Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Le Livre des Esprits — Livre I — Doctrine Spirite.

(Première édition)
(Langue portugaise)

CHAPITRE VIII.


ÉMANCIPATION DE L’ÂME PENDANT LA VIE CORPORELLE.

Rêves. — Somnambulisme naturel. — Seconde vue. — Hallucinations; visions. — Crisiaques. — Extase. — Somnambulisme magnétique. (Questions 153 à 171 a.)


153. — L’esprit incarné demeure-t-il volontiers sous son enveloppe corporelle ? ( † )
« Il aspire sans cesse à sa délivrance, et plus l’enveloppe est grossière, plus il désire en être débarrassé. »


L’âme ne revêt l’enveloppe corporelle que parce qu’elle y est contrainte par la nécessité ; c’est pourquoi elle aspire sans cesse à se débarrasser de ses langes jusqu’au moment où les liens qui la retiennent à la terre seront brisés sans retour.


154. — Pendant le sommeil l’âme se repose-t-elle comme le corps ? ( † )
« Non, l’esprit n’est jamais inactif. »


154 a. — Que fait l’esprit pendant le sommeil du corps ?
« Les liens qui l’unissent au corps sont relâchés, et le corps n’ayant pas besoin de lui, il parcourt l’espace et entre en relation plus directe avec les autres esprits. » ( † )


Pendant l’état de veille, c’est-à-dire dans l’état d’activité des forces vitales du corps, l’âme étant subordonnée à l’influence de la matière à laquelle elle est liée, perd une partie de ses facultés, ou, pour mieux dire, ces facultés n’ayant plus la plénitude de leur liberté, deviennent en quelque sorte latentes. Pendant le sommeil les liens corporels se relâchent, et l’âme recouvre une partie de sa liberté.


155. — Comment pouvons-nous juger de la liberté de l’esprit pendant le sommeil ? ( † )
« Par les rêves. »


155 a. — Les rêves ont donc quelque chose de vrai ?
« Les rêves sont toujours vrais, mais non pas comme l’entendent les diseurs de bonne aventure. Crois bien que l’esprit ne repose jamais, et que quand le corps repose l’esprit a plus de facultés que dans la veille ; il a le souvenir du passé et quelquefois prévision de l’avenir ; il acquiert plus de puissance et peut entrer en communication avec les autres esprits, soit dans ce monde, soit dans un autre. Souvent tu dis : J’ai fait un rêve bizarre, un rêve affreux, mais qui n’a aucune vraisemblance ; tu te trompes ; c’est souvent un souvenir des lieux et des choses que tu as vues ou que tu verras dans une autre existence ou à un autre moment. Le corps étant engourdi, l’esprit tâche de briser sa chaîne en cherchant dans le passé ou dans l’avenir. » ( † )


La liberté de l’âme, pendant le sommeil, se manifeste par le phénomène des rêves. Les rêves sont ainsi le produit de l’émancipation de l’âme rendue plus indépendante par la suspension de la vie active et de relation. De là une sorte de clairvoyance indéfinie qui s’étend aux lieux les plus éloignés ou que l’on n’a jamais vus, et quelquefois même à d’autres mondes. De là encore le souvenir qui retrace à la mémoire les événements accomplis dans l’existence présente ou dans les existences antérieures ; de là, enfin, dans quelques cas, le pressentiment des choses futures.
Le souvenir incomplet qui nous reste au réveil de ce qui nous est apparu en songe, l’étrangeté des images de ce qui se passe ou s’est passé dans des mondes inconnus, entremêlées des choses du monde actuel, forment ces ensembles bizarres et confus qui semblent n’avoir ni sens ni liaisons.


156. — Le somnambulisme naturel a-t-il du rapport avec les rêves ? Comment peut-on l’expliquer ? ( † )
« C’est une indépendance de l’âme plus complète que dans le rêve, et alors ses facultés sont plus développées ; elle a des perceptions qu’elle n’a pas dans le rêve. »


Lorsque l’indépendance de l’âme est plus complète et que ses facultés se déploient avec une plus grande énergie que dans le rêve, elle produit le phénomène désigné sous le nom de somnambulisme naturel, dont le rêve n’est qu’un diminutif ou une variété. (Note 6).


157. — Le phénomène désigné sous le nom de seconde vue, a-t-il du rapport avec le rêve et le somnambulisme ? ( † )
« Tout cela n’est qu’une même chose ; ce que tu appelles seconde vue, c’est encore l’esprit qui est plus libre, quoique le corps ne soit pas endormi. »


157 a. — Celui qui est doué de la seconde vue voit-il par ses yeux ?
« Non, c’est comme le somnambule, il voit par l’âme. »


L’émancipation de l’âme se manifeste quelquefois à l’état de veille, et produit le phénomène désigné sous le nom de seconde vue, qui donne à ceux qui en sont doués la faculté de voir, d’entendre et de sentir au-delà des limites de nos sens. Ils perçoivent les choses absentes partout où l’âme étend son action ; ils les voient pour ainsi dire à travers la vue ordinaire et comme par une sorte de mirage.


158. — La seconde vue est-elle permanente ? ( † )
« La faculté, oui ; l’exercice, non. »


158 a. — La seconde vue se développe-t-elle spontanément ou à la volonté de celui qui en est doué ? ( † )
« Le plus souvent elle est spontanée, mais souvent aussi la volonté y joue un grand rôle. Ainsi, prenez pour exemple certaines gens que l’on appelle diseurs de bonne aventure et dont quelques-uns ont cette puissance, et tu verras que c’est la volonté qui les aide à entrer dans cette seconde vue, et dans ce que tu appelles vision. »


La seconde vue n’est jamais permanente ; elle se produit instantanément à des moments donnés, souvent sans être surexcitée ; d’autres fois elle est provoquée par la volonté. Dans ce moment l’état physique est sensiblement modifié ; l’œil a quelque chose de vague ; il regarde sans voir ; toute la physionomie reflète une sorte d’exaltation. Parmi les gens qui s’attribuent le don de prescience, quelques-uns doivent à cette faculté la connaissance accidentelle qu’ils ont de certaines choses.


159. — Les personnes douées de la seconde vue, en ont-elles toujours conscience ? ( † )
« Non, c’est pour elles une chose toute naturelle ; et beaucoup croient que si tout le monde s’observait, chacun devrait posséder cette faculté. »


La plupart des personnes douées de la seconde vue ne s’en doutent pas ; cette faculté leur paraît naturelle comme celle de voir ; c’est pour elles un attribut de leur être qui ne leur semble pas faire exception.
L’oubli suit le plus souvent cette lucidité passagère dont le souvenir, de plus en plus vague, finit par disparaître comme celui d’un songe.


160. — Y a-t-il plusieurs degrés dans la faculté de la seconde vue ?
« Oui, et le même sujet peut avoir tous les degrés. »


160 a. — Pourrait-on attribuer à une sorte de seconde vue la perspicacité de certaines personnes, qui, sans rien avoir d’extraordinaire, jugent les choses avec plus de précision que d’autres ? ( † )
« Oui, c’est toujours l’âme qui rayonne plus librement. »


160 b. — Celle faculté peut-elle, dans certains cas, donner la prescience des choses ? ( † )
« Oui ; elle donne les pressentiments. »


Il y a des degrés infinis dans la puissance de la seconde vue, depuis la sensation confuse, jusqu’à la perception claire et nette des choses présentes ou absentes. Ces différents degrés peuvent se trouver réunis dans le même individu.
A l’état rudimentaire, elle donne à certaines gens le tact, la perspicacité, une sorte de sûreté dans leurs actes qu’on peut appeler la justesse du coup d’œil moral. Plus développée, elle éveille les pressentiments ; plus développée encore, elle montre les événements accomplis ou sur le point de s’accomplir.


161. — Est-il vrai que certaines circonstances développent la seconde vue ? ( † )
« Oui. »


161 a. — Quelles sont ces circonstances ? ( † )
« La maladie, l’approche d’un danger, une grande émotion. »


161 b. — D’après cela les visions ne seraient point des choses purement fantastiques ?
« Non, le corps est quelquefois dans un état particulier qui permet à l’esprit de voir ce que vous ne pouvez voir avec les yeux du corps. »


Le phénomène de la seconde vue semble se produire plus fréquemment sous l’empire de certaines circonstances. Les temps de crise, de calamités, de grandes émotions, toutes les causes enfin qui surexcitent le moral, en provoquent le développement. Il semble que la Providence, en présence du danger, nous donne le moyen de le conjurer. Toutes les sectes et tous les partis persécutés en offrent de nombreux exemples.


162. — Le sommeil complet est-il nécessaire pour l’émancipation de l’esprit ? ( † )
« Non, l’esprit recouvre sa liberté dès que les sens s’engourdissent. »


162 a. — Il nous semble quelquefois entendre en nous-mêmes des mots prononcés distinctement et qui n’ont aucun rapport avec ce qui nous préoccupe ; d’où cela vient-il ? ( † )
« Oui, et même des phrases tout entières, surtout quand les sens commencent à s’engourdir. Je te le répète sans cesse, c’est quelquefois un faible écho d’un esprit qui veut communiquer avec toi. »


162 b. — Que faut-il faire alors ?
« Ecouter. »


L’esprit profite, pour s’émanciper, de tous les instants de répit que lui laisse le corps ; mais il n’est pas nécessaire pour cela que le repos soit absolu. Dès qu’il y a prostration des forces vitales, l’esprit se dégage, et plus le corps est faible, plus l’esprit est libre. C’est ainsi que le demi-sommeil, ou un simple engourdissement des sens, nous présente les mêmes images que le rêve. Nous entendons souvent en nous-mêmes des mots ou des phrases entières prononcées distinctement. Ce sont des esprits qui veulent se communiquer à nous. Ces paroles n’ont souvent aucun sens apparent ; mais quelquefois aussi, elles sont des avertissements.


163. — D’où vient que la même idée, celle d’une découverte, par exemple, se produit sur plusieurs points à la fois ? ( † )
« Nous avons déjà dit que pendant le sommeil les esprits se communiquent entre eux ; eh bien ! quand le corps se réveille, l’esprit se rappelle ce qu’il a appris, et l’homme croit l’avoir inventé. Ainsi plusieurs peuvent trouver la même chose à la fois. Quand vous dites qu’une idée est dans l’air, c’est une figure plus juste que vous ne croyez ; chacun contribue à la propager sans s’en douter. »


Pendant le sommeil notre esprit communique avec d’autres esprits, soit errants, soit incarnés dans d’autres mondes ; mais il communique également avec d’autres esprits incarnés sur la terre, et qui, comme lui, sont en liberté. Ces esprits, au réveil du corps, apportent les connaissances qu’ils ont acquises. Telle est la cause des idées qui paraissent naître sur plusieurs points à la fois. Notre esprit révèle souvent lui-même à d’autres esprits, et à notre insu, ce qui faisait l’objet de nos préoccupations.


164. — Les esprits peuvent-ils se communiquer si le corps est complètement éveillé ? ( † )
« Oui, car nous l’avons dit, il n’est pas renfermé dans le corps comme dans une boite ; il rayonne tout à l’entour. »


164 a. — D’où vient que deux personnes, parfaitement éveillées, ont souvent instantanément la même pensée ? ( † )
« Ce sont deux esprits sympathiques qui se communiquent et voient réciproquement leur pensée, même quand le corps ne dort pas. »


164 b. — Est-ce la cause de nos sympathies et de nos antipathies pour les personnes que nous voyons pour la première fois ?
« Oui. »


L’esprit incarné n’étant point enfermé dans le corps, mais rayonnant tout autour, il en résulte, entre deux esprits qui se rencontrent, une communication de pensées qui fait que deux personnes se voient et se comprennent sans avoir besoin des signes extérieurs du langage.
Deux esprits peuvent ainsi se communiquer, même quand le corps est à l’état de veille, surtout s’ils sont sympathiques ; de là, quelquefois, la simultanéité de la même pensée chez deux personnes différentes. De là, également, l’attraction ou la répulsion instinctive que l’on éprouve pour certaines personnes à la première vue.


165. — Quelle différence y a-t-il entre l’extatique et le somnambule ? ( † )
« C’est un somnambulisme plus épuré ; l’âme est plus indépendante. »


165 a. — L’esprit de l’extatique pénètre-t-il réellement dans les mondes supérieurs ? ( † )
« Oui, il les voit et comprend le bonheur de ceux qui y sont ; c’est pourquoi il voudrait y rester. »


165 b. — Peut-il pénétrer dans tous les mondes sans exception ?
« Non, car il en est qui sont inaccessibles pour les esprits qui ne sont pas assez épurés. »


165 c. — Il est pourtant des choses que l’extatique prétend voir, et qui sont évidemment le produit d’une imagination frappée par les croyances et les préjugés terrestres. Tout ce qu’il voit n’est donc pas réel ? ( † )
« Tout ce qu’il voit est vrai ; mais comme son esprit est toujours sous l’influence des idées terrestres, il peut le voir à sa manière, ou, pour mieux dire, l’exprimer dans un langage approprié à ses préjugés et aux idées dont il a été bercé ; ou aux vôtres, afin de mieux se faire comprendre. »


165 d. — Lorsque l’extatique exprime le désir de quitter la terre, ce désir est-il sincère, et n’est-il pas retenu par l’instinct de conservation ? ( † )
« Cela dépend du degré d’épuration de l’esprit ; s’il voit sa position future meilleure que la vie présente, il fait des efforts pour rompre les liens qui l’attachent à la terre. »


165 e. — Si l’on abandonnait l’extatique à lui-même, son âme pourrait-elle définitivement quitter son corps ? ( † )
« Oui, il peut mourir ; c’est pourquoi il faut le rappeler par tout ce qui peut le rattacher ici-bas, et surtout en lui faisant entrevoir que s’il brisait la chaîne qui le relient ici, ce serait le vrai moyen de ne pas rester là où il voit qu’il serait heureux. »


L’extase est l’état dans lequel l’indépendance de l’âme et du corps se manifeste de la manière la plus sensible et devient en quelque sorte palpable.
Dans le rêve et le somnambulisme l’âme erre dans les mondes terrestres ; dans l’extase, elle pénètre dans un monde inconnu, dans celui des esprits éthérés avec lesquels elle entre en communication, sans toutefois pouvoir dépasser certaines limites qu’elle ne saurait franchir sans briser totalement les liens qui l’attachent au corps. Un éclat resplendissant tout nouveau l’environne, des harmonies inconnues sur la terre la ravissent, un bien-être indéfinissable la pénètre : elle jouit par anticipation de la béatitude céleste, et l’on peut dire qu’elle pose un pied sur le seuil de l’Eternité.
Dans l’état d’extase l’anéantissement du corps est presque complet ; il n’a plus pour ainsi dire que la vie organique, et l’on sent que l’âme n’y tient plus que par un fil qu’un effort de plus ferait rompre sans retour.
Dans cet état, toutes les pensées terrestres disparaissent pour faire place au sentiment épuré qui est l’essence même de notre être immatériel. Tout entier à cette contemplation sublime, l’extatique n’envisage la vie que comme une halte momentanée ; pour lui les biens et les maux, les joies grossières et les misères d’ici-bas ne sont que les incidents futiles d’un voyage dont il est heureux de voir le terme.
L’extase n’est point toujours sans danger pour la vie ; dans son aspiration vers un monde meilleur, l’âme pourrait rompre les liens qui l’unissent au corps, si elle n’était retenue par la pensée qu’en les brisant elle-même, elle s’éloigne de ce monde qu’elle entrevoit.


166. — Le somnambulisme appelé magnétique a-t-il rapport avec le somnambulisme naturel ? ( † )
« Ce n’est qu’une même chose. »


166 a. — Quelle est la nature de l’agent appelé fluide magnétique ? ( † )
« Fluide universel, fluide vital. »


166 b. — Le fluide magnétique a-t-il des rapports avec l’électricité ?
« Un peu ; on pourrait dire que c’est l’électricité animalisée. » ( † )


Les phénomènes de l’extase et du somnambulisme naturels se produisent spontanément et sont indépendants de toute cause extérieure connue ; mais chez certaines personnes douées d’une organisation spéciale, ils peuvent être provoqués artificiellement par l’action de l’agent magnétique.
L’état désigné sous le nom de somnambulisme magnétique ne diffère du somnambulisme naturel que parce que l’un est provoqué, tandis que l’autre est spontané.


167. — Quelle est la cause de la clairvoyance somnambulique ? ( † )
« La même que dans la seconde vue ; c’est l’âme qui voit. »


167 a. — Comment le somnambule peut-il voir à travers les corps opaques ? ( † )
« Il n’y a de corps opaques que pour vos organes grossiers ; n’avons-nous pas dit que, pour l’esprit, la matière n’est point un obstacle, puisqu’il la traverse librement. Et souvent il vous dit qu’il voit par le front, par le genou, etc., parce que vous, entièrement dans la matière, vous ne comprenez pas qu’il peut voir sans le secours des organes ; lui-même, par le désir que vous avez, croit avoir besoin de ces organes ; mais si vous le laissiez libre, il comprendrait qu’il voit par toutes les parties de son corps, ou, pour mieux dire, c’est en dehors de son corps qu’il voit. »


La cause de la clairvoyance du somnambule magnétique et de somnambule naturel est identiquement la même : c’est un attribut de l’âme, une faculté inhérente à toutes les parties de l’être incorporel qui est en nous, et qui n’a de limites que celles qui sont assignées à l’âme elle-même. Il voit partout où son âme peut se transporter, quelle que soit la distance.
Dans la vue à distance, le somnambule ne voit pas les choses du point où est son corps, et comme par un effet télescopique. Il les voit présentes, ou comme s’il était sur le lieu où elles existent, parce que son âme y est en réalité ; c’est pourquoi son corps est comme anéanti et semble privé de sentiment, jusqu’au moment où l’âme vient en reprendre possession. ( † )


168. — Puisque la clairvoyance du somnambule est celle de son âme ou de son esprit, pourquoi ne voit-il pas tout, et pourquoi se trompe-t-il souvent ? ( † )
« D’abord il n’est pas donné aux esprits imparfaits de tout voir et de tout connaître ; tu sais bien qu’ils participent encore de vos erreurs et de vos préjugés ; et puis quand ils sont attachés à la matière, ils ne jouissent pas de toutes leurs facultés d’esprit. »
« Dieu a donné à l’homme cette faculté dans un but utile et sérieux, et non pour lui apprendre ce qu’il ne doit pas savoir ; voilà pourquoi les somnambules ne peuvent pas tout dire. »


La puissance de la lucidité somnambulique n’est point indéfinie. L’esprit, même complètement libre, est borné dans ses facultés et dans ses connaissances selon le degré de perfection auquel il est parvenu ; il l’est plus encore quand il est lié à la matière dont il subit l’influence. Telle est la cause pour laquelle la clairvoyance somnambulique n’est ni universelle, ni infaillible. On peut d’autant moins compter sur son infaillibilité qu’on la détourne du but que s’est proposé la nature en douant l’homme de cette faculté, et qu’on en fait un objet de curiosité et d’expérimentation. ( † )


169. — L’exaltation de la clairvoyance somnambulique tient-elle à l’organisation physique, ou à la nature de l’esprit incarné ? ( † )
« A l’un et à l’autre. »


169 a. — Quelle est la source des idées innées du somnambule, et comment peut-il parler avec exactitude de choses qu’il ignore à l’état de veille, et qui sont même au-dessus de sa capacité intellectuelle ? ( † )
« Il arrive que le somnambule possède plus de connaissances que tu ne lui en connais ; seulement elles sommeillent, parce que son enveloppe est trop imparfaite pour qu’il puisse s’en souvenir. Mais en définitive, qu’est-il ? Comme nous, esprit qui est incarné dans la matière pour accomplir sa mission, et l’état dans lequel il entre le réveille de cette léthargie. Nous t’avons dit bien souvent que nous revivons plusieurs fois ; c’est ce changement qui lui fait perdre matériellement ce qu’il a pu apprendre dans une existence précédente ; en entrant dans l’état que tu appelles crise, il se rappelle ; mais pas toujours d’une manière complète ; il sait ; mais ne pourrait pas dire d’où il sait, ni comment il possède ces connaissances. La crise passée tout souvenir s’efface, et il rentre dans l’obscurité. »


L’exaltation de la clairvoyance somnambulique dépend d’une disposition physique spéciale qui permet à l’esprit de se dégager plus ou moins facilement de la matière ; les facultés qu’il manifeste sont d’autant plus grandes qu’il appartient lui-même à un ordre plus élevé.
L’esprit acquiert un surcroît de connaissances et d’expérience à chacune de ses existences corporelles. Il les oublie en partie pendant son incarnation dans une matière trop grossière, mais il s’en souvient comme esprit. C’est ainsi que certains somnambules révèlent des connaissances supérieures au degré de leur instruction et même de leurs capacités intellectuelles. A l’état de veille ces connaissances laissent quelquefois un vague souvenir, et comme une intuition qui constitue ce qu’on appelle les idées innées.
L’infériorité intellectuelle et scientifique du somnambule à l’état de veille, ne préjuge donc rien sur les connaissances qu’il peut révéler à l’état lucide. Selon les circonstances et le but qu’on se propose, il peut les puiser dans sa propre expérience, ou dans la clairvoyance des choses présentes ; mais comme son esprit peut être plus ou moins avancé, il peut dire des choses plus ou moins justes.


170. — Les sibylles et les oracles de l’antiquité étaient-ils doués de la seconde vue ?
« Quelquefois ; c’était ce que vous appelez des crisiaques, comme vos sorciers et vos devins exploités par la cupidité, ou des charlatans eux-mêmes. »


170 a. — Que doit-on penser des hallucinations ?
« C’est plus réel qu’on ne croit. Quand on ne sait que dire, on dit que c’est une hallucination. »


170 b. — Cependant l’hallucination nous fait voir des choses qui n’ont rien de réel. Par exemple, vous nous avez dit qu’il n’y a pas de démons ; eh bien ! quand en rêve ou autrement on voit ce qu’on appelle le diable, ce ne peut être qu’un effet de l’imagination ?
« Oui, quelquefois, quand on est frappé par certaines lectures ou par des histoires de diableries qui impressionnent, on se souvient et l’on croit voir ce qui n’existe pas. Mais nous t’avons dit aussi que l’esprit, sous son enveloppe semi-matérielle, peut prendre toutes sortes de formes pour se manifester. Un esprit moqueur peut donc t’apparaître avec des cornes et des griffes si cela lui plaît, pour se jouer de ta crédulité, comme un bon esprit peut se montrer avec des ailes et une figure radieuse. Il faut bien qu’il se rende accessible à tes sens, et c’est pourquoi il prend ces formes ou toutes autres. »


L’espèce de crise que provoque souvent le développement de la seconde vue, du somnambulisme et de l’extase, a fait donner, dans certains cas, le nom de crisiaques à ceux qui sont doués de cette faculté.
Il y a eu des crisiaques dans tous les temps et chez toutes les nations. Les crisiaques ont été diversement considérés selon les temps, les mœurs et le degré de civilisation. Aux yeux des sceptiques qui nient ce qu’ils ne comprennent pas, ils passent pour des cerveaux dérangés ; les sectes religieuses en ont fait des prophètes, des sibylles et des oracles ; dans les siècles de superstition, d’ignorance et de fanatisme, c’étaient des sorciers que l’on brûlait. Pour l’homme sensé qui croit à la puissance intime, et à l’inépuisable bonté du créateur, c’est une faculté inhérente à l’espèce humaine, par laquelle Dieu nous révèle l’existence de notre essence incorporelle.
La science humaine, dans l’impuissance d’expliquer ce phénomène par les lois physiques de la matière, et par cela seul qu’ils n’obéissent pas au caprice et à la volonté des expérimentateurs, trouve plus simple de les attribuer aux dérangements du cerveau, et les désigne sous le nom d’hallucinations.


171. — Quelles conséquences peut-on tirer des phénomènes du somnambulisme et de l’extase ? Ne seraient-ils pas une sorte d’initiation à la vie future ? ( † )
« Ou pour mieux dire, c’est la vie passée et la vie future que l’homme entrevoit. Qu’il étudie ces phénomènes, et il y trouvera la solution de plus d’un mystère que sa raison cherche inutilement à pénétrer. »


171 a. — Les phénomènes du somnambulisme et de l’extase pourraient-ils s’accorder avec le matérialisme ? ( † )
« Celui qui les étudie de bonne foi et sans prévention ne peut être ni matérialiste, ni athée. »


Par les phénomènes du somnambulisme et de l’extase, soit naturels, soit magnétiques, la Providence nous donne la preuve irrécusable de l’existence et de l’indépendance de l’âme, et nous fait assister au spectacle sublime de son émancipation ; par-là elle nous ouvre le livre de notre destinée.
Tandis que l’homme s’égare dans les subtilités d’une métaphysique abstraite et inintelligible pour recourir à la recherche des causes de notre existence morale, Dieu met journellement sous ses yeux et sous sa main les moyens les plus simples et les plus patents pour l’étude de la psychologie expérimentale. (Note 7).



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