En présence des sages enseignements que donnent les Esprits, et du grand nombre de personnes qui sont ramenées à Dieu par leurs conseils, comment est-il possible de croire que ce soit l’œuvre du démon ?
Le démon, dans ce cas, serait bien maladroit ; car, qui peut-il mieux tenir que celui qui ne croit ni à Dieu, ni à son âme, ni à la vie future, et à qui il peut par conséquent faire faire tout ce qu’il veut ? Est-il possible d’être plus hors de l’Église que celui qui ne croit à rien, quelque baptisé qu’il ait été ? Le démon n’a donc plus rien à faire pour l’attirer à lui, et il serait bien sot de le ramener lui-même à Dieu, à la prière et à toutes les croyances qui peuvent le détourner du mal, pour avoir le plaisir de l’y replonger ensuite. Cette doctrine donne une bien pauvre idée du diable, qu’on représente comme si rusé, et le rend vraiment bien peu redoutable ; l’homme de la fable : le Pêcheur et le petit poisson, lui revendrait de l’Esprit. Que dirait-on de celui qui, ayant un oiseau dans une cage, lui donnerait la volée pour le rattraper ensuite ? Cela n’est pas soutenable. Mais il est une autre réponse plus sérieuse.
Si le démon seul peut se manifester, c’est avec ou sans la permission de Dieu ; s’il le fait sans sa permission, c’est qu’il est plus puissant que lui ; si c’est avec sa permission, c’est que Dieu n’est pas bon ; car, donner à l’Esprit du mal, à l’exclusion de tous autres, le pouvoir de séduire les hommes, sans permettre aux bons Esprits de venir combattre son influence, ne saurait être un acte ni de bonté ni de justice ; ce serait pire encore si, selon l’opinion de ces personnes, le sort des hommes devait être irrévocablement fixé après la mort ; car alors Dieu précipiterait volontairement et en connaissance de cause ses créatures dans les tourments éternels, en leur faisant tendre des embûches. Dieu ne pouvant se concevoir sans l’infini de ses attributs, en retrancher ou en amoindrir un seul serait la négation de Dieu, puisque cela impliquerait la possibilité d’un être plus parfait. Cette doctrine se réfute donc par elle-même ; aussi trouve-t-elle trop peu de crédit, même parmi les indifférents, pour mériter de s’y attacher davantage ; son temps sera bientôt passé, et ceux qui la préconisent l’abandonneront eux-mêmes quand ils verront qu’elle leur nuit plus qu’elle ne leur sert.