité, c’est la croyance ; que le défaut de croyance conduit au matérialisme, et le matérialisme à l’égoïsme. Dans un système qui, de sa nature, requiert pour sa stabilité les vertus morales au suprême degré, il fallait prendre le point de départ dans l’élément spirituel ; eh bien ! non-seulement il n’en est tenu aucun compte, le côté matériel étant le but unique, mais plusieurs sont fondés sur une doctrine matérialiste hautement avouée, ou sur un panthéisme, sorte de matérialisme déguisé ; c’est-à-dire décorés du beau nom de fraternité ; mais la fraternité, pas plus que la charité, ne s’impose ni ne se décrète ; il faut qu’elle soit dans le cœur ; ce n’est pas le système qui l’y fera naître si elle n’y est déjà, tandis que le défaut contraire ruinera le système et le fera tomber dans l’anarchie, parce que chacun voudra tirer à soi. L’expérience est là pour prouver qu’il n’étouffe ni les ambitions ni la cupidité. Avant de faire la chose pour les hommes, il fallait former les hommes pour la chose, comme on forme des ouvriers avant de leur confier un travail ; avant de bâtir, il faut s’assurer de la solidité des matériaux. Ici les matériaux solides sont les hommes de cœur, de dévouement et d’abnégation. Avec l’égoïsme, l’amour et la fraternité sont de vains mots, ainsi que nous l’avons dit ; comment donc, sous l’empire de l’égoïsme, fonder un système qui requiert l’abnégation à un degré d’autant plus grand, qu’il a pour principe essentiel la solidarité de tous pour chacun et de chacun pour tous ? Quelques-uns ont quitté le sol natal pour aller fonder au loin des colonies sous le régime de la fraternité ; ils ont voulu fuir l’égoïsme qui les écrasait, mais l’égoïsme les a suivis, et là encore il s’est trouvé des exploiteurs et des exploités, parce que la charité a fait défaut. Ils ont cru qu’il leur suffisait d’emmener le plus de bras possible, sans songer qu’ils emmenaient en même temps les vers rongeurs de leur institution, ruinée d’autant plus vite qu’ils n’avaient en eux ni une force morale ni une force matérielle suffisantes.
Ce qu’il leur fallait, c’était moins des bras nombreux que des cœurs solides ; malheureusement beaucoup ne les ont suivis que parce que, n’ayant rien su faire ailleurs, ils ont cru s’affranchir de certaines obligations personnelles ; ils n’ont vu qu’un but séduisant, sans voir la route épineuse pour l’atteindre. Déçus dans leurs espérances, en reconnaissant qu’avant de jouir il fallait beaucoup travailler, beaucoup sacrifier, beaucoup souffrir, ils ont eu pour perspective le découragement et le désespoir ; vous savez ce qu’il est advenu de la plupart. Leur tort est d’avoir voulu bâtir un édifice en commençant par le faîte, avant d’avoir assis des fondements solides. Étudiez l’histoire et la cause de la chute des États les plus florissants, et partout vous verrez la main de l’égoïsme, de la cupidité, de l’ambition.
Sans la charité, il n’y a pas d’institution humaine stable, et il n’y a ni charité ni fraternité possibles, dans la véritable acception du mot, sans la croyance. Appliquez-vous donc à développer ces sentiments qui, en grandissant, tueront l’égoïsme qui vous tue. Quand la charité aura pénétré les masses, quand elle sera devenue la foi, la religion de la majorité, alors vos institutions s’amélioreront d’elles-mêmes par la force des choses ; les abus, nés du sentiment de la personnalité, disparaîtront. Enseignez donc la charité, et surtout, prêchez d’exemple : c’est l’ancre de salut de la société. Elle seule peut amener le règne du bien sur la terre, qui est le règne de Dieu ; sans elle, quoi que vous fassiez, vous ne créerez que des utopies dont vous ne retirerez que des déceptions. Si le Spiritisme est une vérité, s’il doit régénérer le monde, c’est parce qu’il a pour base la charité. Il ne vient ni renverser le culte, ni en établir un nouveau ; il proclame et prouve les vérités communes à tous, bases de toutes les religions, sans se préoccuper des points de détail. Il ne vient détruire qu’une chose : le matérialisme, qui est la négation de toute religion ; ne renverser qu’un seul temple : celui de l’égoïsme et de l’orgueil, et donner une sanction pratique à ces paroles du Christ qui sont toute sa loi : Aimez votre prochain comme vous-mêmes. Ne vous étonnez donc pas qu’il ait pour adversaires les adorateurs du veau d’or, dont il vient briser les autels. Il a naturellement contre lui ceux qui trouvent sa morale gênante, ceux qui auraient volontiers pactisé avec les Esprits et leurs manifestations, si les Esprits se fussent contentés de les amuser ; s’ils n’étaient venus rabaisser leur orgueil, leur prêcher l’abnégation, le désintéressement et l’humilité. Laissez-les dire et faire ; les choses n’en suivront pas moins la marche qui est dans les desseins de Dieu.
Le Spiritisme, par sa puissante révélation, vient donc hâter la réforme sociale. Ses adversaires riront sans doute de cette prétention, et cependant elle n’a rien de présomptueux. Nous avons démontré que l’incrédulité, le simple doute sur l’avenir, porte l’homme à se concentrer sur la vie présente, ce qui tout naturellement développe le sentiment d’égoïsme. Le seul remède au mal est de concentrer son attention sur un autre point et de le dépayser, pour ainsi dire, afin de lui faire perdre ses habitudes. Le Spiritisme, en prouvant d’une manière patente l’existence du monde invisible, amène forcément un ordre d’idées tout autre, car il élargit l’horizon moral borné à la terre. L’importance de la vie corporelle diminue à mesure que grandit celle de la vie spirituelle ; tout naturellement on se place à un autre point de vue, et ce qui nous semblait une montagne ne nous paraît plus qu’un grain de sable ; les vanités, les ambitions d’ici-bas deviennent des puérilités, des hochets d’enfants en présence de l’avenir grandiose qui nous attend. Tenant moins aux choses terrestres, on cherche moins à se satisfaire aux dépens des autres ; d’où une diminution dans le sentiment d’égoïsme.
Le Spiritisme ne se borne pas à prouver le monde invisible ; par les exemples qu’il déroule à nos yeux, il nous le montre dans sa réalité, et non tel que l’imagination l’avait fait concevoir ; il nous le montre peuplé d’êtres heureux ou malheureux, mais il prouve que la charité, la souveraine loi du Christ, peut seule y assurer le bonheur. D’un autre côté, nous voyons la société terrestre s’entre-déchirer sous l’empire de l’égoïsme, tandis qu’elle vivrait heureuse et paisible sous celui de la charité. Tout est donc bénéfice pour l’homme avec la charité : bonheur en ce monde et bonheur en l’autre. Ce n’est plus, selon l’expression d’un matérialiste, un sacrifice de dupes ; c’est, selon celle du Christ : de l’argent placé au centuple. Avec le Spiritisme, l’homme comprend qu’il a tout à gagner à faire le bien, et tout à perdre à faire le mal ; or, entre, je ne dirai pas la chance, mais la certitude de perdre ou de gagner, le choix ne saurait être douteux. Donc la propagation de l’idée spirite tend nécessairement à rendre les hommes meilleurs les uns pour les autres. Ce qu’il fait aujourd’hui sur les individus, il le fera sur les masses quand il sera généralement répandu. Tâchons donc de le répandre dans l’intérêt de tous.
Je prévois une objection que l’on pourrait faire en disant que, selon ces idées, la pratique du bien serait un calcul intéressé. A cela je réponds que l’Église, en promettant les joies du ciel ou en menaçant des flammes de l’enfer, conduit elle-même les hommes par l’espérance et la crainte ; que le Christ lui-même a dit que ce que l’on donne en ce monde sera rendu au centuple. Sans doute, il y a plus de mérite à faire le bien spontanément sans penser aux conséquences, mais tous les hommes n’en sont pas encore arrivés là, et il vaut encore mieux faire le bien avec ce stimulant que de ne pas le faire du tout.
On dit quelquefois des gens qui font le bien sans dessein prémédité et pour ainsi dire sans s’en douter, qu’ils n’ont pas de mérite, parce qu’ils n’ont point d’efforts à faire ; c’est une erreur. L’homme n’arrive à rien sans efforts ; celui qui n’a plus à en faire dans cette existence a dû lutter dans une précédente, et le bien a fini par s’identifier avec lui, c’est pourquoi il lui semble tout naturel ; il en est chez lui du bien, comme chez d’autres des idées qui, elles aussi, ont leur source dans un travail antérieur. C’est encore un des problèmes que le Spiritisme vient résoudre. Les hommes de bien ont donc eu aussi le mérite de la lutte ; pour eux la victoire est remportée, les autres ont encore à vaincre ; voilà pourquoi, comme à des enfants, il faut un stimulant, c’est-à-dire un but à atteindre ou, si vous le voulez, un prix à remporter.
Une autre objection plus sérieuse est celle-ci. Si le Spiritisme produit tous ces résultats, les Spirites doivent être les premiers à en profiter ; l’abnégation, le dévouement désintéressé, l’indulgence pour autrui, l’abstention absolue de toute parole ou de tout acte pouvant nuire au prochain, la charité, en un mot, dans sa plus pure acception, doit être la règle invariable de leur conduite ; ils ne doivent connaître ni l’orgueil, ni la jalousie, ni l’envie, ni la rancune, ni les sottes vanités, ni les puériles susceptibilités d’amour-propre ; ils doivent faire le bien pour le bien, avec modestie et sans ostentation, en pratiquant cette maxime du Christ : « Que votre main gauche ne sache pas ce que donne votre main droite », ( † ) nul ne méritera qu’on lui applique ce vers de Racine : Un bienfait reproché tient toujours lieu d’offense.
Enfin, la plus parfaite harmonie doit régner entre eux. Pourquoi donc cite-t-on des exemples qui semblent contredire l’efficacité de ces belles maximes ?
Dans le principe des manifestations spirites, beaucoup les ont acceptées sans en prévoir les conséquences ; la plupart n’y ont vu que des effets plus ou moins curieux ; mais lorsqu’il en est sorti une morale sévère, des devoirs rigoureux à remplir, beaucoup ne se sont pas senti la force de la pratiquer et de s’y conformer ; ils n’ont eu le courage ni du dévouement, ni de l’abnégation, ni de l’humilité ; chez eux, la nature corporelle l’a emporté sur la nature spirituelle ; ils ont pu croire, mais ils ont reculé devant l’exécution. Il n’y avait donc, dans l’origine, que des Spirites, c’est-à-dire des croyants ; la philosophie et la morale ont ouvert à cette science un horizon nouveau, et créé des Spirites Pratiquants ; les uns sont restés en arrière, les autres sont allés en avant.
Plus la morale a été sublime, plus elle a fait ressortir les imperfections de ceux qui n’ont pas voulu la suivre, comme une lumière éclatante fait ressortir les ombres ; c’était un miroir : quelques-uns n’ont pas voulu s’y regarder ou, croyant s’y reconnaître, ont préféré jeter la pierre à qui le leur montrait. Telle est encore la cause de certaines animosités ; mais, je suis heureux de le dire, ce sont là des exceptions ; quelques petites noires sur un immense tableau et qui ne sauraient en altérer l’éclat. Elles appartiennent en grande partie à ce qu’on pourrait appeler les Spirites de première formation ; quant à ceux qui se sont formés depuis et se forment chaque jour, la grande majorité a accepté la doctrine précisément à cause de sa morale et de sa philosophie, c’est pourquoi ils s’efforcent de pratiquer. Prétendre qu’ils doivent tous être devenus parfaits, ce serait méconnaître la nature de l’humanité ; mais n’auraient-ils dépouillé que quelques parties du vieil homme, ce serait toujours un progrès dont il faut tenir compte ; ceux-là seuls sont inexcusables aux yeux de Dieu, qui, étant bien et dûment éclairés, n’en auraient pas profité comme ils le pouvaient ; à ceux-là, certes, il sera demandé un compte sévère dont ils pourront, ainsi que nous en avons de nombreux exemples, subir les conséquences dès ici-bas ; mais, à côté de ceux-là, il en est beaucoup aussi en qui il s’est opéré une véritable métamorphose ; qui ont trouvé dans cette croyance la force de vaincre des penchants depuis longtemps enracinés, de rompre avec de vieilles habitudes, de faire taire les ressentiments et les inimitiés, de rapprocher les distances sociales. On demande au Spiritisme des miracles : voilà ceux qu’il produit.
Ainsi, par la force des choses, le Spiritisme aura pour conséquence inévitable l’amélioration morale ; cette amélioration conduira à la pratique de la charité, et de la charité naîtra le sentiment de la fraternité. Lorsque les hommes seront imbus de ces idées, ils y conformeront leurs institutions, et c’est ainsi qu’ils amèneront naturellement et sans secousse toutes les réformes désirables ; c’est la base sur laquelle ils assoiront l’édifice social futur.
Cette transformation est inévitable, parce qu’elle est selon la loi du progrès ; mais si elle ne suit que la marche naturelle des choses, son accomplissement peut être encore fort long. Si nous en croyons la révélation des Esprits, il serait dans les desseins de Dieu de l’activer, et nous sommes aux temps prédits pour cela ; la concordance des communications sous ce rapport est un fait digne de remarque ; de toutes parts il est dit que nous touchons à l’ère nouvelle, et que de grandes choses vont s’accomplir. On aurait tort cependant de croire le monde menacé d’un cataclysme matériel ; en scrutant les paroles du Christ, il est évident qu’en cette circonstance, comme en beaucoup d’autres, il a parlé d’une manière allégorique. La rénovation de l’humanité, le règne du bien succédant au règne du mal, sont d’assez grandes choses qui peuvent s’accomplir, sans qu’il soit besoin d’englober le monde dans un naufrage universel, ni de faire apparaître des phénomènes extraordinaires, ni de déroger aux lois naturelles. C’est toujours en ce sens que les Esprits se sont exprimés.
La terre étant arrivée au temps marqué pour devenir un séjour heureux, et s’élever ainsi dans la hiérarchie des mondes, il suffit à Dieu de ne plus permettre aux Esprits imparfaits de s’y réincarner ; d’en éloigner ceux qui, par orgueil, leur incrédulité, leurs mauvais instincts, en un mot, seraient un obstacle au progrès et troubleraient la bonne harmonie, comme vous le faites vous-même dans une assemblée où vous voulez avoir la paix et la tranquillité, et d’où vous écartez ceux qui pourraient y porter le désordre ; comme on expulse d’un pays les malfaiteurs que l’on relègue dans des contrées lointaines. Que dans la race, ou mieux, pour nous servir des paroles du Christ, dans la génération des Esprits envoyés en expiation sur la terre, ceux qui sont demeurés incorrigibles disparaissent, et qu’ils soient remplacés par une génération d’Esprits plus avancés, il suffit pour cela d’une génération d’hommes et de la volonté de Dieu qui peut aussi, par des événements inattendus, quoique très naturels, activer leur départ d’ici. Si donc, comme cela est dit, la plupart des enfants qui naissent aujourd’hui appartiennent à la nouvelle génération d’Esprits meilleurs, les autres s’en allant chaque jour pour ne plus revenir, il est évident, que dans un temps donné, il peut y avoir un renouvellement complet. Que deviendront les Esprits exilés ? Ils iront dans des mondes inférieurs expier leur endurcissement par de longs siècles de terribles épreuves, car eux aussi sont des anges rebelles, puisqu’ils ont méconnu la puissance de Dieu, et se sont révoltés contre ses lois que Christ était venu leur rappeler. n
Quoi qu’il en soit, rien ne se fait brusquement dans la nature ; le vieux levain laissera encore pendant quelque temps des traces qui s’effaceront peu à peu. Quand les Esprits nous disent, et ils le disent partout, que nous touchons à ce moment, ne croyez pas que nous allons être témoins d’un changement à vue ; ils entendent que nous sommes au moment de la transition ; nous assistons au départ des anciens, et à l’arrivée des nouveaux qui viennent fonder le nouvel ordre de choses, c’est-à-dire le règne de la justice et de la charité qui est le véritable règne de Dieu prédit par les prophètes, et dont le Spiritisme vient préparer les voies.
Vous le voyez, messieurs, nous sommes déjà bien loin des tables tournantes, et pourtant à peine quelques années nous séparent de ce berceau du Spiritisme ! Quiconque eût été assez audacieux alors pour prédire ce qu’il en serait aujourd’hui, eût passé pour un insensé aux yeux même des adeptes. En voyant une petite graine, qui pourrait comprendre, s’il ne l’avait vu, qu’il en sortira un arbre immense ? En voyant l’enfant né dans une étable d’un pauvre village de Judée, † qui pouvait croire que, sans faste et sans puissance mondaine, sa simple voix remuerait le monde, assisté seulement de quelques pêcheurs ignorants et pauvres comme lui ? Il en est ainsi du Spiritisme qui, sorti d’un humble et vulgaire phénomène, étend déjà ses racines de toutes parts, et dont bientôt les rameaux abriteront toute la terre ? C’est que les choses vont vite quand Dieu le veut ; et qui ne verrait là le doigt de Dieu, car rien n’arrive sans sa volonté !
En voyant la marche irrésistible des choses, vous pouvez dire aussi, comme jadis les Croisés marchant à la conquête de la Terre-Sainte : Dieu le veut ! mais avec cette différence qu’ils marchaient le fer et le feu à la main, tandis que vous n’avez pour arme que la charité qui, au lieu de faire des blessures mortelles, verse un baume salutaire sur les cœurs endoloris ; et avec cette arme pacifique, qui brille aux yeux comme un rayon divin, et non comme un fer meurtrier, qui sème l’espérance et non la crainte, vous avez en quelques années ramené au bercail de la foi plus de brebis égarées que n’eussent pu le faire plusieurs siècles de violence et de contrainte. C’est avec la charité pour guide que le Spiritisme marche à la conquête du monde.
Est-ce une chimère, un rêve fantastique dont je vous ai tracé le tableau ? Non ; la raison, la logique, l’expérience, tout dit que c’est une réalité.
Spirites ! vous êtes les premiers pionniers de cette grande œuvre ; rendez-vous dignes de cette glorieuse mission dont les premiers vous recueillerez les fruits ; prêchez de paroles, mais surtout prêchez d’exemple ; faites qu’en vous voyant on ne puisse pas dire que les maximes que vous enseignez sont de vains mots dans votre bouche. A l’exemple des apôtres, faites des miracles, Dieu vous en a accordé le don ; non des miracles pour frapper les sens, mais des miracles de charité et d’amour ; soyez bons pour vos frères ; soyez bons pour tout le monde ; soyez bons pour vos ennemis ! A l’exemple des apôtres, chassez les démons, vous en avez le pouvoir, et ils pullulent autour de vous ; ce sont les démons de l’orgueil, de l’ambition, de l’envie, de la jalousie, de la cupidité, de la sensualité qui soufflent toutes les mauvaises passions et secouent parmi vous les brandons de discorde ; chassez-les de vos cœurs, afin que vous ayez la force de les chasser du cœur des autres. Faites ces miracles, et Dieu vous bénira, et les générations futures vous béniront, comme celles d’aujourd’hui bénissent les premiers chrétiens dont beaucoup revivent parmi vous pour assister et concourir au couronnement de l’œuvre du Christ ; faites ces miracles, et vos noms seront inscrits glorieusement dans les annales du Spiritisme ; n’en ternissez pas l’éclat par des sentiments et des actes indignes de vrais Spirites, de Spirites Chrétiens ; dépouillez au plus tôt ce qui pourrait encore rester en vous du vieux levain ; songez que d’un moment à l’autre, demain peut-être, l’ange de la mort peut venir frapper à votre porte et vous dire : Dieu t’appelle pour lui rendre compte de ce que tu as fait de sa parole, de la parole de son Fils qu’il t’a fait répéter par ses bons Esprits. Soyez donc toujours prêts à partir, et ne faites pas comme le voyageur imprudent qui est pris au dépourvu ; faites vos provisions d’avance, c’est-à-dire provisions de bonnes œuvres et de bons sentiments, car malheur à celui que le moment fatal surprendrait avec la haine, l’envie ou la jalousie dans le cœur ; ce seraient les mauvais Esprits qui lui feraient escorte, et se réjouiraient des malheurs qui l’attendent, car ces malheurs seraient leur œuvre ; et vous savez, Spirites, quels sont ces malheurs : ceux qui les endurent viennent eux-mêmes vous décrire leurs souffrances. A ceux, au contraire, qui se présenteront purs, les Bons Esprits viendront tendre la main en leur disant : Frères, soyez les bienvenus au céleste séjour, où vous attendent les chants d’allégresse !
Vos adversaires pourront rire de vos croyances aux Esprits et à leurs manifestations, mais ils ne riront pas des qualités que donnent ces croyances ; ils ne riront pas quand ils verront des ennemis se pardonner au lieu de se haïr, la paix renaître entre des proches divisés, l’incrédule d’autrefois prier aujourd’hui, l’homme violent et colère devenu doux et paisible, le débauché devenu rangé et bon père de famille, l’orgueilleux devenu humble, l’égoïste devenu charitable ; ils ne riront pas quand ils verront qu’ils n’ont plus à craindre la vengeance de leur ennemi devenu Spirite ; le riche ne rira pas quand il verra le pauvre ne plus envier sa fortune, et le pauvre bénira le riche devenu plus humain et plus généreux, au lieu de le jalouser ; les chefs ne riront plus de leurs subordonnés et ne les molesteront plus quand ils les verront plus scrupuleux et plus consciencieux dans l’accomplissement de leurs devoirs ; les maîtres enfin encourageront leurs serviteurs et leurs tenanciers, quand ils les verront, sous l’empire de la foi spirite, plus fidèles, plus dévoués et plus sincères ; tous diront que le Spiritisme est bon à quelque chose, ne fût-ce qu’à sauvegarder leurs intérêts matériels : tant pis pour eux s’ils ne voient pas au-delà. Sous l’empire de cette même foi, le militaire est plus discipliné, plus humain, plus facile à conduire ; il a le sentiment du devoir, et il obéit plus par raison que par crainte. C’est ce que constatent tous les chefs imbus de ces principes, et ils sont nombreux ; aussi font-ils des voeux pour qu’aucune entrave ne s’oppose à la propagation de ces idées parmi leurs inférieurs.
Voilà, messieurs les rieurs, ce que produit le Spiritisme, cette utopie du dix-neuvième siècle, partiellement encore, il est vrai, mais déjà on reconnaît cette influence, et bientôt on comprendra qu’on a tout à gagner à sa promulgation ; que son influence est une garantie de sécurité pour les relations sociales, parce qu’il est le frein le plus puissant opposé aux passions mauvaises, aux effervescences désordonnées, en montrant le lien d’amour et de fraternité qui doit unir le grand au petit et le petit au grand. Faites donc, par votre exemple, que bientôt on puisse dire : Plût à Dieu que tous les hommes fussent Spirites de cœur.
Chers frères Spirites, je viens vous montrer la route, vous faire voir le but. Puissent mes paroles, toutes faibles qu’elles sont, vous en avoir fait comprendre la grandeur ! Mais d’autres viendront après moi qui vous la montreront aussi, et dont la voix plus puissante que la mienne aura pour les nations l’éclat retentissant de la trompette. Oui, mes frères, des Esprits, messagers de Dieu pour établir son règne sur la terre, surgiront bientôt parmi vous, et vous les reconnaîtrez à leur sagesse et à l’autorité de leur langage. A leur voix, les incrédules et les impies seront frappés d’étonnement et de stupeur et courberont la tête, car ils n’oseront les traiter de fous. Que ne puis-je, mes frères, vous révéler encore tout ce que nous prépare l’avenir ! Mais le temps est proche où tous ces mystères seront dévoilés pour la confusion des méchants et la glorification des bons.
Pendant qu’il en est temps encore, revêtez-vous donc de la robe blanche : étouffez toutes les discordes, car les discordes appartiennent au règne du mal qui va finir. Puissiez-vous tous vous confondre dans une seule et même famille, et vous donner du fond du cœur et sans arrière-pensée le nom de frères. Si parmi vous il y avait des dissidences, des causes d’antagonisme ; si les groupes qui doivent tous marcher vers un but commun étaient divisés, je vous le dis à regret, sans me préoccuper des causes, sans examiner qui peut avoir les premiers torts, je me rangerais, sans hésiter, du côté de celui où il y aurait le plus de charité, c’est-à-dire le plus d’abnégation et de véritable humilité, car celui qui manque de charité a toujours tort, eût-il raison d’un autre côté, et Dieu maudit celui qui dit à son frère : Racca. ( † ) Les groupes sont des individus collectifs qui doivent vivre en paix comme les individus, s’ils sont vraiment Spirites ; ce sont les bataillons de la grande phalange ; or, que deviendrait une phalange dont les bataillons seraient divisés ? Ceux qui verraient les autres d’un œil jaloux prouveraient, par cela seul, qu’ils sont sous une mauvaise influence, car l’Esprit du bien ne saurait produire le mal. Vous le savez, on reconnaît l’arbre au fruit qu’il porte : or, le fruit de l’orgueil, de l’envie et de la jalousie est un fruit empoisonné qui tue celui qui s’en nourrit.
Ce que je dis des dissidences entre les groupes, je le dis également de celles qui pourraient exister entre individus. En pareille circonstance, l’opinion des gens impartiaux est toujours favorable à celui qui fait preuve de plus de grandeur et de générosité. Ici-bas, personne n’étant infaillible, l’indulgence réciproque est une conséquence du principe de charité qui nous dit d’agir envers les autres comme nous voudrions que les autres agissent envers nous ; or, sans indulgence point de charité, sans charité point de vrai Spirite. La modération est un des signes caractéristiques de ce sentiment, comme l’acrimonie et la rancune en sont la négation ; avec l’aigreur et l’esprit vindicatif on gâte les meilleures causes, tandis qu’avec la modération on ajoute à son bon droit si on l’a de son côté, et on se le donne si on ne l’a pas. Si donc j’avais à me faire une opinion dans un différend, n je me préoccuperais moins de la cause que des conséquences. La cause, dans les querelles de mots surtout, peut être le résultat d’un premier mouvement dont on n’est pas toujours maître ; la conduite ultérieure des deux adversaires est le résultat de la réflexion : ils agissent de sang-froid, et c’est alors que le véritable caractère normal de chacun se dessine. Mauvaise tête et bon cœur vont très souvent ensemble, mais rancune et bon cœur sont incompatibles. Ma mesure d’appréciation serait donc la charité, c’est-à-dire que j’observerais celui qui dit le moins de mal de son adversaire, celui qui est le plus modéré dans ses récriminations. C’est sur cette mesure que Dieu nous jugera, car il sera indulgent pour qui, lui-même, aura été indulgent ; il sera inflexible pour celui qui aura été inflexible.
La voie tracée par la charité est claire, infaillible et sans équivoque. On pourrait la définir ainsi : « Sentiment de bienveillance, de justice et d’indulgence à l’égard du prochain, basé sur ce qu’on voudrait que le prochain fît pour nous. » En la prenant pour guide, on est certain de ne pas s’écarter du droit chemin, de celui qui conduit à Dieu : quiconque veut sincèrement et sérieusement travailler à son amélioration, doit analyser la charité dans ses plus minutieux détails, et y conformer sa conduite, car elle a son application dans toutes les circonstances de la vie, petites ou grandes. Est-on incertain sur un parti à prendre intéressant autrui, qu’on interroge la charité, et elle répondra toujours juste. Malheureusement on écoute plus souvent la voix de l’égoïsme.
Sondez donc les replis de votre âme pour en arracher les derniers vestiges des mauvaises passions s’il en restait encore, et si vous éprouvez quelque ressentiment contre quelqu’un, hâtez-vous de l’étouffer, et dites-lui : Frère, oublions le passé ; les mauvais Esprits nous avaient divisés, que les bons nous réunissent ! S’il repousse la main que vous lui tendez, oh ! alors plaignez-le, car Dieu à son tour lui dira : Pourquoi demandes-tu le pardon, toi qui n’as pas pardonné ? Hâtez-vous donc, pour qu’on ne puisse vous appliquer cette parole fatale : Il est trop tard.
Tels sont, chers frères Spirites, les conseils que je viens vous donner. La confiance que vous voulez bien m’accorder m’est un garant qu’ils porteront leurs fruits. Les Bons Esprits qui vous assistent vous disent chaque jour la même chose, mais j’ai cru devoir en présenter l’ensemble pour en mieux faire ressortir les conséquences. Je viens donc, en leur nom, vous rappeler à la pratique de la grande loi d’amour et de fraternité qui doit avant peu régir le monde et y faire régner la paix et la concorde sous l’étendard de la charité pour tous, sans acception de sectes, de castes ni de couleurs.
Avec cet étendard, le Spiritisme sera le trait d’union qui rapprochera les hommes divisés par les croyances et les préjugés mondains ; il abaissera les plus fortes barrières qui séparent les peuples : l’antagonisme national ; à l’ombre de ce drapeau qui sera leur point de ralliement, les hommes s’habitueront à voir des frères dans ceux en qui ils ne voyaient que des ennemis. D’ici là il y aura encore des luttes, car le mal ne lâche pas facilement sa proie, et les intérêts matériels sont tenaces. Tous, vous ne verrez, pas sans doute, des yeux du corps l’accomplissement de cette œuvre à laquelle vous aurez concouru, quoique le moment n’en soit pas éloigné, et que les premières années du siècle prochain doivent signaler cette ère nouvelle, dont la fin de celui-ci prépare les voies ; mais vous jouirez, par la vue de l’Esprit, du bien que vous aurez fait, comme les martyrs du Christianisme ont joui de voir les fruits produits par leur sang répandu. Courage donc, et persévérance ; ne vous rebutez pas contre les obstacles : un champ ne devient pas fertile sans sueur ; de même qu’un père, sur ses vieux jours, bâtit une maison pour ses enfants, songez que vous élevez, pour les générations futures, un temple à la fraternité universelle, et dans lequel les seules victimes immolées seront l’égoïsme, l’orgueil et toutes les mauvaises passions qui ont ensanglanté l’humanité.
[1] Voyez « Revue Spirite », janvier 1862, Essai sur l’interprétation de la doctrine des Anges déchus.
[2] [Dans l’original « différent »]