Je suis vraiment touché de te voir, cher enfant,
A mes ordres soumis, prier en m’évoquant,
Et blâmer hautement la logique trompeuse
Et les vains arguments d’une secte orgueilleuse,
Qui prétend que l’Esprit accomplit un devoir
En venant à ta voix, trop heureux de pouvoir,
En subissant ta loi, fuir et quitter plus vite
Le séjour ennuyeux du monde qu’il habite,
Pour s’envoler enfin, vers ces rives sans bords,
Que n’attristent plus l’ombre et la plainte des morts.
Ce sont là de grands mots et des phrases pompeuses.
Mais s’il vient dévoiler les beautés merveilleuses
Des mondes inconnus, ouvrir les horizons
Des temps, et l’enseigner, dans de longues leçons,
Le principe et la fin de ton âme immortelle,
La grandeur de ton Dieu, sa puissance éternelle,
Sa justice infinie et son sublime amour,
Noble railleur, sois franc : Diras-tu qu’en retour,
S’il te demande un jour une courte prière,
Il est trop exigeant, quand souvent sur la terre,
Pour avoir ou payer une mince faveur,
On te voit, suppliant, fouler toute pudeur,
Et mendier longtemps, comme un pauvre mendie,
En soupirant, le pain qui doit nourrir sa vie ?
Oh ! crois-moi, cher enfant, malheur ! trois fois malheur !
A celui qui toujours, oubliant la douleur
Et les larmes de sang de ce monde invisible,
En écoutant nos voix reste encore insensible,
Et ne vient à genoux
Prier son Dieu pour nous.
Casimir Delavigne. |