Un bel esprit se posant en athée
Se promenait un jour, avec un jeune enfant,
Sur les bords d’un ruisseau dont la rive ombragée
Les défendait contre un soleil brûlant.
Regarde fuir cette eau limpide,
Dit à l’enfant, son savant compagnon.
Où penses-tu que sa course rapide
Doit le conduire, en quittant ce vallon ?
Mais, dit l’enfant, je crois qu’un lac paisible
Va recevoir le tribu n de ses eaux,
Et qu’à la fin de leur marche pénible,
Doivent ainsi finir tous les ruisseaux.
Pauvre petit ! dit en riant le maître,
Dans quelle erreur est ton esprit ;
Apprends enfin, apprends donc à connaître
Comme en ce monde tout finit.
Lorsqu’il s’éloigne de sa source,
Où ses flots naissent chaque jour,
C’est pour aller, au terme de sa course,
Au sein des mers, se perdre pour toujours.
De nous-mêmes, c’est une image ;
Quand nous quittons ce monde séduisant
Il ne reste plus rien de notre court passage,
Et nous rentrons dans le néant.
Oh ! mon Dieu ! dit l’enfant d’une voix attristée,
Est-il donc vrai, tel serait notre sort ?
Quoi ! de ma mère bien-aimée,
J’ai tout perdu, tout, au jour de sa mort ?
Moi qui croyais que son âme chérie
Pouvait encore protéger son enfant,
Partager avec lui les peines de la vie,
Puis nous revoir un jour, près du Dieu tout-puissant ?
Garde toujours cette douce croyance,
Lui dit tout bas son ange protecteur.
Oui, cher enfant, garde bien l’espérance,
Sans elle, sur la terre, il n’est point de bonheur.
Le temps a fui ; depuis longues années
Notre savant a subi le trépas,
Et, fidèle toujours à ses folles pensées,
Il est mort en disant que Dieu n’existait pas.
L’enfant aussi vit venir la vieillesse,
Et sans la craindre il a reçu la mort,
Car, conservant la foi de sa jeunesse,
Aux mains de l’Eternel il a remis son sort.
Voyez, voyez cette foule empressée
Quitter le ciel, venir le recevoir ;
Des purs esprits c’est la troupe sacrée :
C’est leur frère exilé qu’ils vont enfin revoir.
Mais quelle est donc cette âme délaissée,
Qui semble vouloir se cacher ?
Du malheureux savant, c’est l’âme désolée
Qui voit tout ce bonheur et ne peut s’y mêler.
Combien sa peine fut amère,
Lorsque ce Dieu, qu’elle avait tant bravé,
Lui apparut enfin, comme un juge sévère,
Dans sa sublime majesté.
Oh ! que de larmes de souffrance
Vinrent briser cet Esprit plein d’orgueil !
Lui qui jadis riait de l’espérance
Qu’un pauvre enfant cherchait par delà le cercueil.
Mais du Seigneur la bonté paternelle
N’a pas voulu pour toujours le punir ;
Et bientôt cette âme immortelle
Sur la terre doit revenir.
Puis, à son tour purifiée,
Prenant son essor vers le ciel
Elle ira de joie enivrée
Se reposer au pied de l’Éternel.
Signé : Ducis. |