Le Courrier du Bas-Rhin † du samedi 3 janvier 1863 (partie allemande) contient l’article suivant, sous le titre de Photographie spectrale :
« Les Américains, qui nous devancent en bien des choses, nous surpassent
certainement dans l’art de la photographie et l’évocation des Esprits.
A Boston, †
non-seulement aujourd’hui les défunts sont appelés par des médiums,
mais ils sont encore photographiés. On doit cette découverte merveilleuse
à un sieur William Mumler, †
de Boston. [v. Ghost of Abraham Lincoln.] †
« Il y a quelque temps, c’est lui-même qui le raconte, j’essayais dans mon laboratoire un nouvel appareil de photographie en faisant ma propre photographie ; soudain, je sentis une certaine pression s’exercer sur mon bras droit, et une lassitude générale dans tout le corps. Mais qui décrirait mon étonnement lorsque je vis mon portrait reproduit, et que je trouvai à sa droite l’image d’une deuxième personne, qui n’était autre que ma cousine défunte ? La ressemblance du portrait, au dire de ceux qui connaissaient cette dame, ne laisse rien à désirer.
« La suite en est que M. Mumler, depuis cette époque, ne donne plus à ses clients, non-seulement que des séances spiritualistes, mais exécute encore pour eux les photographies des défunts évoqués. Elles sont ordinairement un peu ternes et nuageuses, et les traits assez difficiles à reconnaître, ce qui n’empêche pas les habitants de Boston, éclairés, de les déclarer vraies, authentiques. Qui regarderait de si près pour des images spectrales ! »
Une pareille découverte, si elle était réelle, aurait assurément des conséquences immenses, et serait un des faits de manifestations les plus remarquables ; nous engageons toutefois à l’accueillir avec une prudente réserve ; les Américains qui, au dire de l’auteur, nous surpassent en tant de choses, nous ont appris qu’ils nous distancent aussi de beaucoup dans l’invention des canards.
Pour quiconque connaît les propriétés du périsprit, la chose, au premier abord, ne paraît pas matériellement impossible ; on voit surgir tant de choses extraordinaires qu’il ne faudrait s’étonner de rien. Les Esprits nous ont annoncé des manifestations d’un nouvel ordre, plus surprenantes encore que celles qu’on a vues ; celle-ci serait incontestablement de ce nombre ; mais, encore une fois, jusqu’à constatation plus authentique qu’un récit de journal, il est prudent de rester dans le doute. Si la chose est vraie, elle se vulgarisera ; en attendant, il faut se garder de donner créance à tous les récits merveilleux que les ennemis même du Spiritisme se plaisent à répandre pour le rendre ridicule ainsi que ceux qui les acceptent trop facilement.
Il faut, en outre, y regarder à plus de deux fois avant d’attribuer aux Esprits tous les phénomènes insolites qu’on ne peut expliquer ; un examen attentif y montre, le plus souvent, une cause toute matérielle qu’on n’avait pas aperçue. C’est une recommandation expresse que nous faisons dans le Livre des Médiums.
A l’appui de ce que nous venons de dire, et à propos de la photographie spirite, nous citerons l’article suivant tiré de la Patrie du 23 février 1863. Il ne peut que mettre en garde contre les jugements précipités.
« Un jeune lord, qui porte un des noms les plus anciens et les plus illustres de la chambre haute, et dont le goût passionné pour la photographie vaut de grands et d’heureux succès à cet art qui, peut-être, est encore une science plutôt qu’un art, un jeune lord, dis-je, venait de perdre sa sœur qu’il aimait d’une extrême tendresse. Frappé au cœur et jeté dans le profond découragement que trop souvent produit le chagrin, il laissa là ses appareils photographiques, quitta l’Angleterre, fit un long voyage sur le continent, et ne rentra dans sa résidence presque royale du Lancashire † qu’après une absence de près de quatre ans.
« Son désespoir, comme il arrive d’ordinaire, était passé de l’état aigu à l’état chronique, c’est-à-dire que, sans avoir perdu de son intensité, il avait perdu de sa violence, et qu’il se transformait peu à peu en une morne résignation.
« Quand ceux qui souffrent cherchent des consolations, ils s’adressent d’abord à Dieu, et ensuite au travail. Le jeune lord reprit donc peu à peu le chemin de son laboratoire, et revint à ses appareils de photographie.
« Par une sorte de transaction avec sa douleur, la première image qu’il songea à faire dessiner par la lumière fut l’intérieur de la chapelle où reposait la dépouille mortelle de sa sœur. Le négatif obtenu, il rentra dans son laboratoire, fit subir à la plaque de verre les préparations ordinaires, et exposa le cliché à la lumière pour en obtenir une épreuve.
« En jetant les yeux sur cette épreuve, il faillit tomber évanoui. L’intérieur de la chapelle était venu avec une grande netteté de dessin, mais la tête de la jeune miss défunte apparaissait vaguement dans la partie la moins éclairée de la photographie. On distinguait parfaitement ses traits doux et charmants, et même les longues draperies de ses vêtements ; cependant, à travers ces draperies les moindres détails de la chapelle s’accusaient nettement.
« Le premier mouvement du lord fut de croire à une apparition, mais bientôt il sourit tristement en secouant la tête. En effet, il se rappelait que quelques années auparavant, sur cette même plaque de verre, il avait fait un portrait photographique de sa sœur. Ce portrait, n’ayant point réussi, il l’avait effacé, et sans doute mal effacé, puisque ses contours vagues se confondaient aujourd’hui avec la nouvelle image imposée sur la plaque.
« En Angleterre, quelques artistes exploitent cette application bizarre de la photographie ; ils fabriquent et vendent des images doubles dont les bizarres accouplements produisent des effets étranges ou plaisants. On nous a montré entre autres un château en ruines au-dessous duquel transparaissaient son parc, ses façades et ses tourelles, tels qu’ils devaient exister avant sa destruction.
« On fait encore des portraits de vieillards, à travers desquels on leur figure telle qu’elle était au plus beau temps de la jeunesse. »
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