Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année XI — Novembre 1868.

(Langue portugaise)

LE SPIRITISME PARTOUT.


PHÉNOMÈNE DE LINGUISTIQUE.

1. —  Le Quatterly Journal of psychological medicine publie un rapport fort curieux sur une petite fille qui a substitué à la langue parlée autour d’elle, une série de mots et de verbes formant tout un idiome dont elle se sert, et dont on ne peut la déshabituer.

« L’enfant a maintenant près de cinq ans. Jusqu’à l’âge de trois ans, elle est restée sans parler et ne savait prononcer que les mots «  papa » et « maman ». Quand elle approcha de sa quatrième année, sa langue se délia tout à coup, et aujourd’hui elle parle avec toute la facilité et la volubilité de son âge. Mais de tout ce qu’elle dit, les deux mots « papa » et «  maman, » qu’elle apprit d’abord, sont les seuls empruntés à la langue anglaise. Tous les autres sont nés dans son petit cerveau et sur ses petites lèvres, et n’ont même aucun rapport avec cette corruption de mots dont se servent les enfants qui jouent habituellement avec elle.

« Dans son dictionnaire, Gaan signifie God (Dieu) ; migno-migno, water (eau) ; odo, to send for, ou take away (envoyer, ou renvoyer), selon qu’il est placé ; gar, horse (cheval).

« Un jour, dit le docteur Hun, il vint à pleuvoir. On fit rentrer l’enfant et on lui défendit de sortir avant que la pluie n’eût cessé. Elle se mit à la fenêtre et dit :

« — Gaan odo migno-migno, feu odo. (Dieu, renvoie la pluie, apporte les feux du soleil.)

« Le mot feu appliqué dans le même sens que dans la langue à laquelle il appartient me frappa. J’appris que l’enfant n’avait jamais entendu parler français, chose fort singulière, et qu’il serait intéressant de bien constater, car l’enfant a emprunté plusieurs mots à la langue française, tels que « tout », « moi », et la négation « ne pas ».

« L’enfant à un frère qui est son aîné d’environ dix-huit mois. Elle lui a appris sa langue, sans lui emprunter aucun des mots dont il se sert.

« Ses parents sont fort désolés de ce petit phénomène ; on a essayé souvent de lui apprendre l’anglais, de lui donner le nom anglais des choses qu’elle désigne autrement dans son idiome : elle s’y refuse absolument. On a essayé de l’éloigner des enfants de son âge, de ne la mettre en communication qu’avec des personnes âgées, parlant anglais et ne connaissant rien de son petit jargon. Il y avait lieu d’espérer qu’une enfant qui s’était montrée aussi avide de communiquer ses pensées que d’inventer une langue nouvelle, chercherait à apprendre l’anglais quand elle se trouverait au milieu de gens ne parlant que cette langue. Mais il n’en a rien été.

« Aussitôt qu’elle se trouve avec des personnes qu’elle n’a pas l’habitude de voir, elle se met de suite à leur apprendre sa langue, et, momentanément du moins, les parents ont renoncé à l’en déshabituer. »


2. — Ce fait ayant été discuté à la Société spirite de Paris,  †  un Esprit en donna l’explication dans la communication suivante :


(Société de Paris, 9 octobre 1868 ; méd., M. Nivard.)

Le phénomène de la petite anglaise, parlant une langue inconnue à ceux qui l’entourent, et se refusant à se servir de la leur, est le fait le plus extraordinaire qui se soit produit depuis bien des siècles.

Des faits surprenants ont eu lieu dans tous les temps, à toutes les époques, qui ont été l’étonnement des hommes, mais ils avaient des similaires ou des semblables ; cela ne les expliquait pas sans doute, mais on les voyait avec moins de surprise. Celui dont il a été question est peut-être unique dans son genre. L’explication qu’on en peut donner n’est ni plus facile, ni plus difficile que les autres, mais sa singularité est frappante, c’est l’essentiel.

J’ai dit le mot frappante ; c’est bien, non la cause, mais la raison du phénomène. Il frappe d’étonnement : c’est pour cela, qu’il s’est produit.

Aujourd’hui que le progrès a fait un certain chemin, on ne se contentera pas de parler du fait, comme on parle de la pluie et du beau temps ; on voudra en chercher la cause. Les médecins n’ont rien à y voir ; la physiologie est étrangère à cette singularité ; si l’enfant était muet, ou ne pouvait que difficilement articuler quelques mots qu’on ne comprendrait pas par suite de l’insuffisance de ses organes vocaux, les savants diraient que cela tient à de mauvaises dispositions physiologiques, et qu’en faisant disparaître ces mauvaises dispositions, on rendrait à l’enfant le libre usage de la parole. Mais tel n’est pas ici le cas ; l’enfant est au contraire loquace, bavarde ; elle parle facilement, appelle les choses à sa façon, les exprime dans la forme qui lui convient et va plus loin : elle enseigne son langage à ses camarades, quand il est prouvé qu’on ne peut lui enseigner sa langue maternelle, et qu’elle ne veut même pas s’y prêter.

La psychologie est donc la seule science dans laquelle on doive chercher l’explication de ce fait. La raison, le but spécial, je viens de le dire : il fallait frapper les esprits et solliciter leurs recherches. Quant à la cause, je vais essayer de vous la dire.

L’Esprit incarné dans le corps de cette enfant a connu la langue, ou plutôt les langues qu’il parle, car il fait un mélange. Néanmoins ce mélange est fait sciemment et constitue une langue dont les diverses expressions sont empruntées à celles que cet Esprit a connues dans d’autres incarnations. Dans sa dernière existence, il avait eu l’idée de créer une langue universelle afin de permettre aux hommes de toutes les nations de s’entendre et d’augmenter ainsi la facilité des relations et le progrès humain. A cet effet, il avait commencé à composer cette langue qu’il constituait de fragments de plusieurs de celles qu’il connaissait et aimait le mieux. La langue anglaise lui était inconnue ; il avait entendu parler des Anglais, mais il trouvait leur langage déplaisant et le détestait.

Une fois dans l’erraticité, le but qu’il s’était proposé dans sa vie l’y a poursuivi ; il s’est remis à la besogne et a composé un vocabulaire qui lui est particulier. Il s’est incarné chez les Anglais avec le mépris qu’il avait pour leur langue, et avec la détermination bien arrêtée de ne pas la parler.

Il a pris possession d’un corps dont l’organisme flexible lui permet de se tenir parole. Les liens qui le rattachent à ce corps sont assez élastiques pour le tenir dans un état de demi-dégagement qui lui laisse le souvenir assez distinct de son passé, et le soutient dans sa résolution. D’un autre côté, il est aidé par son guide spirituel, qui veille à ce que le phénomène ait lieu avec régularité et persévérance, afin d’appeler l’attention des hommes. L’Esprit incarné, du reste, était consentant dans la production du fait. En même temps qu’il affiche le déplaisir de la langue anglaise, il remplit la mission de provoquer les recherches psychologiques.


L. NIVARD père.


Remarque. — Si cette explication ne peut être démontrée, elle a du moins pour elle la rationalité et la probabilité. Un Anglais, qui n’admet pas le principe de la pluralité des existences, et qui n’avait point connaissance de la communication ci-dessus, entraîné par l’irrésistible logique, dit, en parlant de ce fait, qu’il ne pourrait s’expliquer que par la réincarnation, s’il était vrai qu’on pût revivre sur la terre.

Voilà donc un phénomène qui, par son étrangeté même, captivant l’attention, provoque l’idée de la réincarnation, comme la seule raison plausible qu’on en puisse donner. Avant que ce principe ne fût à l’ordre du jour, on eût tout simplement trouvé le fait bizarre, et, sans doute, en des temps plus reculés, on aurait regardé cette enfant comme ensorcelée.

Nous ne jurerions même pas qu’aujourd’hui ce ne fût l’opinion de certaines personnes. Ce qui n’est pas moins digne de remarque, c’est que ce fait se produit précisément dans un pays encore réfractaire à l’idée de la réincarnation, mais à laquelle il sera amené par la force des choses.


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