1. — Rochefort † n’est point encore un foyer de Spiritisme, quoiqu’il y ait quelques adeptes fervents et d’assez nombreuses sympathies pour les nouvelles idées ; mais là, moins qu’ailleurs, il y a le courage de l’opinion, et beaucoup de croyants se tiennent à l’écart. Le jour où ils oseront se montrer, on sera tout surpris de les voir si nombreux. Comme nous n’avions à voir que quelques personnes isolées, nous comptions ne nous y arrêter que peu d’heures ; mais un voyageur qui se trouvait dans la même voiture que nous, nous ayant reconnu à notre portrait qu’il avait vu à Marennes, † prévint ses amis de notre arrivée ; nous reçûmes alors une invitation pressante et des plus gracieuses de la part de plusieurs Spirites qui désiraient nous connaître et recevoir des instructions. Notre départ fut donc remis au lendemain, et nous eûmes le bonheur de passer la soirée dans une réunion de Spirites sincères et dévoués.
Pendant la soirée nous reçûmes une autre invitation, en termes non moins obligeants, de la part d’un haut fonctionnaire et de plusieurs notabilités de la ville, qui nous firent exprimer le désir d’avoir une réunion le lendemain soir, ce qui fut cause d’un nouveau sursis à notre départ. Nous n’aurions point mentionné ces détails, s’ils n’étaient nécessaires aux explications que nous croyons devoir donner ci-après, à propos d’un journal de la localité.
2. — Dans cette dernière réunion, nous fîmes, au début de la séance, l’allocution suivante :
« Messieurs,
« Quoique je n’eusse l’intention de passer que quelques heures à Rochefort, le désir que vous m’avez manifesté de cette réunion était trop flatteur, surtout par la manière dont l’invitation a été faite, pour que je ne me sois pas empressé d’y accéder. J’ignore si toutes les personnes qui me font l’honneur d’assister à cette réunion sont initiées à la science spirite ; je suppose que plusieurs sont encore novices en cette matière ; il pourrait même s’en trouver qui y fussent hostiles ; or, par suite de l’idée fausse que se font du Spiritisme ceux qui ne le connaissent pas, ou ne le connaissent qu’imparfaitement, le résultat de cette séance pourrait causer quelques déceptions à ceux qui n’y trouveraient pas ce qu’ils s’attendaient à y trouver ; je dois donc en expliquer clairement l’objet pour qu’il n’y ait pas de méprise.
« Je dois avant tout vous édifier sur le but que je me propose dans mes tournées. Je vais uniquement visiter les centres spirites, et leur donner les instructions dont ils peuvent avoir besoin ; mais on aurait tort de croire que je vais prêcher la doctrine aux incrédules. Le Spiritisme est toute une science qui requiert des études sérieuses, comme toutes les sciences, et de nombreuses observations ; pour la développer, il faudrait faire un cours en règle, et un cours de Spiritisme ne pourrait pas plus se faire en une ou deux séances qu’un cours de physique ou d’astronomie. Pour ceux qui n’en savent pas le premier mot, je suis obligé de les renvoyer à la source, c’est-à-dire à l’étude des ouvrages où ils trouveront tous les renseignements nécessaires et la réponse à la plupart des questions qu’ils pourraient adresser, questions qui, le plus souvent, portent sur les principes les plus élémentaires. Voilà pourquoi, dans mes visites, je ne m’adresse qu’à ceux qui, sachant déjà, n’ont pas besoin de l’A B C, mais bien d’un enseignement complémentaire. Je ne vais donc jamais donner ce qu’on appelle des séances, ni convoquer le public pour assister à des expériences ou à des démonstrations, et encore moins faire des exhibitions d’Esprits ; ceux qui s’attendraient à voir ici pareille chose seraient dans une erreur complète et je dois m’empresser de les désabuser.
« La réunion de ce soir est donc en quelque sorte exceptionnelle et en dehors de mes habitudes. Par les motifs que je viens d’exposer, je ne puis avoir la prétention de convaincre ceux qui repousseraient les bases mêmes de mes principes ; je ne désire qu’une chose, c’est qu’à défaut de conviction, ils emportent l’idée que le Spiritisme est une chose sérieuse et digne d’attention, puisqu’elle fixe l’attention des hommes les plus éclairés dans tous les pays. Qu’on ne l’accepte pas aveuglément et sans examen, cela se conçoit ; mais il y aurait de la présomption à s’inscrire en faux contre une opinion qui compte ses plus nombreux partisans dans l’élite de la société. Les gens sensés disent : Il y a tant de choses nouvelles qui viennent nous surprendre et qui eussent paru absurdes il y a un siècle ; nous voyons chaque jour découvrir des lois nouvelles, se révéler de nouvelles forces de la nature, qu’il serait illogique d’admettre que la nature ait dit son dernier mot ; avant de nier il est donc prudent d’étudier et d’observer. Pour juger une chose, il faut la connaître ; la critique n’est permise qu’à celui qui parle de ce qu’il sait. Que dirait-on d’un homme qui, ne sachant pas la musique, critiquerait un opéra ? de celui qui, n’ayant pas les premières notions de littérature, critiquerait une œuvre littéraire ? Eh bien ! il en est ainsi de la plupart des détracteurs du Spiritisme : ils jugent sur des données incomplètes, souvent même sur des ouï-dire ; aussi toutes leurs objections dénotent l’ignorance la plus absolue de la chose. On ne peut que leur répondre : Étudiez avant de juger.
« Ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le dire, messieurs, il me serait matériellement impossible de vous développer tous les principes de la science ; quant à satisfaire la curiosité de qui que ce soit, il y en a parmi vous qui me connaissent assez pour savoir que c’est un rôle que je n’ai jamais joué. Mais à défaut de pouvoir vous exposer la chose dans ses détails, il peut être utile de vous en faire connaître le but et les tendances ; c’est ce que je me propose de faire ; vous jugerez ensuite si ce but est sérieux et s’il est permis de s’en railler. Je vous demanderai donc la permission de vous lire quelques passages du discours que j’ai prononcé dans les grandes réunions de Lyon † et de Bordeaux. † Pour ceux qui n’ont du Spiritisme qu’une idée incomplète, il laisse sans doute la question principale à l’état d’hypothèse, attendu que je m’adresse à des adeptes déjà instruits ; mais, en attendant que les circonstances en aient fait pour vous une vérité, vous pourrez en voir les conséquences, ainsi que la nature des instructions que je donne, et juger par là du caractère des réunions auxquelles je vais assister.
« Je puis dire toutefois que, dans le Spiritisme, rien n’est hypothétique : de tous les principes formulés dans le Livre des Esprits et dans le Livre des Médiums, il n’en est pas un seul qui soit le produit d’un système ou d’une opinion personnelle ; tous, sans exception, sont le fruit de l’expérience et de l’observation ; je ne saurais en revendiquer aucun comme étant le produit de mon initiative ; ces ouvrages contiennent ce que j’ai appris, et non ce que j’ai créé ; or, ce que j’ai appris, d’autres peuvent l’apprendre comme moi ; mais, comme moi, il leur faut travailler ; seulement, je leur ai épargné la peine des premiers travaux et des premières recherches. »
A la suite de ce préambule, nous lûmes quelques fragments du discours prononcé à Lyon et à Bordeaux, puis nous donnâmes quelques explications, nécessairement très sommaires, sur les principes fondamentaux du Spiritisme, entre autres sur la nature des Esprits et les moyens par lesquels ils se communiquent, nous attachant surtout à faire ressortir l’influence morale qui résulte des manifestations par la certitude de la vie future, et les effets de cette certitude sur la conduite pendant la vie présente.
Par le préambule, il était impossible d’établir la situation d’une manière plus nette, et de mieux préciser le but que nous nous proposions, afin de prévenir toute méprise. Nous dûmes prendre cette précaution, sachant que l’assemblée était loin d’être homogène et toute sympathique. Cela ne satisfit naturellement pas ceux qui espéraient voir une séance dans le genre de celles de M. Home. Un des assistants déclara même poliment que ce n’était pas ce à quoi il s’attendait ; nous le croyons sans peine, puisque, au lieu d’exhiber des choses curieuses, nous venions parler morale ; il demanda même avec tant d’insistance que nous donnassions des preuves de l’existence des Esprits, que force fut de lui dire que nous n’en avions pas dans notre poche pour les lui montrer ; un peu plus, je crois, il aurait dit : « Cherchez bien. »
3. — Un journaliste, du pseudonyme de Tony, qui assistait à la réunion, crut devoir en rendre compte dans le Spectateur, journal hebdomadaire de théâtres, numéro du 12 octobre. Il commence ainsi :
Alléché par l’annonce d’une soirée spirite, je me suis empressé d’aller entendre un des hiérophantes † les plus accrédités de cette science… les adeptes qualifient ainsi le Spiritisme. L’auditoire nombreux attendait avec une certaine anxiété le développement des bases de cette science… puisque science il y a. M. Allan Kardec, auteur des livres des Esprits et des Médiums, allait nous initier à de redoutables secrets ! Mû par un sentiment de curiosité très compréhensible et qui n’avait rien d’hostile, nous espérions sortir de cette séance avec une demi-conviction, si le professeur, homme d’une habileté non contestée, se donnait la peine d’exposer sa doctrine. M. Allan en a pensé autrement, et c’est regrettable. On ne lui demandait pas d’évoquer des Esprits, mais tout au moins de fournir des explications claires ou même élémentaires pour faciliter l’expérimentation des profanes.
Ce début caractérise clairement la pensée de quelques-uns des auditeurs qui croyaient être spectateurs ; le mot alléché en dit plus que tout le reste. Ce qu’ils voulaient, c’était des explications claires pour faciliter l’expérimentation des profanes ; autrement dit, une recette pour que chacun, en rentrant chez soi, pût s’amuser à évoquer les Esprits.
Suit une tirade sur la base de la doctrine : la charité, et autres maximes qui, dit-il, viennent tout droit du Christianisme et n’apprennent rien de nouveau. Si un jour ce monsieur se donne la peine de lire, il saura que le Spiritisme n’a jamais eu la prétention d’apporter aux hommes une autre morale que celle du Christ, et qu’il ne s’adresse pas à ceux qui la pratiquent dans sa pureté ; mais comme il y en a beaucoup qui ne croient ni à Dieu, ni à leur âme, ni aux enseignements du Christ, ou qui sont tout au moins dans le doute, et dont toute la morale se résume en ces mots : Chacun pour soi, il vient, en prouvant l’âme et la vie future, donner une sanction pratique, une nécessité à cette morale. Nous voulons bien croire que M. Tony n’en a pas besoin, qu’il a une foi vive, une religion sincère, puisqu’il prend la défense du Christianisme contre le Spiritisme, quoique quelques mauvaises langues l’accusent d’être un peu matérialiste ; nous voulons bien croire, disons-nous, qu’il pratique la charité en vrai chrétien ; qu’à l’exemple du Christ, il est doux et humble ; qu’il n’a ni orgueil, ni vanité, ni ambition ; qu’il est bon et indulgent pour tout le monde, même pour ses ennemis ; qu’en un mot il a toutes les vertus du divin modèle ; mais au moins qu’il n’en dégoûte pas les autres. Il poursuit :
Le Spiritisme a la prétention d’évoquer les Esprits. Les Esprits, il est vrai, ne se soumettent pas aux caprices et aux exigences. Ils peuvent, au besoin, revêtir un corps reconnaissable, des vêtements même, et ils n’entrent en relation avec les médiums qu’à la condition d’être enveloppés d’une couche fluidique de même nature… pourquoi pas de nature contraire, comme en électricité ? La science du Spiritisme ne s’explique pas.
Lisez et vous le verrez.
Je ne sais si les adeptes se sont retirés satisfaits ; mais, à coup sûr, les ignorants sincèrement désireux de s’instruire n’ont rient emporté de cette séance, si ce n’est que le Spiritisme ne se démontre pas. Est-ce la faute du professeur, ou le Spiritisme ne dévoile-t-il ses arcanes qu’aux fidèles ? Nous ne vous le dirons pas… et pour cause.
Tony.
4. — Conclusion. — Le Spiritisme ne se démontre pas. M. Tony aurait dû expliquer clairement, puisqu’il aime tant les explications claires, pourquoi il est démontré pour des millions d’hommes qui ne sont ni sots ni ignorants. Qu’il se donne la peine d’étudier et il le saura, si, comme il le dit, il est si désireux de s’instruire ; mais puisqu’il a cru devoir rendre compte publiquement d’une réunion qui n’avait rien de public, comme s’il se fût agi du compte rendu d’un spectacle où l’on va, alléché par l’attrait de l’affiche, il aurait dû, pour être impartial, rapporter les paroles que nous avons dites en commençant.
Quoi qu’il en soit, nous n’avons qu’à nous louer de l’urbanité qui a présidé à la réunion, et nous saisissons cette circonstance pour adresser au fonctionnaire éminent, maître La Maison, nos remerciements pour son accueil plein de bienveillance et de cordialité, et l’initiative qu’il a prise de mettre son salon à notre disposition. Il nous a paru utile de lui prouver, ainsi qu’à la société d’élite réunie chez lui, les tendances morales du Spiritisme, et la nature de l’enseignement que nous donnons dans les centres que nous allons visiter.
M. Tony ignore si les adeptes ont été satisfaits ; à son point de vue la séance a évidemment été sans résultat ; quant à nous, nous préférons avoir laissé chez quelques auditeurs l’impression d’un moraliste ennuyeux que l’idée d’un donneur de représentations. Un fait certain, c’est que tout le monde n’a pas partagé son avis ; sans parler des adeptes qui s’y trouvaient, et dont nous avons reçu de chaleureux témoignages de sympathie, nous citerons deux messieurs qui, à la fin de la séance, nous ont demandé si les instructions que nous avions lues seraient publiées, ajoutant qu’ils s’étaient fait du Spiritisme une idée tout à fait fausse, mais qu’ils le voyaient maintenait sous un tout autre jour, en comprenaient le côté sérieux et utile, et se proposaient d’en faire une étude approfondie. N’eussions-nous obtenu que ce résultat que nous serions satisfait. C’est l’être à bon marché, dira M. Tony ; soit, mais il ignore que deux graines qui fructifient se multiplient ; et d’ailleurs nous avons la certitude que toutes celles que nous avons semées en cette circonstance ne seront pas perdues, et que le vent même soulevé par M. Tony en aura porté quelques-unes sur une terre fertile.
M. Florentin Blanchard, libraire de Marennes, crut devoir répondre à l’article de M. Tony par une lettre qui fut insérée dans les Tablettes des deux Charentes du 25 octobre.
5. — Réplique de M. Tony où l’on trouve cette conclusion :
« Le Spiritisme surexcite fâcheusement l’esprit des crédules, aggrave l’état des femmes douées d’une grande irritabilité nerveuse, les rend folles ou les tue, si elles persistent dans leurs aberrations.
« Le Spiritisme est une maladie ; à ce titre, il doit être combattu. Il entre en outre dans le cadre des choses… malsaines qu’étudie l’hygiène publique et morale. »
Ici nous prenons M.Tony en flagrant délit de contradiction. Dans le premier article rapporté ci-dessus, il dit qu’en venant à la séance il était « mû par un sentiment de curiosité très compréhensible et qui n’avait rien d’hostile. » Comment comprendre qu’il ne fût pas hostile à une chose qu’il dit être une maladie, une chose malsaine, etc. ?
Plus loin il dit qu’il espérait des explications claires ou même élémentaires pour faciliter l’expérimentation des profanes. Comment pouvait-il désirer être initié, lui et les profanes, à l’expérimentation d’une chose qu’il dit pouvoir rendre fou et tuer ? Pourquoi est-il venu ? Pourquoi n’a-t-il pas détourné ses amis de venir assister à l’enseignement d’une chose si dangereuse ? Pourquoi regrette-t-il que cet enseignement n’ait pas répondu à son attente, n’ayant pas été aussi complet qu’il l’aurait désiré ? Puisque, à son avis, cette chose est si pernicieuse, au lieu de nous faire un reproche d’avoir été si peu explicite, il aurait dû nous en féliciter.
Autre contradiction. Puisqu’il est venu à la réunion pour savoir ce qu’est, ce que veut et ce que peut le Spiritisme ; qu’il nous reproche de ne pas le lui avoir appris, c’est donc qu’il ne le savait pas ; or, puisqu’il ne l’a pas étudié, comment sait-il qu’il est si dangereux ? Donc il le juge sans le connaître. Ainsi, de son autorité privée, il décide que c’est une chose mauvaise, malsaine et qui peut tuer, alors qu’il vient de déclarer qu’il ne sait pas ce que c’est. Est-ce là le langage d’un homme sérieux ? Il est des critiques qui se réfutent tellement par elles-mêmes qu’il suffit de les signaler, et qu’il serait superflu d’y attacher de l’importance. En d’autres circonstances une allégation comme celle de tuer eût pu être poursuivie en calomnie, car c’est porter une accusation de la dernière gravité contre nous et contre une classe immensément nombreuse aujourd’hui d’hommes les plus honorables.
Ce n’est pas tout. Ce second article fut suivi de plusieurs autres dans lesquels il développe sa thèse.
Or, voici ce qu’on lit dans le Spectateur du 26 octobre à l’occasion de la première lettre de M. Blanchard :
La rédaction du Spectateur recevait de Marennes, sous la signature Florentin Blanchard, une lettre en réponse à notre premier article du 12, quand cet article était déjà composé. La rédaction regrette que l’exiguïté de son format ne lui permette pas d’ouvrir ses colonnes à une controverse sur le Spiritisme. Les Tablettes, sur la demande expresse du Spectateur, ont donné cette lettre in extenso.
Nous nous réservons d’y répondre en son temps et nous tâcherons de ne pas céder, comme son auteur, aux inspirations d’un Esprit inconvenant.
Tony.
Puis, à la suite d’une seconde lettre de M. Blanchard, insérée cette fois dans le Spectateur, on lit :
Nous vous accordons l’hospitalité avec plaisir, M. Florentin Blanchard, mais il ne faudrait pas en abuser. Votre lettre de ce jour m’accuse de n’avoir pas étudié le Spiritisme. Comment l’entendez-vous ? Vous ne voulez sans doute discuter qu’avec des illuminés, et à ce titre je ne fais pas votre affaire ; d’accord !…
Que ne répondez-vous, monsieur, aux quelques propositions qui terminent ma dernière lettre… au lieu de m’accuser vaguement ? Cette correspondance prolongée est sans intérêt, permettez-moi de ne pas la continuer.
Je reprendrai prochainement la suite de mes articles sur le Spiritisme, mais de temps en temps seulement, car le peu d’étendue du Spectateur ne lui permet pas des études longues sur ce drolatique sujet.
Puis vous aurez beau faire, monsieur, nous ne prendrons pas les Spirites au sérieux et nous ne saurions considérer le Spiritisme comme une science.
Tony.
6. — Ainsi, voilà qui est clair : M. Tony veut bien attaquer le Spiritisme, le traîner dans la boue, le qualifier de chose malsaine, dire qu’il tue, sans dire toutefois combien il a tué de gens, mais il ne veut pas de controverse ; son journal est assez grand pour ses attaques, mais il est trop petit pour la réplique. Parler tout seul est plus commode. Il a oublié qu’en raison de la nature et de la personnalité de ses attaques, la loi pourrait l’obliger à l’insertion d’une réponse double d’étendue, malgré l’exiguïté de son journal.
En rapportant les particularités de notre séjour, nous avons voulu montrer que nous n’avons ni recherché, ni sollicité cette réunion, et par conséquent que nous n’avons alléché personne pour venir nous entendre ; aussi avons-nous eu soin de dire carrément au début quelle était notre intention ; ceux que cela désappointait étaient libres de se retirer. A présent nous nous félicitons de la circonstance fortuite, ou mieux providentielle, qui nous a fait rester, puisqu’elle a provoqué une polémique qui ne peut que servir la cause du Spiritisme en le faisant connaître pour ce qu’il est : une chose morale, et non pour ce qu’il ne veut pas être : un spectacle pour la satisfaction des curieux ; et en donnant une fois de plus à la critique l’occasion de montrer la logique de ses arguments.
Maintenant, monsieur Tony, encore deux mots, je vous prie. Pour avancer publiquement des choses comme celles que vous avez écrites, il faut être bien sûr de son fait, et vous devez avoir à cœur de les prouver. C’est trop commode de discuter tout seul, et pourtant je n’entends établir avec vous aucune polémique ; je n’en ai pas le temps, et d’ailleurs votre feuille est trop petite pour admettre la critique et la réfutation ; puis, soit dit sans vous offenser, son influence ne s’étend pas très loin. Je vous offre mieux que cela, c’est de venir à Paris † devant la Société que je préside, c’est-à-dire devant cent cinquante personnes, soutenir et prouver ce que vous avancez ; si vous êtes certain d’être dans le vrai, vous ne devez rien redouter, et je vous promets sur l’honneur que, par le moyen de la Revue spirite, vos arguments et l’effet que vous aurez produit iront de la Chine à Mexico, en passant par toutes les capitales de l’Europe.
Remarquez, monsieur, que je vous fais la partie belle, car ce n’est pas dans l’espoir de vous convertir, ce à quoi je ne tiens pas du tout, que je vous fais cette proposition ; vous resterez donc parfaitement libre de garder vos convictions ; c’est pour offrir à vos idées contre le Spiritisme l’occasion d’un grand retentissement. Pour que vous sachiez à qui vous aurez à faire, je vous dirai de quoi se compose la Société : avocats, négociants, artistes, hommes de lettres, savants, médecins, rentiers, bons bourgeois, officiers, artisans, princes, etc. ; le tout entremêlé d’un certain nombre de dames, ce qui vous garantit une tenue irréprochable sous le rapport de l’urbanité ; mais tous atteints jusqu’à la moelle des os, comme les cinq ou six millions d’adeptes, de cette chose malsaine qu’étudient l’hygiène publique et la morale, et que vous devez ardemment désirer guérir.
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