Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année IX — Avril 1866.

(Langue portugaise)

LE SPIRITISME SANS LES ESPRITS.

1. — Nous avons vu dernièrement une secte tenter de se former, en arborant pour drapeau : La négation de la prière. Accueillie, à son début, par un sentiment général de réprobation, elle n’a pas même vécu. Les hommes et les Esprits se sont unis pour repousser une doctrine qui était à la fois une ingratitude et une révolte contre la Providence. Cela n’était pas difficile, car, en froissant le sens intime de l’immense majorité, elle portait en elle son principe destructeur. (Revue de janvier 1866).

En voici maintenant une autre qui s’essaie sur un nouveau terrain ; elle a pour devise : Plus de communications des Esprits. Il est assez singulier que cette opinion soit aujourd’hui préconisée par quelques-uns de ceux qui ont jadis exalté l’importance et la sublimité des enseignements spirites, et qui se faisaient gloire de ce qu’ils recevaient eux-mêmes comme médiums. A-t-elle plus de chance de succès que la précédente ? C’est ce que nous allons examiner en quelques mots.

Cette doctrine, si l’on peut donner ce nom à une opinion restreinte à quelques individualités, se fonde sur les données suivantes :

« Les Esprits qui se communiquent ne sont que des Esprits ordinaires qui ne nous ont, jusqu’à ce jour, appris aucune vérité nouvelle, et qui prouvent leur incapacité en ne sortant pas des banalités de la morale. Le critérium que l’on prétend établir sur la concordance de leur enseignement est illusoire, par suite de leur insuffisance. C’est à l’homme qu’il appartient de sonder les grands mystères de la nature, et de soumettre ce qu’ils disent au contrôle de sa propre raison. Leurs communications ne pouvant rien nous apprendre, nous les proscrivons de nos réunions. Nous discuterons entre nous ; nous chercherons et nous déciderons, dans notre sagesse, les principes qui doivent être acceptés ou rejetés, sans recourir à l’assentiment des Esprits. »

Remarquons qu’il ne s’agit point de nier le fait des manifestations, mais d’établir la supériorité du jugement de l’homme, ou de quelques hommes, sur celui des Esprits ; en un mot, de dégager le Spiritisme de l’enseignement des Esprits : les instructions de ces derniers étant au-dessous de ce que peut l’intelligence des hommes.

Cette doctrine conduit à une singulière conséquence, qui ne donnerait pas une haute idée de la supériorité de la logique de l’homme sur celle des Esprits. Nous savons, grâce à ces derniers, que ceux de l’ordre le plus élevé ont appartenu à l’humanité corporelle qu’ils ont depuis longtemps dépassée, comme le général a dépassé la classe du soldat d’où il était sorti. Sans les Esprits, nous en serions encore à la croyance que les anges sont des créatures privilégiées, et les démons des créatures prédestinées au mal pour l’éternité. « Non, dira-t-on, car il y a eu des hommes qui ont combattu cette idée. » Soit ; mais qu’étaient ces hommes, sinon des Esprits incarnés ? Quelle influence leur opinion isolée a-t-elle eue sur la croyance des masses ? Demandez au premier venu s’il connaît seulement de nom la plupart de ces grands philosophes ? Tandis que les Esprits, venant sur toute la surface de la terre se manifester au plus humble comme au plus puissant, la vérité s’est propagée avec la rapidité de l’éclair.

Les Esprits peuvent se diviser en deux grandes catégories : ceux qui, parvenus au plus haut point de l’échelle, ont définitivement quitté les mondes matériels, et ceux qui, par la loi de la réincarnation, appartiennent encore au tourbillon de l’humanité terrienne. Admettons que ces derniers seuls aient le droit de se communiquer aux hommes, ce qui est une question : dans le nombre il y en a qui, de leur vivant, ont été des hommes éclairés, dont l’opinion fait autorité, et que l’on serait heureux de consulter s’ils vivaient encore. Or, de la doctrine ci-dessus il résulterait que ces mêmes hommes supérieurs sont devenus des nullités ou des médiocrités en passant dans le monde des Esprits, incapables de nous donner une instruction de quelque valeur, tandis qu’on s’inclinerait respectueusement devant eux s’ils se présentaient en chair et en os dans les assemblées mêmes où l’on refuse de les écouter comme Esprits. Il en résulte encore que Pascal, par exemple, n’est plus une lumière depuis qu’il est Esprit ; mais que, s’il se réincarnait dans Pierre ou Paul, nécessairement avec le même génie, puisqu’il n’aurait rien perdu, il serait un oracle. Cette conséquence est tellement rigoureuse, que les partisans de ce système admettent la réincarnation comme une des plus grandes vérités. Il faudra en induire enfin que ceux qui placent, de très bonne foi nous le supposons, leur propre intelligence si fort au-dessus de celle des Esprits, seront eux-mêmes des nullités ou des médiocrités dont l’opinion sera sans valeur ; de telle sorte qu’il faudrait croire à ce qu’ils disent, aujourd’hui qu’ils vivent, et qu’il n’y faudrait plus croire demain, quand ils seront morts, lors même qu’ils viendraient dire la même chose, et encore moins s’ils viennent dire qu’ils se sont trompés.


2. — Je sais qu’on objecte la grande difficulté de la constatation de l’identité. Cette question a été assez amplement traitée pour qu’il soit superflu d’y revenir. Nous ne pouvons assurément savoir, par une preuve matérielle, si l’Esprit qui se présente sous le nom de Pascal est bien réellement celui du grand Pascal. Que nous importe, s’il dit de bonnes choses ! C’est à nous de peser la valeur de ses instructions, non à la forme du langage, qu’on sait porter souvent l’empreinte de l’infériorité de l’instrument, mais à la grandeur et à la sagesse des pensées. Un grand Esprit qui se communique par un médium peu lettré est comme un habile calligraphe qui se sert d’une mauvaise plume ; l’ensemble de l’écriture portera le cachet de son talent, mais les détails d’exécution, qui ne dépendent pas de lui, seront imparfaits.

Jamais le Spiritisme n’a dit qu’il fallait faire abnégation de son jugement, et se soumettre aveuglément au dire des Esprits ; ce sont les Esprits eux-mêmes qui nous disent de passer toutes leurs paroles au creuset de la logique, tandis que certains incarnés disent : « Ne croyez qu’à ce que nous disons, et ne croyez pas à ce que disent les Esprits. » Or, comme la raison individuelle est sujette à erreur, et que l’homme est assez généralement porté à prendre sa propre raison et ses idées pour l’unique expression de la vérité, celui qui n’a pas l’orgueilleuse prétention de se croire infaillible en réfère à l’appréciation de la majorité. Est-il tenu pour cela d’abdiquer son opinion ? Nullement ; il est parfaitement libre de croire qu’il a seul raison contre tous, mais il n’empêchera pas l’opinion du plus grand nombre de prévaloir, et d’avoir, en définitive, plus d’autorité que l’opinion d’un seul ou de quelques-uns.


3. — Examinons maintenant la question sous un autre point de vue. Qui est-ce qui a fait le Spiritisme ? Est-ce une conception humaine personnelle ? Tout le monde sait le contraire. Le Spiritisme est le résultat de l’enseignement des Esprits ; de telle sorte que, sans les communications des Esprits, il n’y aurait point de Spiritisme. Si la doctrine spirite était une simple théorie philosophique éclose dans un cerveau humain, elle n’aurait que la valeur d’une opinion personnelle ; sortie de l’universalité de l’enseignement des Esprits, elle a la valeur d’une œuvre collective, et c’est par cela même qu’en si peu de temps elle s’est propagée par toute la terre, chacun recevant par soi-même, ou par ses relations intimes, des instructions identiques et la preuve de la réalité des manifestations.


4. — Eh bien ! c’est en présence de ce résultat patent, matériel, que l’on essaie d’ériger en système l’inutilité des communications des Esprits. Convenons que si elles n’avaient pas la popularité qu’elles ont acquise, on ne les attaquerait pas, et que c’est la prodigieuse vulgarisation de ces idées qui suscite tant d’adversaires au Spiritisme. Ceux qui rejettent aujourd’hui les communications ne ressemblent-ils pas à ces enfants ingrats qui renient et méprisent leurs parents ? N’est-ce pas de l’ingratitude envers les Esprits, à qui ils doivent ce qu’ils savent ? N’est-ce pas se servir de ce qu’ils en ont appris pour les combattre, retourner contre eux, contre ses propres parents, les armes qu’ils nous ont données ? Parmi les Esprits qui se manifestent, n’est-ce pas de l’Esprit d’un père, d’une mère, des êtres qui nous sont le plus chers, qu’on reçoit ces touchantes instructions qui vont directement au cœur ? N’est-ce pas à eux que l’on doit d’avoir été arraché à l’incrédulité, aux tortures du doute sur l’avenir ? Et c’est alors qu’on jouit du bienfait, qu’on méconnaît la main du bienfaiteur !

Que dire de ceux qui, prenant leur opinion pour celle de tout le monde, affirment sérieusement que, maintenant, nulle part on ne veut de communications ? Étrange illusion ! qu’un regard jeté autour d’eux suffirait pour faire évanouir. De leur côté, que doivent penser les Esprits qui assistent aux réunions où l’on discute si l’on doit condescendre à les écouter, si l’on doit ou non leur permettre exceptionnellement la parole pour complaire à ceux qui ont la faiblesse de tenir à leurs instructions ? La se trouvent sans doute des Esprits devant lesquels on tomberait à genoux si, à ce moment, ils se présentaient à la vue. A-t-on songé au prix dont pouvait être payée une telle ingratitude ?


5. — Les Esprits ayant la liberté de se communiquer, sans égard au degré de leur savoir, il en résulte une grande diversité dans la valeur des communications, comme dans les écrits, chez un peuple où tout le monde a la liberté d’écrire, et où certes toutes les productions littéraires ne sont pas des chefs-d’œuvre. Selon les qualités individuelles des Esprits, il y a donc des communications bonnes pour le fond et pour la forme, d’autres qui sont bonnes pour le fond et mauvaises pour la forme, d’autres enfin qui ne valent rien, ni pour le fond ni pour la forme ; c’est à nous de choisir. Il ne serait pas plus rationnel de les rejeter toutes parce qu’il y en a de mauvaises, qu’il le serait de proscrire toutes les publications parce qu’il y a des écrivains qui donnent des platitudes. Les meilleurs écrivains, les plus grands génies, n’ont-ils pas des parties faibles dans leurs œuvres ? Ne fait-on pas des recueils de ce qu’ils ont produit de mieux ? Faisons de même à l’égard des productions des Esprits ; profitons de ce qu’il y a de bon et rejetons ce qui est mauvais ; mais pour arracher l’ivraie, n’arrachons pas le bon grain. ( † )

Considérons donc le monde des Esprits comme la doublure du monde corporel, comme une fraction de l’humanité, et disons-nous que nous ne devons pas plus dédaigner de les entendre, maintenant qu’ils sont désincarnés, que nous ne l’eussions fait alors qu’ils étaient incarnés ; ils sont toujours au milieu de nous, comme jadis ; seulement, ils sont derrière le rideau, au lieu d’être devant : voilà toute la différence.


6. — Mais, dira-t-on, quelle est la portée de l’enseignement des Esprits, même dans ce qu’il a de bon, s’il ne dépasse pas ce que les hommes peuvent savoir par eux-mêmes ? Est-il bien certain qu’ils ne nous apprennent rien de plus ? Dans leur état d’Esprit ne voient-ils pas ce que nous ne pouvons voir ? Sans eux, connaîtrions-nous leur état, leur manière d’être, leurs sensations ? connaîtrions-nous, comme nous le connaissons aujourd’hui, ce monde où nous serons peut-être demain ? Si ce monde n’a plus pour nous les mêmes terreurs, si nous envisageons sans effroi le passage qui y conduit, n’est-ce pas à eux que nous le devons ? Ce monde est-il complètement exploré ? Chaque jour ne nous en révèle-t-il pas une nouvelle face ? et n’est-ce rien de savoir où l’on va, et ce que l’on peut être en sortant d’ici ? Jadis on y entrait à tâtons et en frémissant, comme dans un gouffre sans fond ; maintenant ce gouffre est resplendissant de lumière, et l’on y entre joyeux ; et l’on ose dire que le Spiritisme ne nous a rien appris ! (Revue spirite, août 1865, page 225 : « Ce qu’apprend le Spiritisme. »)

Sans doute, l’enseignement des Esprits a ses limites ; il ne faut lui demander que ce qu’il peut donner, ce qui est dans son essence, dans son but providentiel, et il donne beaucoup à celui qui sait chercher ; mais, tel qu’il est, en avons-nous fait toutes les applications ? Avant de lui demander plus, avons-nous sondé la profondeur des horizons qu’il nous découvre ? Quant à sa portée, elle s’affirme par un fait matériel, patent, gigantesque, inouï dans les fastes de l’histoire : c’est qu’à peine à son aurore, il révolutionne déjà le monde et met en émoi les puissances de la terre. Quel est l’homme qui aurait eu ce pouvoir ?


7. — Le Spiritisme tend à la réforme de l’humanité par la charité ; il n’est donc pas étonnant que les Esprits prêchent sans cesse la charité ; ils la prêcheront aussi longtemps qu’elle n’aura pas déraciné du cœur des hommes l’égoïsme et l’orgueil. S’il en est qui trouvent les communications inutiles, parce qu’elles répètent sans cesse les leçons de morale, il faut les féliciter, s’ils sont assez parfaits pour n’en avoir plus besoin ; mais ils doivent songer que ceux qui n’ont pas autant de confiance dans leur propre mérite et qui ont à cœur de s’améliorer, ne se lassent pas de recevoir de bons conseils. Ne cherchez donc point à leur enlever cette consolation.

Cette doctrine a-t-elle des chances de prévaloir ? Les communications des Esprits ont, comme nous l’avons dit, fondé le Spiritisme. Les repousser après les avoir acclamées, c’est vouloir saper le Spiritisme par sa base, lui enlever sa pierre d’assise ; telle ne peut être la pensée de Spirites sérieux et dévoués, car ce serait absolument comme celui qui se dirait chrétien en déniant la valeur des enseignements du Christ, sous le prétexte que sa morale est identique à celle de Platon. C’est dans ces communications que les Spirites ont trouvé la joie, la consolation, l’espérance ; c’est par elles qu’ils ont compris la nécessité du bien, de la résignation, de la soumission à la volonté de Dieu ; c’est par elles qu’ils supportent avec courage les vicissitudes de la vie, par elles qu’il n’y a plus de séparation réelle entre eux et les objets de leurs plus tendres affections. N’est-ce pas se méprendre sur le cœur humain, de croire qu’il puisse renoncer à une croyance qui fait le bonheur !

Nous répétons ici ce que nous avons dit à propos de la prière : Si le Spiritisme doit gagner en influence, c’est en augmentant la somme des satisfactions morales qu’il procure. Que ceux qui le trouvent insuffisant tel qu’il est s’efforcent de donner plus que lui ; mais ce n’est pas en donnant moins, en lui ôtant ce qui en fait le charme, la force et la popularité qu’ils le supplanteront.



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