Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année II — Janvier 1859.

(Langue portugaise)

A S. A. LE PRINCE G.

1. — PRINCE,  n

Votre Altesse m’a fait l’honneur de m’adresser plusieurs questions touchant le Spiritisme ; je vais essayer d’y répondre, autant que peut le permettre l’état des connaissances actuelles sur la matière, en résumant en peu de mots ce que l’étude et l’observation nous ont appris à ce sujet. Ces questions reposent sur les principes mêmes de la science : pour donner plus de clarté à la solution, il est nécessaire d’avoir ces principes présents à la pensée ; permettez-moi donc de prendre la chose d’un peu plus haut, en posant comme préliminaires certaines propositions fondamentales qui, du reste, serviront elles-mêmes de réponse à quelques-unes de vos demandes.

Il existe en dehors du monde corporel visible des êtres invisibles qui constituent le monde des Esprits.

Les Esprits ne sont point des êtres à part, mais les âmes mêmes de ceux qui ont vécu sur la terre ou dans d’autres sphères, et qui ont dépouillé leurs enveloppes matérielles.

Les Esprits présentent tous les degrés de développement intellectuel et moral. Il y en a par conséquent de bons et de mauvais, d’éclairés et d’ignorants, de légers, de menteurs, de fourbes, d’hypocrites, qui cherchent à tromper et à induire au mal, comme il y en a de très supérieurs en tout, et qui ne cherchent qu’à faire le bien. Cette distinction est un point capital.

Les Esprits nous entourent sans cesse ; à notre insu, ils dirigent nos pensées et nos actions, et par là influent sur les événements et les destinées de l’humanité.

Les Esprits attestent souvent leur présence par des effets matériels. Ces effets n’ont rien de surnaturel ; ils ne nous paraissent tels que parce qu’ils reposent sur des bases en dehors des lois connues de la matière. Ces bases une fois connues, l’effet rentre dans la catégorie des phénomènes naturels.

C’est ainsi que les Esprits peuvent agir sur les corps inertes et les faire mouvoir sans le concours de nos agents extérieurs. Nier l’existence d’agents inconnus, par cela seul qu’on ne les comprend pas, ce serait poser des bornes à la puissance de Dieu, et croire que la nature nous a dit son dernier mot.

Tout effet a une cause ; nul ne le conteste. Il est donc illogique de nier la cause, par cela seul qu’elle est inconnue.

Si tout effet a une cause, tout effet intelligent doit avoir une cause intelligente. Lorsqu’on voit les bras du télégraphe faire des signaux qui répondent à la pensée, on en conclut, non pas que ces bras sont intelligents, mais qu’une intelligence les fait mouvoir. Il en est de même des phénomènes spirites. Si l’intelligence qui les produit n’est pas la nôtre, il est évident qu’elle est en dehors de nous.

Dans les phénomènes des sciences naturelles, on agit sur la matière inerte qu’on manipule à son gré ; dans les phénomènes spirites on agit sur des intelligences qui ont leur libre arbitre, et ne sont pas soumises à notre volonté. Il y a donc entre les phénomènes usuels et les phénomènes spirites une différence radicale quant au principe : c’est pourquoi la science vulgaire est incompétente pour les juger.

L’Esprit incarné a deux enveloppes, l’une matérielle qui est le corps, l’autre semi-matérielle et indestructible qui est le périsprit. En quittant la première, il conserve la seconde qui constitue pour lui une sorte de corps, mais dont les propriétés sont essentiellement différentes. Dans son état normal, il est invisible pour nous, mais il peut devenir momentanément visible et même tangible : telle est la cause du phénomène des apparitions.

Les Esprits ne sont donc pas des êtres abstraits, indéfinis, mais des êtres réels et limités, ayant leur existence propre, qui pensent et agissent en vertu de leur libre arbitre. Ils sont partout, autour de nous ; ils peuplent les espaces et se transportent avec la rapidité de la pensée.

Les hommes peuvent entrer en relation avec les Esprits et en recevoir des communications directes par l’écriture, la parole et d’autres moyens. Les Esprits étant à nos côtés, ou pouvant se rendre à notre appel, on peut, par certains intermédiaires, établir avec eux des communications suivies, comme un aveugle peut le faire avec les personnes qu’il ne voit pas.

Certaines personnes sont douées plus que d’autres d’une aptitude spéciale pour transmettre les communications des Esprits : ce sont les médiums. Le rôle du médium est celui d’un interprète ; c’est un instrument dont se sert l’Esprit : cet instrument peut être plus ou moins parfait, et de là les communications plus ou moins faciles.

Les phénomènes spirites sont de deux ordres : les manifestations physiques et matérielles, et les communications intelligentes. Les effets physiques sont produits par des Esprits inférieurs ; les Esprits élevés ne s’occupent pas plus de ces choses que nos savants ne s’occupent à faire des tours de force : leur rôle est d’instruire par le raisonnement.

Les communications peuvent émaner des Esprits inférieurs, comme des Esprits supérieurs. On reconnaît les Esprits, comme les hommes, à leur langage : celui des Esprits supérieurs est toujours sérieux, digne, noble et empreint de bienveillance ; toute expression triviale ou inconvenante, toute pensée qui choque la raison ou le bon sens, qui dénote l’orgueil, l’acrimonie ou la malveillance, émane nécessairement d’un Esprit inférieur.

Les Esprits élevés n’enseignent que de bonnes choses ; leur morale est celle de l’Évangile, ils ne prêchent que l’union et la charité, ils ne trompent jamais. Les Esprits inférieurs disent des absurdités, des mensonges, et souvent même des grossièretés.

La bonté d’un médium ne consiste pas seulement dans la facilité des communications, mais surtout dans la nature des communications qu’il reçoit. Un bon médium est celui qui sympathise avec les bons Esprits et ne reçoit que de bonnes communications.

Nous avons tous un Esprit familier qui s’attache à nous depuis notre naissance, nous guide, nous conseille et nous protège ; cet Esprit est toujours bon.

Outre l’Esprit familier, il y a des Esprits qui sont attirés vers nous par leur sympathie pour nos qualités et nos défauts, ou par d’anciennes affections terrestres. D’où il suit que, dans toute réunion, il y a une foule d’Esprits plus ou moins bons, selon la nature du milieu.


1. Les Esprits peuvent-ils révéler l’avenir ?

Les Esprits ne connaissent l’avenir qu’en raison de leur élévation. Ceux qui sont inférieurs ne connaissent même pas le leur, à plus forte raison celui des autres. Les Esprits supérieurs le connaissent, mais il ne leur est pas toujours permis de le révéler. En principe, et par une vue très sage de la Providence, l’avenir doit nous être caché ; si nous le connaissions, notre libre arbitre en serait entravé. La certitude du succès nous ôterait l’envie de rien faire, parce que nous ne verrions pas la nécessité de nous donner de la peine ; la certitude d’un malheur nous découragerait. Toutefois, il est des cas où la connaissance de l’avenir peut être utile, mais nous n’en pouvons jamais être juges : les Esprits nous le révèlent quand ils le croient utile et quand ils en ont la permission de Dieu ; ils le font alors spontanément et non sur notre demande. Il faut attendre avec confiance l’opportunité, et surtout ne pas insister en cas de refus, autrement on risque d’avoir affaire à des Esprits légers qui s’amusent à nos dépens.


2. Les Esprits peuvent-ils nous guider par des conseils directs dans les choses de la vie ?

Oui, ils le peuvent et le font volontiers. Ces conseils nous arrivent journellement par les pensées qu’ils nous suggèrent. Souvent nous faisons des choses dont nous nous attribuons le mérite, et qui ne sont en réalité que le résultat d’une inspiration qui nous a été transmise. Or comme nous sommes entourés d’Esprits qui nous sollicitent, les uns dans un sens, les autres dans un autre, nous avons toujours notre libre arbitre pour nous guider dans le choix, heureux pour nous quand nous donnons la préférence à notre bon génie.

Outre ces conseils occultes, on peut en avoir de directs par un médium ; mais c’est ici le cas de se rappeler les principes fondamentaux que nous avons émis tout à l’heure. La première chose à considérer, c’est la qualité du médium, si on ne l’est pas soi-même. Un médium qui n’a que de bonnes communications, qui, par ses qualités personnelles ne sympathise qu’avec les bons Esprits, est un être précieux dont on peut attendre de grandes choses, si toutefois on le seconde par la pureté de ses propres instructions, et en s’y prenant convenablement : je dis plus, c’est un instrument providentiel.

Le second point, qui n’est pas moins important, consiste dans la nature des Esprits auxquels on s’adresse, et il ne faut pas croire que le premier venu puisse nous guider utilement. Quiconque ne verrait dans les communications spirites qu’un moyen de divination, et dans un médium une sorte de diseur de bonne aventure, se tromperait étrangement. Il faut considérer que nous avons dans le monde des Esprits, des amis qui s’intéressent à nous, plus sincères et plus dévoués que ceux qui prennent ce titre sur la terre, et qui n’ont aucun intérêt à nous flatter et à nous tromper. Ce sont, outre notre Esprit protecteur, des parents ou des personnes qui nous ont affectionné de leur vivant, ou des Esprits qui nous veulent du bien par sympathie. Ceux-là viennent volontiers quand on les appelle et viennent même sans qu’on les appelle ; nous les avons souvent à nos côtés sans nous en douter. Ce sont ceux auxquels on peut demander des conseils par la voie directe des médiums, et qui en donnent même spontanément sans qu’on leur en demande. Ils le font surtout dans l’intimité, dans le silence, et alors qu’aucune influence étrangère ne vient les troubler : ils sont d’ailleurs très prudents, et l’on n’a jamais à craindre de leur part une indiscrétion déplacée : ils se taisent quand il y a des oreilles de trop. Ils le font encore plus volontiers lorsqu’ils sont en communication fréquente avec nous ; comme ils ne disent les choses qu’à propos et selon l’opportunité, il faut attendre leur bon vouloir et ne pas croire qu’à première vue ils vont satisfaire à toutes nos demandes ; ils veulent nous prouver par là qu’ils ne sont pas à nos ordres.

La nature des réponses dépend beaucoup de la manière de poser les questions ; il faut apprendre à converser avec les Esprits comme on apprend à converser avec les hommes : en toutes choses il faut l’expérience. D’un autre côté l’habitude fait que les Esprits s’identifient avec nous et avec le médium ; les fluides se combinent et les communications sont plus faciles ; alors il s’établit entre eux et nous de véritables conversations familières ; ce qu’ils ne disent pas un jour, ils le disent un autre ; ils s’habituent à notre manière d’être, comme nous à la leur : on est réciproquement plus à l’aise. Quant à l’immixtion des mauvais Esprits et des Esprits trompeurs, ce qui est le grand écueil, l’expérience apprend à les combattre, et on peut toujours l’éviter. Si on ne leur donne pas prise, ils ne viennent pas où ils savent perdre leur temps.


3. Quelle peut être l’utilité de la propagation des idées spirites ?

Le Spiritisme étant la preuve palpable, évidente de l’existence, de l’individualité et de l’immortalité de l’âme, c’est la destruction du matérialisme, cette négation de toute religion, cette plaie de toute société. Le nombre des matérialistes qu’il a ramenés à des idées plus saines est considérable et s’augmente tous les jours : cela seul serait un bienfait social. Il ne prouve pas seulement l’existence de l’âme et son immortalité ; il montre l’état heureux ou malheureux de celle-ci selon les mérites de cette vie. Les peines et les récompenses futures ne sont plus une théorie, c’est un fait patent que l’on a sous les yeux. Or, comme il n’y a pas de religion possible sans la croyance en Dieu, à l’immortalité de l’âme, aux peines et aux récompenses futures, que le Spiritisme ramène à ces croyances ceux en qui elles étaient éteintes, il en résulte que c’est le plus puissant auxiliaire des idées religieuses : il donne de la religion à ceux qui n’en ont pas ; il la fortifie chez ceux en qui elle est chancelante ; il console par la certitude de l’avenir, fait prendre avec patience et résignation les tribulations de cette vie, et détourne de la pensée du suicide, pensée que l’on repousse naturellement quand on en voit les conséquences : voilà pourquoi ceux qui ont pénétré ces mystères en sont heureux ; c’est pour eux une lumière qui dissipe les ténèbres et les angoisses du doute.

Si nous considérons maintenant la morale enseignée par les Esprits supérieurs, elle est tout évangélique, c’est tout dire : elle prêche la charité chrétienne dans toute sa sublimité ; elle fait plus, elle en montre la nécessité pour le bonheur présent et à venir, car les conséquences du bien et du mal que nous faisons sont là devant nos yeux. En ramenant les hommes aux sentiments de leurs devoirs réciproques, le Spiritisme neutralise l’effet des doctrines subversives de l’ordre social.


4. Ces croyances ne peuvent-elles pas avoir un danger pour la raison ?

Toutes les sciences n’ont-elles pas fourni leur continent aux maisons d’aliénés ? Faut-il les condamner pour cela ? Les croyances religieuses n’y sont-elles pas rarement représentées ? Serait-il juste pour cela de proscrire la religion ? Connaît-on tous les fous qu’a produits la peur du diable ? Toutes les grandes préoccupations intellectuelles portent à l’exaltation et peuvent réagir fâcheusement sur un cerveau faible ; on serait fondé à voir dans le Spiritisme un danger spécial sous ce rapport, s’il était la cause unique ou même prépondérante des cas de folie. On fait grand bruit de deux ou trois cas auxquels on n’aurait fait aucune attention en toute autre circonstance ; et encore ne tient-on pas compte des causes prédisposantes antérieures. Je pourrais en citer d’autres où les idées spirites bien comprises ont arrêté le développement de la folie. En résumé, le Spiritisme n’offre pas plus de danger sous ce rapport que les mille et une causes qui la produisent journellement ; je dis plus, c’est qu’il en offre beaucoup moins, en ce qu’il porte en lui-même son correctif, et qu’il peut, par la direction qu’il donne aux idées, par le calme qu’il procure à l’esprit de ceux qui le comprennent, neutraliser l’effet des causes étrangères. Le désespoir est une de ces causes ; or le Spiritisme, en nous faisant envisager les choses les plus fâcheuses avec sang froid et résignation, nous donne la force de les supporter avec courage et résignation, et atténue les funestes effets du désespoir.


5. Les croyances spirites ne sont-elles pas la consécration des idées superstitieuses de l’antiquité et du moyen âge, et ne peuvent-elles pas les accréditer ?

Les gens sans religion ne taxent-ils pas de superstition la plupart des croyances religieuses ? Une idée n’est superstitieuse que parce qu’elle est fausse ; elle cesse de l’être si elle devient une vérité. Il est prouvé qu’au fond de la plupart des superstitions il y a une vérité amplifiée et dénaturée par l’imagination. Or, ôter à ces idées tout leur appareil fantastique, et ne laisser que la réalité, c’est détruire la superstition : tel est l’effet de la science, spirite, qui met à nu ce qu’il y a de vrai ou de faux dans les croyances populaires. On a longtemps regardé les apparitions comme une croyance superstitieuse ; aujourd’hui qu’elles sont un fait prouvé, et, qui plus est, parfaitement expliqué, elles rentrent dans le domaine des phénomènes naturels. On aura beau les condamner, on ne les empêchera pas de se produire ; mais ceux qui s’en rendent compte et les comprennent, non-seulement n’en sont point effrayés, mais en sont satisfaits, et c’est au point que ceux qui n’en ont pas désirent en avoir. Les phénomènes incompris, laissant le champ libre à l’imagination, sont la source d’une foule d’idées accessoires, absurdes, qui dégénèrent en superstitions. Montrez la réalité, expliquez la cause, et l’imagination s’arrête sur la limite du possible ; le merveilleux, l’absurde et l’impossible disparaissent, et avec eux la superstition ; telles sont, entre autres, les pratiques cabalistiques, la vertu des signes et des paroles magiques, les formules sacramentelles, les amulettes, les jours néfastes, les heures diaboliques, et tant d’autres choses dont le Spiritisme bien compris démontre le ridicule.

Telles sont, Prince, les réponses que j’ai cru devoir faire aux demandes que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser, heureux si elles peuvent corroborer les idées que Votre Altesse possède déjà sur ces matières, et vous engager à approfondir une question d’un si haut intérêt ; plus heureux encore si mon concours ultérieur peut vous être de quelque utilité.

Je suis, avec le plus profond respect,

de Votre Altesse,

le très humble et très obéissant serviteur,

Allan Kardec.



[1] [Sur le Prince Dimitry G… voir note au début de l’article  : Aux membres de la Société de Paris partant pour la Russie.]


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