1. — La question précédente [Accroissement
ou décroissement du volume de la terre,] nous amène naturellement
à celle de l’âme de la terre, souvent débattue et diversement interprétée.
[v. Victor
Hennequin.]
L’âme de la terre joue un rôle principal dans la théorie de la formation de notre globe par l’incrustation de quatre planètes ; théorie dont nous avons démontré l’impossibilité matérielle d’après les observations géologiques et les données de la science expérimentale (voir la Genèse, chap. VII, nos 4 et suivants). Pour ce qui concerne l’âme, nous nous appuierons également sur les faits.
Cette question en préjuge une autre : La terre est-elle un être vivant ?
Nous savons que certains philosophes, plus systématiques que pratiques, considèrent la terre et toutes les planètes comme des êtres animés, se fondant sur le principe que tout vit dans la nature, depuis le minéral jusqu’à l’homme. Nous croyons d’abord qu’il y a une différence capitale entre le mouvement moléculaire d’attraction et de répulsion, d’agrégation et de désagrégation du minéral et le principe vital de la plante ; il y a là des effets différents qui accusent des causes différentes, ou tout au moins une modification profonde dans la cause première si elle est unique. (Genèse, chap. X, nº 16 à 19.)
Mais admettons pour un instant que le principe de la vie ait sa source dans le mouvement moléculaire, on ne saurait contester qu’il soit plus rudimentaire encore dans le minéral que dans la plante ; or, de là à une âme dont l’attribut essentiel est l’intelligence, la distance est grande ; personne, croyons-nous, n’a songé à doter un caillou ou un morceau de fer de la faculté de penser, de vouloir et de comprendre. En faisant même toutes les concessions possibles à ce système, c’est-à-dire en nous plaçant au point de vue de ceux qui confondent le principe vital avec l’âme proprement dite, l’âme du minéral n’y serait qu’à l’état de germe latent, puisqu’elle ne s’y révèle par aucune manifestation.
Un fait non moins patent que celui dont nous venons de parler, c’est que le développement organique est toujours en rapport avec le développement du principe intelligent ; l’organisme se complète à mesure que les facultés de l’âme se multiplient. L’échelle organique suit constamment, dans tous les êtres, la progression de l’intelligence, depuis le polype jusqu’à l’homme ; il n’en pouvait être autrement, puisqu’il faut à l’âme un instrument approprié à l’importance des fonctions qu’elle doit remplir. Que servirait à l’huître d’avoir l’intelligence du singe sans les organes nécessaires à sa manifestation ? Si donc la terre était un être animé servant de corps à une âme spéciale, cette âme devrait être encore plus rudimentaire que celle du polype, puisque la terre n’a pas même la vitalité de la plante, tandis que, par le rôle qu’on attribue à cette âme, surtout dans la théorie de l’incrustation, on en fait un être doué de raison et du libre arbitre le plus complet, un Esprit supérieur, en un mot, ce qui n’est ni rationnel, ni conforme à la loi générale, car jamais Esprit n’eût été plus emprisonné et plus mal partagé. L’idée de l’âme de la terre, entendue dans ce sens, aussi bien que celle qui fait de la terre un animal, doit donc être rangée parmi les conceptions systématiques et chimériques.
L’animal le plus infime, d’ailleurs, a la liberté de ses mouvements ; il va où il veut et marche quand cela lui plaît ; tandis que les astres, ces êtres soi-disant vivants et animés par des intelligences supérieures, seraient astreints à des mouvements perpétuellement automatiques, sans jamais pouvoir s’écarter de leur route ; ils seraient, en vérité, bien moins favorisés que le dernier puceron. Si, d’après la théorie de l’incrustation, les âmes des quatre planètes qui ont formé la terre, ont eu la liberté de réunir leurs enveloppes, elles avaient donc celle d’aller où elles voulaient, de changer à leur gré les lois de la mécanique céleste ; pourquoi ne l’ont-elles plus ?
Il y a des idées qui se réfutent d’elles-mêmes, et des systèmes qui tombent dès qu’on en scrute sérieusement les conséquences. Le Spiritisme serait à bon droit ridiculisé par ses adversaires s’il se faisait l’éditeur responsable d’utopies qui ne supportent pas l’examen. Si le ridicule ne l’a pas tué, c’est qu’il ne tue que ce qui est ridicule.
Par l’âme de la terre, on peut entendre, plus rationnellement, la collectivité des Esprits chargés de l’élaboration et de la direction de ses éléments constitutifs, ce qui suppose déjà un certain degré d’avancement et de développement intellectuel ; ou, mieux encore, l’Esprit auquel est confiée la haute direction des destinées morales et du progrès de ses habitants, mission qui ne peut être dévolue qu’à un être éminemment supérieur en savoir et en sagesse. Dans ce cas, ce n’est pas, à proprement parler, l’âme de la terre, car cet Esprit n’y est ni incarné, ni subordonné à son état matériel ; c’est un chef préposé à sa direction, comme un général est préposé à la conduite d’une armée. Un Esprit, chargé d’une mission aussi importante que celle du gouvernement d’un monde, ne saurait avoir de caprices, ou Dieu serait bien imprévoyant de confier l’exécution de ses décrets souverains à des êtres capables de les faire échouer par leur mauvais vouloir ; or, selon la doctrine de l’incrustation, ce serait le mauvais vouloir de l’âme de la lune qui serait cause que la terre est restée incomplète.
2. — De nombreuses communications, données en divers lieux, sont venues confirmer cette manière d’envisager la question de l’âme de la terre ; nous n’en citerons qu’une seule qui les résume toutes en peu de mots.
Société spirite de Bordeaux, † avril 1862.
La terre n’a pas d’âme lui appartenant en propre, parce que ce n’est pas un être organisé comme ceux qui sont doués de la vie ; elle en a des millions qui sont les Esprits chargés de son équilibre, de son harmonie, de sa végétation, de sa chaleur, de sa lumière, des saisons, de l’incarnation des animaux qu’ils surveillent ainsi que celle des hommes.
Ce n’est pas à dire que ces Esprits sont la cause de ces phénomènes : ils y président comme les fonctionnaires d’un gouvernement président à chacun des rouages de l’administration.
La terre a progressé à mesure qu’elle s’est formée ; elle progresse toujours, sans jamais s’arrêter, jusqu’au moment où elle aura atteint son maximum de perfection. Tout ce qui est vie et matière en elle, progresse en même temps, car, à mesure que le progrès s’accomplit, les Esprits chargés de veiller sur elle et sur ses produits, progressent de leur côté par le travail qui leur incombe, ou cèdent la place à des Esprits plus avancés.
En ce moment, elle touche à une transition du mal au bien, du médiocre au beau.
Dieu, créateur, est l’âme de l’univers, de tous les mondes qui gravitent dans l’infini, et les Esprits chargés, dans chaque monde, de l’exécution de ses lois, sont les agents de sa volonté, sous la direction d’un délégué supérieur. Ce délégué appartient nécessairement à l’ordre des Esprits les plus élevés, car ce serait faire injure à la sagesse divine de croire qu’elle abandonnerait à la fantaisie d’une créature imparfaite le soin de veiller à l’accomplissement de la destinée de millions de ses propres créatures.
3.
DEMANDE. — Les Esprits chargés de la direction et de l’élaboration
des éléments constitutifs de notre globe peuvent-ils s’y incarner ?
RÉPONSE. — Certainement, car, à l’état d’incarnation, ayant une action plus directe sur la matière, ils peuvent faire ce qui leur serait impossible comme Esprits, de même que certaines fonctions, par leur nature, incombent plus spécialement à l’état spirituel. A chaque état sont dévolues des missions particulières.
Est-ce que les habitants de la terre ne travaillent pas à son amélioration matérielle ? Considérez donc tous les Esprits incarnés comme faisant partie de ceux qui sont chargés de la faire progresser en même temps qu’ils progressent eux-mêmes. C’est la collectivité de toutes ces intelligences, incarnées et désincarnées, y compris le délégué supérieur, qui constitue à proprement parler l’âme de la terre, dont chacun de vous fait partie. Incarnés et désincarnés sont les abeilles qui travaillent à l’édification de la ruche, sous la direction de l’Esprit-chef ; celui-ci est la tête, les autres sont les bras.
DEMANDE. — Est-ce que cet Esprit-chef peut aussi s’incarner ?
RÉPONSE. — Sans aucun doute, quand il en reçoit la mission, ce qui a lieu quand sa présence parmi les hommes est jugée nécessaire au progrès.
Un de vos guides spirituels.