1. — Les manifestations de Poitiers † ont en ce moment leur pendant à Marseille. † En faut-il conclure que les soi-disant mauvais plaisants qui ont mis en émoi la première ville, sans pouvoir être découverts, se sont transportés dans la seconde où ils ne le sont pas davantage ? Il faut convenir que ce sont des mystificateurs bien adroits pour déjouer ainsi les recherches de la police et de tous ceux qui sont intéressés à les découvrir.
La Gazette du Midi du 5 mars contient à ce sujet la courte notice suivante :
« Pendant la journée du vendredi, le quartier Chave était en émoi, et sur le boulevard de ce nom, † des groupes nombreux stationnaient aux approches de la maison nº 80. Le bruit courait que dans cette maison se passaient des scènes étranges qui avaient mis en fuite les habitants de l’immeuble ensorcelé. Des fantômes s’y promènent, disait-on ; à certaine heure des bruits étranges s’y font entendre, et des mains invisibles font entrechoquer meubles, vaisselle et batterie de cuisine. L’intervention de la police a été nécessaire pour maintenir l’ordre au sein de ces groupes qui grossissaient à chaque instant. A ce propos, ce qu’il y a de raisonnable à dire, paraît-il, c’est que la maison dont il s’agit n’offre peut-être pas toute la solidité voulue, sur un terrain miné par les eaux ; quelques craquements entendus, et transformés par la peur en jeux de sorcellerie, auront motivé des rumeurs qui ne sauraient tarder à se dissiper. »
Cauvière.
2. — Voici le récit circonstancié qui nous est transmis par le docteur Chavaux de Marseille, en date du 14 mars :
« Il y a une quinzaine de jours, j’ai eu l’honneur de vous donner quelques détails sur les manifestations qui se produisent depuis plus d’un mois dans la maison nº 80 du boulevard Chave. Je ne vous disais que ce que j’avais entendu dire, aujourd’hui je viens vous dire ce que j’ai vu et entendu par moi-même.
« Ayant obtenu la permission de visiter la maison, je me suis rendu vendredi 10 mars dans l’appartement du premier étage, occupé par madame A… et ses deux filles, l’une de huit ans et l’autre de seize ans. A une heure juste, une vive détonation eut lieu dans la maison même, et fut suivie de neuf autres dans l’espace de trois quarts d’heure. A la seconde détonation, qui me sembla partir de l’intérieur de la chambre où nous étions, je vis une légère vapeur se former, puis une odeur bien prononcée de poudre se fit sentir. Madame R… étant entrée à la huitième détonation, dit qu’il y avait une odeur de poudre ; cela me fit plaisir, car cela me prouvait que mon imagination n’y était pour rien.
« Le lundi 13, je me rendis de nouveau dans la maison à huit heures et demie du soir. A neuf heures, la première détonation se fit entendre, et dans l’espace d’une heure il y en eut trente-huit. Madame C… dit : « Si ces bruits sont occasionnés par des Esprits, qu’ils en fassent encore deux, cela fera quarante. » Au même moment, les deux détonations se firent coup sur coup avec un bruit effrayant. Nous nous regardâmes tous avec surprise et même frayeur. « Madame C… dit encore : « Je commence à comprendre qu’il y a des Esprits dans cette affaire ; je voudrais, pour me convaincre tout à fait, que les Esprits frappassent encore dix fois, cela fera cinquante. » Les dix détonations eurent lieu en moins d’un quart d’heure.
« Ces bruits ont parfois la force de coups d’un canon de petit calibre que l’on tirerait dans une maison ; les portes et les fenêtres sont ébranlées ainsi que les murailles et le plancher ; les objets appendus aux murs sont vivement agités ; on dirait que la maison s’ébranle de tous côtés et qu’elle va tomber ; mais il n’en est rien. Après le coup, il n’y a pas la plus petite fente, rien n’est endommagé et tout rentre dans le calme ordinaire. Ces coups sont tantôt distancés de une à cinq minutes ; d’autres fois, ils frappent jusqu’à six fois coup sur coup. La police a fait une apparition et n’a rien découvert.
« Voilà, cher maître, toute la vérité et la plus exacte vérité.
« Agréez, etc. »
CHAVAUX, D. M. P. »
24, rue du Petit Saint-Jean.
3. — Une autre lettre du 17 mars contient ce qui suit :
« Hier nous avons passé une partie de la soirée dans la maison du boulevard Chave, nº 80 ; la réunion était composée de sept personnes. Les détonations ont commencé à onze heures, et, dans l’intervalle de dix minutes, nous en avons compté vingt-deux. Nous pouvons les comparer à celles d’une petite pièce de canon ; on pouvait les entendre à une grande distance de la maison. Cette maison est dans de très bonnes conditions de solidité, contrairement au dire de la Gazette du Midi.
« On m’a dit qu’hier soir quatre détonations ont eu lieu dans une autre maison du même boulevard, et qu’elles étaient plus fortes que les premières.
« Recevez, etc. »
CARRIER. »
4. Voilà la cause toute trouvée, dira-t-on ; on voit de la fumée, on sent l’odeur de la poudre, et vous ne devinez pas le moyen qu’emploient les mystificateurs ? – Il nous semble que des mystificateurs qui se serviraient de la poudre pour produire, pendant plus d’un mois, de pareilles détonations dans l’appartement même où se trouvent les témoins, qui ont la complaisance de les répéter selon le désir qui leur en est exprimé, ne doivent être ni fort loin, ni bien cachés ; pourquoi donc ne les a-t-on pas découverts ? – Mais alors, d’où vient cette odeur de poudre ? – Ceci est une autre question qui sera traitée en son temps ; en attendant, les bruits sont un fait, ce fait a une cause. Vous les attribuez à la malveillance ? cherchez donc les malveillants.
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