On ne saurait trop insister sur l’importance de la manière de poser les questions, et plus encore peut-être sur la nature des questions. Il en est sur lesquelles les esprits ne peuvent pas ou ne doivent pas répondre par des motifs qui nous sont inconnus : il est donc inutile d’insister ; mais ce que l’on doit éviter par-dessus tout, ce sont les questions faites dans le but de mettre leur perspicacité à l’épreuve. Quand une chose existe, dit-on, ils doivent la savoir ; or, c’est précisément parce que la chose est connue de vous, ou que vous avez les moyens de la vérifier vous-mêmes, qu’ils ne se donnent pas la peine de répondre ; cette suspicion les irrite et l’on n’obtient rien de satisfaisant : elle éloigne toujours les esprits sérieux qui ne parlent volontiers qu’aux personnes qui s’adressent à eux avec confiance et sans arrière-pensée. Sur la terre on ne leur aurait parlé qu’avec déférence, à plus forte raison doit-on le faire, alors qu’ils sont bien au-dessus de ce qu’ils étaient ici-bas. N’en avons-vous pas tous les jours l’exemple parmi nous ? Des hommes supérieurs, et qui ont conscience dans leur valeur, s’amuseraient-ils à répondre à toutes les sottes questions qui tendraient à les soumettre à un examen comme des écoliers ? Le désir de faire un adepte de telle ou telle personne, n’est point pour les esprits un motif de satisfaire une vaine curiosité ; ils savent que la conviction arrivera tôt ou tard, et les moyens qu’ils emploient pour l’amener ne sont pas toujours ceux que nous pensons.
L’ordre et la tenue des séances d’évocation doivent répondre à la gravité de l’intention des personnes réunies. Les esprits d’un ordre élevé ne peuvent voir des réunions sérieuses dans celles où il n’y a ni silence ni recueillement ; où les questions personnelles les plus futiles et souvent les plus ridicules, croisent incessamment les questions les plus graves ; où chacun vient jeter dans la corbeille son petit secret sous pli cacheté, comme dans l’urne du destin. Autant vaudrait se faire dire la bonne aventure par le devin de la place publique.
Supposez un homme grave occupé de choses utiles et sérieuses, incessamment harcelé par les puériles demandes d’un enfant, et vous aurez une idée de ce que doivent penser les esprits supérieurs de toutes les niaiseries qu’on leur débite. Il ne s’ensuit point de là qu’on ne puisse obtenir de la part des esprits d’utiles renseignements et surtout de bons conseils touchant les intérêts privés, mais ils répondent plus on moins bien, selon les connaissances qu’ils possèdent eux-mêmes, l’intérêt que nous méritons de leur part et l’affection qu’ils nous portent, et enfin selon le but qu’on se propose et l’utilité qu’ils voient à la chose ; mais si toute notre pensée se borne à les croire sorciers, ils ne peuvent avoir pour nous une profonde sympathie ; dès lors ils ne font que des apparitions très courtes et souvent témoignent leur mauvaise humeur d’avoir été dérangés inutilement.
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