1. — La révélation, dans le sens liturgique, implique une idée de mysticisme et de merveilleux. Le matérialisme la repousse naturellement, parce qu’elle suppose l’intervention de puissances et d’intelligences extra-humaines. En dehors de la négation absolue, beaucoup de personnes se posent aujourd’hui ces questions : Y a-t-il eu ou non une révélation ? La révélation est-elle nécessaire ? En apportant aux hommes la vérité toute faite, n’aurait-elle pas pour effet de les empêcher de faire usage de leurs facultés, puisqu’elle leur épargnerait le travail de la recherche ? Ces objections naissent de la fausse idée que l’on se fait de la révélation. Prenons-la d’abord dans son acception la plus simple, pour la suivre jusqu’à son point le plus élevé.
Révéler, c’est faire connaître une chose qui n’est pas connue ; c’est apprendre à quelqu’un ce qu’il ne sait pas. A ce point de vue, il y a pour nous une révélation pour ainsi dire incessante. Quel est le rôle du professeur vis-à-vis de ses élèves, si ce n’est celui d’un révélateur ? Il leur enseigne ce qu’ils ne savent pas, ce qu’ils n’auraient ni le temps, ni la possibilité de découvrir eux-mêmes, parce que la science est l’œuvre collective des siècles et d’une multitude d’hommes qui y ont apporté chacun leur contingent d’observations, et dont profitent ceux qui viennent après eux. L’enseignement est donc, en réalité, la révélation de certaines vérités scientifiques ou morales, physiques ou métaphysiques, faite par des hommes qui les connaissent, à d’autres hommes qui les ignorent, et qui, sans cela, les eussent toujours ignorées. Trouverait-on plus logique de les laisser chercher eux-mêmes ces vérités ? d’attendre pour leur apprendre à se servir de la vapeur qu’ils eussent inventé la mécanique ? Ne pour-rait-on pas dire qu’en leur révélant ce que d’autres ont trouvé, on les empêche d’exercer leurs facultés ? N’est-ce pas, au contraire, en s’appuyant sur la connaissance des découvertes antérieures qu’ils arrivent aux découvertes nouvelles ? Faire connaître au plus grand nombre possible la plus grande somme possible de vérités connues, c’est donc provoquer l’activité de l’intelligence au lieu de l’étouffer, et pousser au progrès ; sans cela, l’homme resterait stationnaire.
2. — Mais le professeur n’enseigne que ce qu’il a appris ; c’est un révélateur de second ordre ; l’homme de génie enseigne ce qu’il a trouvé lui-même : c’est le révélateur primitif ; c’est lui qui a apporté la lumière qui, de proche en proche, s’est vulgarisée. Où en serait l’humanité, sans la révélation des hommes de génie qui apparaissent de temps à autre ?
Mais qu’est-ce que les hommes de génie ? Pourquoi sont-ils hommes de génie ? D’où viennent-ils ? Que deviennent-ils ? Remarquons que la plupart apportent en naissant des facultés transcendantes et des connaissances innées, qu’un peu de travail suffit pour développer. Ils appartiennent bien réellement à l’humanité, puisqu’ils naissent, vivent et meurent comme nous. Où donc ont-ils puisé ces connaissances qu’ils n’ont pu acquérir de leur vivant ? Dira-t-on, avec les matérialistes, que le hasard leur a donné la matière cérébrale en plus grande quantité et de meilleure qualité ? Dans ce cas, ils n’auraient pas plus de mérite qu’un légume plus gros et plus savoureux qu’un autre.
Dira-t-on, avec certains spiritualistes, que Dieu les a doués d’une âme plus favorisée que celle du commun des hommes ? Supposition tout aussi illogique, puisqu’elle accuserait Dieu de partialité. La seule solution rationnelle de ce problème est dans la préexistence de l’âme et dans la pluralité des existences. L’homme de génie est un Esprit qui a vécu plus longtemps, qui a, par conséquent, plus acquis et plus progressé que ceux qui sont moins avancés. En s’incarnant, il apporte ce qu’il sait, et comme il sait beaucoup plus que les autres, sans avoir besoin d’apprendre, il est ce qu’on appelle un homme de génie. Mais ce qu’il sait n’en est pas moins le fruit d’un travail antérieur et non le résultat d’un privilège. Avant de renaître, il était donc Esprit avancé ; il se réincarne soit pour faire profiter les autres de ce qu’il sait, soit pour acquérir davantage.
Les hommes progressent incontestablement par eux-mêmes et par les efforts de leur intelligence ; mais livrés à leurs propres forces, ce progrès est très lent, s’ils ne sont aidés par des hommes plus avancés, comme l’écolier l’est par ses professeurs. Tous les peuples ont eu leurs hommes de génie qui sont venus, à diverses époques, donner une impulsion et les tirer de leur inertie.
Dès lors qu’on admet la sollicitude de Dieu pour ses créatures, pourquoi n’admettrait-on pas que des Esprits capables, par leur énergie et la supériorité de leurs connaissances, de faire avancer l’humanité, s’incarnent par la volonté de Dieu en vue d’aider au progrès dans un sens déterminé ; qu’ils reçoivent une mission, comme un ambassadeur en reçoit une de son souverain ? Tel est le rôle des grands génies. Que viennent-ils faire, sinon apprendre aux hommes des vérités que ceux-ci ignorent, et qu’ils eussent ignorées pendant encore de longues périodes, afin de leur donner un marchepied à l’aide duquel ils pourront s’élever plus rapidement ? Ces génies qui apparaissent à travers les siècles, comme des étoiles brillantes, laissant après elles une longue traînée lumineuse sur l’humanité, sont des missionnaires, ou, si l’on veut, des messies. S’ils n’apprenaient aux hommes rien autre que ce que savent ces derniers, leur présence serait complètement inutile ; les choses nouvelles qu’ils leur enseignent, soit dans l’ordre physique, soit dans l’ordre moral, sont des révélations.
3. — Si Dieu suscite des révélateurs pour les vérités scientifiques, il peut, à plus forte raison, en susciter pour les vérités morales, qui sont un des éléments essentiels du progrès. Tels sont les philosophes dont les idées ont traversé les siècles.
Dans le sens spécial de la foi religieuse, les révélateurs sont plus généralement désignés sous les noms de prophètes ou messies. Toutes les religions ont eu leurs révélateurs, et quoique tous soient loin d’avoir connu toute la vérité, ils avaient leur raison d’être providentielle, car ils étaient appropriés au temps et au milieu où ils vivaient, au génie particulier des peuples auxquels ils parlaient, et auxquels ils étaient relativement supérieurs. Malgré les erreurs de leurs doctrines, ils n’en ont pas moins remué les esprits, et par cela même semé des germes de progrès qui, plus tard, devaient s’épanouir, ou s’épanouiront un jour, au soleil du Christianisme. C’est donc à tort qu’on leur jette l’anathème au nom de l’orthodoxie, car un jour viendra où toutes ces croyances, si diverses pour la forme, mais qui reposent en réalité sur un même principe fondamental : Dieu et l’immortalité de l’âme, se fondront dans une grande et vaste unité, lorsque la raison aura triomphé des préjugés.
4. — Malheureusement, les religions ont de tous temps été des instruments
de domination ; le rôle de prophète a tenté les ambitions secondaires,
et l’on a vu surgir une multitude de prétendus révélateurs ou messies
qui, à la faveur du prestige de ce nom, ont exploité la crédulité au
profit de leur orgueil, de leur cupidité ou de leur paresse, trouvant
plus commode de vivre aux dépens de leurs dupes. La religion chrétienne
n’a pas été à l’abri de ces parasites. A ce sujet, nous appelons une
attention sérieuse sur le
chapitre xxi de l’Évangile selon le Spiritisme : « Il y aura
de faux Christs et de faux prophètes. » Le langage symbolique de
Jésus a singulièrement favorisé les interprétations les plus contradictoires ;
chacun, s’efforçant d’en torturer le sens, a cru y trouver la sanction
de ses vues personnelles, souvent même la justification des doctrines
les plus contraires à l’esprit de charité et de justice qui en est la
base. Là est l’abus qui disparaîtra par la force même des choses, sous
l’empire de la raison. Ce n’est point ce dont nous avons à nous occuper
ici. Nous constatons seulement les deux grandes révélations sur lesquelles
s’appuie le Christianisme : celle de Moïse et celle de Jésus, parce
qu’elles ont eu une influence décisive sur l’humanité. L’islamisme peut
être considéré comme un dérivé de conception humaine, du mosaïsme et
du Christianisme. Pour accréditer la religion qu’il voulait fonder,
Mahomet dut s’appuyer sur une prétendue révélation divine. [v.
Mahomet
et l’Islamisme.]
5. — Y a-t-il des révélations directes de Dieu aux hommes ? C’est une question que nous n’oserions résoudre ni affirmativement ni négativement d’une manière absolue. La chose n’est point radicalement impossible, mais rien n’en donne la preuve certaine. Ce qui ne saurait être douteux, c’est que les Esprits les plus rapprochés de Dieu par la perfection se pénètrent de sa pensée et peuvent la transmettre. Quant aux révélateurs incarnés, selon l’ordre hiérarchique auquel ils appartiennent et le degré de leur savoir personnel, ils peuvent puiser leurs instructions dans leurs propres connaissances, ou les recevoir d’Esprits plus élevés, voire même des messagers directs de Dieu. Ceux-ci, parlant au nom de Dieu, ont pu parfois être pris pour Dieu lui-même.
6. — Ces sortes de communications n’ont rien d’étrange pour quiconque connaît les phénomènes spirites et la manière dont s’établissent les rapports entre les incarnés et les désincarnés. Les instructions peuvent être transmises par divers moyens : par l’inspiration pure et simple, par l’audition de la parole, par la vue des Esprits instructeurs dans les visions et apparitions, soit en rêve, soit à l’état de veille, ainsi qu’on en voit maints exemples dans la Bible, l’Évangile, et dans les livres sacrés de tous les peuples. Il est donc rigoureusement exact de dire que la plupart des révélateurs sont des médiums inspirés, auditifs ou voyants ; d’où il ne suit pas que tous les médiums soient des révélateurs, et encore moins les intermédiaires directs de la Divinité ou de ses messagers.
Les purs Esprits seuls reçoivent la parole de Dieu avec mission de la transmettre ; mais on sait maintenant que les Esprits sont loin d’être tous parfaits, et qu’il en est qui se donnent de fausses apparences ; c’est ce qui a fait dire à saint Jean : « Ne croyez point à tout Esprit, mais voyez auparavant si les Esprits sont de Dieu. » (Ép. 1er, ch. iv, v. 1.)
7. — Il peut donc y avoir des révélations sérieuses et vraies, comme il y en a d’apocryphes et de mensongères. Le caractère essentiel de la révélation divine est celui de l’éternelle vérité. Toute révélation entachée d’erreur ou sujette à changement ne peut émaner de Dieu, car Dieu ne peut ni tromper sciemment ni se tromper lui-même. C’est ainsi que la loi du Décalogue a tous les caractères de son origine, tandis que les autres lois mosaïques, essentiellement transitoires, souvent en contradiction avec la loi du Sinaï, sont l’œuvre personnelle et politique du législateur hébreu. Les mœurs du peuple s’adoucissant, ces lois sont d’elles-mêmes tombées en désuétude, tandis que le Décalogue est resté debout comme le phare de l’humanité. Christ en a fait la base de son édifice, tandis qu’il a aboli les autres lois ; si elles eussent été l’œuvre de Dieu, il se serait gardé d’y toucher. Christ et Moïse sont les deux grands révélateurs qui ont changé la face du monde, et là est la preuve de leur mission divine. Une œuvre purement humaine n’aurait pas un tel pouvoir.
8. — Une nouvelle et importante révélation s’accomplit à l’époque actuelle ; c’est celle qui nous montre la possibilité de communiquer avec les êtres du monde spirituel. Cette connaissance n’est point nouvelle, sans doute, mais elle était restée jusqu’à nos jours en quelque sorte à l’état de lettre morte, c’est-à-dire sans profit pour l’humanité. L’ignorance des lois qui régissent ces rapports l’avait étouffée sous la superstition ; l’homme était incapable d’en tirer aucune déduction salutaire ; il était réservé à notre époque de la débarrasser de ses accessoires ridicules, d’en comprendre la portée, et d’en faire sortir la lumière qui devait éclairer la route de l’avenir.
Les Esprits n’étant autres que les âmes des hommes, en communiquant avec eux nous ne sortons pas de l’humanité, circonstance capitale à considérer. Les hommes de génie qui ont été les flambeaux de l’humanité sont donc sortis du monde des Esprits, comme ils y sont rentrés en quittant la terre. Dès lors que les Esprits peuvent se communiquer aux hommes, ces mêmes génies peuvent leur donner des instructions sous la forme spirituelle, comme ils l’ont fait sous la forme corporelle ; ils peuvent nous instruire après leur mort, comme ils le faisaient de leur vivant ; ils sont invisibles au lieu d’être visibles, voilà toute la différence. Leur expérience et leur savoir ne doivent pas être moindres, et si leur parole comme hommes avait de l’autorité, elle n’en doit pas avoir moins parce qu’ils sont dans le monde des Esprits.
Mais ce ne sont pas seulement les Esprits supérieurs qui se manifestent, ce sont aussi les Esprits de tous ordres, et cela était nécessaire pour nous initier au véritable caractère du monde des Esprits, en nous le montrant sous toutes ses faces ; par là, les relations entre le monde visible et le monde invisible sont plus intimes, la connexité est plus évidente ; nous voyons plus clairement d’où nous venons et où nous allons ; tel est le but essentiel de ces manifestations. Tous les Esprits, à quelque degré qu’ils soient parvenus, nous apprennent donc quelque chose ; mais comme ils sont plus ou moins éclairés, c’est à nous de discerner ce qu’il y a en eux de bon ou de mauvais, et de tirer le profit que comporte leur enseignement ; or tous, quels qu’ils soient, peuvent nous apprendre ou nous révéler des choses que nous ignorons et que sans eux nous ne saurions pas.
9. — Les grands Esprits incarnés sont des individualités puissantes, sans contredit, mais dont l’action est restreinte et nécessairement lente à se propager. Qu’un seul d’entre eux, fût-il même Élie ou Moïse, soit venu en ces derniers temps révéler aux hommes l’état du monde spirituel, qui aurait prouvé la vérité de ses assertions, par ce temps de scepticisme ? Ne l’aurait-on pas regardé comme un rêveur ou un utopiste ? Et en admettant qu’il fût dans le vrai absolu, des siècles se fussent écoulés avant que ses idées fussent acceptées par les masses. Dieu, dans sa sagesse n’a pas voulu qu’il en fût ainsi ; il a voulu que l’enseignement fût donné par les Esprits eux-mêmes, et non par des incarnés, afin de convaincre de leur existence, et qu’il eût lieu simultanément par toute la terre, soit pour le propager plus rapidement, soit pour que l’on trouvât dans la coïncidence de l’enseignement une preuve de la vérité, chacun ayant ainsi les moyens de se convaincre par soi-même. Tels sont le but et le caractère de la révélation moderne.
10. — Les Esprits ne viennent pas affranchir l’homme du travail, de l’étude et des recherches ; ils ne lui apportent aucune science toute faite ; sur ce qu’il peut trouver lui-même, ils le laissent à ses propres forces ; c’est ce que savent parfaitement aujourd’hui les Spirites. Depuis longtemps l’expérience a démontré l’erreur de l’opinion qui attribuait aux Esprits tout savoir et toute sagesse, et qu’il suffisait de s’adresser au premier Esprit venu pour connaître toutes choses. Sortis de l’humanité, les Esprits en sont une des faces ; comme sur la terre, il y en a de supérieurs et de vulgaires ; beaucoup en savent donc scientifiquement et philosophiquement moins que certains hommes ; ils disent ce qu’ils savent, ni plus ni moins ; comme parmi les hommes, les plus avancés peuvent nous renseigner sur plus de choses, nous donner des avis plus judicieux que les arriérés. Demander des conseils aux Esprits, ce n’est donc point s’adresser à des puissances surnaturelles, mais à ses pareils, à ceux mêmes à qui on se serait adressé de leur vivant, à ses parents, à ses amis, ou à des individus plus éclairés que nous. Voilà ce dont il importe de se persuader et ce qu’ignorent ceux qui, n’avait pas étudié le Spiritisme, se font une idée complètement fausse sur la nature du monde des Esprits et des relations d’outre-tombe.
11. — Quelle est donc l’utilité de ces manifestations, ou si l’on veut de cette révélation, si les Esprits n’en savent pas plus que nous, ou s’ils ne nous disent pas tout ce qu’ils savent ? D’abord, comme nous l’avons dit, ils s’abstiennent de nous donner ce que nous pouvons acquérir par le travail ; en second lieu, il est des choses qu’il ne leur est pas permis de révéler, parce que notre degré d’avancement ne le comporte pas. Mais cela à part, les conditions de leur nouvelle existence étendent le cercle de leurs perceptions ; ils voient ce qu’ils ne voyaient pas sur la terre ; affranchis des entraves de la matière, délivrés des soucis de la vie corporelle, ils jugent les choses d’un point plus élevé, et par cela même plus sainement ; leur perspicacité embrasse un horizon plus vaste ; ils comprennent leurs erreurs, rectifient leurs idées et se débarrassent des préjugés humains. C’est en cela que consiste leur supériorité sur l’humanité corporelle, et que leurs conseils peuvent être, eu égard à leur degré d’avancement, plus judicieux et plus désintéressés que ceux des incarnés. Le milieu dans lequel ils se trouvent leur permet en outre de nous initier aux choses de la vie future que nous ignorons, et que nous ne pouvons apprendre dans celui où nous sommes. Jusqu’à ce jour l’homme n’avait créé que des hypothèses sur son avenir ; voilà, pourquoi ses croyances sur ce point ont été partagées en systèmes si nombreux et si divergents, depuis le néantisme jusqu’aux fantastiques descriptions de l’enfer et du paradis. Aujourd’hui ce sont les témoins oculaires, les acteurs mêmes de la vie d’outre-tombe, qui viennent nous dire ce qu’il en est, et qui seuls pouvaient le faire. Ces manifestations ont donc servi à nous faire connaître le monde invisible qui nous entoure, et que nous ne soupçonnions pas ; et cette connaissance seule serait d’une importance capitale, en supposant que les Esprits fussent incapables de rien nous apprendre de plus.
12. — Une comparaison vulgaire fera encore mieux comprendre la situation.
Un navire chargé d’émigrants part pour une destination lointaine ; il emporte des hommes de toutes conditions, des parents et des amis de ceux qui restent. On apprend que ce navire a fait naufrage ; nulle trace n’en est restée, aucune nouvelle n’est parvenue sur son sort ; on pense que tous les voyageurs ont péri, et le deuil est dans toutes les familles. Cependant l’équipage tout entier, sans en excepter un seul homme, a abordé une terre inconnue, terre abondante et fertile, où tous vivent heureux sous un ciel clément ; mais on l’ignore. Or voilà qu’un jour un autre navire aborde cette terre ; il y trouve tous les naufragés sains et saufs. L’heureuse nouvelle se répand avec la rapidité de l’éclair ; chacun se dit : « Nos amis ne sont donc point perdus ! » Et ils en rendent grâces à Dieu. Ils ne peuvent se voir, mais ils correspondent ; ils échangent des témoignages d’affection, et voilà que la joie succède à la tristesse.
Telle est l’image de la vie terrestre et de la vie d’outre-tombe, avant et après la révélation moderne ; celle-ci, semblable au second navire, nous apporte la bonne nouvelle de la survivance de ceux qui nous sont chers, et la certitude de les rejoindre un jour ; le doute sur leur sort et sur le nôtre n’existe plus ; le découragement s’efface devant l’espérance.
13. — Mais d’autres résultats viennent féconder cette révélation. Dieu, jugeant l’humanité mûre pour pénétrer le mystère de sa destinée et contempler de sang-froid de nouvelles merveilles, a permis que le voile qui séparait le monde visible du monde invisible fût levé. Le fait des manifestations n’a rien d’extrahumain ; c’est l’humanité spirituelle qui vient causer avec l’humanité corporelle et lui dire :
« Nous existons, donc le néant n’existe pas ; voilà ce que nous sommes, et voilà ce que vous serez ; l’avenir est à vous comme il est à nous. Vous marchiez dans les ténèbres, nous venons éclairer votre route et vous frayer la voie ; vous alliez au hasard, nous vous montrons le but. La vie terrestre était tout pour vous, parce que vous ne voyiez rien au delà ; nous venons vous dire, en vous montrant la vie spirituelle : La vie terrestre n’est rien. Votre vue s’arrêtait à la tombe, nous vous montrons au delà un horizon splendide. Vous ne saviez pas pourquoi vous souffrez sur la terre ; maintenant, dans la souffrance, vous voyez la justice de Dieu ; le bien était sans fruits apparents pour l’avenir, il aura désormais un but et sera une nécessité ; la fraternité n’était qu’une belle théorie, elle est maintenant assise sur une loi de la nature. Sous l’empire de la croyance que tout finit avec la vie, l’immensité est vide, l’égoïsme règne en maître parmi vous, et votre mot d’ordre est : « Chacun pour soi » ; avec la certitude de l’avenir, les espaces infinis se peuplent à l’infini, le vide et la solitude ne sont nulle part, la solidarité relie tous les êtres par delà et en deçà de la tombe ; c’est le règne de la charité, avec la devise : « Chacun pour tous et tous pour chacun. » Enfin, au terme de la vie vous disiez un éternel adieu à ceux qui vous sont chers, maintenant vous leur direz : « Au revoir ! »
Tels sont, en résumé, les résultats de la révélation nouvelle ; elle est venue combler le vide creusé par l’incrédulité, relever les courages abattus par le doute ou la perspective du néant, et donner à toute chose sa raison d’être. Ce résultat est-il donc sans importance, parce que les Esprits ne viennent pas résoudre les problèmes de la science, donner le savoir aux ignorants, et aux paresseux le moyen de s’enrichir sans peine ? Cependant les fruits que l’homme doit en retirer ne sont pas seulement pour la vie future ; il les cueillera sur la terre par la transformation que ces nouvelles croyances doivent nécessairement opérer sur son caractère, ses goûts, ses tendances et, par suite, sur les habitudes et les relations sociales. En mettant fin au règne de l’égoïsme, de l’orgueil et de l’incrédulité, elles préparent celui du bien, qui est le règne de Dieu.
La révélation a donc pour objet de mettre l’homme en possession de certaines vérités qu’il ne pourrait acquérir par lui-même, et cela en vue d’activer le progrès. Ces vérités se bornent en général à des principes fondamentaux destinés à le mettre sur la voie des recherches, et non à le conduire par la lisière ; ce sont des jalons qui lui montrent le but : à lui la tâche de les étudier et d’en déduire les applications ; loin de l’affranchir du travail, ce sont de nouveaux élément fournis à son activité.
[Voir
note du compilateur.]
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