Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année XII — Août 1869.

(Langue portugaise)

AUX SPIRITES.

Constitution de la Société Anonyme à Parts d’Intérêt et à Capital Variable de la Caisse Générale et Centrale du Spiritisme. n

1. — Lorsque la mort frappait si cruellement la grande famille spirite tout entière en la personne de son chef vénéré, tous nous perdions un guide éminent et dévoué, consacrant par la pratique les principes si sagement et si solidement élaborés par quinze années d’un travail assidu. Madame Allan Kardec perdait plus encore, car elle était privée inopinément du compagnon de toute sa vie, de l’ami dévoué à qui elle devait tout son bonheur. Frappée dans ses plus chères affections, rien ne pouvait certainement combler le vide immense creusé à ses côtés par le départ du maître ; mais s’il était quelque chose capable d’affermir son courage et d’adoucir l’amertume de ses regrets, ce sont à coup sûr les nombreuses et chaleureuses marques de sympathies qui lui ont été données par tous les spirites de la France et de l’étranger, et dont elle est profondément touchée.

Dans l’impossibilité matérielle de répondre à tous, elle nous charge de nouveau de leur transmettre ici l’expression de sa vive reconnaissance et de toute sa gratitude.

Les témoignages qu’on veut bien lui donner sont pour elle de puissants encouragements et de bien douces compensations qui lui aident à supporter les tracas et les fatigues de toute nature, inséparables de la lourde tâche qu’elle s’est imposée. Il n’est douteux pour personne que, si elle eût écouté seulement son intérêt personnel, elle pouvait facilement assurer sa tranquillité et son repos en laissant les choses aller d’elles-mêmes et en se tenant à l’écart ; mais se plaçant à un point de vue   plus élevé, et guidée d’ailleurs par   la certitude que M. Allan Kardec comptait sur elle, pour continuer dans la voie tracée, l’œuvre moralisatrice qui a été l’objet de toute sa sollicitude pendant les dernières années de sa vie, elle n’a pas hésité un seul instant. Profondément convaincue de la vérité des enseignements spirites, elle ne saurait, dit-elle, mieux employer qu’à assurer la vitalité du Spiritisme dans l’avenir, le temps qu’elle doit encore passer sur la terre avant de rejoindre dans l’espace, le coordonnateur par excellence de notre consolante philosophie.

D’ailleurs, dans les circonstances présentes, il est évident qu’il lui appartient plus qu’à tout autre de réaliser matériellement et moralement, dans la mesure du possible, les plans de M. Allan Kardec, puisque seule, elle possède les éléments indispensables pour en déterminer solidement les bases constitutives.

A ceux qui s’étonneraient de la lenteur apparente avec laquelle ces plans ont été élaborés, nous rappellerons que madame Allan Kardec avait à supporter les nombreuses formalités auxquelles donnent lieu les successions ; qu’elle devait, ainsi que ses conseillers, étudier avec soin l’esprit de ces plans et s’attacher spécialement à l’exécution des parties actuellement praticables, comptant sur l’avenir pour en réaliser l’ensemble au fur et à mesure des besoins nouveaux. Nous laissons apprécier à tous ceux qui ont l’habitude des affaires, l’activité réelle qu’il a fallu déployer pour élaborer au milieu des embarras de toute nature, un projet que M. Allan Kardec comptait exécuter à loisir, et avec des ressources intellectuelles auxquelles nul d’entre nous ne saurait prétendre.

Ses idées définitivement arrêtées, madame Allan Kardec s’est empressée de les communiquer à plusieurs spirites de Paris  †  et de la province, choisis parmi ceux qui se sont le plus affirmés dans le Spiritisme par leurs actes et par leurs dons, ou qui avaient été plus spécialement désignés par M. Allan Kardec, comme devant l’aider par leur travail quotidien, à constituer l’organisation première qu’il avait espéré fonder personnellement.

C’est la décision à laquelle elle s’est arrêtée de concert avec ces messieurs, que madame Allan Kardec vient aujourd’hui mettre sous les yeux des spirites.


2. — Après en avoir mûrement et sérieusement délibéré, il a été décidé que le plus urgent était de former une base d’association commerciale, comme le seul moyen légal possible d’arriver à fonder quelque chose de durable.

En conséquence, elle a établi, avec le concours de six autres spirites, une société anonyme à capital variable, d’une durée de 99 ans, conformément aux prévisions de M. Allan Kardec qui s’exprimait naguère à cet égard, dans les termes suivants (Revue de décembre 1868, pag. 391) : « Pour donner à cette institution une existence légale, à l’abri de toute contestation, lui donner en outre le droit d’acquérir, de recevoir et de posséder, elle sera constituée, si cela est jugé nécessaire par acte authentique, sous forme de société commerciale anonyme, pour 99 ans, indéfiniment prorogeable, avec toutes les stipulations nécessaires pour que jamais elle ne puisse s’écarter de son but, et que les fonds ne puissent être détournés de leur destination.

Pag. 390. – L’administration peut, en commençant, être organisée sur une plus petite échelle. Les membres du comité peuvent être provisoirement réduits à cinq ou six, le personnel et les frais administratifs réduits à leur plus simple expression, sauf à proportionner le développement à l’accroissement des ressources et des besoins de la cause. »

Si madame Allan Kardec n’a pas proposé à un plus grand nombre de spirites d’être fondateurs de cette Société, c’est, en dehors des raisons énoncées ci-dessus, que la loi exige des formalités entraînant des déplacements et des pourparlers sans nombre qui en auraient nécessairement retardé longtemps la constitution définitive. Elle ne doute pas que de nombreuses adhésions ne viennent par la suite concourir à l’œuvre. Il fallait avant tout établir un centre de ralliement où pourraient se réunir les ressources intellectuelles et matérielles éparses dans le monde entier. Ce centre établi, c’est à ceux qui en comprendront l’urgence et dont le dévouement actif est acquis à nos principes, de l’asseoir par leur concours sur des bases solides et indestructibles.

Nous sommes heureux de le constater ici, loin de s’être acquis des millions par le Spiritisme, comme on l’en a maintes fois accusé, c’est en majeure partie avec ses propres ressources, avec le fruit de ses labeurs et de ses veilles, que M. Allan Kardec a pourvu aux nécessités matérielles de l’installation du Spiritisme. Il y a consacré entièrement le produit de ses ouvrages, qu’il aurait certainement pu considérer comme une juste rémunération de ses travaux, et dont il n’a voulu distraire aucune parcelle à son profit personnel. Ceux qui ont aidé à la propagation de ses œuvres, ont ainsi contribué indirectement au développement de la doctrine, puisque le produit tout entier profite au Spiritisme en général et non à un individu.

Animée des mêmes sentiments et voulant personnellement concourir à l’œuvre, madame Allan Kardec viendra par ses dispositions dernières ajouter encore aux ressources du fonds commun. Elle aura ainsi noblement donné l’exemple, en remplissant son devoir de spirite dévouée, et sera heureuse de combler les vœux de celui dont elle a partagé les travaux et les peines.

Afin de satisfaire au légitime désir de nos lecteurs, nous nous faisons un devoir de publier dans la Revue divers extraits de l’acte de Société, nous attachant surtout à mettre en lumière les clauses d’un intérêt général et de nature à ne leur laisser aucune incertitude sur le but et la stabilité de la Société.


Objet, – Dénomination, – Durée, – Siège de la Société.

La Société anonyme a pour objet de faire connaître le Spiritisme par tous les moyens autorisés par les lois. Elle a pour base la continuation de la Revue spirite fondée par M. Allan Kardec, la publication des ouvrages de ce dernier, y compris ses œuvres posthumes et de tous ouvrages traitant du Spiritisme.

Elle prend la dénomination de : SOCIÉTÉ ANONYME A PARTS D’INTERÊT ET A CAPITAL VARIABLE DE LA CAISSE GÉNÉRALE ET CENTRALE DU SPIRITISME.

La durée de la Société est fixée à quatre-vingt-dix-neuf ans à dater de sa constitution définitive, qui doit avoir lieu dans le courant du mois d’août.

Le siège de la Société est actuellement 7, rue de Lille.  † 

Le fonds social, capital de fondation, est fixé à 40,000 fr.

Il est susceptible d’augmentation, notamment par l’admission de nouveaux sociétaires. Ce capital, entièrement souscrit dès aujourd’hui, est divisé en quarante parts de 1,000 francs chacune.

La loi autorise l’augmentation du capital dans la proportion de 200,000 fr. par an.

En aucun cas, le fonds social ne pourra être diminué par la reprise totale ou partielle des apports effectués.

Chaque part est indivisible ; la Société ne reconnaît qu’un propriétaire pour chacune d’elles.


Administration de la Société.

La Société est administrée par un comité de trois membres au moins, nommés par l’assemblée générale des associés, et choisis parmi eux.

Les administrateurs doivent être propriétaires, pendant toute la durée de leur mandat, de chacun deux parts d’intérêt, au moins, affectées à la garantie de leur gestion, et inaliénables jusqu’à l’apurement final de leurs comptes.

Ce comité est nommé pour six ans, révocable par l’assemblée générale et indéfiniment rééligible.

Les administrateurs ont un traitement fixe de 2,400 fr. par an, et une part dans les bénéfices.

Cette part de bénéfices et le traitement fixe réunis ne doivent jamais excéder 4,000 francs.


Des Commissaires de surveillance.

Il est nommé chaque année un comité de surveillance de deux membres au moins, pris parmi les associés ou en dehors de ceux-ci.

Ils se rendent au siège social quand ils le jugent convenable, prennent communication des livres et se livrent à l’examen des opérations de la Société.

Ils convoquent l’assemblée générale en cas d’urgence. Ceux pris en dehors de la Société ont voix délibératives, exercent, en un mot, la surveillance et font à l’assemblée générale les rapports déterminés par la loi.


Des assemblées générales.

L’assemblée générale régulièrement constituée représente tous les associés.

Il est tenu, au siège social, une assemblée générale ordinaire, en juillet. – Elle délibère et statue souverainement sur les intérêts de la Société.

Les délibérations sont prises, suivants les cas, à l’unanimité au 2/3 ou à la majorité des membres présents.

Le président et le secrétaire sont choisis à chaque séance.

Les délibérations sont constatées par des procès-verbaux inscrits sur un registre spécial.

L’assemblée générale délibère notamment sur les demandes d’admission d’associés nouveaux, sur les modifications à apporter aux statuts, sur la nomination ou la révocation des administrateurs, sur la nomination des commissaires de surveillance.


États de situation. – Inventaire. – Bénéfices.

L’année sociale commence le 1er avril et finit le 31 mars.

Tous les six mois, les administrateurs dressent un état sommaire de la situation active et passive de la Société.

Un inventaire est dressé à la fin de chaque année sociale et mis à la disposition des associés.

Il est prélevé sur les bénéfices nets :

1º 1/20 pour le fonds de réserve légal ;

2º 3 p. cent du fonds social pour être payés à chaque part ;

3º 10 p. cent aux administrateurs salariés, mais sans que ces 10 p. cent réunis au traitement fixe, puissent dépasser 4,000 francs ;

4º Le surplus des bénéfices nets retourne au fonds social.


Fonds de réserve.

Le fonds de réserve se compose :

1º De l’accumulation des sommes prélevées sur les bénéfices nets annuels ;

2º De tous les dons légalement faits à la Société, à quelque titre que ce soit.

Il est destiné au remboursement du capital dans les cas prévus par les statuts.

Lorsque ce fonds de réserve a atteint le dixième du fonds social, le prélèvement des bénéfices nets affectés à sa création, pourra cesser de lui profiter et être appliqué notamment, soit à l’augmentation du capital, soit à des dépenses dans l’intérêt du Spiritisme.

L’assemblée générale règle seule l’emploi des capitaux appartenant au fonds de réserve.


Dissolution. – Liquidation.

En cas de perte des 3/4 du capital, tout associé peut demander la dissolution de la Société devant les tribunaux.

La Société ne sera point dissoute par la mort, la retraite, l’interdiction, la faillite ou la déconfiture de l’un des associés ; elle continuera de plein droit entre les autres associés.

Par suite de l’avènement de l’une de ces causes, le capital est remboursé aux ayants droit, au taux de mille francs pour chaque part, dans le cours de cinq ans du jour de la perte de la qualité d’associé, avec intérêt de 5 p. cent. Ce remboursement est effectué avec les capitaux du fonds de réserve.

Aucun associé ne pourra de son vivant se retirer de la Société, à moins qu’il ne fasse agréer un cessionnaire par l’assemblée générale annuelle. – La résolution est prise à l’unanimité des membres présents.

La durée de la Société peut être prorogée au delà du terme de 99 ans.


Tels sont les principaux articles des statuts de la Société. Nous ne doutons pas que le désintéressement absolu qui a dirigé ses fondateurs ne soit apprécié à sa valeur par tout observateur consciencieux. Il est d’ailleurs facile de se rendre compte, en se reportant à la constitution transitoire du Spiritisme, publiée par M. Allan Kardec dans le numéro de décembre 1868, que la Société s’est laissé uniquement et absolument guider par l’esprit de cette constitution. Si elle s’est bornée au stricte nécessaire, aux besoins urgents, c’est qu’elle n’a pas oublié, selon les préceptes du maître, qu’il faut en toute chose prendre conseil des circonstances, et que vouloir appuyer prématurément certaines institutions spéciales sur la doctrine, ce serait s’exposer à des échecs certains dont l’impression serait désastreuse, et qui auraient pour résultat probable, sinon de détruire une philosophie impérissable, au moins d’en retarder de longtemps la propagation définitive. n Nos adversaires ne manqueraient certainement pas, dans un cas semblable, d’imputer à l’impuissance de la doctrine, un insuccès qui ne serait cependant que le résultat de l’imprévoyance.


« Faute de savoir attendre pour arriver à point, dit M. Allan Kardec (Revue de décembre 1868, page 369), les trop pressés et les impatients ont de tout temps compromis les meilleures causes.

« Il ne faut demander aux choses que ce qu’elles peuvent donner, à mesure qu’elles sont en état de produire ; on ne peut exiger d’un enfant ce qu’on peut attendre d’un adulte, ni d’un jeune arbre nouvellement planté ce qu’il produira dans toute sa force. Le Spiritisme, en voie d’élaboration, ne pouvait donner que des résultats individuels ; les résultats collectifs et généraux seront les fruits du Spiritisme complet qui se développera successivement. »

Comme il est facile de le remarquer, la base des opérations de la société sera, avant toute chose, la librairie spécialement fondée dans le but de soustraire les ouvrages fondamentaux de la doctrine aux conditions onéreuses du commerce ordinaire, et d’en faire l’objet de publications populaires à bon marché. Tel a toujours été le plus vif désir de M. Allan Kardec, qui s’exprimait à cet égard dans les termes suivants :

« Beaucoup de personnes regrettent que les ouvrages fondamentaux de la doctrine soient d’un prix trop élevé pour un grand nombre de lecteurs, et pensent, avec raison, que s’il en était fait des éditions populaires à bas prix, ils seraient bien plus répandus, et que la doctrine y gagnerait.

« Nous sommes complètement de cet avis ; mais les conditions dans lesquelles ils sont édités ne permettent pas qu’il en soit autrement dans l’état actuel des choses. Nous espérons arriver un jour à ce résultat, à l’aide d’une nouvelle combinaison qui se rattache au plan général d’organisation ; mais cette opération ne peut être réalisée qu’étant entreprise sur une vaste échelle ; de notre seule part, elle exigerait, soit des capitaux que nous n’avons pas, soit des soins matériels que nos travaux, qui réclament toutes nos méditations, ne nous permettent pas de donner. Aussi la partie commerciale proprement dite a-t-elle été négligée, ou, pour mieux dire, sacrifiée à l’établissement de la partie doctrinale. Ce qu’il importait, avant tout, c’est que les ouvrages fussent faits et les bases de la doctrine posées.

« A ceux qui ont demandé pourquoi nous vendions nos livres, au lieu de les donner, nous avons répondu que nous le ferions si nous avions trouvé un imprimeur qui nous imprimât pour rien, un marchand qui fournît le papier gratis, des libraires qui n’exigeassent aucune remise pour se charger de les répandre, une administration des postes qui les transportât par philanthropie, etc. En attendant, comme nous n’avons pas des millions pour subvenir à ces charges, nous sommes obligé d’y mettre un prix.

« Un des premiers soins du comité sera de s’occuper des publications dès qu’il en aura la possibilité, sans attendre de pouvoir le faire à l’aide du revenu ; les fonds affectés à cet usage ne seront, en réalité, qu’une avance, puisqu’ils rentreront par la vente des ouvrages, dont le produit retournera au fonds commun. »

Les opérations nécessaires, ayant pour objet de réunir entre les mains de la Société anonyme tous les ouvrages fondamentaux de la doctrine, et en général tous ceux qui peuvent être d’un intérêt capital pour les études spirites, ne laisseront pas que de prendre un certain temps et d’exiger un maniement de fonds relativement considérable. Selon le vœu de M. Allan Kardec, c’est à cette concentration dont l’importance est évidente pour tous, que se consacreront tout d’abord les membres fondateurs de la Société.

Parmi les attributions actuellement praticables de la Société anonyme, il faut également compter le soin de réunir tous les documents de nature à intéresser les spirites et à déterminer le mouvement progressif de la doctrine, et de continuer avec nos correspondants de la France et de l’étranger les rapports amicaux et bienveillants qu’ils entretenaient avec le centre, rapports qui, par leur étendue et leur objet multiple, ne pouvaient plus reposer sur la tête d’un individu. – Telle est encore une des considérations importantes qui engageaient M. Allan Kardec à remplacer une direction unique, par un comité central, une collectivité intelligente, dont les attributions seraient définies de manière à ne rien laisser à l’arbitraire.

« Il est bien entendu, disait-il à ce propos, qu’il s’agit ici d’une autorité morale, en ce qui concerne l’interprétation et l’application des principes de la doctrine, et non d’un pouvoir disciplinaire quelconque.

« Pour le public étranger, un corps constitué a plus d’ascendant et de prépondérance ; contre les adversaires surtout, il présente une force de résistance et possède des moyens d’action que ne saurait avoir un individu ; il lutte avec infiniment plus d’avantage. On s’attaque à une individualité, on la brise ; il n’en est pas de même d’un être collectif.

« Il y a également dans un être collectif une garantie de stabilité qui n’existe pas lorsque tout repose sur une seule tête. Que l’individu soit empêché par une cause quelconque, tout peut être entravé. Un être collectif, au contraire, se perpétue sans cesse ; qu’il perde un ou plusieurs de ses membres, rien ne périclite.

« Conséquent avec les principes de tolérance et de respect de toutes les opinions que professe le Spiritisme, nous ne prétendons imposer cette organisation à personne, ni contraindre qui que ce soit à s’y soumettre. Notre but est d’établir un premier lien entre les spirites, qui le désirent depuis longtemps et se plaignent de leur isolement. Or, ce lien, sans lequel le Spiritisme resterait à l’état d’opinion individuelle, sans cohésion, ne peut exister qu’à la condition de se rattacher à un centre par une communauté de vue et de principe. Ce centre n’est pas une individualité, mais un foyer d’activité collective, agissant dans l’intérêt général, et où l’autorité personnelle s’efface. »

Les fondateurs de la Société anonyme sont tellement persuadés que le Spiritisme ne peut ni ne doit résider dans une seule personnalité, que, pour éviter le danger de le voir servir de marchepied à l’ambition d’un seul ou de quelques-uns, et d’en faire un objet quelconque de spéculation personnelle, ils invitent les spirites de la manière la plus instante, à faire abstraction des individus ; ils ne sauraient trop leur recommander d’adresser leurs lettres, quel qu’en soit l’objet, à l’administration de la Société anonyme, sans aucune désignation personnelle. La répartition des lettres deviendra purement du ressort administratif.

Toutefois, et pour réduire les démarches et les pertes de temps à leur plus simple expression, les valeurs ou mandats de poste insérés dans les lettres à l’adresse de la Société, devront être faits à l’ordre de M. Bittard, chargé spécialement des encaissements, sous surveillance du comité d’administration de la Société.

A ceux qui s’étonneraient de voir une Société fondée dans un but éminemment philanthropique et moralisateur, se constituer sur les bases ordinaires des sociétés commerciales, nous ferons remarquer qu’on ne peut légalement fonder aucune société de cette nature, sans intérêt. Du reste, par un article spécial concernant les modifications à apporter aux statuts, la Société sera toujours en mesure de marcher avec les événements, et de se modifier, de se transformer, si les circonstances le lui permettent, ou si l’intérêt général du Spiritisme lui en fait une nécessité.

Quant au traitement des administrateurs, juste rémunération de leur travail, outre qu’il est assez peu élevé pour ne pas donner prise à l’envie, il est pleinement et entièrement justifié par le passage suivant extrait de la Revue de décembre 1868 :

« Les attributions du comité central seront assez nombreuses, comme on le voit, pour nécessiter une véritable administration. Chaque membre ayant des fonctions actives et assidues, si l’on ne prenait que des hommes de bonne volonté, les travaux pourraient en souffrir, car nul n’aurait le droit de faire des reproches aux négligents. Pour la régularité des travaux et de l’expédition des affaires, il est nécessaire d’avoir des hommes sur l’assiduité desquels on puisse compter, et dont les fonctions ne soient pas de simples actes de complaisance. Plus ils auraient d’indépendance par leurs ressources personnelles, moins ils s’astreindraient à des occupations assidues ; s’ils n’en ont pas, ils ne peuvent donner tout leur temps. Il faut donc qu’ils soient rétribués, ainsi que le personnel administratif ; la doctrine y gagnera en force, en stabilité, en ponctualité, en même temps que ce sera un moyen de rendre service à des personnes qui pourraient en avoir besoin. »

Les différentes clauses concernant le remboursement du capital, en cas de retraite ou de décès d’un associé, sont assez explicites pour qu’il ne nous paraisse point utile de les commenter. Nous rappellerons seulement que ces remboursements très certainement exceptionnels, ayant lieu sur le fonds de réserve, le capital de la Société ne pourra jamais être amoindri.

Si un associé se retire volontairement, il n’y aura encore aucune atteinte portée à l’intégralité du capital, puisque l’associé devra, dans ce cas, faire agréer un cessionnaire de ses parts, qui apporte en entrant, la somme retirée par le démissionnaire. Peut-être objectera-t-on qu’il y a dans ce paragraphe une cause de danger pour la vitalité de la Société, parce qu’il permettra à des personnes étrangères au Spiritisme de s’y introduire et d’apporter des éléments de trouble et de désorganisation ; mais ce danger a été prévu et écarté puisque l’admission des cessionnaires n’est prononcée qu’en assemblée générale et à l’unanimité des membres présents.

Comme nous l’avons dit en commençant, les démarches légales, la nécessité de se déplacer, sont les seules raisons qui ont obligé à limiter à sa plus simple expression, le nombre des fondateurs.

La Société qui désire avant tout accomplir les desseins de M. Allan Kardec en satisfaisant aux vœux de la majorité, sera heureuse des adhésions qui lui seront données, et de trouver des associés et des commissaires de surveillance parmi les spirites connus pour leur dévouement à la cause et leur participation à son incessante propagation.

La Société s’est constituée à Paris, parce qu’il faut à toute fondation sérieuse un siège d’opération déterminé, mais les membres qui la constitueront et s’y associeront, au fur et à mesure de son développement, pourront évidemment appartenir à tous les centres qui reconnaîtront son autorité et accepteront ses principes.

Mais quelle sera l’étendue des opérations de la Société anonyme ? Nous ne saurions mieux répondre à cette question qu’en citant textuellement les réflexions de M. Allan Kardec sur ce sujet.

« Quelle sera l’étendue du cercle d’activité de ce centre ? Est-il destiné à régir le monde, et à devenir l’arbitre universel de la vérité ? S’il avait cette prétention, ce serait mal comprendre l’esprit du Spiritisme qui, par cela même qu’il proclame les principes du libre examen et de la liberté de conscience, répudie la pensée de s’ériger en autocratie ; dès le début, il entrerait dans une voie fatale.

« Le Spiritisme a des principes qui, en raison de ce qu’ils sont fondés sur les lois de la nature, et non sur les abstractions métaphysiques, tendent à devenir, et seront certainement un jour, ceux de l’universalité des hommes ; tous les accepteront, parce que ce seront des vérités palpables et démontrées, comme ils ont accepté la théorie du mouvement de la terre ; mais prétendre que le Spiritisme sera partout organisé de la même manière ; que les spirites du monde entier seront assujettis à un régime uniforme, à une même manière de procéder ; qu’ils devront attendre la lumière d’un point fixe vers lequel ils devront fixer leurs regards, serait une utopie aussi absurde que de prétendre que tous les peuples de la terre ne formeront un jour qu’une seule nation, gouvernée par un seul chef, régie par le même code de lois, et assujettie aux mêmes usages. S’il est des lois générales qui peuvent être communes à tous les peuples, ces lois seront toujours, dans les détails de l’application et de la forme, appropriées aux mœurs, aux caractères, aux climats de chacun.

« Ainsi en sera-t-il du Spiritisme organisé. Les spirites du monde entier auront des principes communs qui les rattacheront à la grande famille par le lien sacré de la fraternité, mais dont l’application pourra varier selon les contrées, sans, pour cela, que l’unité fondamentale soit rompue, sans former des sectes dissidentes se jetant la pierre et l’anathème, ce qui serait antispirite au premier chef. Il pourra donc se former, et il se formera inévitablement, des centres généraux en différents pays, sans autre lien que la communauté de croyance et la solidarité morale, sans subordination de l’un à l’autre, sans que celui de France, par exemple, ait la prétention de s’imposer aux spirites américains et réciproquement. »

Il nous reste enfin à expliquer l’emploi des fonds de la caisse générale qui ne font pas partie du capital social et qui se composent des dons faits jusqu’à ce jour, dans le but de concourir à la propagation des principes du Spiritisme. La Société anonyme ne doute pas de remplir les vœux des donateurs en appliquant la quotité de ces dons, à la constitution du fonds de réserve, conformément aux articles des statuts qui en déterminent l’objet.

Pour décharger complètement madame Allan Kardec et la Société, à cet égard, nous nous faisons un devoir de publier la liste des sommes reçues et des noms des souscripteurs, afin que ceux dont les intentions n’auraient pas été bien comprises et qui désireraient donner une autre destination à leurs fonds, puissent adresser leurs réclamations à la Société.

Nous sommes heureux de trouver ici l’occasion de faire agréer nos remerciements et nos félicitations sincères à tous ceux qui s’empressent de concourir, soit moralement, soit matériellement, à la constitution définitive du Spiritisme.


3. Liste des souscriptions versées à la caisse générale pour la propagation du Spiritisme.


1868 – Décembre 20 – Groupe Mendy, de Nancy – 60,00


1869 – Janvier 7 – D?, d’Angers – 5,00

8 – J? et B?, de Paris – 10,00

8 – Ch?, de Paris – 20,00

9 – Guibert?, de Rouen – 1.000,00

11 – D?, de Toulouse – 10,00

16 – F?, de Saint-Étienne – 10,00

29 – Mad. Al?, de Meschers – 20,00


Février 1º – B?, de Dijon  – 10,00

8 – De Th? – 2,75

27 – Hug?, de la Guadeloupe  – 50,00

27 – Les Spirites de l’île d’Oléron – 50,00


Mars 2 – Y?, de Paris,  – 500,00

16 – Groupe Fr?, de Poitiers  – 26,00

19 – C?, de Toulon  – 30,00


Avril 16 – X?, de Béthune  – 2,20

16 – Cr?, de Paris  – 100,00

16 – F?, de Guerche (Cher) – 5,00

16 – Groupe de Saint-Jean-d’Angely —20,00

19 – M?, de Cognac … … … … … 2,00

23 – Divers – 1,00


Mai 7 – De V?, – 20,00

14 – Société de Constantine – 5,00

22 – D?, de Philippevillle – 20,00

28 – Société Spirite de Rouen, président M. Guilbert  – 1.000,00

29 – Société Spirite de Toulouse – 224,50


Juin 10 – Groupe Spirite de la Paix, à Liège – 20,00


Total des sommes perçues – 3.323,45

Dépenses diverses – 3,00


En caisse, le 1er août – 3.320,45


A cet encaisse nous devons ajouter le produit de la brochure publiée par M. C? sous le titre : Instruction pratique pour l’organisation des groupes spirites, et dont la totalité est destinée par l’auteur, à accroître les moyens d’action de la Société anonyme.

Bon nombre de nos frères de la province et de l’étranger se sont empressés de concourir par leurs dons à l’érection du monument funèbre que le Spiritisme se propose d’élever à la mémoire de M. Allan Kardec ; nous nous faisons également un devoir de leur en témoigner notre profonde gratitude. De nombreuses lettres d’adhésion à la détermination prise à cet égard, nous ont été adressées ainsi que des propositions de modifications de diverses natures. Cette correspondance qui fait l’objet d’un dossier spécial, sera en temps utile, soumise à l’appréciation de la commission qui sera nommée à cet effet. n

Comme on le voit, la Société s’est surtout préoccupée d’assurer la vitalité du Spiritisme et de le soustraire aux entreprises de l’orgueil et de la spéculation. Réunira-t-elle tous les suffrages ? n’aura-t-elle pas à lutter contre l’ambition de ceux qui veulent attacher quand même leur nom à une innovation quelconque ? Nul ne peut se flatter de contenter tout le monde. Le vœu de la Société, et, nous l’espérons, ce vœu ne sera pas déçu, c’est de satisfaire au désir de la majorité en demeurant dans la voie tracée.

Quant aux dissidents, aux critiques, quels qu’ils soient, nous leur dirons avec M. Allan Kardec : « Qu’est-ce qui vous barre le chemin ? Qui vous empêche de travailler de votre côté ? Qui vous interdit de mettre au jour vos œuvres ? La publicité vous est ouverte comme à tout le monde ; donnez quelque chose de mieux que ce qui est, nul ne s’y oppose ; soyez mieux goûtés du public, et il vous donnera la préférence.

« De ce que la doctrine ne se berce pas de rêves irréalisables pour le présent, il ne s’ensuit pas qu’elle s’immobilise dans le présent. Exclusivement appuyée sur des lois de la nature, elle ne peut pas plus varier que ces lois ; mais si une nouvelle loi se découvre, elle doit s’y rallier ; elle ne doit fermer sa porte à aucun progrès sous peine de se suicider ; s’assimilant toutes les idées reconnues justes, de quelque ordre qu’elles soient, physiques ou métaphysiques, elle ne sera jamais débordée, et c’est là une des principales garanties de sa perpétuité.

« La vérité absolue est éternelle, et, par cela même, invariable ; mais qui peut se flatter de la posséder tout entière ? Dans l’état d’imperfection de nos connaissances, ce qui nous semble faux aujourd’hui peut être reconnu vrai demain, par suite de la découverte de nouvelles lois ; il en est ainsi dans l’ordre moral comme dans l’ordre physique. C’est contre cette éventualité que la doctrine ne doit jamais se trouver au dépourvu. Le principe progressif, qu’elle inscrit dans son code, sera, comme nous l’avons dit, la sauvegarde de sa perpétuité, et son unité sera maintenue précisément parce qu’elle ne repose pas sur le principe de l’immobilité. L’immobilité, au lieu d’être une force, devient une cause de faiblesse et de ruine pour qui ne suit pas le mouvement général ; elle rompt l’unité, parce que ceux qui veulent aller en avant, se séparent de ceux qui s’obstinent à rester en arrière. Mais, tout en suivant le mouvement progressif, il faut le faire avec prudence et se garder de donner tête baissée dans les rêveries des utopies et des systèmes. Il faut le faire à temps, ni trop tôt ni trop tard, et en connaissance de cause.

« On comprend qu’une doctrine assise sur de telles bases doit être réellement forte ; elle défie toute concurrence et neutralise les prétentions de ses compétiteurs. C’est à ce point que nos efforts tendent à amener la doctrine spirite.

« L’expérience, d’ailleurs, a déjà justifié cette prévision. La doctrine ayant marché dans cette voie depuis son origine, elle a constamment avancé, mais sans précipitation, regardant toujours si le terrain où elle pose le pied est solide, et mesurant ses pas sur l’état de l’opinion. Elle a fait comme le navigateur qui ne marche que la sonde à la main et en consultant les vents. »




[Revue de septembre.]

4. Constitution de la Société anonyme.

A parts d’intérêt et à capital variable de la Caisse Générale et Centrale du Spiritisme.
(Deuxième article.)

L’article sur la constitution de la Société anonyme, publié dans le dernier numéro de la Revue, a été, de la part d’un grand nombre de nos correspondants, l’objet de chaleureuses félicitations, et les marques non équivoques de la satisfaction générale témoignées par les nombreuses et flatteuses lettres d’adhésion que nous recevons de toutes parts, nous encouragent puissamment et nous autorisent à poursuivre, selon le vif désir de madame Allan Kardec, l’exécution du plan du maître.

Certes, M. Allan Kardec nous a légué une tâche bien lourde pour nos faibles forces ; mais nous le reconnaissons avec un sentiment de vive satisfaction, notre appel a éveillé un écho sympathique dans le cœur de tous les hommes vraiment dévoués au triomphe de nos idées, et les promesses de concours matériel et l’assentiment moral de tous nous laissent profondément convaincus que nos efforts ne seront pas improductifs.

Chacun apportant son épi, mettant ses connaissances en commun, et contribuant à grossir la gerbe féconde destinée à donner à tous le pain de vie, nous parviendrons sans aucun doute, avec l’aide des bons Esprits, à assurer le développement et la diffusion universels de nos principes.

Nous publierons dans un prochain numéro une nouvelle liste des sommes versées à la caisse générale, depuis le 1er août. Nous nous bornerons aujourd’hui à annoncer que nous avons reçu un certain nombre de demandes d’admission comme membre de la Société, demandes dont nous avons dû ajourner l’examen à la première assemblée générale, conformément à l’article 23, § 3 des statuts. n

« Je viens vous prier, nous dit un de nos correspondants de Villevert (Oise) [Saint Jean à Villevert (quartier de Senlis)]  †  , de m’inscrire pour quatre ou cinq actions dans la Société anonyme, aussitôt qu’on jugera opportun d’augmenter le capital? Inutile d’ajouter que j’applaudis hautement à l’idée d’une Société commerciale, moyen efficace de répandre la doctrine. »

M***, de Bordeaux, est plus affirmatif encore : « Je viens de voir avec beaucoup de plaisir, dit-il, les dispositions prises ; elles sont fermes, et nous pouvons dire que le Spiritisme a maintenant un point d’appui indépendant de toute personnalité. Sa marche en avant n’en sera que plus rapide, parce que les plus grands problèmes qu’il renferme pourront être étudiés, et les résultats produits sans entraves. »

Le président de la Société Spirite de Bordeaux, pendant l’exercice 1867-1868, qui adhère également de la manière la plus absolue à l’organisation nouvelle, a bien voulu mettre à la disposition de la Société anonyme une centaine d’exemplaires de sa brochure : Rapports des Travaux de la Société spirite de Bordeaux, en abandonnant à la caisse générale le produit de la vente.

Les Sociétés et des spirites isolés de Liège,  †  Bruxelles  †  (Belgique), Lyon,  †  Toulouse,  †  Avignon,  †  Blois,  †  Carcassonne,  †  Rouen,  †  Oloron-Sainte-Marie,  †  Marseille,  †  etc., etc., ont également bien voulu nous assurer de leur adhésion aux statuts de la Société, et de leur concours actif pour en assurer la vitalité.

Dans un prochain article, exclusivement consacré à une revue générale du mouvement de la presse et des Sociétés spirites françaises et étrangères, nous nous attacherons à démontrer l’opportunité du moment pour la fondation d’une organisation et d’une direction sérieuses.

En quelques mois deux nouvelles Sociétés, deux journaux se fondent en Espagne, la Société de Florence  †  crée un organe de publicité, un journal en polonais paraît à Léopold (Galicie autrichienne),  †  et nous apprenions, ces jours derniers, qu’un journal en langue portugaise est en voie de formation à Bahia  †  (Brésil) [v. Biographie: L’Écho d’outre-tombe, moniteur du Spiritisme au Brésil]. Les anciennes Sociétés prennent de l’extension ; dans un seul centre de Belgique, quinze instituteurs primaires se rallient à nos enseignements ; à Liège,  †  à Lyon,  †  etc., les différents groupes de la localité expriment le désir de se réunir sous une direction unique. Partout la doctrine, loin de dépérir et de dégénérer, se développe et acquiert de l’influence. Tous les spirites ont compris que le moment de s’affirmer était venu, et chacun s’attache avec ardeur à concourir au mouvement régénérateur.

Aucune objection ne nous a été faite sur le versement des dons à la caisse générale, mais nous avons reçu quelques demandes de rectification sur la manière dont notre liste a été dressée. Plusieurs des sommes inscrites au nom d’une Société ou d’un individu étaient en réalité le produit de la cotisation de tous les membres d’un groupe. Nous avions eu pour motif de simplifier autant que possible les détails, mais dans notre prochaine liste, nous nous ferons un devoir de faire droit aux observations qui nous ont été communiquées.

A côté des adhésions sans restriction que nous venons de mentionner, nous en avons reçu un certain nombre, mitigées d’observations critiques, non sur le but, mais sur le mode et la forme de la Société. Pour quelques- uns, les expressions employées dans les statuts sont un peu trop commerciales. Pour d’autres, le chiffre des parts semble un peu élevé, et la portion des bénéfices attribués au fonds de réserve trop considérable. Nous rappellerons aux premiers les explications que nous avons données à cet égard dans le dernier numéro de la Revue et les réflexions que M. Allan Kardec publiait sur le même sujet dans le numéro de décembre dernier (p. 391).

Nous sommes persuadés que tous les spirites applaudiront à la formation de la nouvelle Société, lorsqu’ils verront que les fondateurs, s’inspirant des idées du maître, ont eu surtout en vue d’assurer l’avenir du Spiritisme en le plaçant sous l’égide de la loi, seul moyen, à leurs yeux, de paralyser à certains moments les influences nuisibles, en substituant ainsi le régime du droit à celui de la tolérance, presque toujours sujet à des variations selon les hommes et les circonstances.

Quant à ce qui concerne la quotité fixée pour les parts d’intérêt et le petit nombre des fondateurs, nous rappellerons que ce qu’il importait avant tout, c’était d’établir une base, un centre d’action, où toutes les activités, tous les dévouements pourraient se rallier. La Société est aujourd’hui constituée ; ses statuts, essentiellement modifiables et progressifs, comme tout ce qui est d’origine humaine, pourront subir dans l’avenir les transformations qui paraîtront utiles pour remplir le vœu général et satisfaire aux besoins nouveaux.

Toutes les correspondances adressées à la Société anonyme concernant les demandes d’admission comme membres de la société, les modifications à apporter aux statuts, seront conservées dans un dossier spécial pour être soumises aux délibérations des associés dans la première assemblée générale annuelle qui, aux termes de l’acte de Société, a seule le pouvoir de délibérer et de statuer sur ces intéressantes questions.

Nous n’avons qu’un but : qu’un désir, assurer la vitalité du Spiritisme en satisfaisant aux aspirations générales. Si, comme nous l’espérons, les mesures prises par la Société anonyme nous permettent d’obtenir ce résultat, nous nous croirons récompensés au delà de nos mérites, lorsque l’heure du repos aura sonné pour nous et que de plus dignes, sinon de plus dévoués, seront appelés à nous remplacer.




[Revue de novembre.]

5. Société anonyme du Spiritisme.

(Troisième article, voir la Revue des mois d’août et de septembre 1869.)

COURTES EXPLICATIONS.


Nous nous sommes aperçus à regret que, par suite d’un malentendu inconcevable en présence de la clarté des explications données dans la Revue, quelques personnes, en petite minorité par rapport à la généralité des spirites, confondaient et considéraient comme une seule et même chose, la Société parisienne des études spirites et la Société anonyme du Spiritisme.

Quelques-uns de nos correspondants nous ayant demandé de les éclairer à cet égard, nous nous empressons de satisfaire à leur légitime désir et de leur communiquer les réflexions suivantes, dans le but de bien définir la situation.

Comme toutes les Sociétés spirites, la Société parisienne des études spirites qui n’existe qu’en vertu d’une simple autorisation, s’occupe purement et simplement, conformément à son règlement, d’études psychologiques et morales. Elle poursuit, par des moyens identiques, le même but que les Sociétés de Lyon,  †  Marseille,  †  Toulouse,  †  Bordeaux,  †  etc.. Elle se consacre uniquement, en un mot, à l’étude des enseignements qui sont l’objet de ses travaux ; elle acquiert de nouvelles connaissances par les communications qu’elle reçoit des Esprits à l’aide des médiums, par l’examen sérieux que font ses membres coopérants des questions à l’ordre du jour, et elle vulgarise la doctrine par l’admission d’auditeurs à ses réunions. Son désintéressement étant absolu, on serait certes mal venu à l’accuser d’exploitation.

La Société anonyme du Spiritisme est une organisation essentiel- lement distincte. Tandis que la Société parisienne des études spirites est purement locale, ou du moins restreinte à quelques correspondances limitées avec la province et l’étranger, la Société anonyme du Spiritisme devient, par la Revue spirite, un organe de centralisation presque universelle. C’est une Société commerciale, il est vrai, mais il n’est personne de bonne foi qui, après en avoir analysé la constitution sans parti pris, ne convienne que le désintéressement le plus absolu et le dévouement le plus entier ont présidé à sa fondation.

M. Allan Kardec le premier,  n lorsqu’il était encore de ce monde, et quelques spirites éclairés ont reconnu que les conditions de la librairie ordinaire rendaient impossible la vulgarisation du Spiritisme dans les masses, au moyen des ouvrages qui sont encore, à notre avis, les meilleurs agents de propagation. Mais, pour soustraire les ouvrages aux éditeurs, pour les réunir dans une seule main, et arriver dans un avenir plus ou moins éloigné à en faire des éditions populaires, il fallait tout d’abord des capitaux qu’une personne isolée ne pouvait fournir et une organisation qui fît des ouvrages fondamentaux, non plus une propriété particulière, mais la propriété du Spiritisme en général. C’est pour arriver à ce résultat que la Société anonyme a été fondée, et aussi pour assurer au Spiritisme une existence légale inébranlable et des ressources pour l’avenir.

Il y aurait certes mauvaise grâce et mauvaise volonté à voir dans cette entreprise aussi peu commerciale que possible, autre chose qu’un moyen de concentration et de diffusion plus puissant, qu’un lien destiné à réunir en faisceau et à utiliser les efforts de tous les spirites, efforts souvent dépensés en pure perte naguère, en raison même de l’isolement de la plupart des éléments actifs.

La Société anonyme a pour objet des opérations commerciales ; elle est constituée par parts d’intérêt et peut recevoir des dons destinés à alimenter une partie du fonds de réserve. Mais quel sera l’emploi des ressources qui pourront résulter des intérêts et bénéfices capitalisés ? Quel est son but et celui de tous ceux qui, comprenant ses véritables intentions, s’empressent de la soutenir de leur appui moral et de leur concours matériel ? Il suffit de prendre connaissance de ses statuts pour s’en rendre compte. n

Loin de chercher un lucre, un gain dont ses membres bénéficieraient, elle prétend consacrer purement et uniquement à la vulgarisation de nos enseignements et par tous les moyens légaux, les ressources qui lui adviendront par quelque voie que ce soit. Qui pourrait suspecter de telles dispositions et y voir des tendances à l’exploitation !?

La Société a des administrateurs, des employés qu’elle paye ; mais il ne viendra certainement à l’idée de personne qu’on puisse consacrer son temps et ses facultés à un travail quelconque sans être en droit d’en attendre une juste rémunération.

Comme nous désirons avant tout que la lumière se fasse et que la vérité soit connue, nous nous faisons un devoir de communiquer à tous ces quelques réflexions.

La Société anonyme du Spiritisme est donc une chose essentiellement distincte de la Société parisienne des études spirites, et par son organisation et par ses moyens d’action ; mais si les deux Sociétés marchent au même but par des moyens différents, il est parfaitement évident que d’excellents résultats pour le Spiritisme en général seront la conséquence d’une entente cordiale et de rapports bienveillants entre elles. Or, cette bonne harmonie, qui doit exister entre tous ceux qui désirent concourir au progrès de l’esprit humain, cette bonne harmonie n’a jamais été troublée. Les bons rapports qui existaient entre la Revue spirite et la Société parisienne, antérieurement à la création de la Société anonyme, n’ont pas cessé d’exister depuis qu’elle est fondée. La Société anonyme, comme le faisait le rédacteur de la Revue, se fait un devoir de communiquer à la Société de Paris les documents qui peuvent ajouter à l’intérêt de ses travaux, et elle reçoit, avec la plus vive satisfaction, les communications, études morales, documents de la Société de Paris, qui lui paraissent devoir intéresser le Spiritisme en général, et qu’elle insère en temps utile dans sa Revue pour les porter à la connaissance de tous.

Y a-t-il parmi nous quelques dissidents, quelques mécontents ? Nous l’ignorons et nous ne voulons pas le savoir, car nous sommes d’avis que l’intérêt particulier doit s’effacer devant l’intérêt général, et que, devant le but que se propose le Spiritisme, les animosités individuelles doivent céder la place aux questions de principes. Les hommes sont faillibles et peuvent se tromper, mais lorsqu’ils concourent au grand mouvement régénérateur, nous pensons que les spirites doivent ne plus s’occuper que du bien commun avec la charité, la fraternité, la tolérance, qui doivent présider à tous les travaux d’une philosophie qui a pris pour devise : « Hors la charité, point de salut. »

Il nous est également revenu que quelques-uns de nos correspondants se plaignaient de la tiédeur de la Revue à reproduire les instructions émanées de groupes et de centres, même d’une certaine importance pour le Spiritisme. Nous ne craignons pas de l’avouer ici, si nous avons agi ainsi, c’est que, désirant avant tout demeurer dans la voie du maître, nous avons dû, pour ne pas blâmer directement des attaques que nous ne pouvions sanctionner, nous borner à protester par le silence contre une manière d’agir qui, si elle était généralement adoptée, pourrait jeter le Spiritisme hors des errements tracés par la main prudente de M. Allan Kardec. Par sa nature, le Spiritisme essentiellement philosophique doit, en toutes circonstances, s’abstenir de traiter les questions religieuses dogmatiques, et surtout d’aborder le terrain brûlant de la politique. Nous l’avons constaté à regret, quelques spirites, heureusement en petite minorité, s’attachent avec une opiniâtreté trop persistante, à riposter par des attaques sans merci, aux violentes attaques dont nous avons été et dont nous sommes encore souvent l’objet. Nous les voyons avec peine persévérer dans une ligne de conduite que nous ne pouvons approuver. Laissons à d’autres la tâche de signaler les abus et de les combattre par la parole et par la presse. Notre mission à nous n’est pas de détruire, mais d’édifier ; attachons-nous à faire mieux que nos adversaires, et nous serons goûtés et appréciés. D’autres peuvent employer la violence et la critique acerbe ; nos seules armes, à nous, doivent être l’esprit de conciliation et de persuasion.

On nous a souvent demandé pourquoi nous ne répondions pas aux attaques dont nous étions l’objet ; c’est qu’à cet égard nous partageons complètement la manière de voir de M. Allan Kardec.  n Comme lui, nous ne pensons pas le Spiritisme atteint par les diatribes, et nous croyons que la meilleure réfutation à leur faire est le silence, et que le Spiritisme ne doit se préoccuper d’y répondre qu’en multipliant la diffusion de ses enseignements, et en faisant le plus de bien possible.

Pourquoi ne nous trouverions-nous pas bien d’une méthode qui jusqu’ici nous a toujours été si salutaire ? Ce n’est pas notre doctrine, c’est un Spiritisme de fantaisie, le Spiritisme imaginé par nos adversaires, qui est attaqué dans les écrits qu’on nous signale. Laissons- les frapper dans le vide, et ne donnons pas d’importance à des railleries qui, ne s’adressant pas au vrai Spiritisme, ne peuvent lui porter d’ombrage.

Au lieu de perdre notre temps et de dépenser nos forces en vaines disputes qui réjouiraient la galerie, unissons-nous, au contraire, pour faire grandir la philosophie spirite par nos travaux persévérants et la populariser par nos actes.



[1] L’acte de Société, du 3 juillet 1869, se trouve annexé à la déclaration faite le 22 dudit mois, devant un notaire de Paris, portant que le capital social de fondation est entièrement souscrit et libéré.


[2] La question des institutions spirites a été spécialement traitée dans la Revue de juillet 1866, p. 193. Nous y renvoyons nos lecteurs pour plus de développement.


[3] Les souscriptions pour le monument de M. Allan Kardec doivent être adressées, sous le couvert de la Société anonyme, à M. Bittard, 7, rue de Lille.


[4] Les Statuts de la Société anonyme du Spiritisme paraîtront dans la première quinzaine de septembre. Broch. in-8, prix 1 franc. Paris, Administration de la Société anonyme, 7, rue de Lille.


[5] Voir la Revue de décembre 1868 [v. Avis], d’avril 1869 [v. Librairie spirite] ; les préliminaires du catalogue la Librairie spirite, etc.


[6] Voir la Revue de septembre 1869, et les statuts de la Société anonyme du Spiritisme, broch. in-12, prix : 1 fr., Librairie spirite, 7, rue de Lille, Paris.


[7] [v. Revue de novembre 1858 : Polémique spirite.]


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