Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année VI — Décembre 1863.

(Langue portugaise)

LE SPIRITISME EN ALGÉRIE.

1. — Au sujet de notre article du mois dernier sur l’ordonnance de Mgr l’évêque d’Alger, plusieurs personnes nous ont demandé si nous le lui avions adressé. Nous ignorons si quelqu’un s’est chargé de ce soin ; quant à nous, nous ne l’avons point fait, et voici notre raison :

Nous n’avons nulle intention de convertir Mgr d’Alger  †  à nos opinions. Il eût pu voir dans l’envoi direct de cet article une sorte de bravade de notre part, ce qui n’est pas dans notre caractère. Le Spiritisme, encore une fois, doit être accepté librement et ne violenter aucune conscience ; il doit attirer à lui par la puissance de son raisonnement, accessible à tous, et par les bons fruits qu’il donne ; il doit réaliser cette parole du Christ : « Jadis le ciel se gagnait par la violence, aujourd’hui, c’est par la douceur. » De deux choses l’une : ou Mgr d’Alger tient à ne parler que de ce qu’il sait, ou il n’y tient pas. Dans le premier cas, il doit de lui-même se tenir au courant de la question, et ne point se borner aux écrits qui abondent dans son sens, s’il ne veut s’exposer à commettre de regrettables erreurs ; dans le second cas, ce serait peine perdue de chercher à ouvrir les yeux à qui veut les fermer.

C’est une grave erreur de croire que le sort du Spiritisme dépende de l’adhésion de telle ou telle individualité ; il s’appuie sur une base plus solide : l’assentiment des masses, dans lesquelles l’opinion des plus petits a son poids comme celle des plus grands. Ce n’est pas une seule pierre qui fait la solidité d’un édifice, parce qu’une pierre peut être renversée : mais l’ensemble de toutes les pierres qui lui servent de fondation. Dans une question d’un aussi vaste intérêt, l’importance des individualités, considérées en elles-mêmes, s’efface en quelque sorte ; chacune apporte son contingent d’action, mais que quelques-unes manquent à l’appel, l’ensemble n’en souffre pas.

Dans son opinion, Mgr d’Alger a cru devoir faire ce qu’il a fait ; il était dans son droit ; nous disons plus : il a bien fait de le faire, puisqu’il a agi selon sa conscience ; si le résultat ne répond pas à son attente, c’est qu’il a fait fausse route, voilà tout. Il ne nous appartient pas de chercher à modifier ses idées, et, par ce motif, nous n’avions pas à lui adresser notre réfutation. Nous ne l’avons point écrite pour lui, mais pour l’instruction des Spirites de tous les pays, afin de les rassurer sur les conséquences d’une démarche qui aura probablement des imitateurs.

Peu importe donc la mesure en elle-même ; l’essentiel était de prouver que ni celle-là ni d’autres ne pouvaient atteindre le but qu’on se propose : l’anéantissement du Spiritisme.

En thèse générale, dans toutes nos réfutations, nous n’avons jamais en vue les individus, parce que les questions personnelles meurent avec les personnes. Le Spiritisme voit les choses de plus haut ; il s’attache aux questions de principes, qui survivent aux individus. Dans un temps donné, tous les détracteurs actuels du Spiritisme seront morts ; puisque, de leur vivant, ils n’ont pas pu arrêter son élan, ils le pourront encore moins quand ils n’y seront plus ; bien au contraire, plus d’un, reconnaissant son erreur, secondera comme Esprit ce qu’il avait combattu comme homme, ainsi que le fait feu l’évêque de Barcelone, que nous recommandons aux prières de tous les Spirites, selon le désir qu’il a exprimé. [Voir : Mort de l’Évêque de Barcelone.] Voyez déjà si, avant de partir, plus d’un antagoniste n’est pas mort moralement ! De tous les écrits qui prétendaient pulvériser la doctrine, combien ont survécu ? Un an ou deux ont suffi pour mettre la plupart en oubli, et ceux qui ont fait le plus de bruit n’ont jeté qu’un feu de paille, déjà éteint ou s’éteignant chaque jour ; encore quelques années, et il n’en sera plus question, on les cherchera comme des raretés. En est-il de même des idées spirites ? Les faits répondent à la question. Est-il à présumer qu’après leurs auteurs viendront des adversaires plus redoutables qui auront raison du Spiritisme ? C’est peu probable, parce que ce n’est ni le talent, ni la bonne volonté, ni la haute position qui manquent à ceux d’aujourd’hui ; ils sont tout feu et tout ardeur ; ce qui leur manque, ce sont des arguments qui l’emportent sur ceux du Spiritisme, et certainement ce n’est pas faute d’en chercher ; or, l’idée spirite gagnant sans cesse des partisans, le nombre des adversaires diminuera en proportion, et ils se verront forcés d’accepter un fait accompli.


2. — Au reste, nous avons déjà dit que le clergé n’est point unanime dans sa réprobation contre le Spiritisme ; nous connaissons personnellement plusieurs ecclésiastiques qui sont très sympathiques à cette idée, et en acceptent toutes les conséquences ; en voici une preuve bien caractéristique. Le fait suivant, dont nous pouvons garantir l’authenticité, est tout récent.

Dans un compartiment de chemin de fer se trouvaient deux messieurs, un savant, matérialiste et athée au suprême degré, et son ami, au contraire, très spiritualiste. Ils discutaient chaudement et soutenaient chacun leur opinion. A une station monte un jeune abbé qui écoute d’abord la conversation, puis y prend part. S’adressant à l’incrédule, il lui dit : « Il paraît, monsieur, que vous ne croyez à rien, pas même à Dieu ? – C’est la vérité, je l’avoue, monsieur l’abbé, et personne n’a encore pu me prouver que je suis dans l’erreur. – Eh bien ! monsieur, je vous engage à aller chez les Spirites, et vous croirez. – Comment ! monsieur l’abbé, c’est vous qui me tenez un pareil langage ? – Oui, monsieur, et je le dis parce que c’est ma conviction. Je sais, par expérience, que lorsque la religion est impuissante à vaincre l’incrédulité, le Spiritisme en triomphe. – Mais, que penserait votre évêque s’il savait ce que vous me dites là ? – Il en penserait ce qu’il voudrait, et je le lui dirais à lui-même, parce que j’ai pour habitude de ne pas cacher ma façon de penser. »

C’est ce savant lui-même qui a raconté le fait à un de ses amis, de qui nous le tenons.

En voici un autre non moins significatif. Un de nos fervents adeptes étant allé voir un de ses oncles, curé de village, le trouva occupé à lire le Livre des Esprits. Nous transcrivons textuellement le récit qu’il nous a donné de sa conversation.

« Eh quoi ! mon oncle, vous lisez ce livre, et vous n’avez pas peur d’être damné ? C’est sans doute pour le réfuter dans vos sermons ? – Au contraire, cette doctrine me tranquillise sur l’avenir, car je comprends aujourd’hui bien des mystères que je n’avais pu comprendre, même dans l’Évangile. Et toi, est-ce que tu connais cela ? – Comment donc, si je le connais ! Je suis Spirite de cœur et d’âme, et de plus quelque peu médium. – Alors, mon cher neveu, touche là ! Nous n’avions jamais pu nous entendre sur la religion, maintenant nous nous comprendrons. Pourquoi ne m’en as-tu pas encore parlé ? – Je craignais de vous scandaliser. – Tu me scandalisais bien davantage autrefois par ton incrédulité. – Si j’étais incrédule, c’est vous qui en êtes cause. – Comment cela ? – N’est-ce pas vous qui m’avez élevé ? Et qu’est-ce que vous m’avez appris en fait de religion ? Vous m’avez toujours voulu expliquer ce que vous ne compreniez pas vous-même ; puis, quand je vous questionnais et que vous ne saviez que répondre, vous me disiez : « Tais-toi, malheureux ! il faut croire et ne pas chercher à comprendre. Tu ne seras jamais qu’un athée. » Maintenant c’est peut-être moi qui pourrais vous en remontrer. Aussi, c’est moi qui me charge d’instruire mon fils ; il a dix ans, et je vous assure qu’il est plus croyant que je ne l’étais à son âge, entre vos mains, et je ne crains pas qu’il perde jamais sa foi, parce qu’il comprend tout aussi bien que moi. Si vous voyiez comme il prie avec ferveur, comme il est docile, laborieux, attentif à tous ses devoirs, vous en seriez édifié. Mais, dites-moi, mon oncle, est-ce que vous prêchez le Spiritisme à vos paroissiens ? – Ce n’est pas la bonne envie qui m’en empêche, mais tu comprends que cela ne se peut pas. – Est-ce que vous leur parlez toujours de la fournaise du diable, comme de mon temps ? Je puis vous dire cela maintenant sans vous offenser ; mais vraiment, cela nous faisait bien rire ; parmi vos auditeurs, je vous certifie qu’il n’y avait pas seulement trois ou quatre bonnes femmes qui croyaient à ce que vous disiez ; les jeunes filles, qui sont d’ordinaire assez craintives, allaient « jouer au diable » en sortant du sermon. Si cette crainte a si peu d’empire sur des gens de campagne, naturellement superstitieux, jugez de ce que cela doit être chez ceux qui sont éclairés. Ah ! mon cher oncle, il est grand temps de changer de batterie, car le diable a fini son temps. – Je le sais bien, et le pis de tout cela, c’est que la plupart ne croient pas plus à Dieu qu’au diable, c’est pourquoi ils sont plus souvent au cabaret qu’à l’église. Je suis, je t’assure, quelquefois bien embarrassé pour concilier mon devoir et ma conscience ; je tâche de prendre un moyen terme : je parle plus souvent de morale, des devoirs envers la famille et la société, en m’appuyant sur l’Évangile, et je vois que je suis mieux compris et mieux écouté. – Quel résultat pensez-vous que l’on obtiendrait si on leur prêchait la religion au point de vue du Spiritisme ? – Tu m’as fait ta confession, je vais te faire la mienne et te parler à cœur ouvert. J’ai la conviction qu’avant dix ans il n’y aurait pas un seul incrédule dans la paroisse, et que tous seraient d’honnêtes gens ; ce qui leur manque, c’est la foi ; chez eux il n’y en a plus, et leur scepticisme, n’ayant pas pour contre-poids le respect humain que donne l’éducation, a quelque chose de bestial. Je leur parle de morale, mais la morale sans la foi n’a point de base, et le Spiritisme leur donnerait cette foi ; car ces gens-là, malgré leur manque d’instruction, ont beaucoup de bon sens ; ils raisonnent plus qu’on ne croit, mais ils sont extrêmement défiants, et cette défiance fait qu’ils veulent comprendre avant de croire ; or, il n’y a pour cela rien de mieux que le Spiritisme. – La conséquence de ce que vous dites, mon oncle, est que, si ce résultat est possible dans une paroisse, il l’est également dans les autres ; si donc tous les curés de France prêchaient en s’appuyant sur le Spiritisme, la société serait transformée en peu d’années. – C’est mon opinion. – Pensez-vous que cela arrive un jour ? – J’en ai l’espoir. – Et moi, j’ai la certitude qu’avant la fin de ce siècle on verra ce changement. Dites-moi, mon oncle, êtes-vous médium ? – Chut ! (tout bas) Oui ! – Et que vous disent les Esprits ? – Ils me disent que… » (Ici le bon curé parla si bas, que son neveu ne put entendre.)


3. — Nous avons dit que l’ordonnance de Mgr d’Alger n’avait point arrêté l’élan du Spiritisme dans cette contrée ; l’extrait suivant de deux lettres, entre beaucoup d’autres analogues, peut en donner une idée.

« Cher et vénéré maître, je viens aujourd’hui, en vous confirmant ma précédente lettre, et à l’occasion de la circulaire de Mgr l’évêque d’Alger, vous renouveler l’assurance de l’attachement inviolable de tous les Spirites de notre groupe à la sainte et sublime doctrine du Spiritisme, qu’on ne parviendra jamais à nous persuader être l’œuvre du diable, parce qu’elle nous a arrachés au doute et au culte de la matière, et qu’elle nous rend meilleurs les uns pour les autres, même pour nos ennemis, pour qui nous faisons chaque jour une prière. Nous continuons, comme par le passé, à nous réunir et à recevoir les instructions de nos Esprits protecteurs, qui nous assurent que tout ce qui se passe est pour le mieux et selon les vues de la Providence. Tous nous disent que les temps sont proches où de grands changements vont s’opérer dans les croyances auxquelles le Spiritisme servira de lien pour amener tous les hommes à la fraternité… »


Une autre lettre dit : « L’ordonnance de Mgr l’évêque d’Alger a fourni à notre curé le sujet d’un sermon fulminant contre le Spiritisme, mais il en a été pour les frais de son éloquence ; je me trompe, car il a fait une si forte impression sur plusieurs railleurs, que ceux-ci, voyant le Spiritisme pris au sérieux par l’autorité ecclésiastique, se sont dit qu’il devait y avoir là quelque chose de sérieux ; ils se sont donc mis à l’étudier, et maintenant ils n’en rient plus et sont des nôtres. Du reste le nombre des Spirites continue à augmenter et plusieurs nouveaux groupes sont en train de se former. »


Toute notre correspondance est dans le même sens, et ne nous signale pas une seule défection, mais seulement quelques individus que leur position dépendante de l’autorité ecclésiastique oblige à ne pas se mettre en évidence, sans cesser toutefois de s’occuper du Spiritisme dans l’intimité ou dans le silence du cabinet. On peut imposer les actes extérieurs, mais non maîtriser la conscience. La communication ci-après prouve que, pas plus chez les Esprits que chez les hommes, l’élan ne s’est ralenti.


4. — Sétif,  †  17 septembre 1863.

« Je viens à vous, mes amis, rempli de joie, en voyant le Spiritisme faire de rapides progrès, prendre chaque jour de nouvelles forces, au milieu des entraves qu’on lui oppose. Ces forces ne sont pas seulement celles du nombre, mais encore celles de l’union, de la fraternité, de la charité. Ayez donc confiance, espoir et courage en marchant dans cette sainte route du progrès spirite dont nulle puissance humaine ne vous détournera.

« Cependant, attendez-vous à la lutte, et préparez-vous à la soutenir. Vos ennemis sont là qui vous forgent de lourdes chaînes avec lesquelles ils espèrent vous tenir et vous dompter. Que feront-ils contre la volonté de Dieu qui vous protège ? Les fondements de sa loi s’élèveront malgré tous les empêchements. Les serviteurs du Tout-Puissant sont remplis d’ardeur et de zèle ; ils ne se laisseront pas abattre ; ils résisteront à toutes les attaques ; ils marcheront dans la voie quand même et toujours ; les entraves, les chaînes se briseront comme si elles étaient de verre.

« Je vous le dis, veillez, priez, tendez la main aux malheureux, dessillez les yeux qui sont fermés ; que vos cœurs et vos bras soient ouverts à tous sans exception. Spirites, votre tâche est belle ! qu’y a-t-il de plus beau, de plus consolant, que ce pacte d’union entre les vivants et les morts ? Quels immenses services nous pourrons nous rendre mutuellement ! Par vos prières à Dieu, partant du fond du cœur, vous pouvez beaucoup pour le soulagement des âmes qui souffrent, et combien le bienfait est doux au cœur de celui qui le pratique ! Quelle touchante harmonie que celle des bénédictions que vous aurez méritées ! Encore une fois, priez en élevant votre âme au ciel, et soyez persuadés que chacune de vos prières sera écoutée et apaisera une douleur.

« Comprenez bien que plus vous amènerez d’hommes à vous imiter, plus l’ensemble de vos prières aura de puissance. Prenez les hommes par la main, et conduisez-les dans la vraie route où ils grossiront votre phalange. Prêchez la bonne doctrine, la doctrine de Jésus, celle que le divin Maître enseigne lui-même dans ses communications, qui ne font que répéter et confirmer la doctrine des Évangiles. Ceux qui vivront verront des choses admirables, je vous le dis.

« D. Faut-il répondre à ce mandement par la voix de la presse ? – R. Mon Dieu, permettez-moi de leur dire ce que je pense ! Ils ont établi une route ; ils la font balayer pour que le peuple s’y promène avec plus de commodité et en plus grand nombre ; aussi la foule vient s’y presser. Vous devez comprendre mon langage, quelque peu énigmatique. Votre devoir de Spirites est de leur montrer qu’ils ont ouvert la porte au lieu de la fermer.

« SAINT JOSEPH. »


Remarque. Cette communication a été obtenue par un ouvrier, médium complètement illettré, et qui savait à peine signer ; depuis qu’il est médium, il écrit un peu, mais très difficilement. On ne peut donc supposer que la dissertation ci-dessus soit l’œuvre de son imagination.



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