Les questions de l’origine de l’homme et de l’avenir de l’humanité ont une importance capitale, en ce sens que de leur solution, dépend une des phases principales de la morale et des lois qui déterminent les rapports des hommes entre eux, et ceux de l’humanité avec l’animalité.
Lorsque l’on rapportait toutes les créations à l’humanité, que l’univers et toutes ses splendeurs n’étaient faits que pour charmer ses yeux, l’homme, cette création supérieure, ce roi absolu de la nature animée et inanimée, existait surtout par l’orgueil et par l’égoïsme ; il était l’assemblage de toutes les perfections créées ! Dieu avait réuni en lui toutes les facultés, et n’avait rien fait que pour lui !?
Mais le progrès marche ; la science applique son verre grossissant sur toutes les lois ; elle fait apparaître une à une, toutes nos laideurs et sape toutes nos illusions. Ce n’est pas pour le plaisir de nos yeux que ces orbes d’or ont été créés ; des lois immuables et universelles les régissent comme elles nous régissent ; ils ont une vie à part, une existence propre, et des êtres aussi et plus avancés que l’humanité y poursuivent leur marche incessante à travers l’infini, à la conquête de tous les progrès ! L’orgueil et l’égoïsme universels de l’homme se trouvent réduits aux proportions terriennes ; l’homme n’est plus le maître de l’univers, n’ayant de supérieur que Dieu ; c’est une partie de la création supérieure, mais il n’est pas toute cette création, et il doit reconnaître que s’il a des inférieurs, il est assez imparfait pour avoir des supérieurs qui le distancent sur la route de la perfection !?
Hélas ! serait-il obligé de restreindre encore son empire ?? Au lieu d’être un dominateur terrien de par droit d’origine, ne serait-il qu’un parvenu ? Prendrait-il naissance dans ce chaos obscur qui s’agite à ses pieds ? Les intelligences qui l’entourent et qui s’élèvent à une hauteur remarquable chez des êtres soumis à sa domination, pourraient-elles un jour égaler la sienne ? N’est-il qu’un animal humain, et l’animal serait-il un homme futur ? Quelle perspective pénible pour les dédaigneux et les esprits étroits ! mais quelles nouvelles sources de jouissances intellectuelles ! quelle lueur immense permettant d’entrevoir davantage l’incréé, pour les Esprits progressistes par excellence !?
Ces créatures inférieures, considérées jusqu’ici comme des produits informes de la divinité s’essayant à la création, ne seraient que les modes successifs d’un même être ?? Aucune ne serait privée du bénéfice de ses actes ?? Cet animal qui souffre, qui sent, qui aime, qui perçoit et se manifeste, pourrait, comme l’homme lui-même, faire son propre avenir par ses actes ? être l’instrument de son bonheur futur ? Qu’y a-t-il de révoltant dans une telle conception ? Et n’injuriez-vous pas Dieu, vous qui trouvez vil pour l’humanité de tirer son origine de l’animalité ? En quoi l’animalité, créée par la même puissance, serait-elle moins noble que l’humanité ?
Allez, depuis que la terre tourne, la morale a perdu l’apparence d’un nain pour prendre le corps d’un géant.
Poursuivez vos recherches ; étudiez, méditez sans cesse, et vous découvrirez que l’humanité n’est qu’un anneau de la chaîne immense, qui de l’infiniment petit (l’atome) conduit à l’infiniment grand (Dieu), et la morale sera sans limite, comme celui qui l’édicta !?
Channing.