Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année XII — Octobre 1869.

(Langue portugaise)

DISSERTATIONS SPIRITES.


LE SPIRITISME ET LA LITTÉRATURE CONTEMPORAINE.

(Paris,  †  14 septembre 1869.)

Le Spiritisme est de sa nature modeste et peu bruyant ; il existe par la toute-puissance de la vérité et non par le bruit soulevé autour de lui par ses adversaires ou ses partisans. Utopie ou rêve d’une imagination désordonnée, après un succès d’un jour, il fût tombé sous la conspiration du silence ou mieux encore sous celle du ridicule qui, à ce qu’on prétend, tue tout en France. Mais le silence n’anéantit que les œuvres sans consistance et le ridicule ne tue que ce qui est mortel. Si le Spiritisme a vécu, bien qu’il n’ait rien fait pour échapper aux pièges de toute nature qui lui ont été tendus, c’est qu’il n’est l’œuvre ni d’un homme, ni d’un parti, c’est qu’il est le résultat de l’observation des faits et de la coordination méthodique des lois universelles. En supposant que ses adhérents humains disparaissent, que les ouvrages qui l’érigent en corps de doctrine soient anéantis, il survivrait encore et aussi longtemps qu’il existera des mondes et des lois pour les régir.

On est matérialiste, catholique, musulman ou libre penseur, de par sa volonté ou sa conviction ; il suffit d’exister sinon pour être spirite, du moins pour subir le Spiritisme. Penser, réfléchir, vivre, c’est en effet faire acte de spirite, et quelque singulière que paraisse cette prétention, elle sera promptement justifiée après quelques minutes d’examen pour ceux qui admettent une âme, un corps, et un intermédiaire entre cette âme et ce corps, pour ceux qui, ainsi que Pascal et Louis Blanc,  †  considèrent l’humanité comme un homme qui vit toujours et qui apprend sans cesse ; pour ceux qui, comme la Liberté, acceptent qu’un homme puisse vivre successivement dans deux siècles différents et exercer sur les institutions et la philosophie de son temps une influence de même nature.

Qu’on soit convaincu ou non, penser, écouter la voix intérieure de la méditation, n’est-ce pas faire acte de spirite, si réellement il existe des Esprits ? Vivre, c’est-à-dire respirer, n’est-ce pas faire subir au corps une impression transmise à l’Esprit par l’intermédiaire du périsprit ? Admettre ces trois principes constitutifs de l’être humain, c’est admettre une des bases fondamentales de la doctrine, c’est être spirite, ou du moins, c’est avoir un point de contact avec le Spiritisme, une croyance commune avec les spirites.

Entrez chez nous ouvertement ou par la porte dérobée, messieurs  les savants, eh ! que nous importe !… pourvu que vous entriez. La doctrine pénètre en vous désormais, et, comme la tache d’huile, elle s’étend et s’agrandit sans cesse. Vous êtes à nous, car la science humaine entre à pleines voiles dans la voie philosophique, et la philosophie spirite admet toutes les conclusions rationnelles de la science. Sur ce terrain commun, que vous le vouliez ou non, que vous appeliez vos concessions d’un nom quelconque, vous êtes avec nous et la forme nous est indifférente si le fond est le même.

Vous êtes bien près de croire et surtout de convaincre, monsieur de Girardin, qui trouve habile d’emprunter au Spiritisme ses mots, ses formes et ses principes fondamentaux pour intéresser vos lecteurs ! Et vous tous, poètes, romanciers, littérateurs, n’êtes-vous pas un peu spirites, lorsque vos personnages rêvent à un passé qu’ils n’ont jamais connu, lorsqu’ils reconnaissent les lieux qu’ils n’ont jamais visités, lorsque la sympathie ou la répulsion naissent entre eux du premier contact. Vous faites, sans doute, du Spiritisme, comme les machinistes font de la féerie ; c’est pour vous peut-être un truc, une mise en scène, un cadre. Que nous importe ! Vous n’en popularisez pas moins des enseignements qui trouvent de l’écho partout, car beaucoup pressentent et subissent, sans pouvoir les définir, ces convictions sur lesquelles vos plumes savantes ou poétiques viennent jeter la lumière de l’évidence. C’est une source féconde que le Spiritisme, messieurs ! C’est la Golconde  †  inépuisable qui enrichit l’esprit et le cœur des écrivains qui l’exploitent et de ceux qui lisent leurs productions ! Merci ! messieurs, vous êtes nos alliés, sans le vouloir, sans le savoir peut-être, mais nous vous laissons juges de vos intentions pour n’apprécier que les résultats.

On se plaignait de la pénurie des instruments de convictions ; le nombre des médiums diminuait ; leur zèle se refroidissait ; mais aujourd’hui, n’est-ce pas le poète à la mode, le littérateur dont on s’arrache les œuvres, le savant chargé d’éclairer les intelligences, qui popularisent et qui répandent partout la conviction ?

Ah ! ne craignez plus pour l’avenir du Spiritisme ! Enfant, il a échappé à toutes les étreintes de l’ennemi ; adolescent, et adopté bon gré mal gré par la science et la littérature, il ne cessera sa marche envahissante que lorsqu’il aura inscrit dans tous les cœurs, les principes régénérateurs qui rétabliront la paix et l’harmonie partout où règnent encore le désordre et les dissensions intestines.

Allan Kardec.


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