A M. le Rédacteur en chef du RENARD.
Monsieur le Rédacteur,
Si le sujet que j’aborde ici ne vous paraît ni trop rebattu, ni trop longuement traité, je vous prie d’insérer cette lettre dans le plus prochain numéro de votre estimable journal :
Quelques mots sur le Spiritisme : C’est une question si controversée et qui occupe aujourd’hui tant d’esprits que tout ce que peut écrire, sur ce sujet, un homme loyal et sérieusement convaincu ne peut paraître, à personne, ni oiseux ni ridicule.
Je ne veux imposer mes convictions à qui que ce soit ; je n’ai ni l’âge, ni l’expérience, ni l’intelligence nécessaires pour faire un Mentor ; je veux dire seulement à tous ceux qui, ne connaissant de cette théorie que le nom, sont disposés à accueillir le Spiritisme par des railleries ou un dédain systématique : Faites comme j’ai fait ; essayez d’abord de vous instruire, et vous aurez ensuite le droit d’être dédaigneux ou railleurs.
Il y a un mois, monsieur le rédacteur, j’avais à peine une idée vague du Spiritisme ; je savais seulement que cette découverte ou cette utopie, pour laquelle un mot nouveau avait été inventé, reposait sur des faits (vrais ou faux), tellement surnaturels qu’ils étaient rejetés d’avance par tous les hommes qui ne croient à rien de ce qui les étonne, qui ne suivent jamais un progrès qu’à la remorque de tout leur siècle, et qui, nouveaux Saint-Thomas, ne sont persuadés que quand ils ont touché. Comme eux, je l’avoue, j’étais tout disposé à rire de cette théorie et de ses adeptes ; mais avant de rire, je voulus savoir de quoi je riais, et je me fis présenter dans une société de Spirites, chez M. E. B. Soit dit en passant, M. B., qui m’a paru un esprit droit, sérieux et éclairé, est plein d’une conviction assez forte pour arrêter le sourire sur les lèvres d’un mauvais plaisant ; car, quoi qu’on en dise, une conviction solide impose toujours.
A la fin de la première séance, je ne riais plus, mais je doutais encore, et ce que je ressentais surtout, c’était un extrême désir de m’instruire, une impatience fébrile d’assister à de nouvelles épreuves.
C’est ce que j’ai fait hier, monsieur le rédacteur, et je ne doute plus maintenant. Sans parler de quelques communications personnelles qui m’ont été faites sur des choses ignorées aussi bien du médium que de tous les membres de la Société, j’ai vu des faits, selon moi irrécusables.
Sans faire ici, vous comprendrez pourquoi, aucune réflexion sur le degré d’instruction ou d’intelligence du médium, je déclare qu’il est impossible à tout autre qu’à un Bossuet ou à un Pascal de répondre immédiatement, d’une manière aussi nette que possible, avec une vitesse pour ainsi dire mécanique, et dans un style concis, élégant et correct, plusieurs pages sur des questions telles que celle-ci : « Comment on peut concilier le libre arbitre avec la prescience divine, » n c’est-à-dire sur les problèmes les plus ardus de la métaphysique.
Voilà ce que j’ai vu, monsieur le rédacteur, et bien d’autres choses encore que je n’ajouterai pas sur cette lettre, déjà trop longue ; j’écris ceci, je le répète, afin d’inspirer, si je le puis, à quelques-uns de vos lecteurs, le désir de s’instruire ; peut-être ensuite seront-ils convaincus comme moi.
Tibulle Lang,
Ancien élève de l’École polytechnique.
[1] [v.
Théorie
de la prescience.]
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