Influence
de l’Esprit personnel du médium. (223.1-11.) — Système
des médiums inertes. (223.12-14.)
— Aptitude de certains médiums pour les choses qu’ils ne connaissent
pas : les langues, la musique, le dessin, etc. (223.15-224.)
— Dissertation d’un Esprit sur le rôle des médiums. (225.)
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Influence de l’Esprit personnel du médium.
223. — 1º
Le médium, au moment où il exerce sa faculté, est-il dans un état parfaitement
normal ?
« Il est quelquefois dans un état de crise plus ou moins prononcé, 2 c’est ce qui le fatigue, et c’est pourquoi il a besoin de repos ; 3 mais le plus souvent son état ne diffère pas sensiblement de l’état normal, surtout chez les médiums écrivains. »
2º Les communications écrites ou verbales peuvent-elles aussi provenir de l’Esprit même incarné dans le médium ?
« L’âme du médium peut se communiquer comme celle de tout autre ; 2 si elle jouit d’un certain degré de liberté, elle recouvre ses qualités d’Esprit. 3 Vous en avez la preuve dans l’âme des personnes vivantes qui viennent vous visiter, et se communiquent à vous par l’écriture souvent sans que vous les appeliez. 4 Car sachez bien que parmi les Esprits que vous évoquez, il y en a qui sont incarnés sur la terre ; alors ils vous parlent comme Esprits et non pas comme hommes. 5 Pourquoi voudriez-vous qu’il n’en fût pas de même du médium ? »
a — Cette explication ne semble-t-elle pas confirmer l’opinion de ceux qui croient que toutes les communications émanent de l’Esprit du médium, et non d’Esprits étrangers ?
« Ils n’ont tort que parce qu’ils sont absolus ; car il est certain que l’Esprit du médium peut agir par lui-même ; mais ce n’est pas une raison pour que d’autres n’agissent pas également par son intermédiaire. »
3º Comment distinguer si l’Esprit qui répond est celui du médium ou d’un Esprit étranger ?
« A la nature des communications. 2 Etudiez les circonstances et le langage, et vous distinguerez. 3 C’est surtout dans l’état de somnambulisme ou d’extase que l’Esprit du médium se manifeste, parce qu’alors il est plus libre ; mais dans l’état normal c’est plus difficile. 4 Il y a d’ailleurs des réponses qu’il est impossible de lui attribuer ; c’est pourquoi je vous dis d’étudier et d’observer. »
5 Remarque. Lorsqu’une personne nous parle, nous distinguons facilement ce qui vient d’elle, ou ce dont elle n’est que l’écho ; il en est de même des médiums.
4º Puisque l’Esprit du médium a pu acquérir, dans des existences antérieures, des connaissances qu’il a oubliées sous son enveloppe corporelle, mais dont il se souvient comme Esprit, ne peut-il puiser dans son propre fonds les idées qui semblent dépasser la portée de son instruction ?
« Cela arrive souvent dans l’état de crise somnambulique ou extatique ; mais encore une fois, il est des circonstances qui ne permettent pas de doute : 2 étudiez longtemps et méditez. »
5º Les communications provenant de l’Esprit du médium sont-elles toujours inférieures à celles qui pourraient être faites par des Esprits étrangers ?
« Toujours, non ; car l’Esprit étranger peut être lui-même d’un ordre inférieur à celui du médium, et pour lors parler moins sensément. 2 On le voit dans le somnambulisme ; car là c’est le plus souvent l’Esprit du somnambule qui se manifeste et qui dit pourtant quelquefois de très bonnes choses. »
6º L’Esprit qui se communique par un médium transmet-il directement sa pensée, ou bien cette pensée a-t-elle pour intermédiaire l’Esprit incarné dans le médium ?
« C’est l’Esprit du médium qui est l’interprète, parce qu’il est lié au corps qui sert à parler, et qu’il faut bien une chaîne entre vous et les Esprits étrangers qui se communiquent, comme il faut un fil électrique pour transmettre une nouvelle au loin, et au bout du fil une personne intelligente qui la reçoit et la transmet. »
7º L’Esprit incarné dans le médium exerce-t-il une influence sur les communications qu’il doit transmettre et qui proviennent d’Esprits étrangers ?
« Oui, 2 car s’il ne leur est pas sympathique, il peut altérer leurs réponses, et les assimiler à ses propres idées et à ses penchants, 3 mais il n’influence pas les Esprits eux-mêmes : 4 ce n’est qu’un mauvais interprète. »
8º Est-ce la cause de la préférence des Esprits pour certains médiums ?
« Il n’y en a pas d’autre ; 2 ils cherchent l’interprète qui sympathise le mieux avec eux, et qui rend le plus exactement leur pensée. 3 S’il n’y a pas entre eux sympathie, l’Esprit du médium est un antagoniste qui apporte une certaine résistance, et devient un interprète de mauvais vouloir et souvent infidèle. 4 Il en est de même parmi vous quand l’avis d’un sage est transmis par la voix d’un étourdi ou d’un homme de mauvaise foi. »
9º On conçoit qu’il en soit ainsi pour les médiums intuitifs, mais non pour ceux qui sont mécaniques.
« Vous ne vous rendez pas bien compte du rôle que joue le médium ; 2 il y a là une loi que vous n’avez pas encore saisie. Rappelez-vous que pour opérer le mouvement d’un corps inerte, l’Esprit a besoin d’une portion de fluide animalisé qu’il emprunte au médium pour animer momentanément la table, afin que celle-ci obéisse à sa volonté ; eh bien, comprenez aussi que pour une communication intelligente, il a besoin d’un intermédiaire intelligent et que cet intermédiaire est celui de l’Esprit du médium. »
a — Ceci ne paraît pas applicable à ce qu’on appelle les tables parlantes ; car lorsque des objets inertes, comme des tables, planchettes et corbeilles, donnent des réponses intelligentes, il semble que l’Esprit du médium n’y soit pour rien ?
« C’est une erreur ; 2 l’Esprit peut donner au corps inerte une vie factice momentanée, mais non l’intelligence ; jamais un corps inerte n’a été intelligent. 3 C’est donc l’Esprit du médium qui reçoit la pensée à son insu et la transmet de proche en proche à l’aide de divers intermédiaires. »
10º Il semble résulter de ces explications que l’Esprit du médium n’est jamais complètement passif ?
« Il est passif quand il ne mêle pas ses propres idées à celles de l’Esprit étranger, mais il n’est jamais absolument nul ; 2 son concours est toujours nécessaire comme intermédiaire, même dans ce que vous appelez médiums mécaniques. »
11º N’y a-t-il pas plus de garantie d’indépendance dans le médium mécanique que dans le médium intuitif ?
« Sans aucun doute, et pour certaines communications un médium mécanique est préférable ; 2 mais quand on connaît les facultés d’un médium intuitif, cela devient indifférent, selon les circonstances ; 3 je veux dire qu’il y a des communications qui réclament moins de précision. »
[Système des médiums inertes.]
12º Parmi les différents systèmes qui ont été émis pour expliquer les phénomènes spirites, il en est un qui consiste à croire que la véritable médiumnité est dans un corps complètement inerte, dans la corbeille ou le carton, par exemple, qui sert d’instrument ; que l’Esprit étranger s’identifie avec cet objet et le rend non seulement vivant, mais intelligent ; de là le nom de médiums inertes donnés à ces objets ; qu’en pensez-vous ?
« Il n’y a qu’un mot à dire à cela, c’est que si l’Esprit avait transmis l’intelligence au carton en même temps que la vie, le carton écrirait tout seul sans le concours de médium ; 2 il serait singulier que l’homme intelligent devînt machine, et qu’un objet inerte devînt intelligent. 3 C’est un des nombreux systèmes nés d’une idée préconçue, et qui tombent comme tant d’autres devant l’expérience et l’observation. »
13º Un phénomène bien connu pourrait accréditer l’opinion qu’il y a dans les corps inertes animés plus que la vie, mais encore l’intelligence, c’est celui des tables, corbeilles, etc., qui expriment par leurs mouvements la colère ou l’affection ?
« Lorsqu’un homme agite un bâton avec colère, ce n’est pas le bâton qui est en colère, ni même la main qui tient le bâton, mais bien la pensée qui dirige la main ; 2 les tables et les corbeilles ne sont pas plus intelligentes que le bâton ; elles n’ont aucun sentiment intelligent, mais obéissent à une intelligence ; en un mot, ce n’est pas l’Esprit qui se transforme en corbeille, ni même qui y élit domicile. »
14º S’il n’est pas rationnel d’attribuer l’intelligence à ces objets, peut-on les considérer comme une variété de médiums en les désignant sous le nom de médiums inertes ?
« C’est une question de mots qui nous importe peu, pourvu que vous vous entendiez. Vous êtes libres d’appeler homme une marionnette. »
[Aptitude de certains médiums pour les choses qu’ils ne connaissent pas : les langues, la musique, le dessin, etc.]
15º Les Esprits n’ont que le langage de la pensée ; ils n’ont pas de langage articulé ; c’est pourquoi il n’y a pour eux qu’une seule langue ; d’après cela un Esprit pourrait-il s’exprimer par voie médianimique dans une langue qu’il n’a jamais parlée de son vivant ; et dans ce cas, où puise-t-il les mots dont il se sert ?
« Vous venez vous-même de répondre à votre question en disant que les Esprits ont une seule langue qui est celle de la pensée ; cette langue est comprise de tous, aussi bien des hommes que des Esprits. 2 L’Esprit errant, en s’adressant à l’Esprit incarné du médium, ne lui parle ni français, ni anglais, mais la langue universelle qui est celle de la pensée ; pour traduire ses idées dans un langage articulé, transmissible, il puise ses mots dans le vocabulaire du médium. »
16º S’il en est ainsi, l’Esprit ne devrait pouvoir s’exprimer que dans la langue du médium, tandis qu’on en voit écrire dans des langues inconnues de ce dernier ; n’y a-t-il pas là une contradiction ?
« Remarquez d’abord que tous les médiums ne sont pas également propres à ce genre d’exercice, et ensuite que les Esprits ne s’y prêtent qu’accidentellement, quand ils jugent que cela peut être utile ; 2 mais, pour les communications usuelles et d’une certaine étendue, ils préfèrent se servir d’une langue familière, parce qu’elle leur présente moins de difficulté matérielle à vaincre. »
17º L’aptitude de certains médiums à écrire dans une langue qui leur est étrangère ne viendrait-elle pas de ce que cette langue leur aurait été familière dans une autre existence, et qu’ils en auraient conservé l’intuition ?
« Cela peut certainement avoir lieu, mais ce n’est pas une règle ; 2 l’Esprit peut, avec quelques efforts, surmonter momentanément la résistance matérielle qu’il rencontre ; c’est ce qui arrive quand le médium écrit, dans sa propre langue, des mots qu’il ne connaît pas. »
18º Une personne qui ne saurait pas écrire pourrait-elle écrire comme un médium ?
« Oui ; mais on conçoit qu’il y a là encore une grande difficulté mécanique à vaincre, la main n’ayant pas l’habitude du mouvement nécessaire pour former les lettres. 2 Il en est de même chez les médiums dessinateurs qui ne savent pas dessiner. »
19º Un médium très peu intelligent pourrait-il transmettre des communications d’un ordre élevé ?
« Oui, par la même raison qu’un médium peut écrire dans une langue qu’il ne connaît pas. 2 La médiumnité proprement dite est indépendante de l’intelligence aussi bien que des qualités morales, 3 et à défaut d’un meilleur instrument l’Esprit peut se servir de celui qu’il a sous la main ; mais il est naturel que, pour les communications d’un certain ordre, il préfère le médium qui lui offre le moins d’obstacles matériels. 4 Et puis une autre considération : l’idiot n’est souvent idiot que par l’imperfection de ses organes, mais son Esprit peut être plus avancé que vous ne croyez ; vous en avez la preuve par certaines évocations d’idiots morts ou vivants. »
5
Remarque. Ceci est un fait constaté par l’expérience ; nous
avons plusieurs fois évoqué des idiots vivants qui ont donné des preuves
patentes de leurs identité, et répondaient d’une manière très sensée
et même supérieure. 6
Cet état est une punition pour l’Esprit qui souffre de la contrainte
où il se trouve. 7
Un médium idiot peut donc quelquefois offrir à l’Esprit qui veut se
manifester plus de ressources qu’on ne croit. (Voir Revue Spirite,
juillet 1860, article sur la
Phrénologie et la Physiognomonie.)
20º D’où vient l’aptitude de certains médiums à écrire en vers, malgré leur ignorance en fait de poésie ?
« La poésie est un langage ; ils peuvent écrire en vers, comme ils peuvent écrire dans une langue qu’ils ne connaissent pas ; 2 et puis, ils peuvent avoir été poètes dans une autre existence, et, comme on vous l’a dit, les connaissances acquises ne sont jamais perdues pour l’Esprit qui doit arriver à la perfection en toutes choses. Alors ce qu’ils ont su leur donne, sans qu’ils s’en doutent, une facilité qu’ils n’ont pas dans l’état ordinaire. »
21º En est-il de même de ceux qui ont une aptitude spéciale pour le dessin et la musique ?
« Oui ; le dessin et la musique sont aussi des manières d’exprimer la pensée ; les Esprits se servent des instruments qui leur offrent le plus de facilité. »
22º L’expression de la pensée par la poésie, le dessin ou la musique dépend-elle uniquement de l’aptitude spéciale du médium ou de celle de l’Esprit qui se communique ?
« Quelquefois du médium, quelquefois de l’Esprit. 2 Les Esprits supérieurs ont toutes les aptitudes ; les Esprits inférieurs ont des connaissances bornées. »
23º Pourquoi l’homme qui a un talent transcendant dans une existence ne l’a-t-il plus dans une existence suivante ?
« Il n’en est pas toujours ainsi, car souvent il perfectionne dans une existence ce qu’il a commencé dans une précédente ; mais il peut arriver qu’une faculté transcendante sommeille pendant un certain temps pour en laisser une autre plus libre de se développer ; c’est un germe latent qui se retrouvera plus tard, et dont il reste toujours quelques traces, ou tout au moins une vague intuition. »
224.
L’Esprit étranger comprend sans doute toutes les langues, puisque les
langues sont l’expression de la pensée, et que l’Esprit comprend par
la pensée ; mais pour rendre cette pensée, il faut un instrument :
cet instrument est le médium. 2
L’âme du médium qui reçoit la communication étrangère ne peut la transmettre
que par les organes de son corps ; or, ces organes ne peuvent avoir
pour une langue inconnue la flexibilité qu’ils ont pour celle qui leur
est familière. 3
Un médium qui ne sait que le français pourra bien, accidentellement,
donner une réponse en anglais, par exemple, s’il plaît à l’Esprit de
le faire ; mais les Esprits qui trouvent déjà le langage humain
trop lent, eu égard à la rapidité de la pensée, puisqu’ils l’abrègent
autant qu’ils peuvent, s’impatientent de la résistance mécanique qu’ils
éprouvent ; voilà pourquoi ils ne le font pas toujours. 4
C’est aussi la raison pour laquelle un médium novice, qui écrit péniblement
et avec lenteur, même dans sa propre langue, n’obtient en général que
des réponses brèves et sans développement ; 5
aussi les Esprits recommandent-ils de ne faire par son intermédiaire
que des questions simples. Pour celles d’une haute portée, il faut un
médium formé qui n’offre aucune difficulté mécanique à l’Esprit. 6
Nous ne prendrions pas pour notre lecteur un écolier qui épelle. Un
bon ouvrier n’aime pas à se servir de mauvais outils. 7
Ajoutons une autre considération d’une grande gravité en ce qui concerne
les langues étrangères. Les essais de ce genre sont toujours faits dans
un but de curiosité et d’expérimentation ; or, rien n’est plus
antipathique aux Esprits que les épreuves auxquelles on essaie de les
soumettre. Les Esprits supérieurs ne s’y prêtent jamais, et quittent
dès que l’on veut entrer dans cette voie. Autant ils se complaisent
aux choses utiles et sérieuses, autant ils répugnent à s’occuper de
choses futiles et sans but. 8
C’est, diront les incrédules, pour nous convaincre, et ce but est utile,
puisqu’il peut gagner des adeptes à la cause des Esprits. A cela les
Esprits répondent : « Notre cause n’a pas besoin de ceux
qui ont assez d’orgueil pour se croire indispensables ; nous appelons
à nous ceux que nous voulons, et ce sont souvent les plus petits
et les plus humbles. 9
Jésus a-t-il fait les miracles que lui demandaient les scribes, et de
quels hommes s’est-il servi pour révolutionner le monde ? Si vous
voulez vous convaincre, vous avez d’autres moyens que des tours de force ;
commencez d’abord par vous soumettre : il n’est pas dans l’ordre
que l’écolier impose sa volonté à son maître. »
10 Il résulte de là qu’à quelques exceptions près, le médium rend la pensée des Esprits par les moyens mécaniques qui sont à sa disposition, et que l’expression de cette pensée peut, et doit même le plus souvent se ressentir de l’imperfection de ces moyens ; 11 ainsi, l’homme inculte, le paysan, pourra dire les plus belles choses, exprimer les pensées les plus élevées, les plus philosophiques, en parlant comme un paysan ; car, on le sait, pour les Esprits la pensée domine tout. 12 Ceci répond à l’objection de certains critiques au sujet des incorrections de style et d’orthographe qu’on peut avoir à reprocher aux Esprits, et qui peuvent venir du médium aussi bien que de l’Esprit. Il y a de la futilité à s’attacher à de pareilles choses. 13 Il n’est pas moins puéril de s’attacher à reproduire ces incorrections avec une minutieuse exactitude, comme nous l’avons vu faire quelquefois. 14 On peut donc les corriger sans aucun scrupule, à moins qu’elles ne soient un type caractéristique de l’Esprit qui se communique, auquel cas il est utile de les conserver comme preuve d’identité. 15 C’est ainsi, par exemple, que nous avons vu un Esprit écrire constamment Jule (sans s) en parlant à son petit-fils, parce que, de son vivant, il l’écrivait de cette manière, et quoique le petit-fils, qui servait de médium, sût parfaitement écrire son nom.
[Dissertation d’un Esprit sur le rôle des médiums.]
225.
La dissertation suivante, donnée spontanément par un Esprit supérieur
qui s’est révélé par des communications de l’ordre le plus élevé, résume
de la manière la plus claire et la plus complète la question du rôle
des médiums :
2 « Quelle que soit la nature des médiums écrivains, qu’ils soient mécaniques, semi-mécaniques ou simplement intuitifs, nos procédés de communication avec eux ne varient pas essentiellement. 3 En effet, nous communiquons avec les Esprits incarnés eux-mêmes, comme avec les Esprits proprement dits, par le seul rayonnement de notre pensée.
4 « Nos pensées n’ont pas besoin du vêtement de la parole pour être comprise par les Esprits, et tous les Esprits perçoivent la pensée que nous désirons leur communiquer, par cela seul que nous dirigeons cette pensée vers eux, et ce en raison de leurs facultés intellectuelles ; 5 c’est-à-dire que telle pensée peut être comprise par tels et tels, suivant leur avancement, tandis que chez tels autres, cette pensée ne réveillant aucun souvenir, aucune connaissance au fond de leur cœur ou de leur cerveau, n’est pas perceptible pour eux. 6 Dans ce cas, l’Esprit incarné qui nous sert de médium est plus propre à rendre notre pensée pour les autres incarnés, bien qu’il ne la comprenne pas, qu’un Esprit désincarné et peu avancé ne pourrait le faire, si nous étions forcés de recourir à son intermédiaire ; car l’être terrestre met son corps, comme instrument, à notre disposition, ce que l’Esprit errant ne peut faire.
7 « Ainsi, quand nous trouvons dans un médium le cerveau meublé de connaissances acquises dans sa vie actuelle, et son Esprit riche de connaissances antérieures latentes, propres à faciliter nos communications, nous nous en servons de préférence, parce qu’avec lui le phénomène de la communication nous est beaucoup plus facile qu’avec un médium dont l’intelligence serait bornée, et dont les connaissances antérieures seraient restées insuffisantes. Nous allons nous faire comprendre par quelques explications nettes et précises.
8 « Avec un médium dont l’intelligence actuelle ou antérieure se trouve développée, notre pensée se communique instantanément d’Esprit à Esprit, par une faculté propre à l’essence de l’Esprit lui-même. 9 Dans ce cas, nous trouvons dans le cerveau du médium les éléments propres à donner à notre pensée le vêtement de la parole correspondant à cette pensée, et cela, que le médium soit intuitif, semi-mécanique ou mécanique pur. 10 C’est pourquoi, quelle que soit la diversité des Esprits qui se communiquent à un médium, les dictées obtenues par lui, tout en procédant d’Esprits divers, portent un cachet de forme et de couleur personnel à ce médium. 11 Oui, bien que la pensée lui soit tout à fait étrangère, bien que le sujet sorte du cadre dans lequel il se meut habituellement lui-même, bien que ce que nous voulons dire ne provienne en aucune façon de lui, il n’en influence pas moins la forme, par les qualités, les propriétés qui sont adéquates à son individu. 12 C’est absolument comme lorsque vous regardez différents points de vue avec des lunettes nuancées, vertes, blanches ou bleues ; bien que les points de vue ou objets regardés soient tout à fait opposés et tout à fait indépendants les uns des autres, ils n’en affectent pas moins toujours une teinte qui provient de la couleur des lunettes. 13 Ou mieux, comparons les médiums à ces bocaux pleins de liquides colorés et transparents que l’on voit dans la montre des officines pharmaceutiques ; eh bien, nous sommes comme des lumières qui éclairons certains points de vue moraux, philosophiques et internes, à travers des médiums bleus, verts ou rouges, de telle sorte que nos rayons lumineux, obligés de passer à travers des verres plus ou moins bien taillés, plus ou moins transparents, c’est-à-dire par des médiums plus ou moins intelligents, n’arrivent sur les objets que nous voulons éclairer qu’en empruntant la teinte, ou mieux la forme propre et particulière à ces médiums. 14 Enfin, pour terminer par une dernière comparaison, nous, Esprits, sommes comme des compositeurs de musique qui avons composé ou voulons improviser un air, et n’avons sous la main qu’un piano, qu’un violon, qu’une flûte, qu’un basson ou qu’un sifflet de deux sous. Il est incontestable qu’avec le piano, la flûte ou le violon nous exécuterons notre morceau d’une manière très compréhensible pour nos auditeurs ; bien que les sons provenant du piano, du basson ou de la clarinette soient essentiellement différents les uns des autres, notre composition n’en sera pas moins identiquement la même, sauf les nuances du son. Mais si nous n’avons à notre disposition qu’un sifflet de deux sous ou qu’un entonnoir de fontainier, là pour nous gît la difficulté.
15 « En effet, quand nous sommes obligés de nous servir de médiums peu avancés, notre travail devient bien plus long, bien plus pénible, parce que nous sommes obligés d’avoir recours à des formes incomplètes, ce qui est une complication pour nous ; car alors, nous sommes forcés de décomposer nos pensées et de procéder, mots par mots, lettres par lettres, ce qui est un ennui et une fatigue pour nous, et une entrave réelle à la promptitude et au développement de nos manifestations.
16 « C’est pourquoi nous sommes heureux de trouver des médiums bien appropriés, bien outillés, munis de matériaux prêts à fonctionner, bons instruments en un mot, parce qu’alors notre périsprit, agissant sur le périsprit de celui que nous médianimisons, n’a plus qu’à donner l’impulsion à la main qui nous sert de porte-plume ou de porte-crayon ; tandis qu’avec les médiums insuffisants, nous sommes obligés de faire un travail analogue à celui que nous faisons quand nous nous communiquons par des coups frappés, c’est-à-dire en désignant lettre par lettre, mot par mot, chacune des phrases qui forment la traduction des pensées que nous voulons communiquer.
17 « C’est pour ces raisons que nous nous sommes adressés de préférence aux classes éclairées et instruites, pour la divulgation du Spiritisme et le développement des facultés médianimiques scriptives, bien que ce soit parmi ces classes que se rencontrent les individus les plus incrédules, les plus rebelles et les plus immoraux. 18 C’est que de même que nous laissons aujourd’hui, aux Esprits jongleurs et peu avancés l’exercice des communications tangibles de coups et d’apports, de même les hommes peu sérieux parmi vous préfèrent-ils la vue des phénomènes qui frappent leurs yeux ou leurs oreilles, aux phénomènes purement spirituels, purement psychologiques.
19 « Quand nous voulons procéder par dictées spontanées, nous agissons sur le cerveau, sur les casiers du médium, et nous assemblons nos matériaux avec les éléments qu’il nous fournit, et cela tout à fait à son insu ; 20 c’est comme si nous prenions dans sa bourse les sommes qu’il peut y avoir, et que nous en arrangions les différentes monnaies suivant l’ordre qui nous paraîtrait le plus utile.
21 « Mais quand le médium veut lui-même nous interroger de telle ou telle façon, il est bon qu’il y réfléchisse sérieusement afin de nous questionner d’une façon méthodique, en nous facilitant ainsi notre travail de réponse. 22 Car, comme il vous a été dit dans une précédente instruction, votre cerveau est souvent dans un désordre inextricable, et il nous est aussi pénible que difficile de nous mouvoir dans le dédale de vos pensées. 23 Quand des questions doivent être posées par des tiers, il est bon, il est utile que la série des questions soit communiquée, par avance, au médium, pour que celui-ci s’identifie avec l’Esprit de l’évocateur, et s’en imprègne pour ainsi dire ; parce que nous-mêmes avons alors bien plus de facilité pour répondre, par l’affinité qui existe entre notre périsprit et celui du médium qui nous sert d’interprète.
24 « Certainement, nous pouvons parler mathématiques au moyen d’un médium qui y a l’air tout à fait étranger ; mais souvent l’Esprit de ce médium possède cette connaissance à l’état latent, c’est-à-dire personnel à l’être fluidique et non à l’être incarné, parce que son corps actuel est un instrument rebelle ou contraire à cette connaissance. 25 Il en est de même de l’astronomie, de la poésie, de la médecine, et des langues diverses ainsi que de toutes les autres connaissances particulières à l’espèce humaine. 26 Enfin, nous avons encore le moyen de l’élaboration pénible en usage avec les médiums complètement étrangers au sujet traité, en assemblant les lettres et les mots comme en typographie.
27 « Comme nous l’avons dit, les Esprits n’ont pas besoin de revêtir leur pensée ; ils perçoivent et communiquent la pensée, par ce fait seul qu’elle existe en eux. 28 Les êtres corporels, au contraire, ne peuvent percevoir la pensée que revêtue. Tandis que la lettre le mot, le substantif, le verbe, la phrase en un mot, vous sont nécessaires pour percevoir même mentalement, aucune forme visible ou tangible n’est nécessaire pour nous. »
Eraste et Timothée.
29 Remarque. Cette analyse du rôle des médiums, et des procédés à l’aide desquels les Esprits se communiquent, est aussi claire que logique. 30 Il en découle ce principe, que l’Esprit puise, non ses idées, mais les matériaux nécessaires pour les exprimer dans le cerveau du médium, et que plus ce cerveau est riche en matériaux, plus la communication est facile. 31 Lorsque l’Esprit s’exprime dans la langue familière au médium, il trouve en lui les mots tout formés pour revêtir l’idée ; si c’est dans une langue qui lui est étrangère, il n’y trouve pas les mots, mais simplement les lettres ; c’est pourquoi l’Esprit est obligé de dicter, pour ainsi dire, lettre à lettre, exactement comme si nous voulions faire écrire de l’allemand à celui qui n’en sait pas le premier mot.32 Si le médium ne sait ni lire ni écrire, il ne possède pas même les lettres ; il faut donc lui conduire la main comme à un écolier ; et là est une difficulté matérielle encore plus grande à vaincre. 33 Ces phénomènes sont donc possibles, et l’on en a de nombreux exemples ; mais on comprend que cette manière de procéder s’accorde peu avec l’étendue et la rapidité des communications, et que les Esprits doivent préférer les instruments les plus faciles, ou, comme ils le disent, les médiums bien outillés à leur point de vue.
34 Si ceux qui demandent ces phénomènes comme moyen de conviction avaient préalablement étudié la théorie, ils sauraient dans quelles conditions exceptionnelles ils se produisent.
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