1. — Nous sommes depuis assez longtemps déjà en relation avec deux médiums de Sens, † aussi distingués par leur faculté que recommandables par leur modestie, leur dévouement et la pureté de leurs intentions. Nous nous garderions de le leur dire, si nous ne les savions inaccessibles à l’orgueil, cette pierre d’achoppement de tant de médiums, et contre laquelle sont venues se briser tant d’heureuses dispositions ; c’est une qualité assez rare pour qu’elle mérite d’être signalée. Nous avons pu nous assurer par nous-même des sympathies qu’ils ont parmi les bons Esprits ; mais loin de s’en prévaloir, loin de se croire les seuls interprètes de la vérité, sans se laisser éblouir par des noms imposants, ils acceptent en toute humilité, et avec une prudente réserve les communications qu’ils reçoivent, les soumettant toujours au contrôle de la raison. C’est le seul moyen de décourager les Esprits trompeurs, toujours à l’affût des gens disposés à croire, sur parole, tout ce qui vient du monde des Esprits, pourvu que cela porte un nom respectable. Du reste, jamais ils n’ont eu de communications frivoles, triviales, grossières ou ridicules, et jamais aucun Esprit n’a tenté de leur inculquer des idées excentriques, ou de s’imposer comme régulateur absolu ; et ce qui prouve plus encore que tout cela en faveur des Esprits qui les assistent, ce sont les sentiments de réelle bienveillance et de véritable charité chrétienne que ces Esprits inspirent à leurs protégés. Telle est l’impression qui nous est restée de ce que nous avons vu et que nous sommes heureux de proclamer.
Dans l’intérêt de la conservation et du perfectionnement de leur faculté, nous faisons des vœux pour qu’ils ne tombent jamais dans le travers des médiums qui croient à leur infaillibilité. Il n’en est pas un qui puisse se flatter de n’avoir jamais été trompé ; les meilleures intentions n’en garantissent pas toujours, et c’est souvent une épreuve pour exercer le jugement et la perspicacité ; mais à l’égard de ceux qui ont le malheur de se croire infaillibles, les Esprits trompeurs sont trop adroits pour n’en pas profiter ; ils font ce que font les hommes : ils exploitent toutes les faiblesses.
Dans le nombre des communications que ces messieurs nous ont adressées, la suivante, signée Homère, sans avoir rien de bien saillant sous le rapport des idées, nous a paru mériter une attention particulière, en raison d’un fait remarquable qui peut, jusqu’à un certain point, être considéré comme une preuve d’identité. Cette communication a été obtenue spontanément, et sans que le médium songeât le moins du monde au poète grec ; elle a donné lieu à diverses questions que nous croyons également devoir reproduire.
2. — Le médium écrivit donc un jour ce qui suit, sans savoir qui le lui dictait : « Mon Dieu ! que vos desseins sont profonds, et que vos vues sont impénétrables ! Les hommes ont cherché dans tous les temps la solution d’une foule de problèmes qui ne sont point encore résolus. Moi aussi, j’ai cherché toute ma vie, et je n’ai pu résoudre celui qui semble le moindre de tous : le mal, aiguillon dont vous vous servez pour pousser l’homme à faire le bien par amour. Je connus, bien jeune encore, les mauvais traitements que les humains se font subir les uns aux autres, sans arrièrepensées, comme si le mal était pour eux un élément naturel, et pourtant il n’en est pas ainsi, puisque tous tendent au même but qui est le bien. Ils s’égorgent entre eux, et au réveil ils reconnaissent avoir frappé un frère !
Mais tels sont vos décrets qu’il ne nous appartient pas de changer ; nous n’avons que le mérite ou le démérite d’avoir plus ou moins résisté à la tentation, et pour sanction de tout cela, le châtiment ou la récompense.
« J’ai passé mes jeunes années dans les roseaux du Mélès ; je me suis baigné et bercé bien souvent dans ses flots ; c’est pourquoi on m’appelait dans ma jeunesse Mélésigène. »
1. Ce nom nous étant inconnu, nous prions l’Esprit de vouloir bien se faire connaître d’une manière plus précise. — R. Ma jeunesse fut bercée dans les flots ; la poésie m’a donné des cheveux blancs ; c’est moi que vous appelez Homère. »
Remarque. — Notre surprise fut grande, car nous n’avions aucune idée de ce surnom d’Homère ; nous l’avons trouvé depuis dans le dictionnaire mythologique. Nous poursuivîmes nos questions.
2. Voudriez-vous nous dire à quoi nous devons le bonheur de votre visite spontanée, car, nous vous en demandons pardon, nous ne pensions nullement à vous en ce moment ? — R. C’est parce que je viendrai à vos réunions, comme on va toujours vers les frères qui ont en vue de faire le bien.
3. Si nous osions, nous vous prierions de nous parler des derniers moments de votre vie terrestre. — R. Oh ! mes amis, fasse Dieu que vous ne mourriez pas aussi malheureux que moi ! Mon corps est mort dans la dernière des misères humaines ; l’âme est bien troublée en cet état ; le réveil est plus difficile, mais aussi il est bien plus beau. Oh ! comme Dieu est grand ! qu’il vous bénisse ! je l’en prie du fond de mon cœur.
4. Les poèmes de l’Iliade † et de l’Odyssée, † que nous avons, sont-ils bien tels que vous les avez composés ? — R. Non, on les a travaillés.
5. Plusieurs villes se sont disputé l’honneur de vous avoir donné le jour ; pourriez-vous nous fixer à cet égard ? — R. Cherchez quelle ville de la Grèce possédait le toit du courtisan Cléanax ; c’est lui qui a chassé ma mère du lieu de ma naissance, parce qu’elle ne voulait pas être sa maîtresse, et vous saurez dans quelle ville j’ai reçu le jour. Oui, elles se sont disputé ce prétendu honneur, et elles ne se disputaient pas celui de m’avoir donné l’hospitalité. Oh ! voilà bien les pauvres humains ; toujours futilités, bonnes pensées, jamais !
Observation. — Le fait le plus saillant de cette communication est celui de la révélation du surnom d’Homère, et il est d’autant plus remarquable que les deux médiums, qui reconnaissent eux-mêmes et déplorent l’insuffisance de leur éducation, ce qui les oblige à vivre du travail de leurs mains, ne pouvaient en avoir aucune idée ; et l’on peut d’autant moins l’attribuer à un reflet de pensée quelconque, qu’à ce moment ils étaient seuls.
Nous ferons, à ce sujet, une autre remarque, c’est qu’il est constant pour tout Spirite tant soit peu expérimenté, qu’une personne qui aurait connu le surnom d’Homère et qui, l’ayant évoqué, lui aurait demandé de le dire, comme preuve d’identité, ne l’aurait pas obtenu. Si les communications n’étaient qu’un reflet de la pensée, comment l’Esprit ne dirait-il pas ce que l’on sait, tandis que, de lui-même, il dit ce qu’on ne sait pas ? C’est qu’il a aussi sa dignité et sa susceptibilité, et veut prouver qu’il n’est pas aux ordres du premier curieux venu. Supposons que celui qui se récrie le plus contre ce qu’il appelle le caprice ou la mauvaise volonté de l’Esprit, se présente dans une maison en déclinant son nom ; que ferait-il si on l’accueillait en lui demandant à brûle-pourpoint de prouver qu’il est bien un tel ? Il tournerait le dos ; c’est ce que font les Esprits. Cela ne veut pas dire qu’il faille les croire sur parole ; mais quand on veut avoir des preuves de leur identité, il faut s’y prendre avec ménagement aussi bien avec eux qu’avec les hommes. Les preuves d’identité données spontanément par les Esprits sont toujours les meilleures.
Si nous nous sommes aussi longuement étendu à propos d’un sujet qui ne paraissait pas comporter autant de développements, c’est qu’il nous semble utile de ne négliger aucune occasion d’appeler l’attention sur la partie pratique d’une science qui est entourée de plus de difficultés qu’on ne le croit généralement, et que trop de gens croient posséder, parce qu’ils savent faire frapper une table ou marcher un crayon. Nous nous adressons d’ailleurs à ceux qui croient avoir encore besoin de quelques conseils, et non à ceux qui, après quelques mois à peine d’étude, pensent pouvoir s’en passer ; si les avis que nous croyons devoir donner sont perdus pour quelques-uns, nous savons qu’ils ne le sont pas pour tous, et que beaucoup de personnes les accueillent avec plaisir.