La plupart des journaux ont annoncé la mort de M. Allan Kardec, et quelques-uns d’entre eux ajoutaient au simple récit des faits des commentaires sur son caractère et ses travaux, qui ne sauraient trouver place ici. Lorsqu’il pouvait victorieusement réfuter certaines diatribes malsaines et mensongères, M. Allan Kardec a toujours dédaigné d’en rien faire, considérant le silence comme la plus noble et la meilleure des réponses. A cet égard, nous suivrons son exemple, nous souvenant d’ailleurs qu’on ne porte envie qu’aux grandes personnalités, et qu’on n’attaque que les grandes œuvres dont la vitalité peut porter ombrage.
Mais, si des railleries sans consistance n’ont pu nous émouvoir, nous avons été, au contraire, profondément touchés de la justice rendue, par un certain nombre d’organes de la presse, à la mémoire de notre regretté président. Nous les prions de vouloir bien recevoir ici, au nom de la famille et des spirites du monde entier, les témoignages de notre profonde gratitude.
Faute d’espace, nous publions seulement deux de ces articles caractéristiques, et qui prouveront surabondamment à nos lecteurs, qu’il est dans la littérature et dans la science des hommes qui savent, lorsque les circonstances le commandent, porter hautement et courageusement le drapeau qui les réunit dans une commune ascension vers le progrès et la solidarité universels.
[A. DESLIENS.]
(3 avril 1869.)
« Celui qui, si longtemps, occupa le monde scientifique et religieux sous le pseudonyme d’Allan Kardec, avait pour nom Rivail et est décédé à l’âge de 65 ans.
« Nous l’avons vu couché sur un simple matelas, au milieu de cette salle des séances qu’il présidait depuis de longues années ; nous l’avons vu, la figure calme, comme s’éteignent ceux que la mort ne surprend pas, et qui, tranquille sur le résultat d’une vie honnêtement et laborieusement remplie, laissent comme un reflet de la pureté de leur âme sur ce corps qu’ils abandonnent à la matière.
« Résignés dans la foi d’une vie meilleure et dans la conviction de l’immortalité de l’âme, de nombreux disciples étaient venus donner un dernier regard à ces lèvres décolorées qui, hier encore, leur parlaient le langage de la terre. Mais ils avaient déjà la consolation d’outre-tombe ; l’Esprit d’Allan Kardec était venu leur dire quels avaient été ses déchirements, quelles ses impressions premières, quels de ses prédécesseurs dans la mort étaient venus aider son âme à se dégager de la matière. Si «le style, c’est l’homme, » ceux qui ont connu Allan Kardec vivant, ne peuvent qu’être émus par l’authenticité de cette communication spirite.
« La mort d’Allan Kardec est remarquable par une coïncidence étrange. La société formée par ce grand vulgarisateur du Spiritisme venait de prendre fin. Le local abandonné, les meubles disparus, plus rien ne restait d’un passé qui devait renaître sur des bases nouvelles. A la fin de la dernière séance, le président avait fait ses adieux ; sa mission remplie, il se retirait de la lutte journalière pour se consacrer tout entier à l’étude de la philosophie spiritualiste. D’autres, plus jeunes, — des vaillants ! — devaient continuer l’œuvre, et forts de leur virilité, imposer la vérité par la conviction.
« A quoi bon raconter les détails de la mort ? Qu’importe la façon dont l’instrument est brisé, et pourquoi consacrer une ligne à ces morceaux désormais rentrés dans l’immense mouvement des molécules ? Allan Kardec est mort à son heure. Par lui est clos le prologue d’une religion vivace qui, irradiant chaque jour, aura bientôt illuminé l’humanité. Nul mieux qu’Allan Kardec ne pouvait mener à bonne fin cette œuvre de propagande, à laquelle il fallait sacrifier les longues veilles qui nourrissent l’esprit, la patience qui enseigne à la longue, l’abnégation qui brave la sottise du présent pour ne voir que le rayonnement de l’avenir.
« Allan Kardec, par ses œuvres, aura fondé le dogme pressenti par les sociétés les plus anciennes. Son nom, estimé comme celui d’un homme de bien, est dès longtemps vulgarisé par ceux-ci qui croient et par ceux-là qui craignent. Il est difficile de réaliser le bien sans froisser les intérêts établis.
« Le Spiritisme détruit bien des abus ; — il relève aussi bien des consciences endolories en leur donnant la conviction de l’épreuve et la consolation de l’avenir.
« Les spirites pleurent aujourd’hui l’ami qui les quitte, parce que notre entendement trop matériel, pour ainsi dire, ne peut se plier à cette idée de passage ; mais le premier tribut payé à l’infériorité de notre organisme, le penseur relève la tête, et vers ce monde invisible qu’il sent exister au-delà du tombeau, il tend la main à l’ami qui n’est plus, convaincu que son Esprit nous protège toujours.
« Le président de la Société de Paris est mort, mais le nombre des adeptes s’accroît tous les jours, et les vaillants que le respect pour le maître laissait au second rang, n’hésiteront pas à s’affirmer pour le bien de la grande cause.
« Cette mort, que le vulgaire laissera passer indifférente, n’en est pas moins un grand fait dans l’humanité. Ce n’est plus le sépulcre d’un homme, c’est la pierre tumulaire comblant ce vide immense que le matérialisme avait creusé sous nos pieds, et sur lequel le Spiritisme répand les fleurs de l’espérance.
Pagès de Noyes.
(10 avril 1869.)
« Encore une mort, et une mort qui causera un grand vide dans les rangs des adeptes du Spiritisme.
« Tous les journaux ont consacré un article spécial à la mémoire de cet homme qui a su se faire un nom et prendre un rang parmi les célébrités contemporaines.
« Les relations étroites qui, suivant nous, existent bien certainement entre les phénomènes spirites et magnétiques, nous font un devoir de donner un souvenir de sympathie à un homme dont un certain nombre de nos collègues et abonnés partagent les croyances, et qui avait tenté d’ériger en science une doctrine dont il était en quelque sorte la vivante personnification.
A. Bauche.