Permettez-moi, messieurs, de venir quelques instants solliciter votre attention. Vous vous occupez beaucoup de l’Esprit de vos inférieurs dans la nature, de ces petits êtres assez intelligents pour rendre populaire la croyance aujourd’hui admise par un grand nombre de grands Esprits, que dans l’échelle ascendante des créations, l’homme est le sommet, après avoir passé par tous les degrés hiérarchiques des êtres.
Ici, je rendrai, à mon tour, hommage aux Harmonies [Harmonices mundi, Ioannis Keppleri], de Képler, ce savant prédestiné qui avait conçu et dicté, pour ainsi dire, aux générations à venir, les fondements inébranlables des lois qui guident aujourd’hui les chercheurs consciencieux.
J’avais vécu d’abord péniblement par mon travail ; puis, l’aisance étant arrivée, je pus étudier et apprendre. Pour compagne, j’avais une femme douce et intelligente, et sans enfants nous attendions les cheveux blancs avec tranquillité. Quand ma femme mourut, j’avais soixante ans, et ma tristesse était si grande que, toujours seul avec mes souvenirs, je parcourais les grands bois qui environnent Mézières ; j’aurais voulu mourir et je ne le pouvais.
Un jour, à mes pieds tomba un oiseau, un petit geai. Le ramasser, le réchauffer, le faire revivre, fut ma première pensée ; et, en effet, le pauvre petit devint bien vite grand et gentil, drôle au possible. Il me suivait partout, semblant deviner ma pensée. Si j’étais triste, il s’appuyait bien fort contre moi, et faisant mille grimaces et mille cris étranges, il me forçait à rire. Devant une visite, il était menaçant ; il me suivait au jardinage, émiettant la terre et rejetant les cailloux. A table, il demandait sa provende avec insistance et chantait ou imitait le serin, la fauvette, le chat, le chien, etc.
Que voulez-vous ? Les jours si tristes pour moi s’égayaient, et ce petit ami, cette singulière providence, animait l’intérieur. Il me fit aimer la vie et penser que Dieu avait toujours mis à notre portée une compensation à nos peines. Je pensais, comme vous, que l’animal doit être traité en ami, en commensal, et que le dernier mot de l’égoïsme et de la fierté humaine devait être détruit par l’enseignement que votre vénéré maître cherchait à propager. Cette idée consolante devint une certitude, et j’en fis l’objet de mes études de prédilection. Je trouvais, avec la lecture, des amis parmi les commentateurs, les philosophes ; et, si je vaux quelque chose aujourd’hui dans le monde des invisibles, je le dois sans nul doute à mon geai, † jeté brutalement hors du nid par quelque malveillant ennemi de sa race.
Les petites causes produisent souvent de grands effets. Je cherchais la mort, et j’ai trouvé la vie rayonnante et pleine des promesses attrayantes et vraies de l’erraticité.
Sylvestre.
Remarque. – Pendant la séance où cette communication fut obtenue, il fut question du remarquable ouvrage de Képler sur les Harmonies des mondes, dont quelques passages furent lus et commentés par un des assistants. C’est à cet incident que l’Esprit fait, sans doute, allusion.
Nous sommes heureux d’annoncer que l’ouvrage de Képler, n dont la traduction est très avancée, sera publié dans un avenir prochain. Nous nous proposons d’en faire un compte rendu détaillé dans la Revue, et de signaler particulièrement à nos lecteurs un grand nombre de chapitres où la plupart des problèmes spirites sont traités avec une élévation de pensée et une puissance de logique, qui attireront peut-être d’une manière sérieuse l’attention du monde savant sur notre philosophie.
[1] L’ouvrage Les Harmonies des mondes formera un beau volume in-8 de 500 pages, du prix de 5 francs. Les personnes qui désireraient l’acquérir aussitôt son apparition peuvent, dès à présent, adresser leur demande à M. Bittard, gérant de la Librairie, 7, rue de Lille, à Paris.