1. — Le 1er novembre dernier, la Société s’étant réunie, comme d’habitude, pour la commémoration des morts, reçut un grand nombre de communications, parmi lesquelles une surtout se distinguait par sa facture tout à fait nouvelle, et qui consiste dans une suite de pensées détachées, chacune signée d’un nom différent, qui s’enchaînent et se complètent les unes par les autres. Voici cette communication :
Mes amis, que d’Esprits autour de vous qui voudraient se communiquer à vous et vous dire qu’ils vous aiment ; et combien vous seriez heureux si le nom de tous ceux qui vous sont chers était prononcé à la table des médiums ! Quel bonheur ! quelle joie, pour chacun de vous, si votre père, votre mère, votre frère, votre sœur, vos enfants et vos amis venaient vous parler ! Mais vous comprenez qu’il est impossible que vous soyez tous satisfaits ; le nombre des médiums n’y suffirait pas ; mais ce qui n’est pas impossible, c’est qu’un Esprit au nom de tous vos parents et amis vienne vous dire : Merci de votre bon souvenir et de vos ferventes prières ; courage ! ayez l’espoir qu’un jour, à la suite de votre délivrance, nous viendrons tous vous tendre la main. Soyez persuadés que ce que vous enseigne le Spiritisme est l’écho des lois du Tout-Puissant ; par l’amour, rendez-vous tous frères, et vous allègerez le lourd fardeau que vous portez.
2. — Maintenant, chers amis, tous vos Esprits protecteurs vont venir donner leur pensée. Toi, médium, écoute, et laisse aller ton crayon suivant leur idée.
1. La médecine fait ce que font les écrevisses effrayées ; Dr DEMEURE.
2. Parce que le magnétisme progresse, et qu’en progressant il écrase la médecine actuelle pour la remplacer prochainement. MESMER.
3. La guerre est un duel qui ne cessera que lorsque les combattants seront de force égale ; NAPOLÉON.
4. De force égale matériellement et moralement. GÉNÉRAL BERTRAND. †
5. L’égalité morale règnera lorsque l’orgueil sera destitué. GÉNÉRAL BRUNE. †
6. Les révolutions sont des abus qui détruisent d’autres abus ; LOUIS XVI.
7. Mais ces abus font naître la liberté. (Pas de nom).
8. Pour être égaux il faut être frères ; sans fraternité, nulle égalité et nulle liberté. LAFAYETTE.
9. La science est le progrès de l’intelligence ; NEWTON.
10. Mais ce qui lui est préférable, c’est le progrès moral. JEAN REYNAUD.
11. La science restera stationnaire jusqu’à ce que la morale l’ait atteinte. FRANÇOIS ARAGO.
12. Pour développer la morale, il faut d’abord déraciner le vice. BÉRANGER.
13. Pour déraciner le vice, il faut le démasquer ; EUGÈNE SUE.
14. C’est ce que tous les Esprits forts et supérieurs cherchent à faire. JACQUES ARAGO.
15. Trois choses doivent progresser : la musique, la poésie, la peinture. La musique transporte l’âme en frappant l’ouïe ; MEYERBEER.
16. La poésie transporte l’âme en ouvrant le cœur ; CASIMIR DELAVIGNE.
17. La peinture transporte l’âme en flattant les yeux. FLANDRIN.
18. Donc la poésie, la musique et la peinture sont sœurs et se donnent la main ; l’une pour adoucir le cœur, l’autre pour adoucir les mœurs, et la dernière pour ouvrir l’âme ; toutes trois pour vous élever vers votre Créateur. ALFRED DE MUSSET.
19. Mais rien, rien ne doit momentanément plus progresser que la philosophie ; elle doit faire un pas immense, laissant stationner la science et les arts, mais pour les élever si haut, quand il en sera temps, que cette élévation serait trop subite pour vous aujourd’hui. Au nom de tous, SAINT LOUIS.
3. Le 6 Décembre, M. Bertrand obtint, dans le groupe de M. Desliens, une communication du même genre, qui est en quelque sorte la suite de la précédente.
1. L’amour est une lyre dont les vibrations sont des accords divins. HÉLOÏSE.
2. L’amour a trois cordes à sa lyre : l’émanation divine, la poésie et le chant ; si l’une d’elles manque, les accords sont imparfaits. ABÉLARD.
3. L’amour vrai est harmonieux ; ses harmonies enivrent le cœur en élevant l’âme. La passion noie les accords en abaissant l’âme. BERNARDIN DE SAINT-PIERRE.
4. C’était l’amour que cherchait Diogène en cherchant un homme… qui est venu quelques siècles plus tard, et que la haine, l’orgueil et l’hypocrisie ont crucifié. SOCRATE.
5. Les sages de la Grèce le furent quelquefois plus dans leurs écrits et dans leurs paroles que dans leur personne. PLATON.
6. Être sage, c’est aimer ; cherchons donc l’amour par la voie de la sagesse. FÉNELON.
7. Vous ne pouvez être sages, si vous ne savez vous élever au-dessus de la méchanceté des hommes. VOLTAIRE.
8. Le sage est celui qui ne croit pas l’être. CORNEILLE.
9. Qui se croit petit est grand ; qui se croit grand est petit. LAFONTAINE.
10. Le savant se croit ignorant, et qui se croit savant est ignorant. ÉSOPE.
11. L’humilité se croit encore orgueilleuse, et qui se croit humble ne l’est pas. RACINE.
12. Ne confondez pas avec les humbles ceux qui disent, par feinte modestie, ou par intérêt, le contraire de ce qu’ils sont : vous seriez dans l’erreur. Dans ce cas la vérité se tait. BONNEFOND.
13. Le génie se possède par inspiration et ne s’acquiert pas ; Dieu veut que les choses les plus grandes soient découvertes ou inventées par des êtres sans instruction, afin de paralyser l’orgueil, tout en rendant l’homme solidaire de l’homme. FRANÇOIS ARAGO.
14. On ne traite de fou que ceux dont les idées ne sont pas timbrées par l’autorité de la science ; c’est ainsi que ceux qui croient tout savoir, rejettent les pensées de génie de ceux qui ne savent rien. BÉRANGER.
15. La critique est le stimulant de l’étude, mais elle est la paralysation du génie. MOLIÈRE.
16. La science apprise n’est que l’ébauche de la science innée ; elle ne devient intelligence que dans la nouvelle incarnation. J.-J. ROUSSEAU.
17. L’incarnation est le sommeil de l’âme ; les péripéties de la vie en sont les rêves. BALZAC.
18. Quelquefois la vie n’est qu’un affreux cauchemar pour l’Esprit, et souvent il lui tarde qu’il soit fini ; LA ROCHEFOUCAULT.
19. Là est son épreuve ; s’il résiste, il fait un pas vers le progrès, sinon il entrave la route qui doit le conduire au port. MARTIN.
20. Au réveil de l’âme qui est sortie victorieuse des luttes terrestres, l’Esprit est plus grand et plus élevé ; s’il succombe, il se retrouve tel qu’il était. PASCAL.
21. C’est renier le progrès de vouloir que la langue soit l’emblème de l’immuabilité d’une doctrine religieuse ; de plus, c’est forcer l’homme à prier plus des lèvres que du cœur. DESCARTES.
22. L’immuabilité ne réside pas dans la forme des mots, mais bien dans le verbe de la pensée. LAMENNAIS.
23. Jésus disait à ses apôtres d’aller prêcher l’Évangile dans leur langage, et que tous les peuples les comprendraient. LACORDAIRE.
24. La foi désintéressée fait des miracles. BOILEAU.
25. La doctrine de Jésus ne se sent et ne se comprend que par le cœur ; quelle que soit donc la manière dont on la parle, elle est toujours l’amour et la charité. BOSSUET.
26. Les prières dites ou écrites que l’on ne comprend pas, laissent vaguer les pensées, en permettant aux yeux de se distraire par le faste des cérémonies. MASSILLON.
27. Tout changera, sans toutefois revenir à la simplicité d’autrefois, ce qui serait la négation du progrès. Les choses se feront sans faste et sans orgueil. SIBOUR.
28. L’amour triomphera, et viendront avec lui : la sagesse, la charité, la prudence, la force, la science, l’humilité, le calme, la justice, le génie, la tolérance, l’enthousiasme, et la gloire majestueuse et divine écrasera, par sa splendeur : l’orgueil, l’envie, l’hypocrisie, la méchanceté et la jalousie qui entraînent à leur suite la paresse, la gourmandise et la luxure. EUG. SUE.
29. L’amour règnera, et pour qu’il ne tarde, il faut, courageux Diogène, prendre d’une main le flambeau du Spiritisme, et montrer aux humains les vers rongeurs qui forment plaie sur leur âme. SAINT LOUIS.
4. — Remarque. Ce genre de communication soulève une question importante. Comment les fluides d’un aussi grand nombre d’Esprits peuvent-ils s’assimiler presque instantanément avec le fluide du médium pour lui transmettre leur pensée, alors que cette assimilation est souvent difficile de la part d’un seul Esprit, et ne s’établit généralement qu’à la longue ?
Le guide spirituel du médium semble l’avoir prévue, car le surlendemain il lui donna spontanément l’explication ci-après :
« La communication que tu as obtenue le jour de la Toussaint, ainsi que la dernière qui en est le complément, quoiqu’il y ait des noms répétés, ont été obtenues de la manière suivante : comme je suis ton Esprit protecteur, mon fluide est similaire du tien. Je me suis placé audessus de toi, te transmettant le plus exactement possible les pensées et les noms des Esprits qui désiraient se manifester. Ils ont formé autour de moi une assemblée dont les membres dictaient tour à tour les pensées que je t’ai transmises. Cela a été spontané, et ce qui rendait ce jour-là les communications plus faciles, c’est que les Esprits présents avaient saturé l’appartement de leurs fluides.
« Lorsqu’un Esprit se communique à un médium, il le fait avec d’autant plus de facilité que les rapports fluidiques sont mieux établis entre eux, sinon l’Esprit est obligé, pour communiquer son fluide au médium, d’établir une espèce de courant magnétique qui aboutit au cerveau de ce dernier ; et si l’Esprit, en raison de son infériorité, ou de toute autre cause, ne peut établir ce courant lui-même, il a recours à l’assistance du guide du médium, et les rapports s’établissent comme je viens de l’indiquer. »
SLENER.
5. — Une autre question est celle-ci : Dans le nombre de ces Esprits, n’y en a-t-il point qui soient incarnés en ce monde ou en d’autres, et, dans ce cas, comment peuvent-ils se communiquer ? Voici la réponse qui y a été faite :
« Les Esprits d’un certain degré d’avancement ont un rayonnement qui leur permet de se communiquer simultanément sur plusieurs points. Chez quelques-uns, l’état d’incarnation n’amortit pas ce rayonnement d’une manière assez complète pour leur empêcher de se manifester même à l’état de veille. Plus l’Esprit est avancé, plus sont faibles les liens qui l’unissent à la matière du corps ; il est dans un état presque constant de dégagement, et l’on peut dire qu’il est là où se porte sa pensée. »
UN ESPRIT.