1. — Dans un groupe de province, un Esprit s’étant présenté sous le nom de « Saint Joseph, saint, trois fois saint, » cela donna lieu de poser la question suivante :
Un Esprit, même canonisé de son vivant, peut-il se donner la qualification de saint, sans manquer à l’humilité qui est un des apanages de la véritable sainteté, et convient-il, en l’invoquant, de lui donner ce titre ? L’Esprit qui le prend, doit-il, pour ce fait, être tenu pour suspect ?
Un autre Esprit répondit :
« Vous devez le rejeter de suite, car autant vaudrait un grand capitaine se présentant à vous en étalant pompeusement ses nombreux faits d’armes avant de décliner son nom, ou un poète qui commencerait par vanter ses talents ; vous verriez dans ces paroles un orgueil déplacé. Ainsi doit-il en être des hommes qui ont eu quelques vertus sur la terre et qu’on a jugés dignes de la canonisation. S’ils se présentent à vous avec humilité, croyez en eux ; s’ils viennent en se faisant précéder de leur sainteté, remerciez-les et vous ne perdrez rien. L’incarné n’est pas saint parce qu’il a été canonisé : Dieu seul est saint, parce qu’il possède seul toutes les perfections. Voyez les Esprits supérieurs, que vous connaissez à la sublimité de leurs enseignements, ils n’osent pas se dire saints ; ils se qualifient simplement d’Esprits de vérité. »
2. — Cette réponse demande elle-même quelques rectifications. La canonisation n’implique pas la sainteté dans le sens absolu, mais simplement un certain degré de perfection. Pour quelques-uns la qualification de saint est devenue une sorte de titre banal faisant partie intégrante du nom, pour les distinguer de leurs homonymes, ou qu’on leur donne par habitude. Saint Augustin, saint Louis, saint Thomas peuvent donc mettre le mot saint devant leur signature, sans que ce soit par un sentiment d’orgueil qui serait d’autant plus déplacé chez des Esprits supérieurs que, mieux que d’autres, ils ne font aucun cas des distinctions données par les hommes. Il en serait de même des titres nobiliaires ou des grades militaires ; assurément celui qui a été duc, prince ou général sur la terre, ne l’est plus dans le monde des Esprits, et cependant, en signant, ils pourront prendre ces qualifications, sans que cela tire à conséquence pour leur caractère. Quelques-uns signent : Celui qui, de son vivant sur la terre, fut le duc un tel. Le sentiment de l’Esprit se révèle par l’ensemble de ses communications et par des signes non équivoques dans son langage ; c’est ainsi qu’on ne peut se méprendre sur celui qui débute par se dire : « Saint Joseph, saint, trois fois saint ; » cela seul suffirait pour révéler un Esprit imposteur se parant du nom de saint Joseph ; aussi a-t-il pu voir que, grâce à la connaissance des principes de la doctrine, sa fourberie n’a pas trouvé de dupes dans le cercle où il a voulu s’introduire.
L’Esprit qui a dicté la communication ci-dessus est donc trop absolu en ce qui concerne la qualification de saint, et il n’est pas dans le vrai en disant que les Esprits supérieurs se disent simplement Esprits de vérité, qualification qui ne serait qu’un orgueil déguisé sous un autre nom, et qui pourrait induire en erreur si on le prenait la lettre, car aucun ne peut se flatter de posséder la vérité absolue, pas plus que la sainteté absolue. La qualification d’Esprit de vérité n’appartient qu’à un seul, et peut être considérée comme un nom propre ; elle est spécifiée dans l’Évangile. ( † ) Du reste, cet Esprit se communique rarement, et seulement dans des circonstances spéciales ; on doit se tenir en garde contre ceux qui se parent indûment de ce titre : ils sont faciles à reconnaître, à la prolixité et à la vulgarité de leur langage.
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