Madame S…, de Cherbourg, † nous transmet le récit suivant :
Un matelot de la marine de l’État, nommé Arsène Gautier, revint à Cherbourg, il y a quinze à seize ans, très malade à la suite des fièvres qu’il avait gagnées sur les côtes d’Afrique. Il vint chez un de mes gendres qu’il savait être ami de son frère, capitaine de la marine marchande, attendu prochainement dans ce port. Nous le reçûmes bien, et, comme il était malade, ma fille J…, qui avait alors quatorze à quinze ans, me demanda de lui offrir de venir se chauffer à notre feu pour y prendre de la tisane, qu’on ne lui faisait pas à son auberge, et jusqu’à ce que son frère fût arrivé. Cette enfant eut pour lui des soins compatissants. Il mourut en arrivant chez lui, et depuis nous n’y avons plus pensé ni les uns ni les autres ; son nom même, signé en tête de la communication spontanée que nous reçûmes le 8 mars dernier par ma fille J…, aujourd’hui médium, ne nous l’avait pas rappelé ; nous ne le reconnûmes qu’aux détails dans lesquels il est entré. C’était un homme d’une intelligence très bornée, et sa vie avait été fort pénible ; privé de l’affection des siens, il s’était résigné à tout. Voici sa communication :
« Arsène Gautier. Vous m’avez oublié depuis longtemps, mon amie, et moi je ne vous ai pas perdue de vue depuis que j’ai quitté la terre, car vous êtes la seule personne, le seul Esprit sympathique que j’aie rencontré sur cette terre de douleur. Je vous ai aimée de toutes mes forces alors que vous n’étiez encore qu’une enfant et que vous n’aviez pour moi qu’un sentiment de pitié à cause de la terrible maladie qui devait m’enlever. Je suis heureux… Cette existence était la première que Dieu m’avait donnée. C’est parce que mon Esprit était encore si neuf, ne connaissant aucun autre Esprit, que je me suis attaché davantage à vous. Je suis heureux et prêt à revenir sur la terre pour avancer vers le Seigneur. J’ai l’espérance dans le cœur ; la voie, si difficile pour quelques-uns, me semble large et facile. Un bon commencement comme mon existence passée est un encouragement si grand ! Dieu m’aidera ; vous prierez aussi pour moi, afin que mon épreuve si prochaine me soit aussi profitable que l’autre. Je ne suis pas avancé, hélas ! mais j’arriverai. »
Nous n’avions encore nulle idée de quel Esprit était cette communication, et nous nous demandions l’une et l’autre qui ce pouvait être.
L’Esprit répond :
« Je suis frère d’un ex-capitaine de Nantes qui était ami d’un de vos parents. » (Ceci nous mit sur la voie et l’Esprit continua :) « Merci de vous souvenir de moi. Je ne regrette qu’une chose en entrevoyant l’épreuve prochaine, c’est d’être séparé de vous pour quelque temps. Adieu, je vous aime bien. ARSÈNE gautier. »
Remarque. — Cette communication ayant été lue à la Société de Paris, nous demandâmes à l’un de nos guides spirituels s’il était possible que cet Esprit fût, comme il le disait, à sa première incarnation. Il fut répondu :
« A sa première incarnation sur cette terre, c’est possible ; mais, comme Esprit, cela ne se peut pas. Dans leurs premières incarnations, les Esprits sont dans un état presque inconscient, et celui-ci, quoique peu avancé, est déjà loin de son origine ; mais c’est un des ces Esprits bons et qui ont pris la route du bien ; son avancement sera rapide, car il n’aura guère à se dépouiller que de son ignorance, et non à lutter contre les mauvais penchants de ceux qui ont pris la route du mal. »
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