1. — M. Nivrac était un homme nourri de fortes études et d’une intelligence remarquable. M. Blou lui avait inutilement parlé du Spiritisme et offert tous les ouvrages qui traitent de la matière ; il regardait toutes ces choses comme des utopies, et ceux qui y ajoutent foi comme des rêveurs. Le 1º février il se promenait avec un de ses camarades, raillant sur ce sujet, comme d’habitude, lorsque, passant devant la boutique d’un libraire, ils virent en montre la brochure : le Spiritisme à sa plus simple expression. Une bonne inspiration, dit M. Blou, la lui fit acheter, ce qu’il n’aurait probablement pas fait si je me fusse trouvé là. Depuis ce jour, M. le capitaine Nivrac a lu le Livre des Esprits, le Livre des médiums, et quelques numéros de la Revue ; son esprit et son cœur étaient frappés ; loin de railler, il venait me questionner, et s’était fait, près des officiers, un propagateur zélé du Spiritisme, à tel point que, pendant huit jours, la doctrine nouvelle était le sujet de toutes les conversations. Il désirait beaucoup assister à une séance, lorsque la mort est venue le surprendre sans aucune cause apparente de maladie. Le mardi 11 février, étant au bain, il expirait à quatre heures entre les bras du médecin. N’y a-t-il pas là, ajoute M. Blou, le doigt de Dieu, qui a permis que mon ami ouvrît les yeux à la lumière avant sa mort ?
1. Évocation. — R. Je comprends pourquoi vous désirez me parler ; je suis heureux de cette évocation, et je viens à vous avec bonheur, car c’est un ami qui me demande, et rien ne pouvait m’être plus agréable.
Remarque. L’Esprit devance la question qui allait lui être proposée et qui était celle-ci : Quoique nous n’ayons pas l’avantage de vous connaître, nous vous avons prié de venir de la part de votre ami, M. le capitaine Blou, notre collègue, et nous serons charmés de nous entretenir avec vous si vous le voulez bien.
2. Êtes-vous heureux… (L’Esprit ne laisse pas achever la question, qui se termine ainsi : d’avoir connu le Spiritisme avant de mourir ?) — R. Je suis heureux, parce que j’ai cru avant de mourir. Je me rappelle les discussions que j’ai eues avec toi, mon ami, car je repoussais toutes les doctrines nouvelles. A vrai dire, j’étais ébranlé : je disais à ma femme, à ma famille, que c’était folie que d’écouter de pareilles sornettes, et je te croyais toqué, je le pensais ; mais heureusement j’ai pu croire et espérer, et ma position est plus heureuse, car Dieu me promet un avancement bien désiré.
3. Comment une petite brochure de quelques pages a-t-elle eu plus d’empire sur vous que les paroles de votre ami, en qui vous deviez avoir confiance ? — R. J’étais ébranlé, parce que l’idée d’une vie meilleure est dans le fond de toutes les incarnations. Je croyais instinctivement, mais les idées du soldat avaient modifié mes pensées ; voilà tout. Lorsque j’ai lu la brochure, je me suis senti ému ; j’ai trouvé cet énoncé d’une doctrine si clair, si précis, que Dieu m’est apparu dans sa bonté ; l’avenir m’a semblé moins sombre. J’ai cru, parce que je devais croire et que la brochure était selon mon cœur.
4. De quoi êtes-vous mort ? — R. Je suis mort d’un ébranlement cérébral. On a donné plusieurs raisons ; c’était un épanchement au cerveau. Le temps était marqué et il m’a fallu partir.
5. Pourriez-vous nous décrire vos sensations au moment de votre mort et après votre réveil ? — R. Le passage de la vie à la mort est une sensation douloureuse, mais prompte ; on pressent tout ce qui peut arriver ; toute la vie se présente spontanément comme un mirage, et l’on voudrait ressaisir tout son passé pour purifier les mauvais jours, et cette pensée vous suit dans la transition spontanée de la vie à la mort, qui n’est qu’une autre vie. On est comme étourdi de la lumière nouvelle, et je suis resté dans une confusion d’idées assez singulière. Je n’étais pas un Esprit parfait ; néanmoins j’ai pu me rendre compte, et je remercie Dieu de m’avoir éclairé avant de mourir.
Remarque. Ce tableau du passage de la vie à la mort a une
analogie frappante avec celui qu’en donne M. Sanson. [v. Obsèques
de M. Sanson.] Nous faisons observer que ce n’était point le même
médium.
6. Votre situation actuelle serait-elle différente si vous n’aviez pas connu et accepté les idées spirites ? — R. Sans doute ; mais j’étais une bonne et franche nature, et, quoique je ne sois pas extrêmement avancé, il n’en est pas moins vrai que Dieu récompense toute bonne décision, quand même c’est la dernière.
7. Il est inutile de vous demander si… (L’Esprit ne laisse pas achever la question, qui est ainsi conçue : vous allez voir votre femme et votre fille, mais vous ne pouvez vous en faire entendre ; voulez-vous que nous leur transmettions quelque chose de votre part ?) — R. Sans doute, toujours près d’elle ; je l’encourage à la patience et je lui dis : Courage, amie, séchez vos larmes et souriez à Dieu qui vous fortifiera. Pensez que mon existence est un avancement, une purification, et que j’ai besoin de vos prières pour m’aider. Je désire de toutes mes forces une incarnation nouvelle, et, quoique la séparation terrestre soit cruelle, souvenez-vous, vous que j’aime, que vous êtes seule et avez besoin de toute votre santé, de toute votre résignation pour vous soutenir ; mais je serai près de vous pour vous encourager, vous bénir et vous aimer.
8. Nous sommes certains que vos camarades du régiment seraient très heureux d’avoir de vous quelques paroles. A cette question j’en ajoute une autre qui, peut-être, trouvera place dans votre allocution. Jusqu’ici le Spiritisme ne s’est guère propagé dans l’armée que parmi les officiers. Pensez-vous qu’il serait utile qu’il le fût aussi parmi les soldats, et quel en serait le résultat ? — R. Il faut bien que la tête devienne sérieuse pour que le corps la suive, et je comprends que les officiers aient accepté les premiers ces solutions philosophiques et sensées que donne le Livre des Esprits. Par ces lectures, l’officier comprend mieux son devoir ; il devient plus sérieux, moins sujet à se moquer de la tranquillité des familles ; il s’habitue à l’ordre dans son intérieur, et le boire et le manger ne sont plus les premiers mobiles de la vie. Par eux, les sous-officiers apprendront et propageront ; ils sauront pouvoir s’ils le veulent. Je leur dis : en avant ! et toujours en avant ! C’est un nouveau champ de bataille de l’humanité ; seulement pas de blessures, pas de mitraille, mais partout l’harmonie, l’amour et le devoir. Et le soldat sera un homme devenu libéral selon la bonne expression ; il aura le courage et la bonne volonté qui font de l’ouvrier un bon citoyen, un homme selon Dieu.
Suivez donc la nouvelle direction ; soyez apôtres selon Dieu, et adressez-vous à l’infatigable propagateur de la doctrine, l’auteur du petit livre qui m’a éclairé.
2. — Remarque. Au sujet de l’influence du Spiritisme sur le soldat, la communication suivante a été dictée dans une autre occasion :
Le soldat devenu Spirite sera plus facile à gouverner, plus
soumis, plus discipliné, parce que la soumission sera pour lui un devoir
sanctionné par la raison, tandis qu’elle n’est, le plus souvent, que
le résultat de la contrainte ; ils ne s’abrutiront plus dans les
excès qui, trop souvent, engendrent les séditions et les portent à méconnaître
l’autorité. Il en est de même de tous les subordonnés, à quelque classe
qu’ils appartiennent : ouvriers, employés et autres ; ils
s’acquitteront plus consciencieusement de leur tâche quand ils se rendront
compte de la cause qui les a placés dans cette position sur la terre,
et de la récompense qui attend les humbles dans l’autre vie. Malheureusement
bien peu croient à l’autre vie, et c’est ce qui fait qu’ils donnent
tout à la vie présente. Si l’incrédulité est une plaie sociale, c’est
surtout dans les rangs inférieurs de la société, où il n’y a pas le
contrepoids de l’éducation et la crainte de l’opinion. Quand ceux qui
sont appelés à exercer une autorité, à quelque titre que ce soit, comprendront
ce qu’ils gagneraient à avoir des subordonnés imbus des idées spirites,
ils feront tous leurs efforts pour les pousser dans cette voie. Mais
patience ! cela viendra. [v.
Un officier supérieur mort à Magenta.]
Lespinasse.
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