I. Essai théorique sur les miroirs magiques. — II. Nouvelles études sur les miroirs magiques ou psychiques. — III. Le patriarche Joseph et le voyant de Zimmerwald. |
12. — [Revue d’Octobre 1865.]
II. NOUVELLES ÉTUDES SUR LES MIROIRS MAGIQUES OU PSYCHIQUES.
LE VOYANT DE LA FORÊT DE ZIMMERWALD. †
Dans la Revue Spirite d’octobre 1864, nous avons rendu un compte détaillé des observations que nous venions de faire sur un paysan du canton de Berne qui possède la faculté de voir, dans un verre, les choses éloignées. De nouvelles visites que nous lui avons faites cette année nous ont permis de compléter nos observations et de rectifier, sur certains points, la théorie que nous avions donnée des objets vulgairement désignés sous le nom de miroirs magiques, plus exactement nommés miroirs psychiques. Comme avant tout nous cherchons la vérité et que nous n’avons pas la prétention d’être infaillible, lorsqu’il nous arrive de nous tromper, nous n’hésitons pas à le reconnaître. Nous ne connaissons rien de plus sot que de s’entêter sur une opinion erronée.
Pour l’intelligence de ce qui va suivre, et afin d’éviter des répétitions, nous prions nos lecteurs de vouloir bien se reporter à l’article précité qui contient une notice détaillée sur le voyant en question, et sa manière d’opérer.
13. — Nous rappellerons seulement qu’on donne le nom de miroirs magiques à des objets de diverses formes et natures, presque toujours à reflet brillant, tels que verres à boire, carafes, glaces, plaques métalliques et dans lesquels certaines personnes voient des choses absentes. Une observation attentive nous ayant convaincu que cette faculté n’est autre que celle de la double vue, autrement dit de la vue spirituelle ou psychique, indépendante de la vue organique, et l’expérience démontrant chaque jour que cette faculté existe sans le secours d’aucun objet, nous en avions conclu, d’une manière trop absolue, à l’inutilité de ces objets, pensant que l’habitude de s’en servir les rendait seule nécessaires, et que tout individu voyant avec leur concours, pourrait voir tout aussi bien sans cela, s’il en avait la volonté ; or, c’est là qu’est l’erreur, ainsi que nous allons le démontrer.
14. — Préalablement nous donnerons un récit succinct des nouveaux faits observés, parce qu’ils servent de base aux instructions auxquelles ils ont donné lieu.
Étant donc retourné chez cet homme, accompagné de M. le commandant de W. qui a bien voulu nous servir d’interprète, il s’est tout d’abord occupé de notre santé ; il a décrit avec facilité et une parfaite exactitude le siège, la cause et la nature du mal, et indiqué les remèdes nécessaires.
Ensuite, sans y être provoqué par aucune question, il a parlé de nos travaux, de leur but et de leurs résultats, dans le même sens que l’année précédente, sans cependant avoir conservé aucun souvenir de ce qu’il avait dit ; mais il a beaucoup plus approfondi le sujet dont il a paru mieux comprendre la portée. Il est entré dans des détails circonstanciés sur la marche actuelle et future de la chose qui nous occupe, sur les causes qui doivent amener tel ou tel résultat, sur les obstacles qui nous seront suscités et les moyens de les surmonter, sur les personnes qui y jouent ou doivent y jouer un rôle pour ou contre, celles sur le dévouement et la sincérité desquelles on peut compter ou non, les dépeignant au physique et au moral de manière à prouver qu’il les voyait parfaitement. En un mot il nous a donné une instruction longuement développée et logiquement motivée, d’autant plus remarquable qu’elle confirme de tous points, et complète sous certains rapports celles de nos Esprits protecteurs. Les parties dont nous étions à même d’apprécier l’exactitude ne peuvent laisser de doute sur sa clairvoyance. Ayant eu avec lui plusieurs entretiens, chaque fois il revenait sur le même sujet, le confirmait ou le complétait, sans jamais se contredire, même dans ce qu’il avait dit l’année précédente, dont les entretiens actuels semblaient être la suite.
Cette instruction étant toute personnelle et confidentielle, nous nous abstenons de la rapporter en détail ; nous la mentionnons à cause du fait important qui en est ressorti et que nous relatons ci-après. Elle est sans doute d’un haut intérêt pour nous, mais notre but principal, en retournant voir cet homme, était de faire de nouvelles études sur sa faculté, dans l’intérêt de la science spirite.
15. — Un fait que nous avons constaté, c’est qu’on ne peut contraindre sa lucidité ; il voit ce qui se présente à lui et le décrit, mais on ne peut lui faire voir à volonté ce que l’on désire, ni ce à quoi l’on pense, bien qu’il lise dans la pensée. Dans la séance principale qui nous fut consacrée, nous essayâmes en vain d’appeler son attention sur d’autres sujets ; malgré ses efforts, il déclara ne rien voir dans son verre.
Lorsqu’il traite un sujet, on peut lui faire les questions qui y sont relatives, mais c’est inutilement qu’on l’interrogerait sur la première chose venue. Il lui arrive pourtant souvent de passer brusquement du sujet qui l’occupe à un autre qui y est tout à fait étranger, puis il revient au premier. Lorsqu’on lui en demande la raison, il répond qu’il dit ce qu’il voit, et que cela ne dépend pas de lui.
Il voit spontanément les personnes absentes, lorsqu’elles se lient directement à ce qui fait l’objet de son examen, mais non autrement. Son point de départ est l’interrogateur, sa personne, sa résidence ; de là se déroulent les faits consécutifs. Ce fut aussi inutilement que nous tentâmes l’expérience suivante. Un de nos amis de Paris, qui venait de nous écrire, désirait que nous le consultassions au sujet de la maladie de sa fille. Nous lui remîmes la lettre en lui disant de la placer dans le creux de sa main, sous le fond de son verre, pensant que le rayonnement du fluide faciliterait la vue de cette personne ; il n’en fut rien : le reflet blanc du papier le gênait au contraire ; il prétendit que cette personne était trop loin, et cependant, quelques instants auparavant, il venait de dépeindre, avec une parfaite exactitude et des détails minutieux, un individu auquel nous ne songions nullement, ainsi que l’endroit qu’il habite et cela à une distance quatre fois plus grande ; mais cet individu se trouvait compris dans le sujet qui nous concernait, tandis que l’autre y était étranger.
L’enchaînement des événements le conduisait vers l’un et non vers l’autre.
Sa lucidité n’est donc ni flexible, ni maniable, et ne se prête nullement au caprice de l’interrogateur. Il n’est ainsi, en aucune façon, apte à satisfaire ceux qui ne viendraient vers lui que par curiosité ; d’ailleurs, comme il lit dans la pensée, son premier soin est de voir l’intention du visiteur, s’il ne le connaît pas d’avance ; si cette intention n’est pas sérieuse, et s’il voit que le but de la démarche n’est ni moral ni utile, il refuse de parler, et renvoie quiconque viendrait lui demander ce qu’on appelle la bonne aventure, ou lui poser des questions futiles ou indiscrètes. En un mot, c’est un voyant sérieux et non un devin.
Sa clairvoyance, ainsi que nous l’avons dit l’année dernière, s’applique principalement aux sources et aux cours d’eau souterrains ; ce n’est qu’accessoirement et par complaisance qu’il s’occupe d’autres choses.
Il est d’une ignorance absolue sur les principes même les plus élémentaires des sciences, mais il a beaucoup de jugement naturel, et par le fait de sa lucidité il supplée souvent au défaut de connaissances acquises. En voici un exemple.
Un jour, en notre présence, quelqu’un l’interrogeait sur la possibilité de l’existence d’une source minérale dans une certaine localité. Il n’y en a point, dit-il, parce que le terrain n’est pas propice. Nous lui fîmes observer que l’origine des sources est parfois fort éloignée du lieu où elles se montrent, et qu’elles filtrent à travers les couches terrestres. C’est vrai, reprit-il ; mais il y a des pays où les couches sont horizontales, et d’autres où elles sont verticales. Dans celui dont parle ce monsieur, elles sont verticales, et c’est là l’obstacle. D’où lui venait cette idée de la direction des couches terrestres, à lui qui n’a pas la moindre notion de géologie ?
16. — Nous l’avons soigneusement observé pendant tout le cours de ses opérations, et voilà ce que nous avons remarqué :
Dès qu’il est assis, il prend son verre, le tient comme nous l’avons décrit dans notre précédent article, regarde alternativement le fond du verre et les assistants, et pendant près d’un quart d’heure parle de choses et d’autres indifférentes, après quoi il aborde le sujet principal. A ce moment, ses yeux naturellement vifs et pénétrants se ferment à demi, se voilent et se convulsent ; la prunelle disparaît par le haut et ne laisse voir que le blanc. De temps en temps, lorsqu’il fixe quelqu’un, la prunelle se montre un instant en partie, pour disparaître de nouveau totalement, et cependant il regarde toujours le fond de son verre ou les lignes qu’il trace avec sa craie ; or, il est bien évident que, dans cet état, ce n’est pas par les yeux qu’il peut voir. Sauf cette particularité, il n’y a rien en lui de sensiblement anormal. Son langage est celui d’un homme grave et sérieux ; il parle simplement, sans emphase, comme dans l’état ordinaire et non comme un inspiré.
17. — Dans la soirée du jour où nous eûmes notre principale séance, nous demandâmes, par l’entremise d’un médium écrivain, des instructions aux bons Esprits sur les faits dont nous venions d’être témoins.
Demande. Que faut-il penser des révélations spontanées que nous a faites aujourd’hui le voyant de la forêt ? – Réponse. Nous avons voulu vous donner une preuve de la faculté de cet homme. Nous avions préparé le sujet qu’il devait traiter, c’est pourquoi il n’a pu répondre aux autres questions que vous lui avez faites. Ce qu’il vous a dit n’était que notre opinion. Vous avez été étonné de ce qu’il vous a dit ; il parlait par nous sans le savoir, et à l’heure qu’il est il ne sait plus ce qu’il a dit, de même qu’il ne se souvenait plus de ce qu’il avait dit l’année dernière, car son rayon d’intelligence ne va pas jusque-là. En parlant, il ne comprenait même pas la portée de ce qu’il disait ; il parlait mieux que le médium ici présent n’aurait pu le faire, par la crainte d’aller trop loin ; c’est pourquoi nous nous sommes servis de lui comme étant un instrument plus docile, pour les instructions que nous voulions vous donner.
Dem. Il a parlé d’un individu qui, d’après le portrait qu’il en a fait au physique et au moral, et par sa position, semblerait être tel personnage ; pourriez-vous dire si c’est en effet celui qu’il a voulu désigner ? – Rép. Ce que vous devez savoir, il l’a dit.
Remarque. – Il est donc évident qu’à la faculté naturelle de cet homme se joint la médiumnité, au moins accidentellement, si ce n’est d’une manière permanente ; c’est-à-dire que la lucidité lui est personnelle, et non le fait des Esprits, mais que les Esprits peuvent donner à cette lucidité telle direction qui leur convient, dans un cas déterminé, lui inspirer ce qu’il doit dire, et ne lui laisser dire que ce qu’il faut. Il est donc, au besoin, médium inconscient.
La faculté de voir à distance et à travers les corps opaques ne nous paraît extraordinaire, incompréhensible, que parce qu’elle constitue un sens dont nous ne jouissons pas dans l’état normal. Nous sommes exactement comme les aveugles de naissance qui ne comprennent pas qu’on puisse connaître l’existence, la forme et les propriétés des objets sans les toucher ; ils ne comprennent pas que le fluide lumineux est l’intermédiaire qui nous met en rapport avec les objets éloignés, et nous en apporte l’image. Sans la connaissance des propriétés du fluide périsprital, nous ne comprenons pas la vue sans le secours des yeux ; nous sommes à cet égard de véritables aveugles ; or, la faculté de voir à distance, à l’aide du fluide périsprital, n’est pas plus merveilleuse ni miraculeuse que celle de voir les astres à des milliards de lieues, à l’aide du fluide lumineux. n
18. — Dem. Voudriez-vous avoir la bonté de nous dire si le verre dont cet homme se sert lui est véritablement utile, s’il ne pourrait pas tout aussi bien voir dans le premier verre venu, dans un objet quelconque, ou même sans objet s’il en avait la volonté ; si la nécessité et la spécialité du verre ne seraient pas un effet de l’habitude qui lui fait croire qu’il ne peut s’en passer ; enfin, si la présence du verre est nécessaire, quelle action cet objet exerce-t-il sur sa lucidité ? – Rép. Son regard étant concentré sur le fond du verre, le reflet brillant agit d’abord sur ses yeux, puis de là, sur le système nerveux, et provoque une sorte de demisomnambulisme, ou plus exactement de somnambulisme éveillé, dans lequel l’Esprit dégagé de la matière acquiert la clairvoyance, ou vue de l’âme, que vous appelez seconde vue.
Il existe un certain rapport entre la forme du fond du verre et la forme extérieure ou disposition de ses yeux ; c’est pourquoi il n’en trouve pas facilement qui réunissent les conditions nécessaires (voir l’article du mois d’octobre 1864). Quoique, en apparence, les verres soient semblables pour vous, il y a dans le pouvoir réflecteur et dans le mode de rayonnement, selon la forme, l’épaisseur et la qualité, des nuances que vous ne pouvez apprécier, et qui sont appropriées à son organisme individuel.
Le verre est donc pour lui un moyen de développer et de fixer sa lucidité ; il lui est véritablement nécessaire, parce que, chez lui, l’état lucide n’étant pas permanent, a besoin d’être provoqué ; un autre objet ne pourrait y suppléer, et ce même verre qui produit cet effet sur lui, ne produirait rien sur une autre personne, même voyante. Les moyens de provoquer cette lucidité varient selon les individus.
19. CONSÉQUENCES DE L’EXPLICATION PRÉCÉDENTE.
Nous voici au point principal que nous nous sommes proposé.
L’explication qui précède nous paraît résoudre la question avec une parfaite clarté. Tout est dans ces mots : La lucidité n’est pas permanente chez cet homme. Le verre est un moyen de la provoquer par l’action du rayonnement sur le système nerveux ; mais il faut que le mode de rayonnement soit en rapport avec l’organisme ; de là, la variété des objets pouvant produire cet effet selon les individus prédisposés à les subir. Il en résulte :
1º Que pour ceux chez qui la vue psychique est spontanée ou permanente, l’emploi d’agents artificiels est inutile ; 2º que ces agents sont nécessaires lorsque la faculté a besoin d’être surexcitée ; 3º que ces agents devant être appropriés à l’organisme, ce qui a de l’action sur les uns, ne produit rien sur les autres.
Certaines particularités de notre voyant trouvent leur raison d’être dans cette explication.
La lettre placée sous le fond du verre, au lieu de le faciliter, le troublait, parce qu’elle changeait la nature du reflet qui lui est propre.
En commençant, avons-nous dit, il parle de choses indifférentes tout en regardant son verre ; c’est que l’action n’est pas instantanée, et cette conversation préliminaire, sans but apparent, a lieu pendant le temps nécessaire à la production de l’effet.
De même que l’état lucide ne se développe que graduellement, il ne cesse pas brusquement ; c’est la raison pour laquelle cet homme continue à voir encore quelques instants après avoir cessé de regarder dans son verre, ce qui nous avait fait croire que cet objet était inutile. Mais comme l’état lucide est en quelque sorte factice chez lui, il lui faut de temps en temps recourir à son verre pour l’entretenir.
20. — On comprend, jusqu’à un certain point, le développement de la faculté par un moyen matériel, mais comment l’image d’une personne éloignée peut-elle se présenter dans le verre ? Le Spiritisme seul peut résoudre ce problème par la connaissance qu’il donne de la nature de l’âme, de ses facultés, des propriétés de son enveloppe périspritale, de son rayonnement, de sa puissance émancipatrice et de son dégagement de l’enveloppe corporelle. Dans l’état de dégagement, l’âme jouit des perceptions qui lui sont propres, sans le concours des organes matériels ; la vue est un attribut de l’être spirituel ; il voit par lui-même sans le secours des yeux, comme il entend sans le secours des oreilles ; si les organes des sens étaient indispensables aux perceptions de l’âme, il s’en suivrait qu’après la mort l’âme, n’ayant plus ces organes, serait sourde et aveugle. Le dégagement complet qui a lieu après la mort se produit partiellement pendant la vie, et c’est alors que se manifeste le phénomène de la vue spirituelle, autrement dit de la double vue ou seconde vue, ou vue psychique, dont le pouvoir s’étend aussi loin que s’étend le rayonnement de l’âme.
Dans la circonstance dont il s’agit, l’image ne se forme pas dans la substance du verre ; c’est l’âme elle-même qui, par son rayonnement, perçoit l’objet à l’endroit où il se trouve ; mais comme, chez cet homme, le verre est l’agent provocateur de l’état lucide, l’image lui apparaît tout naturellement dans la direction du verre. C’est absolument comme celui qui a besoin d’une longue-vue pour voir au loin ce qu’il ne peut distinguer à l’œil nu ; l’image de l’objet n’est pas dans les verres de la lunette, mais dans la direction des verres qui lui permettent de la voir ; ôtez-lui l’instrument, il ne voit plus rien. En poursuivant la comparaison, nous dirons que, de même que celui qui a une bonne vue n’a pas besoin de lunettes, celui qui jouit naturellement de la vue psychique n’a pas besoin de moyens artificiels pour la provoquer.
21. — Il y a quelques années, un médecin découvrit qu’en posant entre les deux yeux, sur la racine du nez, un bouchon de carafe, une boule de cristal ou de métal brillant, et en faisant converger les rayons visuels vers cet objet pendant quelque temps, la personne entrait dans une sorte d’état cataleptique, durant lequel se manifestaient quelques-unes des facultés que l’on remarque chez certains somnambules, entre autres l’insensibilité et la vue à distance à travers les corps opaques, et que cet état cessait petit à petit après l’enlèvement de l’objet. C’était évidemment un effet magnétique produit par un corps inerte. Quel rôle physiologique joue le reflet brillant dans ce phénomène ? c’est ce que l’on ignore ; mais il a été constaté que si cette condition est nécessaire dans la plupart des cas, elle ne l’est pas toujours, et que le même effet est produit sur certains individus à l’aide d’objets ternes.
Ce phénomène, auquel on donna le nom d’hypnotisme fit du bruit dans les corps savants ; on expérimenta ; les uns réussirent, les autres échouèrent, comme cela devait être, les aptitudes n’étant pas les mêmes chez tous les sujets. La chose, fût-elle exceptionnelle, valait assurément bien la peine d’être étudiée ; mais il est regrettable de le dire, dès qu’on s’aperçut que c’était une porte dérobée par laquelle le magnétisme et le somnambulisme allaient pénétrer sous une autre forme et un autre nom dans le sanctuaire de la science officielle, il n’y fut plus question d’hypnotisme (Voir la Revue spirite de janvier 1860.)
Cependant la nature ne perd jamais ses droits ; si ses lois sont méconnues pendant un temps, elle revient si souvent à la charge, elle les présente sous des formes si variées, que force est tôt ou tard d’ouvrir les yeux. Le Spiritisme en est une preuve ; on a beau le nier, le dénigrer, le repousser, il frappe à toutes les portes de cent manières différentes, et pénètre bon gré mal gré chez ceux-mêmes qui ne veulent pas en entendre parler.
En rapprochant ce phénomène de celui qui nous occupe, et surtout des explications données ci-dessus, on remarque, dans les effets et dans les causes, une analogie frappante ; d’où l’on peut tirer cette conclusion que les corps vulgairement appelés miroirs magiques, ne sont autres que des agents hypnotiques, infiniment variés dans leurs formes et dans leurs effets, selon la nature et le degré des aptitudes.
Cela étant, il n’y aurait rien d’impossible à ce que certaines personnes, douées spontanément et accidentellement de cette faculté, subissent, à leur insu, l’influence magnétique d’objets extérieurs sur lesquels elles fixent machinalement les yeux. Pourquoi le reflet de l’eau, d’un lac, d’un étang, d’une rivière, d’un astre même, ne produirait-il pas le même effet qu’un verre ou une carafe sur certaines organisations convenablement prédisposées ? Mais ceci n’est qu’une hypothèse qui a besoin de la confirmation de l’expérience.
Ce phénomène, du reste, n’est point une découverte moderne ; on le trouve même de nos jours chez les peuples les plus arriérés, tant il est vrai que ce qui est dans la nature a le privilège d’être de tous les temps et de tous les pays ; on l’accepte d’abord comme fait : l’explication vient ensuite avec le progrès, et à mesure que l’homme avance dans la connaissance des lois qui régissent le monde.
Telles sont les conséquences qui nous paraissent découler logiquement des faits observés.
22. — [Revue de novembre 1865.]
Un de nos abonnés de Paris † nous écrit ce qui suit :
« En lisant le numéro de la Revue Spirite du mois d’octobre, je me suis reporté à un passage de la Bible qui signale un fait analogue à la médiumnité du voyant de la forêt de Zimmerwald, † et que voici :
« Lorsque les frères de Joseph furent sortis de la ville, comme ils n’avaient fait encore que peu de chemin, Joseph appela l’intendant de sa maison, et il lui dit : Courez vite après ces gens ; arrêtez-les, et leur dites : Pourquoi avez-vous rendu le mal pour le bien ? – La coupe que vous avez dérobée est celle dans laquelle mon Seigneur boit, et dont il se sert pour deviner. Vous avez fait une très méchante action. »
« Quand les frères de Joseph furent amenés en sa présence, il leur dit :
« Pourquoi avez-vous agi ainsi avec moi ? Ignorez-vous qu’il n’y a personne qui m’égale dans la science de deviner les choses cachées ? » (Genèse, ch. XLIV, v. [4] 5, 15.)
« Le genre de médiumnité que vous signalez existait donc chez les Égyptiens et chez les Juifs. »
C., avocat.
Rien n’est plus positif en effet ; Joseph possédait l’art de deviner, c’est-à-dire de voir les choses cachées, et il se servait pour cela d’une coupe à boire, comme le voyant de Zimmerwald se sert de son verre. Si la médiumnité est une faculté démoniaque, voilà donc un des personnages les plus vénérés de l’antiquité sacrée convaincu d’agir par le démon. S’il agissait par Dieu, et nos Médiums par le démon, le démon fait donc exactement la même chose que Dieu, et par conséquent l’égale en puissance. On s’étonne de voir des hommes graves soutenir une pareille thèse qui ruine leur propre doctrine.
23. — Le Spiritisme n’a donc ni découvert, ni inventé les Médiums, mais il a découvert les lois de la médiumnité, et il l’explique. C’est ainsi qu’il est la véritable clef pour l’intelligence de l’Ancien et du Nouveau-Testament, où abondent les faits de ce genre ; c’est faute d’avoir eu cette clef, qu’il a été fait sur les Écritures tant de commentaires contradictoires qui n’ont rien expliqué. L’incrédulité allait sans cesse croissant à l’endroit de ces faits et envahissait même l’Église ; désormais on les admettra comme phénomènes naturels, puisqu’ils se reproduisent de nos jours par des lois maintenant connues. Nous avons donc raison de dire que le Spiritisme est une science positive qui détruit les derniers vestiges du merveilleux.
Supposons que l’on ait perdu les livres des Anciens, qui nous expliquent la théogonie païenne ou mythologie, comprendrait-on aujourd’hui le sens des innombrables inscriptions que l’on découvre chaque jour, et qui se rapportent plus ou moins directement à ces croyances ? Comprendrait-on la destination, les motifs de structure de la plupart des monuments dont nous voyons les restes ? Saurait-on ce que représentent la plupart des statues et des bas-reliefs ? Non, assurément ; sans la connaissance de la mythologie, toutes ces choses seraient pour nous des lettres-mortes, comme l’écriture cunéiforme et les hiéroglyphes égyptiens. La mythologie est donc la clef à l’aide de laquelle nous reconstruisons l’histoire du passé au moyen d’un fragment de pierre, comme Cuvier, avec un os, reconstruisait un animal antédiluvien. Parce que nous ne croyons plus aux fables des divinités païennes, faut-il pour cela négliger ou mépriser la mythologie ? Celui qui émettrait une telle pensée serait traité de barbare.
Eh bien ! le Spiritisme, comme croyance à l’existence et à la manifestation des âmes, comme moyen de s’entretenir avec elles ; le magnétisme, comme moyen de guérison ; le somnambulisme, comme double vue, étaient très répandus dans l’antiquité, et se sont mêlés à toutes les théogonies, même à la théogonie juive et plus tard chrétienne ; il y est fait allusion dans une foule de monuments et inscriptions qui nous restent. Le Spiritisme, qui embrasse en même temps le magnétisme et le somnambulisme, est un flambeau pour l’archéologie et l’étude de l’antiquité. Nous sommes même convaincu que c’est une source féconde pour l’intelligence des hiéroglyphes, car ces croyances étaient très répandues en Egypte, et leur étude faisait partie des mystères cachés au vulgaire. Voici quelques faits à l’appui de cette assertion.
Un de nos amis, savant archéologue qui habite l’Afrique, et qui est en même temps un Spirite éclairé, trouva, il y a quelques années, aux environs de Sétif, † une inscription tumulaire dont le sens était absolument inintelligible sans la connaissance du Spiritisme.
Nous nous rappelons avoir vu au Louvre, † il y a de cela fort longtemps, une peinture égyptienne représentant un individu couché et endormi, et un autre debout, les bras et les doigts dirigés vers le premier, sur lequel il fixait ses regards, dans l’attitude exacte d’un homme qui fait des passes magnétiques. On eût dit ce dessin calqué sur la petite vignette que M. le baron Dupotet mettait jadis sur le frontispice de son Journal du Magnétisme. n Pour tout magnétiseur, il n’y avait pas à se méprendre sur le sujet de ce tableau ; pour quiconque n’aurait pas connu le magnétisme, il n’avait pas de sens. Le fait seul prouverait, si l’on n’en avait pas une foule d’autres, que les anciens Égyptiens savaient magnétiser, et qu’ils s’y prenaient à peu près comme nous. Cela faisait donc partie de leurs mœurs, puisque cela se trouvait consacré sur un monument public. Sans le magnétisme moderne, qui nous a donné la clef de certaines allégories, nous ne le saurions pas.
Une autre peinture égyptienne, également au Louvre, représentait une momie debout, entourée de bandelettes ; un corps de même forme et grandeur, mais sans bandelettes, s’en détachait à moitié, comme s’il sortait de la momie, et un autre individu, placé en avant, semblait l’attirer à lui. Nous ne connaissions pas alors le Spiritisme, et nous nous demandions ce que cela pouvait signifier.
Il est clair aujourd’hui que cette peinture allégorique représente l’âme se séparant du corps, tout en conservant l’apparence humaine, et dont le dégagement est facilité par l’action d’une autre personne incarnée ou désincarnée, ainsi que nous l’enseigne le Spiritisme.
Ne croyez pas au Spiritisme, si vous le voulez ; mettez que ce soit une chimère : personne ne vous l’impose ; étudiez-le comme vous étudieriez la mythologie, à titre de simple renseignement, et tout en riant de la crédulité humaine, et vous verrez quels horizons il vous ouvrira, pour peu que vous soyez un homme sérieux.
[1]
Le Siècle publie en ce moment, sous le titre de : La double vue, un
très intéressant roman feuilleton d’Élie Berthet [La
double vue — Google Books.] Dans le moment actuel c’est un à
propos. Il y a deux ans environ, M. Xavier Saintine avait publié dans
le Constitutionnel, sous le titre de : La seconde vie, une série de
faits basés sur la pluralité des existences et les rapports spontanés
qui s’établissent entre les morts et les vivants. C’est ainsi que la
littérature aide à la vulgarisation des idées nouvelles ; il n’y manque
absolument que le mot Spiritisme.
[2] [Journal
du magnétisme — Google Books.]
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études sur les miroirs magiques ou psychiques (Revue Spirite Octobre
1865) —
Le patriarche Joseph et le voyant de Zimmerwald (Revue Spirite Novembre
1865).