1. Dem. Comment des Esprits peuvent-ils agir sur la matière ? cela semble contraire à toutes les idées que nous nous faisons de la nature des Esprits.
Rép. « Selon vous, l’Esprit n’est rien, c’est une erreur ; nous l’avons dit, l’Esprit est quelque chose, c’est pourquoi il peut agir par lui-même : mais votre monde est trop grossier pour qu’il puisse le faire sans intermédiaire, c’est-à-dire sans le lien qui unit l’Esprit à la matière. »
Observation. Le lien qui unit l’Esprit à la matière étant lui-même, sinon immatériel, du moins impalpable, cette réponse ne résoudrait pas la question si nous n’avions l’exemple de puissances également insaisissables agissant sur la matière ; c’est ainsi que la pensée est la cause première de tous nos mouvements volontaires ; que l’électricité renverse, soulève et transporte des masses inertes. De ce qu’on ne connaît pas le ressort, il serait illogique de conclure qu’il n’existe pas. L’Esprit peut donc avoir des leviers qui nous sont inconnus ; la nature nous prouve tous les jours que sa puissance ne s’arrête pas au témoignage des sens. Dans les phénomènes spirites, la cause immédiate est sans contredit un agent physique ; mais la cause première est une intelligence qui agit sur cet agent, comme notre pensée agit sur nos membres. Quand nous voulons frapper, c’est notre bras qui agit, ce n’est pas la pensée qui frappe : elle dirige le bras.
2. Dem. Parmi les Esprits qui produisent des effets matériels, ceux que l’on appelle frappeurs forment-ils une catégorie spéciale, ou bien sont-ce les mêmes qui produisent les mouvements et les bruits ?
Rép. « Le même Esprit peut certainement produire des effets très différents, mais il y en a qui s’occupent plus particulièrement de certaines choses, comme, parmi vous, vous avez des forgerons et des faiseurs de tours de force. »
3. Dem. L’Esprit qui agit sur les corps solides, soit pour les mouvoir, soit pour frapper, est-il dans la substance même du corps, ou bien en dehors de cette substance ?
Rép. « L’un et l’autre ; nous avons dit que la matière n’est point un obstacle pour les Esprits : ils pénètrent tout. »
4. Dem. Les manifestations matérielles, telles que les bruits, le mouvement des objets et tous ces phénomènes que l’on se plaît souvent à provoquer, sont-elles produites indistinctement par les Esprits supérieurs et par les Esprits inférieurs ?
Rép. « Ce ne sont que les Esprits inférieurs qui s’occupent de ces choses. Les Esprits supérieurs s’en servent quelquefois comme tu ferais d’un portefaix, afin d’amener à les écouter. Peux-tu croire que les Esprits d’un ordre supérieur soient à vos ordres pour vous amuser par des pasquinades ? C’est comme si tu demandais si, dans ton monde, ce sont des hommes savants et sérieux qui font les jongleurs et les bateleurs. »
Remarque. Les Esprits qui se révèlent par des effets matériels sont en général d’un ordre inférieur. Ils amusent ou étonnent ceux pour qui le spectacle des yeux a plus d’attrait que l’exercice de l’intelligence ; ce sont en quelque sorte les saltimbanques du monde spirite. Ils agissent quelquefois spontanément ; d’autres fois, par l’ordre d’Esprits supérieurs.
Si les communications des Esprits supérieurs offrent un intérêt plus sérieux, les manifestations physiques ont également leur utilité pour l’observateur ; elles nous révèlent des forces inconnues dans la nature, et nous donnent le moyen d’étudier le caractère, et, si nous pouvons nous exprimer ainsi, les mœurs de toutes les classes de la population spirite.
5. Dem. Comment prouver que la puissance occulte qui agit dans les manifestations spirites est en dehors de l’homme ? Ne pourrait-on pas penser qu’elle réside en lui-même, c’est-à-dire qu’il agit sous l’impulsion de son propre Esprit ?
Rép. « Quand une chose se fait contre ta volonté et ton désir, il est certain que ce n’est pas toi qui la produis ; mais souvent tu es le levier dont l’Esprit se sert pour agir, et ta volonté lui vient en aide ; tu peux être un instrument plus ou moins commode pour lui. »
Remarque. C’est surtout dans les communications intelligentes que l’intervention d’une puissance étrangère devient patente. Lorsque ces communications sont spontanées et en dehors de notre pensée et de notre contrôle, lorsqu’elles répondent à des questions dont la solution est inconnue des assistants, il faut bien en chercher la cause en dehors de nous. Cela, devient évident pour quiconque observe les faits avec attention et persévérance ; les nuances de détail échappent à l’observateur superficiel.
6. Dem. Tous les Esprits sont-ils aptes à donner des manifestations intelligentes ?
Rép. « Oui, puisque tous les Esprits sont des intelligences ; mais, comme il y en a de tous les degrés, c’est comme parmi vous ; les uns disent des choses insignifiantes ou stupides, les autres des choses sensées. »
7. Dem. Tous les Esprits sont-ils aptes à comprendre les questions qu’on leur pose ?
Rép. « Non ; les Esprits inférieurs sont incapables de comprendre certaines questions, ce qui ne les empêche pas de répondre bien ou mal ; c’est encore comme parmi vous. »
Remarque. On voit par là combien il est essentiel de se mettre en garde contre la croyance au savoir indéfini des Esprits. Il en est d’eux comme des hommes ; il ne suffit pas d’interroger le premier venu pour avoir une réponse sensée, il faut savoir à qui l’on s’adresse.
Quiconque veut connaître les mœurs d’un peuple doit l’étudier depuis le bas jusqu’au sommet de l’échelle ; n’en voir qu’une classe, c’est s’en faire une idée fausse si l’on juge le tout par la partie. Le peuple des Esprits est comme les nôtres ; il y a de tout, du bon, du mauvais, du sublime, du trivial, du savoir et de l’ignorance. Quiconque ne l’a pas observé en philosophe à tous les degrés ne peut se flatter de le connaître. Les manifestations physiques nous font connaître les Esprits de bas étage ; c’est la rue et la chaumière. Les communications instructives et savantes nous mettent en rapport avec les Esprits élevés ; c’est l’élite de la société : le château, l’institut.
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