1. — Il fut un temps où les animaux n’existaient pas, donc ils ont commencé. On a vu paraître chaque espèce à mesure que le globe acquérait les conditions nécessaires à son existence : voilà qui est positif. 2 Comment se sont formés les premiers individus de chaque espèce ? On comprend qu’un premier couple étant donné, les individus se soient multipliés ; mais ce premier couple, d’où est-il sorti ? 3 C’est là un de ces mystères qui tiennent au principe des choses et sur lesquels on ne peut faire que des hypothèses. Si la science ne peut encore résoudre complètement le problème, elle peut tout au moins mettre sur la voie.
2. — Une première question qui se présente est celle-ci : Chaque espèce animale est-elle d’un premier couple ou de plusieurs couples créés ou, si l’on veut, germés simultanément en différents lieux ?
2 Cette dernière supposition est la plus probable ; on peut même dire qu’elle ressort de l’observation. En effet, l’étude des couches géologiques atteste la présence, dans les terrains de même formation, et cela dans des proportions énormes, de la même espèce sur les points les plus éloignés du globe. Cette multiplication si générale, et en quelque sorte contemporaine, eût été impossible avec un type primitif unique.
3 D’un autre côté, la vie d’un individu, surtout d’un individu naissant, est soumise à tant d’éventualités, que toute une création aurait pu être compromise, sans la pluralité des types, ce qui impliquerait une imprévoyance inadmissible de la part du souverain Créateur. D’ailleurs, si un type a pu se former sur un point, il peut s’en être formé sur plusieurs points par la même cause.
4 Tout concourt donc à prouver qu’il y a eu création simultanée et multiple des premiers couples de chaque espèce animale et végétale.
3. — La formation des premiers êtres vivants peut se déduire, par analogie, de la même loi d’après laquelle se sont formés, et se forment tous les jours, les corps inorganiques. 2 A mesure qu’on approfondit les lois de la nature, on en voit les rouages, qui, au premier abord, paraissent si compliqués, se simplifier et se confondre dans la grande loi d’unité qui préside à toute l’œuvre de la création. 3 On le comprendra mieux quand on se sera rendu compte de la formation des corps inorganiques, qui en est le premier degré.
4. — La chimie considère comme élémentaires un certain nombre de substances, telles que : l’oxygène, l’hydrogène, l’azote, le carbone, le chlore, l’iode, le fluor, le soufre, le phosphore et tous les métaux. Par leur combinaison, ils forment les corps composés : les oxydes, les acides, les alcalis, les sels et les innombrables variétés qui résultent de la combinaison de ceux-ci.
2 La combinaison de deux corps pour en former un troisième exige un concours particulier de circonstances : soit un degré déterminé de chaleur, de sécheresse ou d’humidité, soit le mouvement ou le repos, soit un courant électrique, etc. Si ces conditions n’existent pas, la combinaison n’a pas lieu.
5. — Lorsqu’il y a combinaison, les corps composants perdent leurs propriétés caractéristiques, tandis que le composé qui en résulte en possède de nouvelles, différentes de celles des premiers. C’est ainsi, par exemple, que l’oxygène et l’hydrogène, qui sont des gaz invisibles, étant combinés chimiquement, forment l’eau, qui est liquide, solide ou vaporeuse, selon la température. Dans l’eau il n’y a plus, à proprement parler, d’oxygène ni d’hydrogène, mais un nouveau corps ; cette eau étant décomposée, les deux gaz, redevenus libres, recouvrent leurs propriétés, et il n’y a plus d’eau. La même quantité d’eau peut être ainsi alternativement décomposée et recomposée à l’infini.
6. — La composition et la décomposition des corps ont lieu par suite du degré d’affinité que les principes élémentaires ont les uns pour les autres. La formation de l’eau, par exemple, résulte de l’affinité réciproque de l’oxygène et de l’hydrogène ; mais si l’on met en contact avec l’eau un corps ayant pour l’oxygène plus d’affinité que celui-ci n’en a pour l’hydrogène, l’eau se décompose ; l’oxygène est absorbé, l’hydrogène devient libre, et il n’y a plus d’eau.
7. — Les corps composés se forment toujours en proportions définies, c’est-à-dire par la combinaison d’une quantité déterminée des principes constituants. Ainsi, pour former l’eau il faut une partie d’oxygène et deux d’hydrogène. Si deux parties d’oxygène sont combinées avec deux d’hydrogène, au lieu d’eau, on obtient le deutoxyde d’hydrogène, liquide corrosif, formé cependant des mêmes éléments que l’eau, mais dans une autre proportion.
8. — Telle est, en peu de mots, la loi qui préside à la formation de tous les corps de la nature. L’innombrable variété de ces corps résulte d’un très petit nombre de principes élémentaires combinés dans des proportions différentes.
2 Ainsi l’oxygène, combiné dans certaines proportions avec le carbone, le soufre, le phosphore, forme les acides carbonique, sulfurique, phosphorique ; l’oxygène et le fer forment l’oxyde de fer ou rouille ; l’oxygène et le plomb, tous les deux inoffensifs, donnent lieu aux oxydes de plomb, tels que la litharge, le blanc de céruse, le minium, qui sont vénéneux. L’oxygène, avec les métaux appelés calcium, sodium, potassium, forme la chaux, la soude, la potasse. La chaux unie à l’acide carbonique forme les carbonates de chaux ou pierres calcaires, telles que le marbre, la craie, la pierre à bâtir, les stalactites des grottes ; unie à l’acide sulfurique, elle forme le sulfate de chaux ou plâtre, et l’albâtre ; à l’acide phosphorique : le phosphate de chaux, base solide des os ; le chlore et l’hydrogène forment l’acide chlorhydrique ou hydrochlorique ; le chlore et le sodium forment le chlorure de sodium ou sel marin.
9. — Toutes ces combinaisons, et des milliers d’autres, s’obtiennent artificiellement en petit dans les laboratoires de chimie ; elles s’opèrent spontanément en grand dans le grand laboratoire de la nature.
2 La terre, à son origine, ne contenait pas ces matières combinées, mais seulement leurs principes constituants volatilisés. Lorsque les terres calcaires et autres, devenues à la longue pierreuses, se sont déposées à sa surface, elles n’existaient point toutes formées ; mais dans l’air se trouvaient, à l’état gazeux, toutes les substances primitives ; ces substances, précipitées par l’effet du refroidissement, sous l’empire de circonstances favorables, se sont combinées suivant le degré de leur affinité moléculaire ; c’est alors que se sont formées les différentes variétés de carbonates, de sulfates, etc., d’abord en dissolution dans les eaux, puis déposés à la surface du sol.
3 Supposons que, par une cause quelconque, la terre revienne à son état d’incandescence primitive, tout cela se décomposerait ; les éléments se sépareraient ; toutes les substances fusibles se fondraient ; toutes celles qui sont volatilisables se volatiliseraient. Puis un second refroidissement amènerait une nouvelle précipitation, et les anciennes combinaisons se formeraient à nouveau.
10. — Ces considérations prouvent combien la chimie était nécessaire pour l’intelligence de la Genèse.
0 Avant la connaissance des lois de l’affinité moléculaire, il était impossible de comprendre la formation de la terre. Cette science a éclairé la question d’un jour tout nouveau, comme l’astronomie et la géologie l’ont fait à d’autres points de vue.
11. — Dans la formation des corps solides, un des phénomènes les plus remarquables est celui de la cristallisation qui consiste dans la forme régulière qu’affectent certaines substances lors de leur passage de l’état liquide ou gazeux à l’état solide. Cette forme, qui varie selon la nature de la substance, est généralement celle de solides géométriques, tels que le prisme, le rhomboïde, le cube, la pyramide. Tout le monde connaît les cristaux de sucre candi ; les cristaux de roche, ou silice cristallisée, sont des prismes à six pans terminés par une pyramide également hexagonale. Le diamant est du carbone pur ou charbon cristallisé. Les dessins qui se produisent sur les vitres en hiver sont dus à la cristallisation de la vapeur d’eau, pendant la congélation, sous forme d’aiguilles prismatiques.
2 La disposition régulière des cristaux tient à la forme particulière des molécules de chaque corps ; ces parcelles, infiniment petites pour nous, mais qui n’en occupent pas moins un certain espace, sollicitées les unes vers les autres par l’attraction moléculaire, s’arrangent et se juxtaposent, selon l’exigence de leur forme, de manière à prendre chacune sa place autour du noyau ou premier centre d’attraction et à former un ensemble symétrique.
3 La cristallisation ne s’opère que sous l’empire de certaines circonstances favorables, en dehors desquelles elles ne peut avoir lieu ; le degré de la température et le repos sont des conditions essentielles. On comprend qu’une trop forte chaleur, tenant les molécules écartées, ne leur permettrait pas de se condenser, et que l’agitation s’opposant à leur arrangement symétrique, elles ne formeraient qu’une masse confuse et irrégulière, et partant pas de cristallisation proprement dite.
12. — La loi qui préside à la formation des minéraux conduit naturellement à la formation des corps organiques.
2 L’analyse chimique nous montre toutes les substances végétales et animales composées des mêmes éléments que les corps inorganiques. Ceux de ces éléments qui jouent le principal rôle sont l’oxygène, l’hydrogène, l’azote et le carbone ; les autres ne s’y trouvent qu’accessoirement. 3 Comme dans le règne minéral, la différence de proportion dans la combinaison de ces éléments produit toutes les variétés de substances organiques et leurs propriétés diverses, telles que : les muscles, les os, le sang, la bile, les nerfs, la matière cérébrale, la graisse chez les animaux ; la sève, le bois, les feuilles, les fruits, les essences, les huiles, les résines etc., dans les végétaux. 4 Ainsi, dans la formation des animaux et des plantes, il n’entre aucun corps spécial qui ne se trouve également dans le règne minéral. n
13. — Quelques exemples usuels feront comprendre les transformations qui s’opèrent dans le règne organique par la seule modification des éléments constitutifs.
2 Dans le jus du raisin, il n’y a encore ni vin ni alcool, mais simplement de l’eau et du sucre. Quand ce jus est arrivé à maturité et qu’il se trouve placé dans des circonstances propices, il s’y produit un travail intime, auquel on donne le nom de fermentation. Dans ce travail, une partie du sucre se décompose ; l’oxygène, l’hydrogène et le carbone se séparent et se combinent dans les proportions voulues pour faire de l’alcool ; de sorte qu’en buvant du jus de raisin, on ne boit réellement point d’alcool, puisqu’il n’existe pas encore ; il se forme des parties constituantes de l’eau et du sucre, sans qu’il y ait, en somme, une molécule de plus ni de moins.
3 Dans le pain et les légumes que l’on mange, il n’y a certainement ni chair, ni sang, ni os, ni bile, ni matière cérébrale, et cependant ces mêmes aliments vont, en se décomposant et se recomposant par le travail de la digestion, produire ces différentes substances par la seule transmutation de leurs éléments constitutifs.
4 Dans la graine d’un arbre, il n’y a non plus ni bois, ni feuilles, ni fleurs, ni fruits, et c’est une erreur puérile de croire que l’arbre entier, sous forme microscopique, se trouve dans la graine ; il n’y a même pas, à beaucoup près, dans cette graine, la quantité d’oxygène, d’hydrogène et de carbone nécessaire pour former une feuille de l’arbre. La graine renferme un germe qui éclôt quand elle se trouve dans des conditions favorables ; ce germe grandit par les sucs qu’il puise dans la terre et les gaz qu’il aspire de l’air ; ces sucs, qui ne sont ni du bois, ni des feuilles, ni des fleurs, ni des fruits, en s’infiltrant dans la plante, en forment la sève, comme les aliments, chez les animaux, forment le sang. Cette sève, portée par la circulation dans toutes les parties du végétal, selon les organes où elle aboutit et où elle subit une élaboration spéciale, se transforme en bois, feuilles, fruits, comme le sang se transforme en chair, os, bile, etc., etc., et cependant ce sont toujours les mêmes éléments : oxygène, hydrogène, azote et carbone, diversement combinés.
14. — Les différentes combinaisons des éléments pour la formation des substances minérales, végétales et animales, ne peuvent donc s’opérer que dans les milieux et dans les circonstances propices ; en dehors de ces circonstances, les principes élémentaires sont dans une sorte d’inertie. Mais, dès que les circonstances sont favorables, commence un travail d’élaboration ; les molécules entrent en mouvement, elles s’agitent, s’attirent, se rapprochent, se séparent en vertu de la loi des affinités, et, par leurs combinaisons multiples, composent l’infinie variété des substances. Que ces conditions cessent, et le travail est subitement arrêté, pour recommencer quand elles se présenteront de nouveau. C’est ainsi que la végétation s’active, se ralentit, cesse et reprend, sous l’action de la chaleur, de la lumière, de l’humidité, du froid ou de la sécheresse ; que telle plante prospère dans un climat ou dans un terrain, et s’étiole ou périt dans un autre.
15. — Ce qui se passe journellement sous nos yeux peut nous mettre sur la voie de ce qui s’est passé à l’origine des temps, car les lois de la nature sont invariables.
2 Puisque les éléments constitutifs des êtres organiques et des êtres inorganiques sont les mêmes ; que nous les voyons incessamment, sous l’empire de certaines circonstances, former les pierres, les plantes et les fruits, on peut en conclure que les corps des premiers êtres vivants se sont formés, comme les premières pierres, par la réunion des molécules élémentaires en vertu de la loi d’affinité, à mesure que les conditions de la vitalité du globe ont été propices à telle ou telle espèce.
3 La similitude de forme et de couleurs, dans la reproduction des individus de chaque espèce, peut être comparée à la similitude de forme de chaque espèce de cristal. Les molécules, se juxtaposant sous l’empire de la même loi, produisent un ensemble analogue.
16. — En disant que les plantes et les animaux sont formés des mêmes principes constituants que les minéraux, il faut l’entendre dans le sens exclusivement matériel : aussi n’est-il ici question que du corps.
2 Sans parler du principe intelligent, qui est une question à part, il y a dans la matière organique un principe spécial, insaisissable, et qui n’a pas pu encore être défini : c’est le principe vital. 3 Ce principe, qui est actif chez l’être vivant, est éteint chez l’être mort, mais il n’en donne pas moins à la substance des propriétés caractéristiques qui la distinguent des substances inorganiques. 4 La chimie, qui décompose et recompose la plupart des corps inorganiques, a pu décomposer corps organiques, mais n’est jamais parvenue à reconstituer même une feuille morte, preuve évidente qu’il y a dans ceux-ci quelque chose qui n’existe pas dans les autres.
17. — Le principe vital est-il quelque chose de distinct, ayant une
existence propre ? Ou bien, pour rentrer dans le système de l’unité
de l’élément générateur, n’est-ce qu’un état particulier, une des modifications
du fluide cosmique universel qui devient principe de vie, comme il devient
lumière, feu, chaleur, électricité ? C’est dans ce dernier sens
que la question est résolue par les communications rapportées ci-dessus.
(chap. VI,
Uranographie générale.)
2 Mais, quelle que soit l’opinion que l’on se fasse sur la nature du principe vital, il existe, puisqu’on en voit les effets. 3 On peut donc admettre logiquement qu’en se formant, les êtres organiques se sont assimilé le principe vital qui était nécessaire à leur destination ; ou, si l’on veut, que ce principe s’est développé dans chaque individu par l’effet même de la combinaison des éléments, comme on voit, sous l’empire de certaines circonstances, se développer la chaleur, la lumière et l’électricité.
18. — L’oxygène, l’hydrogène, l’azote et le carbone, en se combinant sans le principe vital, n’eussent formé qu’un minéral ou corps inorganique ; 2 le principe vital, modifiant la constitution moléculaire de ce corps, lui donne des propriétés spéciales. Au lieu d’une molécule minérale, on a une molécule de matière organique.
3 L’activité du principe vital est entretenue pendant la vie par l’action du jeu des organes, comme la chaleur par le mouvement de rotation d’une roue ; que cette action cesse par la mort, le principe vital s’éteint comme la chaleur, quand la roue cesse de tourner. 4 Mais l’effet produit sur l’état moléculaire du corps par le principe vital subsiste après l’extinction de ce principe, comme la carbonisation du bois persiste après l’extinction de la chaleur. Dans l’analyse des corps organiques, la chimie retrouve bien les éléments constituants : oxygène, hydrogène, azote et carbone, mais elle ne petit les reconstituer, parce que la cause n’existant plus, elle ne peut reproduire l’effet, tandis qu’elle peut reconstituer une pierre.
19. — Nous avons pris pour comparaison la chaleur développée par le mouvement d’une roue, parce que c’est un effet vulgaire, connu de tout le monde, et plus facile à comprendre ; mais il eût été plus exact de dire que, dans la combinaison des éléments pour former les corps organiques, il se développe de l’électricité.
2 Les corps organiques seraient ainsi de véritables piles électriques, qui fonctionnent tant que les éléments de ces piles sont dans les conditions voulues pour produire l’électricité : c’est la vie ; qui s’arrêtent quand cessent ces conditions : c’est la mort. 3 D’après cela, le principe vital ne serait autre que l’espèce particulière d’électricité désignée sous le nom d’électricité animale, dégagée pendant la vie par l’action des organes, et dont la production est arrêtée à la mort par la cessation de cette action.
20. — On se demande naturellement pourquoi il ne se forme plus d’êtres vivants dans les mêmes conditions que les premiers qui ont paru sur la terre.
2 La question de la génération spontanée, qui préoccupe aujourd’hui la science, bien qu’encore diversement résolue, ne peut manquer de jeter la lumière sur ce sujet. 3 Le problème proposé est celui-ci : Se forme-t-il spontanément de nos jours des êtres organiques par la seule union des éléments constitutifs, sans germes préalables produits de la génération ordinaire, autrement dit sans pères ni mères ?
4 Les partisans de la génération spontanée répondent affirmativement et s’appuient sur des observations directes qui semblent concluantes. D’autres pensent que tous les êtres vivants se reproduisent les uns par les autres, et s’appuient sur ce fait, constaté par l’expérience, que les germes de certaines espèces végétales et animales, étant dispersés, peuvent conserver une vitalité latente pendant un temps considérable, jusqu’à ce que les circonstances soient favorables à leur éclosion. 5 Cette opinion laisse toujours subsister la question de la formation des premiers types de chaque espèce.
21. — Sans discuter les deux systèmes, il convient de remarquer que le principe de la génération spontanée ne peut évidemment s’appliquer qu’aux êtres des ordres les plus inférieurs du règne végétal et du règne animal, à ceux où commerce à poindre la vie, et dont l’organisme, extrêmement simple, est en quelque sorte rudimentaire. Ce sont effectivement les premiers qui ont paru sur la terre, et dont la génération a dû être spontanée. Nous assisterions ainsi à une création permanente analogue à celle qui a eu lieu dans les premiers âges du monde.
22. — Mais alors, pourquoi ne voit-on pas se former de la même manière les êtres d’une organisation complexe ? Ces êtres n’ont pas toujours existé, c’est un fait positif, donc ils ont commencé. 2 Si la mousse, le lichen, le zoophyte, l’infusoire, les vers intestinaux et autres peuvent se produire spontanément, pourquoi n’en est-il pas de même des arbres, des poissons, des chiens, des chevaux ?
3 Ici s’arrêtent pour le moment les investigations ; le fil conducteur se perd, et, jusqu’à ce qu’il soit trouvé, le champ est ouvert aux hypothèses ; il serait donc imprudent et prématuré de donner des systèmes pour des vérités absolues.
23. — Si le fait de la génération spontanée est démontré, quelque limité
qu’il soit, ce n’en est pas moins un fait capital, un jalon posé qui
peut mettre sur la voie de nouvelles observations. 2
Si les êtres organiques complexes ne se produisent pas de cette manière,
qui sait comment ils ont commencé ? Qui connaît le secret de toutes
les transformations ? Quand on voit le chêne sortir du gland, qui
peut dire si un lien mystérieux n’existe pas du polype à l’éléphant ?
(Nº 25.)
3 Dans l’état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons poser la théorie de la génération spontanée permanente que comme une hypothèse, mais comme une hypothèse probable, et qui, peut-être, un jour prendra rang parmi les vérités scientifiques reconnues. n
24. — Entre le règne végétal et le règne animal, il n’y a pas de délimitation nettement tranchée. Sur les confins des deux règnes sont les zoophytes ou animaux-plantes dont le nom indique qu’ils tiennent de l’un et de l’autre : c’est le trait d’union.
2 Comme les animaux, les plantes naissent, vivent, croissent, se nourrissent, respirent, se reproduisent et meurent. Comme eux, pour vivre, elles ont besoin de lumière, de chaleur et d’eau ; si elles en sont privées, elles s’étiolent et meurent ; l’absorption d’un air vicié et de substances délétères les empoisonne. Leur caractère distinctif le plus tranché est d’être attachées au sol et d’y puiser leur nourriture sans déplacement.
3 Le zoophyte a l’apparence extérieure de la plante ; comme plante, il tient au sol ; comme animal, la vie chez lui est plus accentuée ; il puise sa nourriture dans le milieu ambiant.
4 Un degré au-dessus, l’animal est libre et va chercher sa nourriture : ce sont d’abord les innombrables variétés de polypes au corps gélatineux, sans organes bien distincts, et qui ne diffèrent des plantes que par la locomotion ; 5 puis viennent, dans l’ordre du développement des organes, de l’activité vitale et de l’instinct : les helminthes ou vers intestinaux ; les mollusques, animaux charnus sans os, dont les uns sont nus, comme les limaces, les poulpes ou pieuvres, les autres sont pourvus de coquilles, comme les limaçons, les huîtres ; les crustacés, dont la peau est revêtue d’une croûte dure, comme les écrevisses, les homards ; les insectes, chez lesquels la vie prend une activité prodigieuse et se manifeste l’instinct industrieux, comme la fourmi, l’abeille, l’araignée. Quelques-uns subissent une métamorphose, comme la chenille, qui se transforme en élégant papillon. 6 Vient ensuite l’ordre des vertébrés, animaux à charpente osseuse, qui comprend les poissons, les reptiles, les oiseaux, 7 et enfin les mammifères, dont l’organisation est la plus complète.
25. — Si l’on ne considère que les deux points extrêmes de la chaîne, il n’y a sans doute aucune analogie apparente ; mais si l’on passe d’un anneau à l’autre sans solution de continuité, on arrive, sans transition brusque, de la plante aux animaux vertébrés. 2 On comprend alors que les animaux à organisation complexe puissent n’être qu’une transformation, ou, si l’on veut, un développement graduel, d’abord insensible, de l’espèce immédiatement inférieure, et ainsi, de proche en proche, jusqu’à l’être primitif élémentaire. 3 Entre le gland et le chêne, la différence est grande, et pourtant, si l’on suit pas à pas le développement du gland, on arrive au chêne, et l’on ne s’étonne plus qu’il procède d’une si petite semence. 4 Si donc le gland renferme les éléments latents propres à la formation d’un arbre géant, pourquoi n’en serait-il pas de même du ciron à l’éléphant ? (Nº 23)
5 D’après cela, on comprend qu’il n’y ait de génération spontanée que pour les êtres organiques élémentaires ; les espèces supérieures seraient le produit des transformations successives de ces mêmes êtres, à mesure que les conditions climatériques y auraient été propices. 6 Chaque espèce acquérant la faculté de se reproduire, les croisements ont amené d’innombrables variétés ; et puis, une fois l’espèce installée, dans des conditions de vitalité durable, qui dit que les germes primitifs d’où elle est sortie n’ont pas disparu comme inutiles désormais ? qui dit que notre ciron actuel soit le même que celui qui, de transformation en transformation, a produit l’éléphant ? Ainsi s’expliquerait pourquoi il n’y a pas de génération spontanée parmi les animaux à organisation complexe.
7 Cette théorie, sans être admise d’une manière définitive, est celle qui tend évidemment à prédominer aujourd’hui dans la science ; elle est acceptée par les observateurs sérieux comme la plus rationnelle.
26. — Au point de vue corporel et purement anatomique, l’homme appartient à la classe des mammifères, dont il ne diffère que par des nuances dans la forme extérieure ; du reste, même composition chimique que tous les animaux, mêmes organes, mêmes fonctions et mêmes modes de nutrition, de respiration, de sécrétion, de reproduction ; il naît, il vit, il meurt dans les mêmes conditions, et à sa mort son corps se décompose comme celui de tout ce qui vit. Il n’y a pas dans son sang, dans sa chair, dans ses os, un atome différent de ceux qui se trouvent dans le corps des animaux ; comme ceux-ci, en mourant, il rend à la terre l’oxygène, l’hydrogène, l’azote et le carbone qui s’étaient combinés pour le former, et vont, par de nouvelles combinaisons former de nouveaux corps minéraux, végétaux et animaux. L’analogie est si grande, qu’on étudie ses fonctions organiques sur certains animaux lorsque les expériences ne peuvent pas être faites sur lui-même.
27. — Dans la classe des mammifères, l’homme appartient à l’ordre des bimanes. Immédiatement au-dessous de lui viennent les quadrumanes (animaux à quatre mains) ou singes, dont quelques-uns, comme l’orang-outang, le chimpanzé, le jocko, ont certaines des allures de l’homme, à tel point qu’on les a longtemps désignés sous le nom d’hommes des bois ; comme lui, ils marchent droit, se servent du bâton, se construisent des huttes, et portent les aliments à leur bouche avec la main, signes caractéristiques.
28. — Pour peu qu’on observe l’échelle des êtres vivants au point de vue de l’organisme, on reconnaît que, depuis le lichen jusqu’à l’arbre, et depuis le zoophyte jusqu’à l’homme, il y a une chaîne s’élevant par degrés sans solution de continuité, et dont tous les anneaux ont un point de contact avec l’anneau précédent ;
2 en suivant pas à pas la série des êtres, on dirait que chaque espèce est un perfectionnement, une transformation de l’espèce immédiatement inférieure. 3 Puisque le corps de l’homme est dans des conditions identiques aux autres corps, chimiquement et constitutionnellement, qu’il naît, vit et meurt de la même manière, il doit s’être formé dans les mêmes conditions.
29. — Quoi qu’il en puisse coûter à son orgueil, l’homme doit se résigner à ne voir dans son corps matériel que le dernier anneau de l’animalité sur la terre. 2 L’inexorable argument des faits est là, contre lequel il protesterait en vain.
3 Mais plus le corps diminue de valeur à ses yeux, plus le principe spirituel grandit en importance ; si le premier le met au niveau de la brute, le second l’élève à une hauteur incommensurable. 4 Nous voyons le cercle où s’arrête l’animal : nous ne voyons pas la limite où peut atteindre l’Esprit de l’homme.
30. — Le matérialisme peut voir par là que le Spiritisme, loin de redouter les découvertes de la science et son positivisme, va au-devant et les provoque, parce qu’il est certain que le principe spirituel, qui a son existence propre, n’en peut souffrir aucune atteinte.
2 Le Spiritisme marche de conserve avec le matérialisme sur le terrain de la matière ; il admet tout ce que celui-ci admet ; mais là où ce dernier s’arrête, le Spiritisme va au-delà. 3 Le Spiritisme et le matérialisme sont comme deux voyageurs qui cheminent ensemble en partant d’un même point ; arrivés à une certaine distance, l’un dit : « Je ne puis aller plus loin ; » l’autre continue sa route et découvre un monde nouveau. 4 Pourquoi donc le premier dit-il que le second est fou, parce que celui-ci, entrevoyant de nouveaux horizons, veut franchir la limite où il convient à l’autre de s’arrêter ! 5 Christophe Colomb ne fut-il pas aussi traité de fou, parce qu’il croyait à un monde au delà de l’Océan ? Combien l’histoire ne compte-t-elle pas de ces fous sublimes qui ont fait avancer l’humanité, auxquels on tresse des couronnes après leur avoir jeté de la boue ?
6 Eh bien ! le Spiritisme, cette folie du dix-neuvième siècle, selon ceux qui veulent rester au rivage terrestre, nous découvre tout un monde, monde bien autrement important pour l’homme que l’Amérique, car tous les hommes ne vont pas en Amérique, tandis que tous, sans exception, vont dans celui des Esprits, faisant d’incessantes traversées de l’un à l’autre.
7 Arrivés au point où nous en sommes de la Genèse, le matérialisme s’arrête, tandis que le Spiritisme poursuit ses recherches dans le domaine de la Genèse spirituelle.
[1] Le tableau ci-après, de l’analyse de quelques substances, montre la différence des propriétés qui résulte de la seule différence dans la proportion des éléments constituants. Sur 100 parties :
| Carbone. | Hydrogène. | Oxygène. | Azote. |
Sucre de canne. | 42.470 | 6.900 | 50.630 | » |
Sucre de raisin. | 36.710 | 6.780 | 56.510 | » |
Alcool. | 51.980 | 13.700 | 34.320 | » |
Huile d’olive. | 77.210 | 13.360 | 9.430 | » |
Huile de noix. | 79.774 | 10.570 | 9.122 | 0.534 |
Graisse. | 78.996 | 11.700 | 9.304 | » |
Fibrine. | 53.360 | 7.021 | 19.685 | 19.934 |
[2] Revue spirite, juillet 1868, page 201 : Développement de la théorie de la génération spontanée.
Il y a deux images de ce chapitre dans le service Google
- Recherche de livres (Première
édition - 1868) et (Cinquième
édition - 1872.)