Par une de ces nuits sereines du printemps,
Qui font briller aux cieux tant de feux éclatants, Quelques bons bourgeois de la ville
Discouraient, cheminant d’un pas lent et tranquille, Sur les spacieux boulevards.
Chacun d’eux, tour à tour, élevait ses regards Du sol à la céleste voûte,
Et vous pensez sans doute Que le thème de leurs discours
Roulait sur la puissance éternelle, infinie,
Qui soumet tous ces corps aux lois de l’harmonie ?
Non : ils donnaient un autre cours
A leurs pensers ; la hausse ou la baisse à la Bourse,
Les récoltes, leur prix, étaient l’unique source
Où s’alimentait leur esprit,
Quand l’un d’eux s’arrêtant, reprit, Comme frappé d’une stupeur subite :
« Que vois-je ? se peut-il ? une étoile s’agite !
Elle s’élève… elle descend ! »
Et se frottant les yeux : « Que dis-je,
Une étoile… ? Je crois, ma foi, que le prodige,
A moins que je ne fasse un rêve, va croissant ; Une, deux, trois et même quatre étoiles
Se meuvent et dansent sans bruit ;
Mystère étrange, que la nuit Semble se plaire à couvrir de ses voiles ! »
Et l’esprit des bourgeois, dont l’œil étonné suit
Les phases de ce phénomène,
En vain, pour l’expliquer, se creuse, se démène ;
Le hasard seul les y conduit.
Ils marchent, et leur front se heurte à des ficelles
Qui retiennent chacune en l’air un cerf-volant
Orné d’un fanal vacillant
Au souffle des brises nouvelles ;
Et des bambins, auteurs de ce fait merveilleux,
Jasaient, riaient à deux pas d’eux.
Que dirent-ils après cette double surprise,
Après ce désenchantement ?
Que tous les feux du firmament
Ne sont qu’un artifice, œuvre de la sottise,
Pour jeter les niais dans l’ébahissement.
Aussi, que l’horizon se pourpre, se colore,
Et revête la nuit d’un jour mystérieux ;
Que la flamme d’un météore
Resplendisse soudain sur le fond noir des cieux ;
Qu’une étoile filante en vives étincelles
Sillonne les champs de l’éther,
Ces bons bourgeois, les yeux et les deux bras en l’air,
Vont partout cherchant des ficelles.
La vérité toujours a sa contrefaçon :
A nous de distinguer, par la comparaison,
Le vrai de la supercherie.
Le scepticisme, ému, crie à la jonglerie
Devant des faits sujets d’une éternelle loi.
Pour juger sainement des effets et des causes,
Il manque au sceptique deux choses :
Un peu de modestie, — et de la bonne foi.
C. Dombre, de Marmande. † |