Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année XI — Mars 1868.

(Langue portugaise)

CORRESPONDANCE INÉDITE DE LAVATER.

AVEC L’IMPÉRATRICE MARIE DE RUSSIE.

Présentation. (1) — Préambule. (2) — Lettre Première : Sur l’état de l’âme après la mort. (3) — Lettre 2e. (4) — Commentaire. (5) — Communication de Paul Ier (6)Lettre 3e. (7) — Lettre 4e. (8) — Lettre d’un défunt a son ami sur la Terre, sur l’état des Esprits désincarnés. (9) — Lettre 5e. (10) — Lettre d’un Esprit Bienheureux a son ami de la terre sur la première vue du Seigneur. (11) — Lettre 6e. (12) — Lettre d’un défunt a son ami, sur les rapports qui existent entre les Esprits et ceux qu’ils ont aimés sur la terre. (13) — Commentaire : L’importance de ces lettres de Lavater. (14) — Opinion actuelle de Lavater sur le Spiritisme. (15)


[Revue d’avril.]

7. LETTRE TROISIÈME.

(Suite. – Voir le numéro de mars 1868.)

Très vénérée Impératrice, Le sort extérieur de chaque âme dépouillée de son corps répondra à son état intérieur, c’est-à-dire que tout lui apparaîtra tel qu’elle est elle-même.

A la bonne, tout paraîtra dans le bien ; le mal n’apparaîtra qu’aux âmes des méchants. Des natures aimantes entoureront l’âme aimante ; l’âme haineuse attirera vers elle des natures haineuses. Chaque âme se verra elle-même réfléchie dans les Esprits qui lui ressemblent. Le bon deviendra meilleur et sera admis dans les cercles composés d’êtres qui lui sont supérieurs ; le saint deviendra plus saint par la seule contemplation des Esprits plus purs et plus saints que lui ; l’Esprit aimant deviendra plus aimant encore ; mais aussi chaque être méchant deviendra pire par son seul contact avec d’autres êtres méchants. Si déjà sur la terre rien n’est plus contagieux et plus entraînant que la vertu et le vice, l’amour et la haine, de même, au delà du tombeau, toute perfection morale et religieuse, ainsi que tout sentiment immoral et irréligieux, doivent nécessairement devenir encore plus entraînants et plus contagieux.

Vous, très honorée Impératrice, vous deviendrez tout amour dans le cercle d’âmes bienveillantes.

Ce qui restera encore en moi d’égoïsme, d’amour-propre, de tiédeur pour le royaume et les desseins de Dieu, sera entièrement englouti par le sentiment d’amour, s’il a été prédominant en moi, et il s’épurera encore sans cesse par la présence et le contact des Esprits purs et aimants.

Epurés par la puissance de notre aptitude à aimer, largement exercée ici-bas ; purifiés encore davantage par le contact et le rayonnement sur nous de l’amour des Esprits purs et élevés, nous serons graduellement préparés à la vue directe de l’amour le plus parfait pour qu’il ne puisse pas nous éblouir, nous effrayer, et nous empêcher d’en jouir avec délices.

Mais comment, très vénérée Impératrice, un faible mortel pourrait-il, oserait-il se faire une idée de la contemplation de cet amour personnifié ? Et toi, charité inépuisable ! comment pourrais-tu approcher de celui qui puise en toi seul l’amour, sans l’effrayer et sans l’éblouir ?

Je pense qu’au commencement, il apparaîtra invisiblement ou sous une forme méconnaissable.

N’a-t-il pas toujours agi de cette manière ? Qui a aimé plus invisiblement que Jésus ? Qui, mieux que lui, savait représenter l’individualité incompréhensible de l’inconnu ? Qui a su mieux que lui se rendre méconnaissable, lui qui pouvait se faire connaître mieux qu’aucun mortel ou tout Esprit immortel ? Lui, qu’adorent tous les cieux, il vint sous la forme d’un modeste ouvrier et conserva jusqu’à la mort l’individualité d’un Nazaréen. Même après sa résurrection, il apparut d’abord sous une forme méconnaissable et ne se fit reconnaître qu’après.

Je pense qu’il conservera toujours ce mode d’action, si analogue à sa nature, à sa sagesse et son amour. C’est sous la forme d’un jardinier qu’il apparut à Marie au jardin où elle le cherchait et où elle désespérait déjà de le trouver. D’abord méconnaissable, il ne fut reconnu que quelques instants après.

Ce fut aussi sous une forme méconnaissable qu’il s’approcha de deux de ses disciples, qui marchaient remplis de lui et aspiraient vers lui. Il marcha longtemps à côté d’eux ; leurs cœurs brûlaient d’une sainte flamme ; ils sentaient la présence de quelque être pur et élevé, mais plutôt d’un autre que lui ; ils ne le reconnurent qu’au moment du partage du pain, au moment de sa disparition et quand, le même soir encore, ils le virent à Jérusalem. La même chose eut lieu aux bords du lac de Tibériade, et quand, rayonnant dans sa gloire éblouissante, il apparut à Saul.

Comme toutes les actions de notre Seigneur, toutes ses paroles et toutes ses révélations sont sublimes et dramatiques !

Tout suit une marche incessante qui, poussant toujours en avant, s’approche de plus en plus d’un but qui, pourtant, n’est pas le but final.

Christ est le héros, le centre, le personnage principal, tantôt visible, tantôt invisible, dans ce grand drame de Dieu, si admirablement simple et compliqué en même temps, qui n’aura jamais de fin, quoique ayant paru mille fois fini.

Il paraît toujours, d’abord méconnaissable, dans l’existence de chacun de ses adorateurs. Comment l’amour pourrait-il se refuser d’apparaître à l’être qui l’aime, juste au moment où celui-ci a le plus grand besoin de lui ?

Oui, toi, le plus humain des hommes, tu apparaîtras aux hommes de la manière la plus humaine ! Tu apparaîtras à l’âme aimante à laquelle j’écris ! tu m’apparaîtras aussi, d’abord méconnaissable, et puis tu te feras connaître à nous. Nous te verrons une infinité de fois, toujours autre et toujours le même, toujours plus beau à mesure que notre âme s’améliorera, et jamais pour la dernière fois.

Élevons-nous plus souvent vers cette idée enivrante que je tâcherai, avec la permission de Dieu, d’éclairer plus amplement dans ma prochaine lettre, et de vous rendre plus saisissante par une communication donnée par un défunt.

I. IX. 1798.

LAVATER.


8. LETTRE QUATRIÈME


Dans ma lettre précédente, très vénérée Impératrice, je vous ai promis de vous envoyer la lettre d’un défunt à son ami sur la terre ; elle pourra mieux vous faire comprendre et saisir mes idées sur l’état d’un chrétien après la mort de son corps. Je prends la liberté de la joindre à celle-ci.

Jugez-la au point de vue que je vous ai indiqué, et veuillez porter votre attention plutôt sur le sujet principal que sur quelques détails particuliers qui l’entourent, quoique j’aie des raisons de supposer que ces derniers renferment aussi quelque chose de vrai.

Pour l’intelligence des matières que je vous exposerai dans la suite sous cette forme, je crois nécessaire de vous faire remarquer que j’ai presque la certitude que, malgré l’existence d’une loi générale, identique et immuable de châtiment et de félicité suprême, chaque Esprit, selon son à supporter après sa mort terrestre et jouira de félicités qui ne seront appropriées qu’à lui seul. La loi générale s’individualisera pour chaque individu en particulier, c’est-à-dire qu’elle produira dans chacun un effet différent et personnel, tout comme le même rayon de lumière traversant un verre coloré, convexe ou concave, en tire, en partie, sa couleur et sa direction. Je voudrais donc qu’il fût accepté positivement : que, quoique tous les Esprits bienheureux, moins heureux ou souffrants se trouvent sous la même loi bien simple de ressemblance ou de dissemblance avec le plus parfait amour, on doit présumer que le caractère substantiel, personnel, individuel de chaque Esprit lui constitue un état de souffrance ou de félicité essentiellement différent de l’état de souffrance ou de félicité d’un autre Esprit. Chacun souffre d’une manière qui diffère de la souffrance d’un autre, et ressent des jouissances qu’un autre ne serait pas capable de ressentir. A chacun les mondes matériel et immatériel, Dieu et Christ, se présentent sous une forme particulière, sous laquelle ils n’apparaissent à personne excepté lui. Chacun a son point de vue n’appartenant qu’à lui seul. A chaque Esprit Dieu parle une langue à lui seul compréhensible. A chacun il se communique en particulier et lui accorde des jouissances que seul il est en état d’éprouver et de contenir.

Cette idée, que je considère comme une vérité, sert de base à toutes les communications suivantes données par les Esprits désincarnés à leurs amis de la terre.

Je me sentirai heureux en apprenant que vous avez compris comment chaque homme, par la formation de son caractère individuel et le perfectionnement de son individualité, peut se préparer à lui-même des jouissances particulières et une félicité appropriée à lui seul.

Comme rien ne s’oublie si vite, et que rien n’est moins recherché par les hommes que cette félicité appropriée à chaque individu, bien que chacun possède toute possibilité de se la procurer et d’en jouir, je prends la liberté, sage et vénérée Impératrice, de vous prier avec instance de daigner analyser avec attention cette idée que certainement vous ne pouvez pas regarder comme inutile pour votre propre édification et votre élévation vers Dieu : Dieu s’est placé lui-même, et a placé l’univers dans le cœur de chaque homme.

Tout homme est un miroir particulier de l’univers et de son Créateur.

Faisons donc tous nos efforts, très vénérée Impératrice, pour entretenir ce miroir aussi pur que possible, pour que Dieu puisse y voir lui-même et sa mille fois belle création, réfléchis à son entière satisfaction.


Jean-Gaspar LAVATER.

Zurich,  †  le 14 IX. 1798.


9. LETTRE D’UN DÉFUNT A SON AMI SUR LA TERRE,

Sur l’état des Esprits désincarnés.

Enfin, mon bien-aimé, il m’est possible de satisfaire, quoique en partie seulement, mon désir et le tien, et de te communiquer quelque chose concernant mon état actuel. Pour cette fois-ci, je ne puis te donner que bien peu de détails. Tout dépendra à l’avenir de l’usage que tu feras de mes communications.

Je sais que le désir que tu éprouves d’avoir des notions sur moi, ainsi qu’en général sur l’état de tous les Esprits désincarnés, est bien grand, mais il ne surpasse pas le mien de t’apprendre ce qu’il est possible de révéler. La puissance d’aimer de celui qui a aimé dans le monde matériel, s’accroît inexprimablement quand il devient citoyen du monde immatériel. Avec l’amour augmente aussi le désir de communiquer à ceux qu’il a connus, ce qu’il peut, ce qu’il lui est permis de transmettre.

Je dois commencer par t’expliquer, mon bien-aimé, à toi que j’aime tous les jours davantage, par quel moyen il m’est possible de t’écrire, sans pouvoir toucher en même temps le papier et conduire la plume, et comment je puis te parler dans une langue toute terrestre et humaine que, dans mon état habituel, je ne comprends pas.

Cette seule indication doit te servir de trait de lumière, pour pouvoir comprendre comment tu dois envisager notre état présent.

Imagine-toi mon état actuel différent du précédent à peu près comme l’état du papillon voltigeant dans l’air, diffère de son état de chrysalide.

Moi, je suis justement cette chrysalide transfigurée et émancipée, ayant déjà subi deux métamorphoses. Tout comme le papillon voltige autour des fleurs, nous voltigeons souvent autour des têtes des bons, mais pas toujours. Une lumière invisible pour vous mortels, visible au moins pour bien peu d’entre vous, rayonne ou luit doucement autour de la tête de tout homme bon, aimant et religieux. L’idée de l’auréole dont on entoure la tête des saints, est essentiellement vraie et rationnelle. Cette lumière sympathisant avec la nôtre, tout être bienheureux ne l’est que par la lumière, l’attire vers elle d’après le degré de sa clarté qui correspond à la nôtre. Aucun Esprit impur n’ose et ne peut s’approcher de cette sainte lumière. Nous reposant dans cette lumière, au-dessus de la tête de l’homme bon et pieux, nous pouvons lire incontinent dans son esprit. Nous le voyons tel qu’il est en réalité. Chaque rayon sortant de lui, est pour nous un mot, souvent tout un discours ; nous répondons à ses pensées. Il ignore que c’est nous qui répondons. Nous excitons en lui des idées que, sans notre action, il n’aurait jamais été en état de concevoir, quoique la disposition et l’aptitude à les recevoir soient innées dans son âme.

L’homme digne de recevoir la lumière, devient ainsi un organe utile et très profitable pour l’Esprit sympathique qui désire lui communiquer ses lumières.

J’ai trouvé un Esprit, ou plutôt un homme accessible à la lumière, dont j’ai pu m’approcher, et c’est par son organe que je te parle. Sans son intermédiaire, il m’aurait été impossible de m’entretenir avec toi humainement, verbalement, palpablement, de t’écrire en un mot.

Tu reçois donc de cette manière une lettre anonyme de la part d’un homme que tu ne connais pas, mais qui nourrit en lui une forte tendance vers les matières occultes et spirituelles. Je plane au-dessus de lui ; je me pose sur lui, à peu près comme le plus divin de tous les Esprits s’est reposé sur le plus divin de tous les hommes, après son baptême ; je lui suscite des idées ; il les transcrit sous mon intuition, sous ma direction, par l’effet de mon rayonnement. Par un léger attouchement, je fais vibrer les cordes de son âme d’une manière conforme à son individualité et à la mienne. Il écrit ce que je désire lui faire écrire ; j’écris par son entremise ; mes idées deviennent les siennes. Il se sent heureux en écrivant. Il devient plus libre, plus animé, plus riche en idées. Il lui semble qu’il vit et qu’il plane dans un élément plus joyeux, plus clair. Il marche lentement, comme un ami conduit par la main d’un ami, et c’est de cette manière que tu reçois de moi une lettre. Celui qui écrit se suppose être libre et il l’est très réellement. Il ne subit aucune violence ; il est libre comme le sont deux amis qui, marchant bras dessus bras dessous, se conduisent pourtant réciproquement.

Tu dois ressentir que mon Esprit se trouve en relation directe avec le tien ; tu conçois ce que je te dis ; tu entends mes plus intimes pensées.

C’est assez pour cette fois. Le jour que j’ai dicté cette lettre s’appelle chez vous le 15 IX 1798.


10. LETTRE CINQUIÈME.


Très vénérée Impératrice, De nouveau une petite lettre arrivée du monde invisible.

A l’avenir, si Dieu le permet, les communications se suivront de plus près.

Cette lettre contient une bien minime partie de ce qui peut être dit à un mortel, sur l’apparition et la vue du Seigneur. C’est simultanément et sous des millions de formes différentes, que le Seigneur apparaît aux myriades d’êtres. Il veut, et il se multiplie lui-même pour ses innombrables créatures, en s’individualisant, en même temps, pour chacune d’elles en particulier.

A vous, Impératrice, à votre Esprit de lumière, il apparaîtra un jour, comme il apparut à Marie-Madeleine, au jardin du sépulcre. De sa bouche divine vous l’entendrez un jour, quand vous en ressentirez le plus grand besoin, et quand vous l’attendrez le moins, vous appeler par votre nom Marie. Rabbi ! répondrez-vous à son appel, pénétrée du même sentiment de félicité suprême que le fut Madeleine,  ( † ) et remplie d’adoration, comme l’apôtre Thomas, vous direz : « Mon Seigneur et mon Dieu. »  ( † )

Nous nous hâtons de traverser les nuits de ténèbres pour arriver à la lumière ; nous passons par les déserts pour atteindre la terre promise ;

nous souffrons les douleurs de l’enfantement pour renaître à la véritable vie.

Que Dieu et votre Esprit soit avec vous et votre Esprit.

Zurich,  †  le 13 XI 1798.

JEAN-GASPAR LAVATER.


11. LETTRE D’UN ESPRIT BIENHEUREUX.

A son ami de la terre sur la première vue du Seigneur.

Cher ami,

De mille choses dont j’aurais désiré t’entretenir, je ne dirai, cette fois, qu’une seule chose qui t’intéressera plus que toutes les autres. J’ai obtenu l’autorisation de le faire. Les Esprits ne peuvent rien faire sans une permission spéciale. Ils vivent sans leur propre volonté, dans la seule volonté du Père céleste, qui transmet ses ordres à des milliers d’êtres à la fois, comme à un seul, et répond instantanément sur une infinité de sujets, à des milliers de ses créatures qui s’adressent à lui.

Comment te faire comprendre de quelle manière je vis le Seigneur ? Oh ! d’une manière bien différente de celle que vous, êtres encore mortels, ne pouvez vous l’imaginer.

Après bien des apparitions, des instructions, des explications et des jouissances qui me furent accordées par la grâce du Seigneur, je traversai une fois une contrée paradisiale, avec environ douze autres Esprits, qui avaient monté, à peu près, par les mêmes degrés de perfection que moi. Nous planâmes, voltigeâmes l’un à côté de l’autre, dans une douce et agréable harmonie, formant comme un léger nuage, et il nous semblait éprouver le même entraînement, la même propension vers un but très élevé. Nous nous pressions toujours davantage l’un contre l’autre. A mesure que nous avancions, nous devenions toujours plus intimes, plus libres, plus joyeux, plus jouissants et plus aptes à jouir, et nous disions : « Oh ! qu’il est bon et miséricordieux Celui qui nous a créés ! Alleluia au Créateur ! c’est l’amour qui nous a créés ! Alleluia à l’Être aimant ! » Animés par de tels sentiments, nous poursuivions notre vol et nous nous arrêtâmes auprès d’une fontaine.

Là nous sentîmes l’approche d’une brise légère. Elle ne portait pas un homme ni un ange, et pourtant ce qui s’avançait vers nous avait quelque chose de si humain, que cela attira toute notre attention. Une lumière resplendissante, pareille en quelque sorte à celle des Esprits bienheureux, mais ne la surpassant pas, nous inonda. « Celui-là est aussi des nôtres ! pensâmes-nous simultanément et comme par intuition. »

Elle disparut, et d’abord il nous sembla que nous étions privés de quelque chose. « Quel être particulier ! nous dîmes-nous ; quelle démarche royale ! et en même temps quelle grâce enfantine ! quelle aménité et quelle majesté ! »

Pendant que nous nous parlions ainsi à nous-mêmes, soudainement une forme gracieuse nous apparut, sortant d’un délicieux bocage, et nous fit un salut amical. Le nouveau venu ne ressemblait pas à l’apparition précédente, mais il avait de même quelque chose de supérieurement élevé et d’inexprimablement simple à la fois. « Soyez les bienvenus, frères et sœurs ! », dit-il. Nous répondîmes d’une seule voix : « Sois le bienvenu, toi, le béni du Seigneur ! le ciel se réfléchit dans ta face et l’amour de Dieu rayonne de tes yeux. »

– Qui êtes-vous ? demanda l’inconnu. – Nous sommes les joyeux adorateurs du tout-puissant Amour, répondîmes-nous.

– Qui est le tout-puissant Amour ? nous demanda-t-il, avec une grâce parfaite.

– Ne connais-tu pas le tout-puissant Amour ? demandâmes-nous, à notre tour, ou plutôt ce fut moi qui lui adressai cette question, au nom de nous tous.

– Je le connais, dit l’inconnu d’une voix encore plus douce.

– Ah ! si nous pouvions être dignes de le voir et d’entendre sa voix ? mais nous ne nous sentons pas assez épurés pour mériter de contempler directement la plus sainte pureté.

En réponse à ces paroles, nous entendîmes retentir derrière nous une voix qui nous dit : « Vous êtes lavés de toute souillure, vous êtes purifiés. Vous êtes déclarés justes par Jésus-Christ et par l’Esprit du Dieu vivant ! »

Une félicité inexprimable se répandit en nous au moment où, nous tournant dans la direction d’où partait la voix, nous voulions nous précipiter à genoux pour adorer l’interlocuteur invisible.

Qu’arriva-t-il ? Chacun de nous entendit instantanément un nom, que nous n’avions jamais entendu prononcer, mais que chacun de nous comprit et reconnut en même temps être son propre nouveau nom exprimé par la voix de l’inconnu. Spontanément, avec la rapidité de l’éclair, nous nous tournâmes, comme un seul être, vers l’adorable interlocuteur, qui nous apostropha ainsi avec une grâce indicible :

« Vous avez trouvé ce que vous cherchiez. Celui qui me voit, voit aussi le tout-puissant Amour. Je connais les miens et les miens me connaissent. Je donne à mes brebis la vie éternelle, et elles ne périront pas dans l’éternité ; personne ne pourra les arracher de mes mains, ni des mains de mon Père. Moi et mon Père nous sommes un ! »

Comment pourrais-je exprimer en paroles la douce et suprême félicité dans laquelle nous nous épanouîmes, quand celui qui, à chaque moment, devenait plus lumineux, plus gracieux, plus sublime, étendit vers nous ses bras et prononça les paroles suivantes, qui vibreront éternellement pour nous, et qu’aucune puissance ne serait capable de faire disparaître de nos oreilles et de nos cœurs : « Venez ici, vous, élus de mon Père : héritez du royaume qui vous fut préparé depuis le commencement de l’univers. » Après cela, il nous embrassa tous simultanément, et disparut. Nous gardâmes le silence, et, nous sentant étroitement unis pour l’éternité, nous nous répandîmes, sans nous mouvoir, l’un dans l’autre, doucement et remplis d’un bonheur suprême.

L’Être infini devint un avec nous, et, en même temps, notre tout, notre ciel, notre vie dans son sens le plus vrai. Mille vies nouvelles semblèrent nous pénétrer. Notre existence antérieure s’évanouit pour nous ; nous recommençâmes d’être ; nous ressentîmes l’immortalité, c’est-à-dire une surabondance de vie et de forces, qui portait le cachet de l’indestructibilité.

Enfin, nous recouvrâmes la parole. Ah ! si je pouvais te communiquer, ne fût-ce qu’un seul son, de notre joyeuse adoration !

« Il existe ! nous sommes ! Par Lui, par Lui seul ! – Il est, – son être n’est que vie et amour ! – Celui qui le voit, vit et aime, est inondé des effluves de l’immortalité et de l’amour provenant de sa face divine, de son regard rempli de félicité suprême !

« Nous t’avons vu, amour tout-puissant ! Tu te montras à nous sous la forme humaine, Toi, Dieu des dieux ! Et pourtant Tu ne fus ni homme, ni Dieu, Toi, Homme-Dieu !

« Tu ne fus qu’amour, tout-puissant seulement comme amour ! – Tu nous soutins par ta toute-puissance, pour empêcher que la force, même adoucie de ton amour, ne nous absorbât en elle.

« Est-ce Toi, est-ce Toi ? – Toi que tous les cieux glorifient ; Toi, océan de béatitude ; – Toi, toute-puissance ; – Toi, qui autrefois t’incarnant dans les os humains, portas les fardeaux de la terre, et, ruisselant de sang, suspendu sur la croix, Te fis cadavre ?

« Oui, c’est Toi, – Toi, gloire de tous les êtres ! Être devant lequel s’inclinent toutes les natures, qui disparaissent devant Toi, pour être rappelées à vivre en Toi !

« Dans un de tes rayons se rencontre la vie de tous les mondes, et de ton souffle ne jaillit que l’amour ! »

Ceci, cher ami, n’est qu’une miette bien minime tombée à terre de la table remplie d’une félicité ineffable dont je me nourrissais. Profites-en, et il te sera donné bientôt davantage. – Aimes, et tu seras aimé. – L’amour seul peut aspirer à la félicité suprême. – L’amour seul peut donner le bonheur, mais uniquement à ceux qui aiment.

Oh ! mon chéri, c’est parce que tu aimes que je puis m’approcher de toi, me communiquer à toi, et te conduire plus vite à la source de la vie.

Amour ! Dieu et le ciel vivent en toi, tout comme ils vivent dans la face et dans le cœur de Jésus-Christ !

J’écris cela, d’après votre chronologie terrestre, le 13. XI. 1798.

MAKARIOSENAGAPE.   

(La fin au prochain numéro.)


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