1. — On voit souvent des Esprits d’une mauvaise nature céder assez promptement sous l’influence de la moralisation et s’améliorer. On peut agir de même sur les incarnés, mais avec beaucoup plus de peine. D’où vient que l’éducation morale des Esprits désincarnés est plus facile que celle des incarnés ?
Cette question a été motivée par le fait suivant. Un jeune homme aveugle depuis douze ans avait été recueilli par un Spirite dévoué qui avait entrepris de le guérir par le magnétisme, les Esprits ayant dit que la chose était possible. Mais ce jeune homme, au lieu de se montrer reconnaissant des bontés dont il était l’objet, et sans lesquelles il se fût trouvé sans asile et sans pain, n’eut que de l’ingratitude et de mauvais procédés, et fit preuve du plus mauvais caractère.
2. — L’Esprit de saint Louis consulté à son sujet répondit :
« Ce jeune homme, comme beaucoup d’autres, est puni par où il a péché, et porte la peine de son inconduite. Son infirmité n’est pas incurable, et une magnétisation spirituelle pratiquée avec zèle, dévouement et persévérance, en triompherait certainement, aidée d’un traitement médical destiné à corriger son sang vicié. Il y aurait déjà une amélioration sensible dans sa vue qui n’est pas encore entièrement éteinte, si les mauvais fluides dont il est entouré et saturé n’opposaient un obstacle à la pénétration des bons fluides qui sont en quelque sorte repoussés. Dans l’état où il se trouve, l’action magnétique sera impuissante tant qu’il ne se sera pas, par sa volonté et son amélioration, débarrassé de ces fluides pernicieux.
« C’est donc une guérison morale qu’il faut obtenir, avant de poursuivre la guérison physique. Un retour sérieux sur lui-même peut seul rendre efficaces les soins de son magnétiseur que les bons Esprits s’empresseront de seconder ; dans le cas contraire, il doit s’attendre à perdre le peu de lumière qui lui reste, et à de nouvelles et bien plus terribles épreuves qu’il lui faudra subir.
« Agissez donc envers lui comme vous le faites à l’égard des mauvais Esprits désincarnés que vous voulez ramener au bien. Il n’est point sous le coup d’une obsession, c’est sa nature qui est mauvaise et qui s’est en outre pervertie dans le milieu où il a vécu ; les mauvais Esprits qui l’assiègent ne sont attirés que par leur similitude avec le sien propre ; à mesure qu’il s’améliorera, ils s’éloigneront. Alors seulement l’action magnétique aura toute sa puissance. Donnez-lui des conseils ; expliquez-lui sa position ; que plusieurs personnes sincères s’unissent de pensée pour prier afin d’attirer sur lui des influences salutaires. S’il en profite, il ne tardera pas à en éprouver les bons effets, car il en sera récompensé par un mieux sensible dans sa position. »
3. — Cette instruction nous révèle un fait important, celui de l’obstacle que l’état moral oppose, dans certains cas, à la guérison des maux physiques. L’explication ci-dessus est d’une incontestable logique, mais ne saurait être comprise de ceux qui ne voient partout que l’action exclusive de la matière. Dans le cas dont il s’agit, la guérison morale du sujet a rencontré de sérieuses difficultés ; c’est ce qui a motivé la question ci-dessus, proposée à la société Spirite de Paris. †
Six réponses ont été obtenues, toutes concordant parfaitement entre elles. Nous n’en citerons que deux pour éviter des répétitions inutiles.
Nous choisissons celles où la question est traitée avec le plus de développement.
I.
4. — Comme l’Esprit désincarné voit manifestement ce qui se passe et les exemples terribles de la vie, il comprend d’autant plus vite ce qu’on l’exhorte à croire ou à faire ; c’est pourquoi il n’est pas rare de voir des Esprits désincarnés disserter sagement sur des questions qui, de leur vivant, étaient loin de les émouvoir.
L’adversité mûrit la pensée. Cette parole est vraie surtout pour les Esprits désincarnés, qui voient de près les conséquences de leur vie passée.
L’insouciance et le parti pris, au contraire, triomphent chez l’Esprit incarné ; les séductions de la vie, ou même ses mécomptes, lui donnent une misanthropie ou une indifférence complète pour les hommes et les choses divines. La chair leur fait oublier l’Esprit ; les uns, foncièrement honnêtes, font le bien en évitant le mal, par amour du bien, mais la vie de leur âme est bien près d’être nulle ; d’autres, au contraire, considèrent la vie comme une comédie et oublient leur rôle d’hommes ; d’autres enfin, complètement abrutis, et dernier échelon de l’espèce humaine, ne voyant rien au delà, ne pressentant même rien, se livrent, comme la brute, aux crimes barbares et oublient leur origine.
Ainsi les uns et les autres, par la vie même, sont entraînés, tandis que les Esprits désincarnés voient, écoutent et se repentent plus volontiers.
Lamennais.
(méd., M. A. DIDIER.)
II.
5. — Que de problèmes et de questions à résoudre avant que la transformation humanitaire soit accomplie selon les idées spirites ! celle de l’éducation des Esprits et des incarnés, au point de vue moral, est de ce nombre.
Les désincarnés sont débarrassés des liens de la chair et n’en subissent plus les conditions inférieures, tandis que les hommes, enchaînés dans une matière impérieuse au point de vue personnel, se laissent entraîner par l’état d’épreuves dans lequel ils sont internés. C’est à la différence de ces diverses situations qu’il faut attribuer la difficulté que les Esprits initiateurs et les hommes qui en ont la mission, éprouvent pour améliorer rapidement et, pour ainsi dire, en quelques semaines, ceux des hommes qui leur sont confiés. Les Esprits, au contraire, auxquels la matière n’impose plus ses lois et ne fournit plus les moyens de satisfaire leurs appétences mauvaises, et qui n’ont plus, par conséquent, que des désirs inassouvissables, sont plus aptes à accepter les conseils qui leur sont donnés. On répondra peut-être alors par cette question, qui a son importance : Pourquoi n’écoutent-ils pas les conseils de leurs guides de l’espace et attendent-ils les enseignements des hommes ? Parce qu’il est nécessaire que les deux mondes, visible et invisible, réagissent l’un sur l’autre, et que l’action des humains soit utile à ceux qui ont vécu, comme l’action de la plupart de ceux-ci est bienfaisante à ceux qui vivent parmi vous. C’est un double courant, une double action également satisfaisante pour ces deux mondes, qui sont unis par tant de liens.
Voilà ce que je crois devoir répondre à la question posée par votre président.
Eraste.
(méd., M. D’AMBEL.)
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