… Il faut, mes enfants, que le sang épure la terre ; terrible lutte, plus horrible encore par la splendeur de la civilisation au milieu de laquelle elle éclate. Quoi, Seigneur ! lorsque tout se prépare pour resserrer les liens des peuples d’un bout du monde à l’autre ! lorsque dans l’aurore de la fraternité matérielle on voit les lignes de démarcation de races, de coutumes, de langage tendre à l’unité, la guerre arrive, la guerre et son cortège de ruines, d’incendies, de divisions profondes, de haines religieuses ; oui, tout cela parce que rien, dans nos progrès, n’a été suivant l’Esprit de Dieu ; parce que vos liens n’ont été serrés ni par la bonté, ni par la loyauté, mais par l’intérêt seul ; parce que ce n’est point la vraie charité qui impose silence aux haines religieuses, mais l’indifférence ; parce que les barrières n’ont point été abaissées à vos frontières par l’amour de tous, mais par les calculs mercantiles ; enfin, parce que les vues sont humaines et instinctives et non spirituelles et charitables ; parce que les gouvernants ne cherchent que leurs profits et que chacun parmi les peuples en fait autant.
Sublime désintéressement de Jésus et de ses apôtres, où es-tu ? – Vous êtes attristés, mes enfants, en pensant quelquefois à la rude mission de ces Esprits sublimes qui viennent relever le courage de l’humanité et mourir à la tâche après avoir vidé jusqu’à la lie la coupe des ingratitudes humaines. Vous gémissez de voir que le Seigneur, qui les envoya, semble les abandonner au moment où sa protection paraît le plus nécessaire ; ne vous a-t-on point parlé des épreuves que subissent les Esprits élevés au moment de franchir un degré plus haut dans l’initiative spirituelle ? Ne vous a-t-on pas dit que chaque grade de la hiérarchie céleste s’achète par le mérite, par le dévouement, comme chez vous, dans l’armée, par le sang répandu et par les services accomplis ? Eh bien ! c’est le cas où se trouvent les Messies sur cette terre de douleurs ; ils sont soutenus tant que dure leur œuvre humanitaire, tant qu’ils travaillent pour l’homme et pour Dieu, mais, lorsque eux seuls sont en jeu, lorsque leur épreuve devient individuelle, le secours visible s’éloigne, la lutte se montre âpre et rude comme l’homme doit la subir.
Voilà l’explication de cet abandon apparent qui vous afflige dans la vie des missionnaires de tous grades de votre humanité. Ne pensez pas que Dieu abandonne jamais sa créature par caprice ou impuissance ; non, mais dans l’intérêt de son avancement il la laisse à ses propres forces, à l’usage entier de son libre arbitre.
Curé D’Ars.