I. Bornes de la réincarnation. — II. La réincarnation et les aspirations de l’homme. — III. Action des fluides dans la réincarnation. — IV. Les affections terrestres et la réincarnation. — V. Le progrès entravé par la réincarnation indéfinie. |
I.
— Bornes de la réincarnation.
La réincarnation est nécessaire tant que la matière domine l’Esprit ; mais du moment que l’Esprit incarné est arrivé à dominer la matière et à annuler les effets de sa réaction sur le moral, la réincarnation n’a plus aucune utilité ni raison d’être. En effet, le corps est nécessaire à l’Esprit pour le travail progressif jusqu’à ce qu’étant arrivé à manier cet instrument à sa guise, à lui imprimer sa volonté, le travail est accompli.
Il lui faut alors un autre champ à sa marche, à son avancement vers l’infini ; il lui faut un autre cercle d’études où la matière grossière des sphères inférieures soit inconnue. Ayant sur terre, ou dans des globes analogues, épuré et expérimenté ses sensations, il est mûr pour la vie spirituelle et ses études. S’étant élevé au-dessus de toutes les sensations corporelles, il n’a plus aucun de ces désirs ou besoins inhérents à la corporéité : il est Esprit et vit par les sensations spirituelles qui sont infiniment plus délicieuses que les plus agréables sensations corporelles.
II.
— La réincarnation et les aspirations de l’homme.
Les aspirations de l’âme entraînent leur réalisation, et cette réalisation s’accomplit dans la réincarnation tant que l’Esprit est dans le travail matériel ; je m’explique. Prenons l’Esprit à son début dans la carrière humaine : stupide et brut, il sent cependant l’étincelle divine en lui, puisqu’il adore un Dieu, qu’il matérialise selon sa matérialité. Dans cet être encore voisin de l’animal, il y une aspiration instinctive, inconsciente presque, vers un état moins inférieur. Il commence par désirer satisfaire ses appétits matériels, et envie ceux qu’il voit dans un état meilleur que le sien ; aussi, dans une incarnation suivante, choisit-il lui-même, ou plutôt est-il entraîné dans un corps plus perfectionné ; et toujours, dans chacune de ses existences, il désire une amélioration matérielle ; ne se trouvant jamais heureux, il veut toujours monter, car l’aspiration au bonheur est le grand levier du progrès.
Au fur et à mesure que ses sensations corporelles deviennent plus grandes, plus raffinées, ses sensations spirituelles s’éveillent et grandissent aussi. Alors le travail moral commence, et l’épuration de l’âme s’unit à l’aspiration du corps pour arriver à l’état supérieur.
Cet état d’égalité des aspirations matérielles et spirituelles n’est pas de longue durée ; bientôt l’Esprit s’élève au-dessus de la matière, et ses sensations ne peuvent plus être satisfaites par elle ; il lui faut plus ; il lui faut mieux ; mais là le corps ayant été amené à sa perfection sensitive ne peut suivre l’Esprit, qui alors le domine et s’en détache de plus en plus comme d’un instrument inutile. Il tourne tous ses désirs, toutes ses aspirations vers un état supérieur ; il sent que les nécessités corporelles qui lui étaient un sujet de bonheur dans leurs satisfactions, ne sont plus qu’une gêne, qu’un abaissement, qu’une triste nécessité dont il aspire à se délivrer pour jouir, sans entraves, de tous les bonheurs spirituels qu’il pressent.
III.
— Action des fluides dans la réincarnation.
Les fluides étant les agents qui mettent en mouvement notre appareil corporel, ce sont eux aussi qui sont les éléments de nos aspirations, car il y a les fluides corporels et les fluides spirituels, qui tous tendent à s’élever et à s’unir à des fluides de même nature. Ces fluides composent le corps spirituel de l’Esprit qui, à l’état incarné, agit par eux sur la machine humaine qu’il est chargé de perfectionner, car tout est travail dans la création, tout concourt à l’avancement général.
L’Esprit a son libre arbitre, et il cherche toujours ce qui lui est agréable et le satisfait. Si c’est un Esprit inférieur et matériel, il cherche ses satisfactions dans la matérialité, et alors il donnera une impulsion à ses fluides corporels qui domineront, mais tiendront toujours à grandir et à s’élever matériellement ; donc les aspirations de cet incarné seront matérielles, et, revenu à l’état d’Esprit, il recherchera une nouvelle incarnation où il satisfera ses besoins et ses désirs matériels ; car, remarquez bien que l’aspiration corporelle ne peut demander, comme réalisation, qu’une nouvelle corporéité, tandis que l’aspiration spirituelle ne s’attache qu’aux sensations de l’Esprit. Il y sera sollicité par ses fluides qu’il a laissés se matérialiser ; et comme dans l’acte de la réincarnation les fluides agissent pour attirer l’Esprit dans le corps qui a été formé, qu’il y a donc eu attraction et union des fluides, la réincarnation s’opère dans des conditions qui donneront satisfaction aux aspirations de son existence précédente.
Il en est des fluides spirituels comme des fluides matériels, si ce sont eux qui dominent ; mais alors, lorsque le spirituel a pris le dessus sur le matériel, l’Esprit, qui juge différemment, choisit ou est attiré par des sympathies différentes ; comme il lui faut l’épuration, et que ce n’est que par le travail qu’il y arrive, les incarnations choisies sont plus pénibles pour lui, car, après avoir donné la suprématie à la matière et à ses fluides, il lui faut la contraindre, lutter avec elle et la dominer.
De là ces existences si douloureuses et qui paraissent souvent si injustement infligées à des Esprits bons et intelligents. Ceux-là font leur dernière étape corporelle et entrent, en sortant de ce monde, dans les sphères supérieures où leurs aspirations supérieures trouveront leur réalisation.
IV.
— Les affections terrestres et la réincarnation.
Le dogme de la réincarnation indéfinie trouve des oppositions dans le cœur de l’incarné qui aime, car en présence de cette infinité d’existences produisant dans chacune d’elles de nouveaux liens, il se demande avec effroi ce que deviennent les affections particulières, et si elles ne se fondent pas dans un seul amour général, ce qui détruirait la persistance de l’affection individuelle. Il se demande si cette affection individuelle n’est pas un moyen d’avancement seulement, et alors le découragement se glisse dans son âme, car la véritable affection éprouve le besoin d’un amour éternel, sentant qu’elle ne se lassera jamais d’aimer. La pensée de ces milliers d’affections identiques lui semble une impossibilité, même en admettant des facultés plus grandes pour l’amour.
L’incarné qui étudie sérieusement le Spiritisme, sans parti pris pour un système plutôt que pour un autre, se trouve entraîné vers la réincarnation par la justice qui découle du progrès et de l’avancement de l’Esprit à chaque nouvelle existence ; mais lorsqu’il l’étudie au point de vue des affections du cœur, il doute et s’effraie malgré lui. Ne pouvant mettre d’accord ces deux sentiments, il se dit que là est encore un voile à lever, et sa pensée en travail attire les lumières des Esprits pour accorder son cœur et sa raison.
Je l’ai dit précédemment : l’incarnation s’arrête là où la matérialité est annulée. J’ai montré comment le progrès matériel avait d’abord raffiné les sensations corporelles de l’Esprit incarné ; comment le progrès spirituel, étant venu ensuite, avait contre-balancé l’influence de la matière, puis l’avait enfin subordonnée à sa volonté, et, qu’arrivé à ce degré de domination spirituelle, la corporéité n’avait plus de raison d’être, le travail étant accompli.
Examinons maintenant la question de l’affection sous ses deux aspects, matériel et spirituel.
D’abord, qu’est-ce que l’affection, l’amour ? Encore l’attraction fluidique attirant deux êtres l’un vers l’autre, et les unissant dans un même sentiment. Cette attraction peut être de deux natures différentes, puisque les fluides sont de deux natures. Mais pour que l’affection persiste éternellement, il faut qu’elle soit spirituelle et désintéressée ; il faut l’abnégation, le dévouement, et qu’aucun sentiment personnel ne soit le mobile de cet entraînement sympathique. Du moment qu’il y a, dans ce sentiment, personnalité, il y a matérialité ; or, aucune affection matérielle ne persiste dans les domaines de l’Esprit.
Donc, toute affection qui n’est que le résultat de l’instinct animal ou de l’égoïsme, se détruit à la mort terrestre. Aussi, que d’êtres soi-disant aimés sont oubliés après peu de temps de séparation ! Vous les avez aimés pour vous et non pour eux, ceux qui ne sont plus, puisque vous les avez oubliés et remplacés ; vous avez cherché la consolation dans l’oubli ; ils vous deviennent indifférents, parce que vous n’avez plus d’amour.
Contemplez l’humanité, et voyez combien il y a peu d’affections véritables sur terre ! Aussi ne doit-on pas se tant effrayer de la multiplicité des affections contractées ici-bas ; elles sont en minorité relative, mais elles existent, et celles qui sont réelles persistent et se perpétuent sous toutes les formes, sur terre d’abord, puis se continuent à l’état d’Esprit dans une amitié ou un amour inaltérable, qui ne fait que grandir en s’élevant davantage.
Nous allons étudier cette véritable affection : l’affection spirituelle.
L’affection spirituelle a pour base l’affinité fluidique spirituelle, qui, agissant seule, détermine la sympathie. Lorsqu’il en est ainsi, c’est l’âme qui aime l’âme, et cette affection ne prend de la force que par la manifestation des sentiments de l’âme. Deux Esprits unis spirituellement se recherchent et tendent toujours à se rapprocher ; leurs fluides sont attractifs. Qu’ils soient sur un même globe, ils seront poussés l’un vers l’autre ; qu’ils soient séparés par la mort terrestre, leurs pensées s’uniront dans le souvenir, et la réunion se fera dans la liberté du sommeil ; et lorsque l’heure d’une nouvelle incarnation sonnera pour l’un d’eux, il cherchera à se rapprocher de son ami en entrant dans ce qui est sa filiation matérielle, et il le fera avec d’autant plus de facilité que ses fluides périspritaux matériels trouveront des affinités dans la matière corporelle des incarnés qui ont donné le jour au nouvel être. De là une nouvelle augmentation d’affection, une nouvelle manifestation de l’amour. Tel Esprit ami vous a aimé comme père, vous aimera comme fils, comme frère ou comme ami, et chacun de ces liens augmentera d’incarnation en incarnation, et se perpétuera d’une manière inaltérable lorsque, votre travail étant fait, vous vivrez de la vie de l’Esprit.
Mais cette véritable affection n’est pas commune sur terre, et la matière vient en retarder, en annuler les effets, selon qu’elle domine l’Esprit. La véritable amitié, le véritable amour étant spirituel, tout ce qui se rapporte à la matière n’est pas de sa nature, et ne concourt en rien à l’identification spirituelle. L’affinité persiste, mais elle reste à l’état latent jusqu’à ce que, le fluide spirituel prenant le dessus, le progrès sympathique s’effectue de nouveau.
Pour me résumer, l’affection spirituelle est la seule résistante dans le domaine de l’Esprit ; sur terre et dans les sphères du travail corporel, elle concourt à l’avancement moral de l’Esprit incarné qui, sous l’influence sympathique, accomplit des miracles d’abnégation et de dévouement pour les êtres aimés. Ici, dans les demeures célestes, elle est la satisfaction complète de toutes les aspirations, et le plus grand bonheur que l’Esprit puisse goûter.
V.
— Le progrès entravé par la réincarnation indéfinie.
Jusqu’ici la réincarnation a été admise d’une façon trop prolongée ; on n’a pas songé que cette prolongation de la corporéité, quoique de moins en moins matérielle, entraînait cependant des nécessités qui devaient entraver l’essor de l’Esprit. En effet, en admettant la persistance de la génération dans les mondes supérieurs, on attribue à l’Esprit incarné des besoins corporels, on lui donne des devoirs et des occupations encore matériels qui l’astreignent et arrêtent l’élan des études spirituelles. Quelle nécessité de ces entraves ? L’Esprit ne peut-il jouir des bonheurs de l’amour sans en subir les infirmités corporelles ? Sur terre même, ce sentiment existe de lui-même, indépendant de la partie matérielle de notre être ; des exemples, quelque rares qu’ils soient, sont là, suffisants pour prouver qu’il doit être ressenti plus généralement chez des êtres plus spiritualisés.
La réincarnation entraîne l’union des corps, l’amour pur seulement l’union des âmes. Les Esprits s’unissent suivant leurs affections commencées dans les mondes inférieurs, et travaillent ensemble à leur avancement spirituel. Ils ont une organisation fluidique toute différente de celle qui était la conséquence de leur appareil corporel, et leurs travaux s’exercent sur les fluides et non sur les objets matériels. Ils vont dans des sphères qui, elles aussi, ont accompli leur période matérielle, dans des sphères dont le travail humain a amené la dématérialisation, et qui, arrivées à l’apogée de leur perfectionnement, sont aussi passées à une transformation supérieure qui les rend propres à éprouver d’autres modifications, mais dans un sens tout fluidique.
Vous comprenez, dès aujourd’hui, la force immense du fluide, force que vous ne pouvez que constater, mais que vous ne voyez ni ne palpez.
Dans un état moins lourd que celui où vous êtes, vous aurez d’autres moyens de voir, de toucher, de travailler ce fluide qui est le grand agent de la vie universelle. Pourquoi donc l’Esprit aurait-il encore besoin d’un corps pour un travail qui est en dehors des appréciations corporelles ? Vous me direz que ce corps sera en rapport avec les nouveaux travaux que l’Esprit aura à accomplir ; mais puisque ces travaux seront tous fluidiques et spirituels dans les sphères supérieures, pourquoi lui donner l’embarras des besoins corporels, car la réincarnation entraîne toujours, comme je l’ai dit, génération et alimentation, c’est-à-dire besoins de la matière à satisfaire, et, par contre, entraves pour l’Esprit. Comprenez que l’Esprit doit être libre dans son essor vers l’infini ; comprenez qu’étant sorti des langes de la matière, il aspire, comme l’enfant, à marcher et à courir sans être tenu par les lisières maternelles, et que ces premières nécessités de la première éducation de l’enfant sont superflues pour l’enfant grandi, et insupportables à l’adolescent. Ne désirez donc pas rester dans l’enfance ; regardez-vous comme des élèves faisant leurs dernières études scolaires, et se disposant à entrer dans le monde, à y tenir leur rang, et à commencer des travaux d’un autre genre que leurs études préliminaires auront facilitées.
Le Spiritisme est le levier qui élèvera d’un bond à l’état spirituel tout incarné qui, voulant bien le comprendre et le mettre en pratique, s’attachera à dominer la matière, à s’en rendre maître, à l’annihiler ; tout Esprit de bonne volonté peut se mettre en état de passer, en quittant ce monde, à l’état spirituel sans retour terrestre ; seulement, il lui faut la foi ou volonté active. Le Spiritisme la donne à tous ceux qui veulent le comprendre dans son sens moralisateur.
Un Esprit protecteur du médium.
Remarque. — Cette communication ne porte pas d’autre signature que celle ci-dessus, ce qui prouve qu’il n’est pas besoin d’avoir eu un nom célèbre sur la terre pour dicter de bonnes choses.
On a pu remarquer l’analogie qui existe entre la communication de Sens rapportée plus haut, et la première partie de celle-ci ; cette dernière est sans contredit plus développée, mais l’idée fondamentale sur la nécessité de l’incarnation est la même. Nous les citons toutes les deux pour montrer que les grands principes de la doctrine sont enseignés de divers côtés, et que c’est ainsi que se constituera et se consolidera l’unité dans le Spiritisme. Cette concordance est le meilleur critérium de la vérité. Or, il est à remarquer que les théories excentriques et systématiques dictées par des Esprits faux savants sont toujours circonscrites dans un cercle étroit et individuel, c’est pourquoi aucune n’a prévalu ; c’est aussi pourquoi elles ne sont point à craindre, car elles ne peuvent avoir qu’une existence éphémère qui s’efface comme une pâle lumière devant la clarté du jour.
Quant à cette dernière communication, il serait superflu d’en faire ressortir la haute portée comme fond et comme forme.
Elle peut se résumer ainsi :
La vie de l’Esprit, considérée au point de vue du progrès, présente trois périodes principales, savoir :
1º La période matérielle, où l’influence de la matière domine celle de l’Esprit ; c’est l’état des hommes adonnés aux passions brutales et charnelles, à la sensualité ; dont les aspirations sont exclusivement terrestres, qui sont attachés aux biens temporels, ou réfractaires aux idées spirituelles.
2º La période d’équilibre ; celle où les influences de la matière et de l’Esprit s’exercent simultanément ; où l’homme, quoique soumis aux besoins matériels, pressent et comprend l’état spirituel ; où il travaille pour sortir de l’état corporel.
Dans ces deux périodes l’Esprit est soumis à la réincarnation, qui s’accomplit dans les mondes inférieurs et moyens.
3º La période spirituelle, celle où l’Esprit, ayant complètement dominé la matière, n’a plus besoin de l’incarnation ni du travail matériel, son travail est tout spirituel ; c’est l’état des Esprits dans les mondes supérieurs.
La facilité avec laquelle certaines personnes acceptent les idées spirites dont elles semblent avoir l’intuition, indique qu’elles appartiennent à la seconde période ; mais entre celle-ci et les autres il y a une multitude de degrés que l’Esprit franchit d’autant plus rapidement qu’il est plus rapproché de la période spirituelle ; c’est ainsi que d’un monde matériel comme la terre il peut aller habiter un monde supérieur, comme Jupiter, par exemple, si son avancement moral et spirituel est suffisant pour le dispenser de passer par les degrés intermédiaires. Il dépend donc de l’homme de quitter la terre sans retour, comme monde d’expiation et d’épreuve pour lui, ou de n’y revenir qu’en mission.