Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année XII — Décembre 1869.

(Langue portugaise)

LES DÉSHÉRITÉES.

(Œuvres posthumes.)

Si toutes les grandes idées ont eu leurs apôtres fervents et dévoués, les meilleures mêmes ont eu aussi leurs déserteurs. Le Spiritisme ne pouvait échapper aux conséquences de la faiblesse humaine ; il a eu les siens, et à ce sujet quelques remarques ne seront pas inutiles.

Au commencement, beaucoup se sont mépris sur la nature et le but du Spiritisme, et n’en ont pas entrevu la portée. Il a tout d’abord excité la curiosité ; beaucoup n’ont vu dans les manifestations qu’un sujet de distraction ; ils se sont amusés des Esprits, tant que ceux-ci ont bien voulu les amuser ; c’était un passe-temps, souvent un accessoire de soirée.

Cette manière de présenter la chose au début, était une adroite tactique de la part des Esprits ; sous forme d’amusement, l’idée a pénétré partout et semé des germes sans effaroucher les consciences timorées ; on a joué avec l’enfant, mais l’enfant devait grandir.

Quand, aux Esprits facétieux, ont succédé les Esprits sérieux, moralisateurs ; quand le Spiritisme fut devenu science, philosophie, les gens superficiels ne l’ont plus trouvé amusant ; pour ceux qui prisent avant tout la vie matérielle, c’était un censeur importun et gênant que plus d’un a mis de côté. Il n’y a pas à regretter ces déserteurs, car les gens frivoles sont partout de pauvres auxiliaires. Cependant cette première phase n’a pas été du temps perdu, bien loin de là. A la faveur de ce déguisement, l’idée s’est cent fois plus popularisée que si elle eût revêtu, dès l’origine, une forme sévère ; mais de ces milieux légers et insouciants sont sortis des penseurs sérieux.

Ces phénomènes, mis à la mode par l’attrait de la curiosité, devenus un engouement, ont tenté la cupidité des gens à l’affût de ce qui est nouveau, dans l’espoir d’y trouver une porte ouverte. Les manifestations semblaient une matière merveilleusement exploitable, et plus d’un songea à s’en faire un auxiliaire de son industrie ; d’autres y virent une variante de l’art de la divination, un moyen peut-être plus sûr que la cartomancie, la chiromancie, le marc de café, etc., etc., pour connaître l’avenir et découvrir les choses cachées, car, selon l’opinion d’alors, les Esprits devaient tout savoir.

Dès que ces gens-là virent que la spéculation glissait dans leurs mains et tournait à la mystification, que les Esprits ne venaient pas les aider à faire fortune, leur donner de bons numéros à la loterie, leur dire la bonne aventure vraie, leur faire découvrir des trésors ou recueillir des héritages, leur donner quelque bonne invention fructueuse et brevetable, suppléer à leur ignorance et les dispenser du travail intellectuel et matériel, les Esprits n’étaient bons à rien, et leurs manifestations n’étaient que des illusions. Autant ils avaient prôné le Spiritisme tant qu’ils ont eu l’espoir d’en tirer un profit quelconque, autant ils le dénigrèrent quand vint le désappointement. Plus d’un critique qui le bafoue, le porterait aux nues s’il lui avait fait découvrir un oncle d’Amérique ou gagner à la Bourse. C’est la plus nombreuse catégorie des déserteurs, mais on conçoit qu’on ne peut consciencieusement les qualifier de spirites.

Cette phase a également eu son utilité ; en montrant ce que l’on ne devait pas attendre du concours des Esprits, elle a fait connaître le but sérieux du Spiritisme ; elle a épuré la doctrine. Les Esprits savent que les leçons de l’expérience sont les plus profitables ; si, dès le principe, ils avaient dit : Ne demandez pas telle ou telle chose parce que vous ne réussirez pas, on ne les aurait peut-être pas crus ; c’est pourquoi ils ont laissé faire, afin que la vérité sortît de l’observation. Ces déceptions ont découragé les exploiteurs et contribué à en diminuer le nombre ; ce sont des parasites qu’elles ont enlevés au Spiritisme, et non des adeptes sincères.

Certaines gens, plus perspicaces que d’autres, ont entrevu l’homme dans l’enfant qui venait de naître, et en ont eu peur, comme Hérode eut peur de l’enfant Jésus. N’osant attaquer le Spiritisme de front, ils ont eu des agents qui l’ont embrassé pour l’étouffer ; qui en prennent le masque afin de s’introduire partout, souffler adroitement la désaffection dans les centres, y répandre par-dessous main le venin de la calomnie, y jeter des brandons de discorde, pousser aux actes compromettants, tenter de faire dévoyer la doctrine pour la rendre ridicule ou odieuse, et simuler ensuite des défections.

D’autres sont encore plus habiles : tout en prêchant l’union, ils sèment la division ; ils jettent adroitement sur le tapis des questions irritantes et blessantes ; ils excitent une jalousie de prépondérance entre les différents centres ; ils seraient enchantés de les voir se jeter la pierre et élever drapeau contre drapeau à propos de quelques divergences d’opinions sur certaines questions de forme ou de fond, le plus souvent provoquées. Toutes les doctrines ont eu leurs Judas ; le Spiritisme ne pouvait manquer d’avoir les siens, et ils ne lui ont pas fait défaut.

Ce sont là des spirites de contrebande, mais qui ont eu aussi leur utilité ; ils ont appris au vrai spirite à être prudent, circonspect, et à ne pas se fier aux apparences.

En principe, il faut se méfier des ardeurs trop fiévreuses qui sont presque toujours des feux de paille ou des simulacres, des enthousiasmes de circonstance qui suppléent aux actes par l’abondance des paroles. La véritable conviction est calme, réfléchie, motivée ; elle se révèle, comme le vrai courage, par les faits, c’est-à-dire par la fermeté, la persévérance, et surtout l’abnégation. Le désintéressement moral et matériel est la véritable pierre de touche de la sincérité.

La sincérité a un cachet sui generis ; elle se reflète par des nuances souvent plus faciles à comprendre qu’à définir ; on la sent par cet effet de la transmission de la pensée dont le Spiritisme vient nous révéler la loi, et que la fausseté ne parvient jamais à simuler complètement, attendu qu’elle ne peut changer la nature des courants fluidiques qu’elle projette. Elle croit à tort donner le change par une basse et servile flatterie qui ne peut séduire que les âmes orgueilleuses, mais c’est par cette flatterie même quelle se trahit auprès des âmes élevées.

Jamais la glace n’a pu imiter la chaleur.

Si nous passons à la catégorie des spirites proprement dits, là encore nous, nous trouvons aux prises avec certaines faiblesses humaines, dont la doctrine ne triomphe pas toujours immédiatement. Les plus difficiles à vaincre sont l’égoïsme et l’orgueil, ces deux passions originelles de l’homme. Parmi les adeptes convaincus, il n’y a pas de désertions dans l’acception du mot, car celui qui déserterait par un motif d’intérêt ou tout autre, n’aurait jamais été sincèrement spirite ; mais il peut y avoir des défaillances. Le courage et la persévérance peuvent fléchir devant une déception, une ambition déçue, une prééminence non obtenue, un amour-propre froissé, une épreuve difficile. On recule devant le sacrifice du bien-être, la crainte de compromettre ses intérêts matériels, la peur du qu’en dira-t-on ; on est désarçonné par une mystification ; on ne renonce pas, mais on se refroidit ; on vit pour soi et non pour les autres ; on veut bien bénéficier de la croyance, mais à la condition qu’il n’en coûtera rien. Certes, ceux qui agissent ainsi peuvent être croyants, mais à coup sûr ce sont des croyants égoïstes, en qui la foi n’a pas mis le feu sacré du dévouement et de l’abnégation ; leur âme a peine à se détacher de la matière. Ils font nombre nominalement, mais on ne peut compter sur eux.

Tous autres sont les spirites qui méritent véritablement ce nom ; ils acceptent pour eux-mêmes toutes les conséquences de la doctrine, et on les reconnaît aux efforts qu’ils font pour s’améliorer. Sans négliger plus que de raison les intérêts matériels, c’est pour eux l’accessoire et non le principal ; la vie terrestre n’est qu’une traversée plus ou moins pénible ; de son emploi utile ou inutile dépend l’avenir ; ses joies sont mesquines auprès du but splendide qu’ils entrevoient au-delà ; ils ne se rebutent point des obstacles qu’ils rencontrent sur la route ; les vicissitudes, les déceptions sont des épreuves devant lesquelles ils ne se découragent point, parce que le repos est le prix du travail ; c’est pourquoi on ne voit parmi eux, ni désertions ni défaillances.

Aussi les bons Esprits protègent-ils visiblement ceux qui luttent avec courage et persévérance, dont le dévouement est sincère et sans arrière- pensée ; ils les aident à triompher des obstacles et allègent les épreuves qu’ils ne peuvent leur éviter, tandis qu’ils abandonnent non moins visiblement ceux qui les abandonnent et sacrifient la cause de la vérité à leur ambition personnelle.

Devons-nous ranger parmi les déserteurs du Spiritisme ceux qui se retirent parce que notre manière devoir ne les satisfait pas ; ceux qui, trouvant notre méthode trop lente ou trop rapide, prétendent atteindre plus tôt et dans de meilleures conditions, le but que nous nous proposons ? Non certes, si la sincérité et le désir de propager la vérité sont leurs seuls guides. – Oui, si leurs efforts tendent uniquement à se mettre en vue et à capter l’attention publique pour satisfaire leur amour-propre et leur intérêt personnel !?

Vous avez une manière de voir qui n’est pas la nôtre ; vous ne sympathisez pas avec les principes que nous admettons ! Rien ne prouve que vous soyez dans le vrai plus que nous. On peut différer d’opinion en matière de science ; cherchez de votre côté, comme nous cherchons du nôtre ; l’avenir fera bien voir qui de nous a tort ou raison. Nous ne prétendons pas être seuls dans les conditions sans lesquelles on ne peut faire d’études sérieuses et utiles ; ce que nous avons fait, d’autres peuvent assurément le faire. Que les hommes intelligents se réunissent avec nous ou en dehors de nous, qu’importe !? Que les centres d’études se multiplient, tant mieux, car ce sera un signe de progrès incontestable, auquel nous applaudirons de toutes nos forces.

Quant aux rivalités, aux tentatives pour nous supplanter, nous avons un moyen infaillible de ne pas les craindre. Travaillons à comprendre, à agrandir notre intelligence et notre cœur ; luttons avec les autres ; mais luttons de charité et d’abnégation. Que l’amour du prochain inscrit sur notre drapeau, soit notre devise ; la recherche de la vérité, de quelque part qu’elle vienne, notre unique but ! Avec de tels sentiments, nous braverons la raillerie de nos adversaires et les tentatives de nos compétiteurs. Si nous nous trompons, nous n’aurons pas le sot amour- propre de nous entêter dans des idées fausses ; mais il est des principes sur lesquels on est certain de ne jamais se tromper : c’est l’amour du bien, l’abnégation, l’abjuration de tout sentiment d’envie et de jalousie. Ces principes sont les nôtres ; nous voyons en eux, le lien qui doit unir tous les hommes de bien, quelle que soit la divergence de leur opinion ; l’égoïsme et la mauvaise foi mettent seules entre eux des barrières infranchissables.

Mais quelle sera la conséquence de cet état de choses ? Sans contredit, les menées des faux frères pourront apporter momentanément quelques perturbations partielles. C’est pourquoi il faut faire tous ses efforts pour les déjouer autant que possible ; mais elles n’auront nécessairement qu’un temps et ne sauraient être préjudiciables pour l’avenir : d’abord parce qu’elles sont une manœuvre d’opposition qui tombera par la force des choses ; en outre, quoi qu’on dise et qu’on fasse, on ne saurait ôter à la doctrine son caractère distinctif, sa philosophie rationnelle est logique, sa morale consolante et régénératrice. Aujourd’hui, les bases du Spiritisme sont posées d’une manière inébranlable ; les livres écrits sans équivoque et mis à la portée de toutes les intelligences, seront toujours l’expression claire et exacte de l’enseignement des Esprits, et le transmettront intact à ceux qui viendront après nous.

Il ne faut pas perdre de vue que nous sommes dans un moment de transition, et que nulle transition ne s’opère sans conflit. Il ne faut donc pas s’étonner de voir s’agiter certaines passions : les ambitions compromises, les intérêts froissés, les prétentions déçues ; mais peu à peu tout cela s’éteint, la fièvre se calme, les hommes passent et les idées nouvelles restent.

Spirites, si vous voulez être invincibles, soyez bienveillants et charitables ; le bien est une cuirasse contre laquelle viendront toujours se briser les manœuvres de la malveillance !?

Soyons donc sans crainte : l’avenir est à nous ; laissons nos adversaires se débattre sous l’étreinte de la vérité qui les offusque ; toute opposition est impuissante contre l’évidence, qui triomphe inévitablement par la force même des choses. La vulgarisation universelle du Spiritisme est une question de temps, et dans ce siècle-ci, le temps marche à pas de géant sous l’impulsion du progrès.


Allan Kardec.


Remarque. – Nous publions comme complément de cet article, une instruction donnée sur le même sujet par M. Allan Kardec, depuis son entrée dans le monde des Esprits. Il nous a paru intéressant pour nos lecteurs, de joindre aux pages éloquentes et viriles qui précèdent, l’opinion actuelle de l’organisateur par excellence de notre philosophie.


(Paris, novembre 1869.)

Lorsque j’étais corporellement parmi vous, je disais souvent qu’il y aurait à faire une histoire du Spiritisme, qui ne manquerait pas d’intérêt ; c’est encore mon avis aujourd’hui, et les éléments que j’avais rassemblés dans ce but, pourront servir un jour à réaliser ma pensée. C’est qu’en effet, j’étais placé mieux que tout autre pour apprécier le curieux spectacle provoqué par la découverte et la vulgarisation d’une grande vérité. Je pressentais jadis, je sais aujourd’hui quel ordre merveilleux, quelle harmonie inconcevable président à la concentration de tous les documents destinés à enfanter l’œuvre nouvelle. La bienveillance, la bonne volonté, le dévouement absolu des uns ; la mauvaise foi, l’hypocrisie, les manœuvres malveillantes des autres, tout concourt à assurer la stabilité de l’édifice qui s’élève. Entre les mains des puissances supérieures qui président à tous les progrès, les résistances inconscientes ou simulées, les attaques ayant pour objet de semer le discrédit et le ridicule, deviennent des instruments d’élaboration.

Que n’a-t-on pas fait ! quels mobiles n’a-t-on pas mis en mouvement pour étouffer l’enfant au berceau !

Le charlatanisme et la superstition ont voulu tour à tour s’emparer de nos principes pour les exploiter à leur profit ; toutes les foudres de la presse ont tonné contre nous ; on a tourné en dérision les choses les plus respectables ; on a attribué à l’Esprit du mal les enseignements des Esprits les plus dignes de l’admiration et de la vénération universelles ; et cependant tous ces efforts accumulés, cette coalition de tous tes intérêts froissés, n’ont réussi qu’à proclamer l’impuissance de nos adversaires.

C’est au milieu de cette lutte incessante contre les préjugés établis, contre les erreurs accréditées, qu’on apprend à connaître les hommes. Je savais, en me consacrant à mon œuvre de prédilection, que je m’exposais à la haine des uns, à l’envie et à la jalousie des autres. La route était semée de difficultés sans cesse renaissantes. Ne pouvant rien contre la doctrine, on s’attaquait à l’homme ; mais, de ce côté, j’étais fort, car j’avais fait abnégation de ma personnalité. Que m’importaient les tentatives de la calomnie ; ma conscience et la grandeur du but me faisaient volontiers oublier les ronces et les épines du chemin. Les témoignages de sympathie et d’estime que j’ai reçus de ceux qui ont su m’apprécier, ont été la plus douce récompense que je n’aie jamais ambitionnée ; mais hélas ! que de fois j’eusse succombé sous le poids de ma tâche, si l’affection et la reconnaissance du grand nombre ne m’eussent fait oublier l’ingratitude et l’injustice de quelques-uns : car si les attaques dirigées contre moi m’ont toujours trouvé insensible, je dois dire que j’ai été péniblement affecté toutes les fois que j’ai rencontré de faux amis parmi ceux en qui j’espérais le plus.

S’il est juste de jeter le blâme sur ceux qui ont tenté d’exploiter le Spiritisme ou de le dénaturer dans leurs écrits sans en avoir fait une étude préalable, combien sont coupables ceux qui, après s’en être assimilé tous les principes, non contents de se retirer à l’écart, ont tourné leurs efforts contre lui ! C’est surtout sur les déserteurs de cette catégorie qu’il faut appeler la miséricorde divine ; car ils ont volontairement éteint le flambeau qui les éclairait, et à l’aide duquel ils pouvaient éclairer les autres. Ils ne tardent pas à perdre la protection des bons Esprits, et, nous en avons fait la triste expérience, on les voit bientôt tomber de chute en chute dans les situations les plus critiques !

Depuis mon retour dans le monde des Esprits, j’ai revu un certain nombre de ces malheureux ! Ils se repentent maintenant ; ils regrettent leur inaction et leur mauvais vouloir, mais ils ne peuvent réparer le temps perdu !? Ils reviendront bientôt sur la terre, avec la ferme résolution de concourir activement au progrès, et seront encore en lutte avec leurs anciennes tendances jusqu’à ce qu’ils en aient définitivement triomphé.

On pourrait croire que les spirites d’aujourd’hui, éclairés par ces exemples, éviteront de tomber dans les mêmes erreurs. Il n’en est rien. Longtemps encore, il y aura des faux frères et des amis maladroits ; mais pas plus que leurs aînés, ils ne réussiront à faire sortir le Spiritisme de sa voie. S’ils causent quelques perturbations momentanées et purement locales, la doctrine ne périclitera pas pour cela ; bientôt, au contraire, les spirites dévoyés reconnaîtront leur erreur ; ils viendront concourir avec une nouvelle ardeur à l’œuvre un instant méconnue, et agissant de concert avec les Esprits supérieurs qui dirigent les transformations humanitaires, ils s’avanceront à pas rapides vers les temps heureux promis à l’humanité régénérée.

Allan Kardec


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