Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année VIII — Septembre 1865.

(Langue portugaise)

HALLUCINATION CHEZ LES ANIMAUX.

DANS LES SYMPTÔMES DE LA RAGE.

1. — Un de nos collègues a transmis à la Société l’extrait suivant d’un rapport lu à l’Académie de médecine  †  par M. le docteur H. Bouley [inspecteur général des Écoles vétérinaires] sur les symptômes de la rage chez le chien.

« Dans la période initiale de la rage, et, lorsque la maladie est complètement déclarée, dans les intermittences des accès, il y a chez le chien une espèce de délire qu’on peut appeler le délire rabique, dont Youatt  [William Youatt (Youatt, William, 1776-1847) | The Online Books Page,]   a parlé le premier et qu’il a parfaitement décrit.

« Ce délire se caractérise par des mouvements étranges qui dénotent que l’animal malade voit des objets et entend des bruits qui n’existent que dans ce que l’on est bien en droit d’appeler son imagination. Tantôt, en effet, l’animal se tient immobile, attentif, comme aux aguets ; puis, tout à coup, il se lance et mord dans l’air, comme fait, dans l’état de santé, le chien qui veut attraper une mouche au vol. D’autres fois, il se lance, furieux et hurlant, contre un mur, connue s’il avait entendu, de l’autre côté, des bruits menaçants.

« En raisonnant par analogie on est bien autorisé à admettre que ce sont là des signes de véritables hallucinations. Cependant, ceux qui ne sont pas prévenus ne sauraient attacher d’importance à ces symptômes, qui sont très fugaces, et il suffit, pour qu’ils disparaissent, que la voix du maître se fasse entendre. Alors vient un moment de repos ; les yeux se ferment lentement, la tête se penche, les membres de devant semblent se dérober sous le corps, et l’animal est près de tomber. Mais tout à coup il se redresse, de nouveaux fantômes viennent l’assiéger ; il regarde autour de lui avec une expression sauvage, happe, comme pour saisir un objet à la portée de sa dent, et se lance, à l’extrémité de sa chaîne, à la rencontre d’un ennemi qui n’existe que dans son imagination. »


2. — Ce phénomène, minutieusement observé, comme on le voit, par l’auteur du mémoire, semble dénoter qu’à ce moment le chien est tourmenté par la vue de quelque chose d’invisible pour nous. Est-ce une vision réelle ou une création fantastique de son imagination, autrement dit une hallucination ? Si c’est une hallucination, ce n’est assurément pas par les yeux du corps qu’il voit, puisque ce ne sont pas des objets réels ; si ce sont des êtres fluidiques ou Esprits, comme ils ne font non plus aucune impression sur le sens de la vue, c’est donc par une sorte de vue spirituelle qu’il les perçoit. Dans l’un et l’autre cas, il jouirait d’une faculté, jusqu’à un certain point analogue à celle que possède l’homme.

La science ne s’était pas encore hasardée à donner une imagination aux animaux ; or, de l’imagination à un principe indépendant de la matière, la distance n’est pas grande, à moins d’admettre que la matière brute : le bois, la pierre, etc., puisse avoir de l’imagination.


3. — Tous les phénomènes de visions sont attribués, par la science, à l’imagination surexcitée ; cependant, on a vu, parfois, des enfants en très bas âge, ne sachant pas encore parler, courir après un être invisible, lui sourire, lui tendre les bras et vouloir le saisir. A la rage près, ce fait n’a-til pas une grande ressemblance avec celui du chien cité plus haut ?

L’enfant ne peut pas encore dire ce qu’il voit ; mais ceux qui commencent à parler disent positivement voir des êtres qui sont invisibles pour les assistants. On en a vu décrire leurs grands-parents décédés, qu’ils n’avaient point connus. On conçoit la surexcitation chez une personne préoccupée d’une idée, mais ce n’est assurément pas le cas d’un petit enfant. L’imagination surexcitée pourra rappeler un souvenir ; la peur, l’affection, l’enthousiasme, pourront créer des images fantastiques, soit ; sous l’empire de certaines croyances, une personne exaltée se figurera voir apparaître un être qui lui est cher, la vierge ou les saints, passe encore ; mais comment expliquer, par ces seules causes, le fait d’un enfant de trois à quatre ans dépeignant sa grand-mère qu’il n’avait jamais vue ? ce ne peut assurément être chez lui le produit ni d’un souvenir, ni de la préoccupation, ni d’une croyance quelconque.


4. — Disons en passant, et comme corollaire de ce qui précède, que la médiumnité voyante paraît être fréquente, et même générale, chez les petits enfants. Nos anges gardiens viendraient ainsi nous conduire, comme par la main, jusqu’au seuil de la vie, pour nous en faciliter l’entrée, et nous en montrer la liaison avec la vie spirituelle, afin que la transition de l’une à l’autre ne soit pas trop brusque. A mesure que l’enfant grandit et peut faire usage de ses propres forces, l’ange gardien se voile à sa vue, pour le laisser à son libre arbitre. Il semble lui dire : « Je suis venu t’accompagner jusqu’au navire qui va te transporter sur la mer du monde ; pars maintenant, vole de tes propres ailes ; mais, du haut des cieux, je veillerai sur toi ; pense à moi, et à ton retour, je serai là pour te recevoir. » Heureux celui qui, pendant la traversée, n’oublie pas son ange gardien !


5. — Revenons au sujet principal qui nous a conduit à cette digression. Dès lors qu’on admet une imagination chez le chien, on pourrait dire que la maladie de la rage le surexcite au point de produire chez lui des hallucinations ; mais de nombreux exemples tendent à prouver que le phénomène des visions a lieu chez certains animaux, dans l’état le plus normal, chez le chien et le cheval surtout ; du moins ce sont ceux sur lesquels on a été le plus à même de l’observer. En raisonnant par analogie, on peut supposer qu’il en est ainsi de l’éléphant et des animaux qui, par leur intelligence, se rapprochent le plus de l’homme. Il est certain que le chien rêve ; on le voit parfois, pendant son sommeil, faire des mouvements qui simulent la course ; gémir, ou manifester du contentement. Sa pensée est donc agissante, libre et indépendante de l’instinct proprement dit. Que fait-il, que voit-il, à quoi pense-t-il dans ses rêves ? c’est ce que, malheureusement, il ne peut pas nous dire, mais le fait est là.


6. — Jusqu’à présent on s’était peu occupé du principe intelligent des animaux, et encore moins de leur affinité avec l’espèce humaine, si ce n’est au point de vue exclusif de l’organisme matériel. Aujourd’hui on cherche à concilier leur état et leur destinée avec la justice de Dieu ; mais il n’a été fait sur ce sujet que des systèmes plus ou moins logiques, et qui ne sont pas toujours d’accord avec les faits. Si la question est restée si longtemps indécise, c’est qu’on manquait, comme pour beaucoup d’autres, des éléments nécessaires pour la comprendre. Le Spiritisme, qui donne la clef de tant de phénomènes incompris, mal observés ou passés inaperçus, ne peut manquer de faciliter la solution de ce grave problème, auquel on n’a pas accordé toute l’attention qu’il mérite, car c’est une solution de continuité dans les anneaux de la chaîne qui relie tous les êtres, et dans l’ensemble harmonieux de la création.

Pourquoi donc le Spiritisme n’a-t-il pas tranché immédiatement la question ? Autant vaudrait demander pourquoi un professeur de physique n’enseigne pas à ses élèves, dès la première leçon, les lois de l’électricité et de l’optique. Il commence par les principes fondamentaux de la science, par ceux qui doivent servir de base pour l’intelligence des autres principes, et il réserve, pour plus tard, l’explication des lois subséquentes. Ainsi procèdent les grands Esprits qui dirigent le mouvement Spirite ; en bonne logique ils commencent par le commencement, et ils attendent que nous soyons ferrés sur un point, avant d’en aborder un autre. Or, quel devait être le point de départ de leur enseignement ? L’âme humaine. C’est à nous convaincre de son existence et de son immortalité, c’est à nous en faire connaître les véritables attributs et la destinée qu’il fallait d’abord s’attacher. Il nous fallait, en un mot, comprendre notre âme, avant de chercher à comprendre celle des bêtes. Le Spiritisme nous en a déjà beaucoup appris sur l’âme et ses facultés ; chaque jour il nous en apprend davantage, et jette la lumière sur quelque point nouveau, mais combien n’en reste-t-il pas encore à explorer !

A mesure que l’homme avance dans la connaissance de son état spirituel, son attention est éveillée sur toutes les questions qui s’y rattachent de près ou de loin, et celle des animaux n’est pas une de celles qui l’intéressent le moins ; il saisit mieux les analogies et les différences ; il cherche à s’expliquer ce qu’il voit ; il tire des conséquences ; il essaye des théories tour à tour démenties ou confirmées par de nouvelles observations. C’est ainsi que par les efforts de sa propre intelligence, il approche peu à peu du but. En cela comme en toutes choses les Esprits ne viennent pas nous affranchir du travail des recherches, parce que l’homme doit faire usage de ses facultés ; ils l’aident, le dirigent, et c’est déjà beaucoup, mais ils ne lui donnent pas la science toute faite. Quand une fois il est sur la voie de la vérité, c’est alors qu’ils viennent la lui révéler carrément pour faire taire les incertitudes et anéantir les faux systèmes ; mais en attendant, son esprit s’est préparé à la mieux comprendre et à l’accepter, et quand elle se montre, elle ne le surprend pas ; elle était déjà dans le fond de la pensée.


7. — Voyez la marche qu’a suivie le Spiritisme ; est-il venu surprendre les hommes à l’improviste ? Non certes. Sans parler des faits qui se sont produits à toutes les époques, parce qu’il est dans la nature, comme l’électricité, au point de vue du principe, depuis un siècle il avait préparé son apparition ; Swedenborg, Saint-Martin, les théosophes,  †  Charles Fourier, Jean Reynaud et tant d’autres, sans oublier Mesmer qui a fait connaître la puissance fluidique, de Puységur, qui le premier a observé le somnambulisme : tous ont soulevé un coin du voile de la vie spirituelle ; tous ont tourné autour de la vraie lumière et s’en sont plus ou moins rapprochés ; tous ont préparé les voies et disposé les esprits, de sorte que le Spiritisme n’a, pour ainsi dire, eu qu’à compléter ce qui avait été ébauché ; voilà pourquoi il a conquis presque instantanément de si nombreuses sympathies. Nous ne parlons pas des autres causes multiples qui lui sont venues en aide, en prouvant que certaines idées n’étaient plus au niveau du progrès humain, et ont fait pressentir l’avènement d’un nouvel ordre de choses, parce que l’humanité ne peut rester stationnaire.

Il en est de même de toutes les grandes idées qui ont changé la face du monde ; aucune n’est venue l’éblouir comme un éclair. Socrate et Platon n’avaient-ils pas, cinq siècles avant le Christ, jeté la semence des idées chrétiennes ?


8. — Un autre motif avait fait ajourner la solution relative aux animaux.

Cette question touche à des préjugés longtemps enracinés et qu’il eût été imprudent de heurter de front, c’est pourquoi les Esprits ne l’ont pas fait.

La question est engagée aujourd’hui ; elle s’agite sur différents points, même en dehors du Spiritisme ; les désincarnés y prennent part chacun selon ses idées personnelles ; ces théories diverses sont discutées, examinées ; une multitude de faits, comme par exemple celui qui fait le sujet de cet article, et qui eussent jadis passé inaperçus, appellent aujourd’hui l’attention, en raison même des études préliminaires que l’on a faites ; sans adopter telle ou telle opinion, on se familiarise avec l’idée d’un point de contact entre l’animalité et l’humanité, et lorsque viendra la solution définitive, dans quelque sens qu’elle ait lieu, elle devra s’appuyer sur des arguments péremptoires qui ne laisseront aucune place au doute ; si l’idée est vraie, elle aura été pressentie ; si elle est fausse, c’est qu’on aura trouvé quelque chose de plus logique à mettre à la place.

Tout se lie, tout s’enchaîne, tout s’harmonise dans la nature ; le Spiritisme est venu donner une idée mère, et l’on peut voir combien cette idée est féconde. Avant la lumière qu’il a jetée sur la psychologie, on aurait eu de la peine à croire que tant de considérations pussent surgir à propos d’un chien enragé.

L’extrait ci-dessus du rapport de M. Bouley ayant été lu à la société de Paris,  †  un Esprit a donné à ce sujet la communication suivante.


9 (Société spirite de Paris, 30 juin 1865. – Médium, M Desliens.)


La vision existe-t-elle chez le chien et chez quelques autres animaux, chez lesquels des phénomènes semblables à ceux décrits par M. Bouley se produisent ? La question, pour moi, ne fait pas l’ombre d’un doute.

Oui, le chien, le cheval voient ou sentent les Esprits. N’avez-vous jamais été témoins de la répugnance que manifestent parfois ces animaux à passer dans un endroit où un corps humain avait été enterré à leur insu ?

Vous direz sans doute que ses sens peuvent être éveillés par l’odeur particulière aux corps en putréfaction ; alors, pourquoi passe-t-il indifférent à côté du cadavre enfoui d’un autre animal ? Pourquoi dit-on que le chien sent la mort ? N’avez-vous jamais vu des chiens hurler sous les fenêtres d’une personne expirante, alors que cette personne lui était inconnue ? Ne voyez-vous pas aussi, en dehors de la surexcitation de la rage, divers animaux refuser d’obéir à la voix de leur maître, reculer avec frayeur devant un obstacle invisible qui semble leur barrer le passage, et s’emporter ; puis passer ensuite tranquillement dans l’endroit même qui leur inspirait une si grande terreur, comme si l’obstacle avait disparu ?

On a vu des animaux sauver leurs maîtres d’un péril imminent, en refusant de parcourir la route où ceux-ci auraient pu succomber. Les faits de visions chez les animaux se trouvent dans l’antiquité et au moyen âge, aussi bien que de nos jours.

Les animaux voient donc certainement les Esprits. Dire, d’ailleurs, qu’ils ont une imagination, n’est-ce pas leur accorder un point de ressemblance avec l’esprit humain, et l’instinct n’est-il pas chez eux l’intelligence rudimentaire, appropriée à leur besoins, avant qu’elle ait passé par les creusets modificateurs qui doivent la transformer et lui donner de nouvelles facultés ? L’homme aussi a des instincts qui le font agir d’une manière inconsciente dans l’intérêt de sa conservation ; mais à mesure que se développent en lui l’intelligence et le libre arbitre, l’instinct s’affaiblit pour faire place au jugement, parce que ce guide aveugle lui est moins nécessaire.

L’instinct qui est dans toute sa force chez l’animal, se perpétuant dans l’homme où il se perd peu à peu, est certainement un trait d’union entre les deux espèces. La subtilité des sens chez l’animal, comme chez le sauvage et l’homme primitif, suppléant chez les uns et chez les autres à l’absence ou à l’insuffisance du sens moral, est un autre point de contact. Enfin, la vision spirituelle qui leur est bien évidemment commune, quoique à des degrés très différents, vient aussi diminuer la distance qui semblait mettre entre eux une barrière infranchissable. N’en concluez cependant rien encore d’une manière absolue, mais observez attentivement les faits, car de cette observation seule sortira un jour pour vous la vérité.

Mokí.


Remarque. – Ce conseil est fort sage, car ce n’est évidemment que sur des faits qu’on peut asseoir une théorie solide, hors cela il n’y a que des opinions ou des systèmes. Les faits sont des arguments sans réplique, et dont il faut tôt ou tard accepter les conséquences quand ils sont constatés. C’est ce principe qui a servi de base à la doctrine Spirite, et c’est ce qui nous fait dire que c’est une science d’observation.



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