Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année VII — Octobre 1864.

(Langue portugaise)

UN CRIMINEL REPENTANT.

1. — Pendant la visite que nous venons de faire aux Spirites de Bruxelles,  †  le fait suivant s’est produit en notre présence dans une réunion intime de sept ou huit personnes, le 13 septembre.

Une dame médium étant priée d’écrire, et aucune évocation spéciale n’étant faite, elle trace avec une agitation extraordinaire, en très gros caractères, et après avoir violemment raturé le papier, ces mots : « Je me repens, je me repens ; Latour. »


Surpris de cette communication inattendue, que rien n’avait provoquée, car nul ne songeait à ce malheureux dont la plupart des assistants ignoraient même la mort, on adresse à l’Esprit quelques paroles de commisération et d’encouragement ; puis on lui fait cette question :

Quel motif a pu vous engager à venir parmi nous plutôt qu’ailleurs, puisque nous ne vous avons pas appelé ?

Le médium, qui est aussi médium parlant, répond de vive voix :

« J’ai vu que vous étiez des âmes compatissantes et que vous prendriez pitié de moi, tandis que d’autres m’évoquent plus par curiosité que par véritable charité, ou bien s’éloignent de moi avec horreur. »


Alors a commencé une scène indescriptible qui n’a pas duré moins d’une demi-heure. Le médium joignant à la parole les gestes et l’expression de la physionomie, il est évident que l’Esprit s’est identifié avec sa personne ; parfois ses accents de désespoir sont si déchirants, il peint ses angoisses et ses souffrances avec un ton si navrant, ses supplications sont si véhémentes, que tous les assistants en sont profondément émus.

Quelques-uns même étaient effrayés de la surexcitation du médium, mais nous pensions qu’un Esprit qui se repent et qui implore la pitié n’offrait aucun danger. S’il a emprunté ses organes, c’est pour mieux dépeindre sa situation et intéresser davantage à son sort, mais non, comme les Esprits obsesseurs et possesseurs, en vue de s’emparer de lui pour le dominer. Cela lui a sans doute été permis dans son propre intérêt, et peut-être aussi pour l’instruction des personnes présentes.


Il s’écrie :

« Oh ! oui, de la pitié ! j’en ai bien besoin, car vous ne savez pas ce que je souffre !… non, vous ne le savez pas ; vous ne pouvez pas le comprendre… c’est horrible !… La guillotine ! qu’est-ce que cela, à côté de ce que j’endure maintenant ? Ce n’est rien ; c’est un instant. Mais ce feu qui me dévore, c’est pire, c’est une mort continuelle ; c’est une souffrance qui ne laisse ni trêve ni repos… qui n’a point de fin !

« Et mes victimes qui sont là, autour de moi,… qui me montrent leurs plaies,… qui me poursuivent de leurs regards !… Elles sont là, devant moi… je les vois toutes… oui toutes,… je les vois toutes ; je ne puis les éviter !… Et cette mare de sang !… et cet or souillé de sang !… tout est là ! toujours devant moi !… Sentez-vous l’odeur du sang ?… Du sang, toujours du sang  !… Les voilà, ces pauvres victimes ; elles m’implorent… et moi, sans pitié, je frappe,… je frappe,… je frappe toujours !… Le sang m’enivre !

« Je croyais qu’après ma mort tout serait fini ; c’est pourquoi j’ai bravé le supplice ; j’ai bravé Dieu, je l’ai renié !… Et voilà que quand je me croyais anéanti pour toujours, un réveil terrible se fait ;… oh ! oui, terrible !… je suis entouré de cadavres, de figures menaçantes… je marche dans le sang… Je croyais être mort, et je vis !… Je vis pour revoir tout cela ! pour le voir sans cesse !… C’est affreux !… c’est horrible ! plus horrible que tous les supplices de la terre !

« Oh ! si tous les hommes pouvaient savoir ce qu’il y a au delà de la vie ! ils sauraient ce qu’il en coûte de faire le mal ; il n’y aurait plus d’assassins, plus de criminels, plus de malfaiteurs !… Je voudrais que tous les assassins puissent voir ce que je vois et ce que j’endure… Oh ! non, il n’y en aurait plus… c’est trop affreux de souffrir ce que je souffre !

« Je sais bien que je l’ai mérité, ô mon Dieu ! car je n’ai point eu pitié de mes victimes ; j’ai repoussé leurs mains suppliantes quand elles me demandaient de les épargner. Oui, j’ai moi-même été cruel ; je les ai lâchement tuées pour avoir leur or !… J’ai été impie ; je vous ai renié ; j’ai blasphémé votre saint nom… J’ai voulu m’étourdir ; c’est pourquoi je voulais me persuader que vous n’existiez pas… Oh ! mon Dieu ! je suis un grand criminel ! Je le comprends maintenant. Mais n’aurez-vous pas pitié de moi ?… Vous êtes Dieu, c’est-à-dire la bonté, la miséricorde ! Vous êtes tout-puissant !

« Pitié, Seigneur ! oh ! pitié ! pitié ! Je vous en prie, ne soyez pas inflexible ; délivrez-moi de cette vue odieuse, de ces images horribles,… de ce sang,… de mes victimes dont les regards me percent jusqu’au cœur comme des coups de poignard.

« Vous qui êtes ici, qui m’écoutez, vous êtes de bonnes âmes, des âmes charitables ; oui, je le vois, vous aurez pitié de moi, n’est-ce pas ? Vous prierez pour moi… Oh ! je vous en supplie ! ne me repoussez pas. Vous demanderez à Dieu de m’ôter cet horrible spectacle de devant les yeux ; il vous écoutera, parce que vous êtes bons… Je vous en prie, ne me repoussez pas comme j’ai repoussé les autres… Priez pour moi ! »


2. — Les assistants, touchés de ses regrets, lui adressèrent des paroles d’encouragement et de consolation. Dieu, lui dit-on, n’est point inflexible ; ce qu’il demande au coupable, c’est un repentir sincère et le désir de réparer le mal qu’il a fait. Puisque votre cœur n’est point endurci, et que vous lui demandez pardon de vos crimes, il étendra sur vous sa miséricorde, si vous persévérez dans vos bonnes résolutions pour réparer le mal que vous avez fait. Vous ne pouvez sans doute pas rendre à vos victimes la vie que vous leur avez ôtée, mais, si vous le demandez avec ferveur, Dieu vous accordera de vous retrouver avec elles dans une nouvelle existence, où vous pourrez leur montrer autant de dévouement que vous avez été cruel ; et quand il jugera la réparation suffisante, vous rentrerez en grâce auprès de lui. La durée de votre châtiment est ainsi entre vos mains ; il dépend de vous de l’abréger ; nous vous promettons de vous aider de nos prières, et d’appeler sur vous l’assistance des bons Esprits. Nous allons dire à votre intention la prière contenue dans l’Imitation de l’Évangile pour les Esprits souffrants et repentants. Nous ne dirons pas celle pour les mauvais Esprits, parce que dès lors que vous vous repentez, que vous implorez Dieu, et renoncez à faire le mal, vous n’êtes plus à nos yeux qu’un Esprit malheureux, et non mauvais.


Cette prière dite, et après quelques instants de calme, l’Esprit reprend :

« Merci, mon Dieu !… oh merci ! vous avez eu pitié de moi ; ces horribles images s’éloignent… Ne m’abandonnez pas… envoyez-moi vos bons Esprits pour me soutenir… Merci ! »

Après cette scène, le médium est, pendant quelque temps, brisé et anéanti ; ses membres sont courbaturés. Il a le souvenir, d’abord confus, de ce qui vient de se passer ; puis, peu à peu il se rappelle quelques-unes des paroles qu’il a prononcées, et qu’il disait malgré lui ; il sentait que ce n’était pas lui qui parlait.

Le lendemain, dans une nouvelle réunion, l’Esprit se manifeste encore, et recommence, pendant quelques minutes seulement, la scène de la veille, avec la même pantomime expressive, mais moins violente ; puis il écrit, par le même médium, avec une agitation fébrile, les paroles suivantes :

« Merci de vos prières ; déjà une amélioration sensible se produit en moi. J’ai prié Dieu avec tant de ferveur, qu’il a permis que, pour un moment, mes souffrances soient soulagées ; mais je les verrai encore, mes victimes… Les voilà ! les voilà !… Voyez-vous ce sang ?… »

(La prière de la veille est répétée. L’Esprit continue, en s’adressant au médium) :

« Pardon de m’emparer de vous. Merci du soulagement que vous apportez à mes souffrances ; pardon à vous de tout le mal que je vous ai occasionné ; mais j’ai besoin de me manifester ; vous seule pouvez…

« Merci ! merci ! un peu de soulagement se produit ; mais je ne suis pas au bout de mes épreuves. Bientôt encore mes victimes reviendront. Voilà la punition ; je l’ai méritée, mon Dieu ! mais soyez indulgent.

« Vous tous, priez pour moi ; avez pitié de moi.

« Latour. »


Remarque. Quoique nous n’ayons pas de preuve matérielle de l’identité de l’Esprit qui s’est manifesté, nous n’avons pas non plus de motifs pour en douter. Dans tous les cas, c’est évidemment un Esprit très coupable, mais repentant, affreusement malheureux et torturé par le remords. A ce titre, cette communication est très instructive, car on ne peut méconnaître la profondeur et la haute portée de quelques-unes des paroles qu’elle renferme ; elle offre en outre un des aspects du monde des Esprits châtiés, au-dessus duquel cependant on entrevoit la miséricorde de Dieu. L’allégorie mythologique des Euménides  †  n’est pas aussi ridicule qu’on le croit, et les démons, bourreaux officiels du monde invisible, qui les remplacent dans la croyance moderne, sont moins rationnels, avec leurs cornes et leurs fourches, que ces victimes servant elles-mêmes au châtiment du coupable.

En admettant l’identité de cet Esprit, on s’étonnera peut-être d’un changement aussi prompt dans son état moral ; c’est, ainsi que nous l’avons fait remarquer dans une autre occasion, qu’il y a souvent plus de ressources chez un Esprit brutalement mauvais, que chez celui qui est dominé par l’orgueil, ou qui cache ses vices sous le manteau de l’hypocrisie. Ce prompt retour à de meilleurs sentiments indique une nature plus sauvage que perverse, à laquelle il n’a manqué qu’une bonne direction. En comparant son langage à celui d’un autre criminel cité dans la Revue de juillet 1864, sous le titre de : Châtiment par la lumière, il est aisé de voir celui des deux qui est le plus avancé moralement, malgré la différence de leur instruction et de leur position sociale ; l’un obéissait à un instinct naturel de férocité, à une sorte de surexcitation, tandis que l’autre apportait dans la perpétration de ses crimes le calme et le sang-froid d’une lente et persévérante combinaison, et après sa mort bravait encore le châtiment par orgueil ; il souffre, mais ne veut pas en convenir ; l’autre est dompté immédiatement. On peut ainsi prévoir lequel des deux qui souffrira le plus longtemps.


[Revue de novembre 1864.]

3. UN CRIMINEL REPENTANT

(Suite.)

(Passy,  †  4 octobre 1864.— Médium, M. Rul.)

Nota. — Le médium avait eu l’intention d’évoquer Latour depuis le moment du supplice ; ayant demandé à son guide spirituel s’il pouvait le faire, il lui fut répondu d’attendre le moment qui lui serait indiqué. Ce ne fut que le 3 octobre qu’il en reçut l’autorisation, après avoir lu l’article de la Revue où il en est parlé.


D. Avez-vous entendu mes prières ? — R. Oui, malgré mon trouble, je les ai entendues et je vous en remercie.

J’ai été évoqué presque après ma mort, et je n’ai pu me communiquer de suite, mais beaucoup d’Esprits légers ont pris mon nom et ma place.

J’ai profité de la présence à Bruxelles  †  du président de la Société de Paris,  †  et avec la permission des Esprits supérieurs, je me suis communiqué.

Je viendrai me communiquer à la Société, et je ferai des révélations qui seront un commencement de réparation de mes fautes, et qui pourront servir d’enseignement à tous les criminels qui me liront et qui réfléchiront au récit de mes souffrances.

Les discours sur les peines de l’enfer font peu d’effet sur l’esprit des coupables, qui ne croient pas à toutes ces images, effrayantes pour les enfants et les hommes faibles. Or, un grand malfaiteur n’est pas un Esprit pusillanime, et la crainte des gendarmes agit plus sur lui que le récit des tourments de l’enfer. Voilà pourquoi tous ceux qui me liront seront frappés de mes paroles, de mes souffrances, qui ne sont pas des suppositions. Il n’y a pas un seul prêtre qui puisse dire : « J’ai vu ce que je vous dis, j’ai assisté aux tortures des damnés. » Mais lorsque je viendrai dire : — « Voilà ce qui s’est passé après la mort de mon corps ; voilà quel a été mon désenchantement, en reconnaissant que je n’étais pas mort, comme je l’avais espéré, et que ce que j’avais pris pour la fin de mes souffrances était le commencement de tortures impossibles à décrire. » Alors, plus d’un s’arrêtera sur le bord du précipice où il allait tomber ; chaque malheureux que j’arrêterai ainsi dans la voie du crime servira à racheter une de mes fautes. C’est ainsi que le bien sort du mal, et que la bonté de Dieu se manifeste partout, sur la terre comme dans l’espace.

Il m’a été permis d’être affranchi de la vue de mes victimes, qui sont devenues mes bourreaux, afin de me communiquer à vous ; mais en vous quittant je les reverrai, et cette seule pensée me fait souffrir plus que je ne peux dire. Je suis heureux lorsqu’on m’évoque, car alors je quitte mon enfer pour quelques instants. Priez toujours pour moi ; priez le Seigneur pour qu’il me délivre de la vue de mes victimes.

Oui, prions ensemble, la prière fait tant de bien !… Je suis plus allégé ; je ne sens plus autant la pesanteur du fardeau qui m’accable. Je vois une lueur d’espérance qui luit à mes yeux, et plein de repentir, je m’écrie : Bénie soit la main de Dieu ; que sa volonté soit faite !

J. Latour.


4. — Le guide spirituel du médium dicte ce qui suit :

« Ne prends pas les premiers cris de l’Esprit qui se repent comme le signe infaillible de ses résolutions. Il peut être de bonne foi dans ses promesses, parce que la première impression qu’il ressent en se noyant dans le monde des Esprits est tellement foudroyante, qu’au premier témoignage de charité qu’il reçoit d’un Esprit incarné il se livre aux épanchements de la reconnaissance et du repentir. Mais parfois la réaction est égale à l’action, et souvent cet Esprit coupable, qui a dicté à un médium de si bonnes paroles, peut revenir à sa nature perverse, à ses penchants criminels. Comme un enfant qui s’essaye à marcher, il a besoin d’être aidé pour ne pas tomber. »


5. — Le lendemain, l’Esprit de Latour est de nouveau évoqué.

LE MÉDIUM. — Au lieu de demander à Dieu de vous délivrer de la vue de vos victimes, je vous engage à prier avec moi pour lui demander la force de supporter cette torture expiatrice.

LATOUR. — J’aurais préféré être délivré de la vue de mes victimes. Si vous saviez ce que je souffre ! L’homme le plus insensible serait ému s’il pouvait voir, imprimées sur ma figure comme avec le feu, les souffrances de mon âme. Je ferai ce que vous me conseillez. Je comprends que c’est un moyen un peu plus prompt d’expier mes fautes.


C’est comme une opération douloureuse qui doit rendre la santé à mon corps bien malade.

Ah ! si les coupables de la terre pouvaient me voir, qu’ils seraient effrayés des conséquences de leurs crimes qui, cachés aux yeux des hommes, sont vus par les Esprits ! Que l’ignorance est fatale à tant de pauvres gens !

Quelle responsabilité assument ceux qui refusent l’instruction aux classes pauvres de la société ! Ils croient qu’avec les gendarmes et la police ils peuvent prévenir les crimes. Comme ils sont dans l’erreur ! On doublerait, on quadruplerait le nombre des agents de l’autorité, que les mêmes crimes se commettraient, parce qu’il faut que les mauvais Esprits incarnés commettent des crimes.

Je me recommande à votre charité.


Remarque. — C’est sans doute par un reste des préjugés terrestres que Latour dit: « Il faut que les mauvais Esprits incarnés commettent des crimes. » Ce serait la fatalité dans les actions des hommes, doctrine qui les excuserait toutes. Il est du reste assez naturel qu’au sortir d’une pareille existence, l’Esprit ne comprenne pas encore la liberté morale, sans laquelle l’homme serait au niveau de la brute ; on peut s’étonner qu’il ne dise pas de plus mauvaises choses.


6. — La communication suivante, du même Esprit, a été obtenue spontanément à Bruxelles, par madame C…, le même médium qui avait servi d’instrument à la scène rapportée dans le numéro d’octobre.


« Ne craignez plus rien de moi ; je suis plus tranquille, mais je soufre encore cependant. Dieu a eu pitié de moi, car il a vu mon repentir. Maintenant, je souffre de ce repentir qui me montre l’énormité de mes fautes.

« Si j’avais été bien guidé dans la vie, je n’aurais pas fait tout le mal que j’ai fait ; mais mes instincts n’ont pas été réprimés, et j’y ai obéi, n’ayant connu aucun frein. Si tous les hommes pensaient davantage à Dieu, ou du moins si tous les hommes y croyaient, de pareils forfaits ne se commettraient plus.

« Mais la justice des hommes est mal entendue ; pour une faute, quelquefois légère, un homme est enfermé dans une prison qui, toujours, est un lieu de perdition et de perversion. Il en sort complètement perdu par les mauvais conseils et les mauvais exemples qu’il y a puisés. Si cependant sa nature est assez bonne et assez forte pour résister au mauvais exemple, en sortant de prison toutes les portes lui sont fermées, toutes les mains se retirent devant lui, tous les cœurs honnêtes le repoussent. Que lui reste-t-il ? le mépris et la misère. Le mépris, le désespoir, s’il sent en lui de bonnes résolutions pour revenir au bien ; la misère le pousse à tout. Lui aussi alors méprise son semblable, le hait, et perd toute conscience du bien et du mal, puisqu’il se voit repoussé, lui qui cependant avait pris la résolution de devenir honnête homme. Pour se procurer le nécessaire, il vole, il tue parfois ; puis on le guillotine !

« Mon Dieu, au moment où mes hallucinations vont me reprendre, je sens votre main qui s’étend vers moi ; je sens votre bonté qui m’enveloppe et me protège. Merci, mon Dieu ! Dans ma prochaine existence, j’emploierai mon intelligence, mon bien à secourir les malheureux qui ont succombé et à les préserver de la chute.

« Merci, vous qui ne répugnez pas à communiquer avec moi ; soyez sans crainte ; vous voyez que je ne suis pas mauvais. Quand vous pensez à moi, ne vous représentez pas le portrait que vous avez vu de moi, mais représentez-vous une pauvre âme désolée qui vous remercie de votre indulgence.

« Adieu ; évoquez-moi encore, et priez Dieu pour moi.

« Latour. »


Remarque. — L’Esprit fait allusion à la crainte que sa présence inspirait au médium. [3e paragraphe ci-dessus].


7. —   Je souffre, dit-il en outre, de ce repentir qui me montre l’énormité de mes fautes. » Il y a là une pensée profonde. L’Esprit ne comprend réellement la gravité de ses méfaits que lorsqu’il se repent ; le repentir amène le regret, le remords, sentiment douloureux qui est la transition du mal au bien, de la maladie morale à la santé morale. C’est pour y échapper que les Esprits pervers se raidissent contre la voix de leur conscience, comme ces malades qui repoussent le remède qui doit les guérir ; ils cherchent à se faire illusion, à s’étourdir en persistant dans le mal. Latour est arrivé à cette période où l’endurcissement finit par céder ; le remords est entré dans son cœur ; le repentir s’en est suivi ; il comprend l’étendue du mal qu’il a fait ; il voit son abjection, et il en souffre ; voilà pourquoi il dit : « Je souffre de ce repentir. » Dans sa précédente existence, il a dû être pire que dans celle-ci, car s’il se fût repenti comme il le fait aujourd’hui, sa vie eût été meilleure. Les résolutions qu’il prend maintenant influeront sur son existence terrestre future ; celle qu’il vient de quitter, toute criminelle qu’elle ait été, a marqué pour lui une étape du progrès. Il est plus que probable qu’avant de la commencer il était, dans l’erraticité, un de ces mauvais Esprits rebelles, obstinés dans le mal, comme on en voit tant.

Beaucoup de personnes ont demandé quel profit on pouvait tirer des existences passées, puisqu’on ne se souvient ni de ce que l’on a été ni de ce que l’on a fait.

Cette question est complètement résolue par le fait que, si le mal que nous avons commis est effacé, et s’il n’en reste aucune trace dans notre cœur, le souvenir en serait inutile, puisque nous n’avons plus à nous en préoccuper. Quant à celui dont nous ne nous sommes pas entièrement corrigés, nous le connaissons par nos tendances actuelles ; c’est sur celles-ci que nous devons porter toute notre attention. Il suffit de savoir ce que nous sommes, sans qu’il soit nécessaire de savoir ce que nous avons été.

Quand on considère la difficulté, pendant la vie, de la réhabilitation du coupable le plus repentant, la réprobation dont il est l’objet, on doit bénir Dieu d’avoir jeté un voile sur le passé. Si Latour eût été condamné à temps, et même s’il eût été acquitté, ses antécédents l’eussent fait rejeter de la société. Qui aurait voulu, malgré son repentir, l’admettre dans son intimité ? Les sentiments qu’il manifeste aujourd’hui comme Esprit, nous donnent l’espoir que, dans sa prochaine existence terrestre, il sera un honnête homme, estimé et considéré ; mais supposez qu’on sache qu’il a été Latour, la réprobation le poursuivra encore. Le voile jeté sur son passé lui ouvre la porte de la réhabilitation ; il pourra s’asseoir sans crainte et sans honte parmi les plus honnêtes gens. Combien en est-il qui voudraient à tout prix pouvoir effacer de la mémoire des hommes certaines années de leur existence !

Que l’on trouve une doctrine qui se concilie mieux que celle-ci avec la justice et la bonté de Dieu ! Au reste, cette doctrine n’est pas une théorie, mais un résultat d’observation. Ce ne sont point les Spirites qui l’ont imaginée ; ils ont vu et observé les différentes situations dans lesquelles se présentent les Esprits ; ils ont cherché à se les expliquer, et de cette explication est sortie la doctrine. S’ils l’ont acceptée, c’est parce qu’elle résulte des faits, et qu’elle leur a paru plus rationnelle que toutes celles émises jusqu’à ce jour sur l’avenir de l’âme.


8. — Latour a été maintes fois évoqué, et cela était assez naturel ; mais, comme il arrive en pareil cas, il y a eu bien des communications apocryphes, et les Esprits légers n’ont pas manqué cette occasion. La situation même de Latour s’opposait à ce qu’il pût se manifester presque simultanément sur tant de points à la fois ; cette ubiquité n’est le partage que des Esprits supérieurs.

Les communications que nous avons rapportées sont-elles plus authentiques ? Nous le croyons, nous le désirons surtout pour le bien de cet Esprit. A défaut de ces preuves matérielles qui constatent l’identité d’une manière absolue, ainsi qu’on en obtient souvent, nous avons tout au moins les preuves morales qui résultent, soit des circonstances dans lesquelles ces manifestations ont eu lieu, soit de la concordance ; sur les communications que nous connaissons, venues de sources différentes, les trois quarts au moins s’accordent pour le fond ; parmi les autres, il en est qui ne supportent pas l’examen, tant l’erreur de situation est évidente, et en contradiction flagrante avec ce que l’expérience nous apprend sur l’état des Esprits dans le monde spirituel.

Quoi qu’il en soit, on ne peut refuser à celles que nous avons citées un haut enseignement moral. L’Esprit a pu être, a même dû être aidé dans ses réflexions, et surtout dans le choix de ses expressions, par des Esprits plus avancés ; mais, en pareil cas, ces derniers n’assistent que dans la forme et non dans le fond, et ne mettent jamais l’Esprit inférieur en contradiction avec lui-même. Ils ont pu poétiser chez Latour la forme du repentir, mais ils ne lui auraient point fait exprimer le repentir contre son gré, parce que l’Esprit a son libre arbitre ; ils voyaient en lui le germe de bons sentiments, c’est pourquoi ils l’ont aidé à les exprimer, et par là ils ont contribué à les développer en même temps qu’ils ont appelé sur lui la commisération.

Est-il rien de plus saisissant, de plus moral, de nature à impressionner plus vivement, que le tableau de ce grand criminel repentant, exhalant son désespoir et ses remords ; qui, au milieu de ses tortures, poursuivi par le regard incessant de ses victimes, élève sa pensée vers Dieu pour implorer sa miséricorde ? N’est-ce pas là un salutaire exemple pour les coupables ? Tout est sensé dans ses paroles ; tout est naturel dans sa situation, tandis que celle qui lui est faite par certaines communications est ridicule. On comprend la nature de ses angoisses ; elles sont rationnelles, terribles, quoique simples et sans mise en scène fantasmagorique. Pourquoi n’aurait-il pas eu du repentir ? Pourquoi n’y aurait-il pas en lui une corde sensible vibrante ? C’est précisément là le côté moral de ses communications ; c’est l’intelligence qu’il a de sa situation ; ce sont ses regrets, ses résolutions, ses projets de réparation qui sont éminemment instructifs. Qu’eût-on trouvé d’extraordinaire à ce qu’il se repentît sincèrement avant de mourir ; qu’il eût dit avant ce qu’il a dit après ?

Un retour au bien avant sa mort eût passé aux yeux de la plupart de ses pareils pour de la faiblesse ; sa voix d’outre-tombe est la révélation de l’avenir qui les attend. Il est dans le vrai absolu quand il dit que son exemple est plus propre à ramener les coupables que la perspective des flammes de l’enfer, et même de l’échafaud. Pourquoi donc ne le leur donnerait-on pas dans les prisons ? Cela en ferait réfléchir plus d’un, ainsi que nous en avons déjà plusieurs exemples. Mais comment croire à l’efficacité des paroles d’un mort, quand on croit soi-même que quand on est mort tout est fini ? Un jour cependant viendra où l’on reconnaîtra cette vérité que les morts peuvent venir instruire les vivants.


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