7. CONSIDÉRATIONS SUR LA PROPAGATION DE LA MÉDIUMNITÉ GUÉRISSANTE.
Nous devons tout d’abord faire quelques rectifications à notre compte rendu des cures de M. Jacob. Nous tenons de ce dernier lui-même que la petite fille qu’il a guérie, en arrivant à la Ferté-sous-Jouarre, † ne l’a point été sur la place publique ; c’est bien là qu’il l’a vue, mais la guérison a eu lieu dans la maison des parents où il l’a fait entrer. Cela ne change rien au résultat ; mais cette circonstance donne à l’action un caractère moins excentrique.
De son côté, M. Boivinet nous écrit : « Au sujet de la proportion des malades guéris, j’ai voulu dire que sur 4,000, un quart n’a pas éprouvé de résultats, et que sur le reste, soit 3,000, un quart a été guéri et les trois quarts soulagés. D’un autre passage de l’article on pourrait croire que j’ai affirmé la guérison de membres ankylosés ; j’ai voulu dire que M. Jacob avait redressé des membres roidis, rigides comme s’ils étaient ankylosés, mais pas plus ; ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas eu d’ankyloses † guéries, seulement je l’ignore. Quant aux membres roidis par des douleurs paralysant en partie la faculté du mouvement, j’ai constaté en dernier lieu trois cas de guérison instantanée ; le lendemain, l’un des malades était absolument guéri ; l’autre avait la liberté du mouvement avec un reste de douleur dont, me disait-il, il s’accommoderait volontiers pour toujours. Je n’ai pas revu le troisième malade. »
Il eût été bien étonnant que le diable ne vînt pas se mêler dans cette affaire. Une autre personne nous écrit d’une des localités où le bruit des guérisons de M. Jacob s’était répandu : « Ici grande émotion dans la commune et au presbytère. La servante de M. le curé ayant rencontré deux fois M. Jacob dans la rue unique du pays, est convaincue que c’est le diable, et qu’il la poursuit. La pauvre femme s’est réfugiée dans une maison où elle a eu presque une attaque de nerfs. Il est vrai que le costume rouge du zouave a pu lui faire croire qu’il sortait de l’enfer. Il paraît qu’on prépare ici une croisade contre le diable pour détourner les malades de se faire guérir par lui. »
Qui a pu mettre dans l’idée de cette femme que M. Jacob est le diable en personne, et que les guérisons sont une rouerie de sa part ? N’a-t-on dit aux pauvres d’une certaine ville qu’ils ne devaient pas recevoir le pain et les aumônes des Spirites, parce que c’était une séduction de Satan ? et ailleurs qu’il valait mieux être athée que de revenir à Dieu par l’influence du Spiritisme, parce que c’était encore là une ruse du démon ? Dans tous les cas, en attribuant tant de bonnes choses au diable, on fait tout ce qu’il faut pour le réhabiliter dans l’opinion. Ce qui est plus étrange, c’est que ce soit de pareilles idées dont on nourrisse encore les populations à quelques lieues de Paris. Aussi quelle réaction quand la lumière se fait dans ces cerveaux fanatisés ! Il faut convenir qu’il y a des gens bien maladroits.
8. — Revenons à notre sujet : les considérations générales sur la médiumnité guérissante.
Nous avons dit, et nous ne saurions trop le répéter, qu’il y a une différence radicale entre les médiums guérisseurs et ceux qui obtiennent des prescriptions médicales de la part des Esprits. Ceux-ci ne diffèrent en rien des médiums écrivains ordinaires, si ce n’est par la spécialité des communications. Les premiers guérissent par l’action fluidique seule, en plus ou moins de temps, quelquefois instantanément, sans l’emploi d’aucun remède. La puissance curative est tout entière dans le fluide épuré auquel ils servent de conducteurs. La théorie de ce phénomène a été suffisamment expliquée pour prouver qu’il rentre dans l’ordre des lois naturelles, et qu’il n’a rien de miraculeux. Il est le produit d’une aptitude spéciale aussi indépendante de la volonté que toutes les autres facultés médianimiques ; ce n’est pas un talent que l’on puisse acquérir ; on ne se fait pas médium guérisseur, comme on se fait médecin. L’aptitude à guérir est inhérente au médium, mais l’exercice de la faculté n’a lieu qu’avec le concours des Esprits ; d’où il suit que si les Esprits ne veulent pas, ou ne veulent plus se servir de lui, il est comme un instrument sans musicien, et n’obtient rien ; il peut donc perdre instantanément sa faculté, ce qui exclut la possibilité d’en faire une profession.
Un autre point à considérer, c’est que cette faculté étant fondée sur des lois naturelles, elle a des limites tracées par ces mêmes lois. On comprend que l’action fluidique puisse rendre la sensibilité à un organe existant, faire dissoudre et disparaître un obstacle au mouvement et à la perception, cicatriser une plaie, car alors le fluide devient un véritable agent thérapeutique ; mais il est évident qu’il ne peut remédier à l’absence ou à la destruction d’un organe, ce qui serait un véritable miracle. Ainsi, la vue pourra être rendue à un aveugle par amaurose, † ophtalmie, taie ou cataracte, † mais non à celui qui aura les yeux crevés. Il y a donc des maladies foncièrement incurables, et ce serait une illusion de croire que la médiumnité guérissante va délivrer l’humanité de toutes ses infirmités.
Il faut, en outre, tenir compte de la variété des nuances que présente cette faculté, qui est loin d’être uniforme chez tous ceux qui la possèdent. Elle se présente sous des aspects très divers. En raison du degré de développement de la puissance, l’action est plus ou moins rapide, étendue ou circonscrite. Tel médium triomphe de certaines maladies sur certaines personnes et dans des circonstances données, qui échoue complètement dans des cas en apparence identiques, Il paraîtrait même que chez quelques-uns la faculté guérissante s’étend aux animaux.
Il s’opère dans ce phénomène une véritable réaction chimique analogue à celle que produisent les médicaments. Le fluide agissant comme agent thérapeutique, son action varie selon les propriétés qu’il reçoit des qualités du fluide personnel du médium ; or, par suite du tempérament et de la constitution de ce dernier, ce fluide est imprégné d’éléments divers qui lui donnent des propriétés spéciales ; il peut être, pour nous servir de comparaisons matérielles, plus ou moins chargé d’électricité animale, de principes acides ou alcalins, ferrugineux, sulfureux, dissolvants, astringents, caustiques, etc. ; il en résulte une action différente selon la nature du désordre organique ; cette action peut donc être énergique, toute puissante dans certains cas, et nulle dans d’autres. C’est ainsi que les médiums guérisseurs peuvent avoir des spécialités ; tel guérira les douleurs ou redressera un membre, qui ne rendra pas la vue à un aveugle, et réciproquement. L’expérience seule peut faire connaître la spécialité et l’étendue de l’aptitude ; mais on peut dire en principe, qu’il n’y a pas de médiums guérisseurs universels, par la raison qu’il n’y a pas d’hommes parfaits sur la terre, et dont la puissance soit illimitée.
L’action est toute différente dans l’obsession, et la faculté de guérir n’implique pas celle de délivrer les obsédés. Le fluide guérisseur agit en quelque sorte matériellement sur les organes affectés, tandis que, dans l’obsession, il faut agir moralement sur l’Esprit obsesseur ; il faut avoir autorité sur lui pour lui faire lâcher prise. Ce sont donc deux aptitudes distinctes qui ne se rencontrent pas toujours dans la même personne. Le concours du fluide guérisseur devient nécessaire lorsque, ce qui est assez fréquent, l’obsession se complique d’affections organiques. Il peut donc y avoir des médiums guérisseurs impuissants pour l’obsession, et réciproquement.
La médiumnité guérissante ne vient point supplanter la médecine et les médecins ; elle vient simplement prouver à ces derniers qu’il y a des choses qu’ils ne savent pas et les inviter à les étudier ; que la nature a des lois et des ressources qu’ils ignorent ; que l’élément spirituel qu’ils méconnaissent n’est pas une chimère, et que, lorsqu’ils en tiendront compte, ils ouvriront de nouveaux horizons à la science et réussiront plus souvent qu’ils ne le font. Si cette faculté n’était le privilège que d’un individu, elle passerait inaperçue ; on la regarderait comme une exception, un effet du hasard, cette suprême explication qui n’explique rien, et le mauvais vouloir pourrait aisément étouffer la vérité. Mais lorsqu’on verra les faits se multiplier, on sera bien forcé de reconnaître qu’ils ne peuvent se produire qu’en vertu d’une loi ; que si des hommes ignorants réussissent là où les savants échouent, c’est que les savants ne savent pas tout. Cela ne préjudicie en rien à la science qui sera toujours le levier et la résultante du progrès intellectuel ; l’amour-propre de ceux qui la circonscrivent dans les limites de leur savoir et de la matérialité peut seul en souffrir.
De toutes les facultés médianimiques, la médiumnité guérissante vulgarisée est celle qui est appelée à produire le plus de sensations, parce qu’il y a partout des malades et en grand nombre, et que ce n’est pas la curiosité qui les attire, mais le besoin impérieux de soulagement ; plus qu’aucune autre elle triomphera de l’incrédulité aussi bien que du fanatisme qui voit partout l’intervention du diable. La multiplicité des faits conduira forcément à l’étude de la cause naturelle, et de là à la destruction des idées superstitieuses d’ensorcellement, de pouvoir occulte, d’amulettes, etc. Si l’on considère l’effet produit aux alentours du camp de Châlons par un seul individu, la multitude de gens souffrants venus de dix lieues à la ronde, on peut juger de ce qu’il en serait si dix, vingt, cent individus se produisaient dans les mêmes conditions, soit en France, soit dans les pays étrangers. Si vous dites à ces malades qu’ils sont le jouet d’une illusion, ils vous répondront en montrant leur jambe redressée ; qu’ils sont dupes de charlatans ? Ils diront qu’ils n’ont rien payé, et qu’on ne leur a vendu aucune drogue ; qu’on a abusé de leur confiance ? Ils diront qu’on ne leur a rien promis.
C’est aussi la faculté qui échappe le plus à l’accusation de jonglerie et de supercherie ; elle brave la raillerie, car il n’y a rien de risible dans un malade guéri que la science avait abandonné. Le charlatanisme peut simuler plus ou moins grossièrement la plupart des effets médianimiques, et l’incrédulité y cherche toujours des ficelles ; mais où trouvera-t-on les ficelles de la médiumnité guérissante ? On peut donner des tours d’adresse pour des effets médianimiques, et les effets les plus réels peuvent, aux yeux de certaines gens, passer pour des tours d’adresse, mais que donnerait celui qui prendrait indûment la qualité de médium guérisseur ? De deux choses l’une : il guérit ou il ne guérit pas. Il n’y a pas de simulacre qui puisse suppléer à une guérison.
La médiumnité guérissante échappe, en outre, complètement à la loi sur l’exercice illégal de la médecine, puisqu’elle ne prescrit aucun traitement. De quelle pénalité pourrait-on frapper celui qui guérit par sa seule influence, secondée par la prière, qui, de plus, ne demande rien pour prix de ses services ? Or, la prière n’est pas une substance pharmaceutique. C’est, selon vous, de la niaiserie, soit ; mais si la guérison est au bout de cette niaiserie, que direz-vous ? Une niaiserie qui guérit vaut bien les remèdes qui ne guérissent pas. On a pu interdire à M. Jacob de recevoir des malades au camp et d’aller chez eux, et s’il s’est soumis en disant qu’il ne reprendrait l’exercice de sa faculté que lorsque l’interdiction serait levée officiellement, c’est parce qu’étant militaire, il a voulu se montrer scrupuleux observateur de la discipline, quelque dure quelle fût. En cela, il a sagement agi, car il a prouvé que le Spiritisme ne conduit pas à l’insubordination ; mais c’est ici un cas exceptionnel. Dès lors que cette faculté n’est pas le privilège d’un individu, par quel moyen pourrait-on l’empêcher de se propager ? Si elle se propage, il faudra, bon gré mal gré, l’accepter avec toutes ses conséquences.
La médiumnité guérissante tenant à une disposition organique, beaucoup de personnes en possèdent au moins le germe qui reste à l’état latent, faute d’exercice et de développement. C’est une faculté que beaucoup ambitionnent avec raison, et si tous ceux qui désirent la posséder la demandaient avec ferveur et persévérance par la prière, et dans un but exclusivement humanitaire, il est probable que, de ce concours, sortiraient plus d’un véritable médium guérisseur.
Il ne faut pas s’étonner de voir des personnes qui, au premier abord n’en paraissent pas dignes, favorisées de ce don précieux. C’est que l’assistance des bons Esprits est acquise à tout le monde pour ouvrir à tous la voie du bien ; mais elle cesse si l’on ne sait pas s’en rendre digne en s’améliorant. Il en est ici comme des dons de la fortune qui ne vient pas toujours au plus méritant ; c’est alors une épreuve par l’usage qu’on en fait : heureux ceux qui en sortent victorieux.
Par la nature de ses effets, la médiumnité guérissante exige impérieusement le concours d’Esprits épurés qui ne sauraient être suppléés par des Esprits inférieurs, tandis qu’il est des effets médianimiques pour la production desquels l’élévation des Esprits n’est pas une condition nécessaire, et qui, par cette raison, s’obtiennent à peu près en toute circonstance. Certains Esprits même, moins scrupuleux que d’autres sur les conditions, préfèrent les médiums en qui ils trouvent de la sympathie ; mais à l’œuvre ou reconnaît l’ouvrier.
Il y a donc pour le médium guérisseur nécessité absolue de se concilier le concours des Esprits supérieurs s’il veut conserver et voir se développer sa faculté, sinon, au lieu de grandir, elle décline, et disparaît par l’éloignement des bons Esprits. La première condition pour cela est de travailler à sa propre épuration, afin de ne pas altérer les fluides salutaires qu’il est chargé de transmettre. Cette condition ne saurait être remplie sans le désintéressement matériel et moral le plus complet. Le premier est le plus facile, le second est le plus rare, parce que l’orgueil et l’égoïsme sont les sentiments les plus difficiles à déraciner, et que plusieurs causes contribuent à les surexciter chez les médiums. Dès que l’un d’eux se révèle avec des facultés un peu transcendantes, — nous parlons ici des médiums en général, écrivains, voyants et autres, — il est recherché, adulé et plus d’un succombe à cette tentation de la vanité. Bientôt, oubliant que sans les Esprits il ne serait rien, il se regarde comme indispensable, et seul interprète de la vérité ; il dénigre les autres médiums et se croit au-dessus des conseils. Le médium qui en est là est perdu, car les Esprits se chargent de lui prouver qu’on peut se passer de lui en faisant surgir d’autres médiums mieux assistés. En comparant la série des communications d’un même médium, on peut aisément juger s’il grandit ou s’il dégénère. Combien, hélas ! nous en avons vu dans tous les genres tomber tristement et déplorablement sur le terrain glissant de l’orgueil et de la vanité ! On peut donc s’attendre à voir surgir une multitude de médiums guérisseurs ; dans le nombre plusieurs resteront fruits secs, et s’éclipseront après avoir jeté un éclat passager, tandis que d’autres continueront à s’élever.
9. — En voici déjà un exemple que nous signalait un de nos correspondants, il y a environ six mois. Dans un département du midi, un médium qui s’était révélé comme guérisseur, avait opéré plusieurs cures remarquables, et l’on fondait sur lui de grandes espérances. Sa faculté présentait des particularités qui donnèrent, dans un groupe, l’idée de faire une étude à ce sujet. Voici la réponse qu’on obtint des Esprits et qui nous a été transmise dans le temps ; elle peut servir à l’instruction de tous.
« X… possède réellement la faculté de médium guérisseur remarquablement développée ; malheureusement, comme beaucoup d’autres, il s’en exagère trop la portée. C’est un excellent garçon rempli de bonnes intentions, mais qu’un orgueil démesuré et une vue extrêmement courte sur les hommes et sur les choses feront péricliter promptement. Sa puissance fluidique qui est considérable, bien utilisée et aidée de l’influence morale, pourrait produire d’excellent résultats. Savez-vous pourquoi beaucoup de ses malades n’éprouvent qu’un bien-être momentané qui disparaît quand il n’est plus là ? c’est qu’il agit par sa présence seule, mais qu’il ne laisse rien à l’esprit pour triompher des souffrances du corps.
Quand il est parti, il ne reste rien de lui, pas même la pensée qui suit le malade auquel il ne songe plus, tandis que l’action mentale pourrait, en son absence, continuer l’action directe. Il croit à sa puissance fluidique qui est réelle, mais dont l’action n’est pas persistante, parce qu’elle n’est pas corroborée par l’influence morale. Lorsqu’il réussit, il est plus satisfait d’être remarqué que d’avoir guéri ; et cependant il est sincèrement désintéressé, car il rougirait de recevoir la moindre rémunération ; quoiqu’il ne soit pas riche, il n’a jamais songé à s’en faire une ressource ; ce qu’il désire, c’est de faire parler de lui. Il manque aussi de l’affabilité du cœur qui attire. Ceux qui viennent à lui sont froissés de ses manières qui ne font pas naître la sympathie, et il en résulte un défaut d’harmonie qui nuit à l’assimilation des fluides. Loin de calmer et d’apaiser les mauvaises passions, il les excite tout en croyant faire ce qu’il faut pour les détruire, et cela par manque de jugement. C’est un instrument faussé ; il donne quelquefois des sons harmonieux et bons, mais l’ensemble ne peut qu’être, sinon mauvais, du moins improductif. Il n’est pas aussi utile à la cause qu’il le pourrait ; il y nuit même le plus souvent, parce que, par son caractère, il en fait fort mal apprécier les résultats. C’est un de ceux qui prêchent avec violence une doctrine de douceur et de paix.
Demande. Ainsi vous pensez qu’il perdra son pouvoir guérissant ?
Réponse. J’en suis persuadé, ou bien il faudrait alors qu’il fît un retour sérieux sur lui-même, ce dont, malheureusement, je ne le crois pas capable. Les conseils seraient superflus, parce qu’il se persuade en savoir plus que tout le monde ; il aurait peut-être l’air de les écouter, mais il ne les suivrait pas. Il perd ainsi doublement le bénéfice d’une excellente faculté. »
L’événement a justifié la prévision. Nous avons su depuis que ce médium, après une série d’échecs dont son amour-propre avait eu à souffrir, avait renoncé à de nouvelles tentatives de guérisons.
10. — Le pouvoir de guérir est indépendant de la volonté du médium ; c’est là un fait acquis à l’expérience ; ce qui dépend de lui, ce sont les qualités qui peuvent rendre ce pouvoir fructueux et durable. Ces qualités sont surtout le dévouement, l’abnégation et l’humilité ; l’égoïsme, l’orgueil et la cupidité sont des points d’arrêt contre lesquels se brise la plus belle faculté.
Le véritable médium guérisseur, celui qui comprend la sainteté de sa mission, est mû par l’unique désir du bien ; il ne voit dans le don qu’il possède qu’un moyen de se rendre utile à ses semblables, et non un marche-pied pour s’élever au-dessus des autres et se mettre en évidence. Il est humble de cœur, c’est-à-dire qu’en lui l’humilité et la modestie sont sincère, réelles, sans arrière-pensée, et non dans des paroles que démentent souvent les actes. L’humilité est parfois un manteau sous lequel s’abrite l’orgueil, mais qui ne saurait abuser personne. Il ne cherche ni l’éclat, ni la renommée, ni le bruit de son nom, ni la satisfaction de sa vanité ; il n’y a, dans ses manières, ni jactance, ni forfanterie ; il ne fait point parade des guérisons qu’il obtient, tandis que l’orgueilleux les énumère avec complaisance, souvent les amplifie, et finit par se persuader qu’il a fait tout ce qu’il dit.
Heureux du bien qu’il fait, il ne l’est pas moins de celui que d’autres peuvent faire ; ne se croyant ni le premier ni le seul capable, il ne jalouse et ne dénigre aucun médium. Ceux qui possèdent la même faculté sont pour lui des frères qui concourent au même but ; il se dit que plus il y en aura, plus le bien sera grand.
Sa confiance en ses propres forces ne va pas jusqu’à la présomption de se croire infaillible et encore moins universel ; il sait que d’autres peuvent autant et plus que lui ; sa foi est en Dieu plus qu’en lui-même, car il sait qu’il peut tout par lui et rien sans lui. C’est pourquoi il ne promet rien que sous la réserve de la permission de Dieu.
A l’influence matérielle, il joint l’influence morale, auxiliaire puissant qui double sa force. Par sa parole bienveillante, il encourage, relève le moral, fait naître l’espérance et la confiance en Dieu. C’est déjà une partie de la guérison, car c’est une consolation qui dispose à recevoir l’effluve bienfaisant, ou pour mieux dire, la pensée bienveillante est elle-même un effluve salutaire. Sans l’influence morale, le médium n’a pour lui que l’action fluidique, matérielle et en quelque sorte brutale, insuffisante en beaucoup de cas.
Enfin, vers celui qui possède les qualités du cœur, le malade est attiré par une sympathie qui prédispose à l’assimilation des fluides, tandis que l’orgueil, le manque de bienveillance, froissent et font éprouver un sentiment de répulsion qui paralyse cette assimilation.
Tel est le médium guérisseur aimé des bons Esprits. Telle est aussi la mesure qui peut servir à juger la valeur intrinsèque de ceux qui se révéleront, et l’étendue des services qu’ils pourront rendre à la cause du Spiritisme. Ce n’est pas à dire qu’il ne s’en trouve que dans ces conditions, et que celui qui ne réunirait pas toutes ces qualités ne puisse rendre momentanément des services partiels qu’on aurait tort de repousser ; le mal est pour lui, car plus il s’éloigne du type, moins il peut espérer voir sa faculté se développer et plus il est près de son déclin ; les bons Esprits ne s’attachent qu’à ceux qui se montrent dignes de leur protection, et la chute de l’orgueilleux, est tôt ou tard sa punition. Le désintéressement est incomplet sans le désintéressement moral.
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