1. — Lorsque l’homme quitte sa dépouille mortelle, il éprouve un étonnement et un éblouissement qui le tiennent quelque temps indécis sur son état réel ; il ne sait s’il est mort ou vivant, et ses sensations très confuses, sont assez longtemps à s’éclaircir. Peu à peu, les yeux de son Esprit sont éblouis des diverses clartés qui l’environnent ; il suit tout un ordre de choses, grandes et inconnues, qu’il a d’abord peine à comprendre, mais bientôt il reconnaît qu’il n’est plus qu’un être impalpable et immatériel ; il cherche sa dépouille, et s’étonne de ne pas la trouver ; il est quelque temps avant que la mémoire du passé lui revienne, et le convainque de son identité. En regardant la terre qu’il vient de quitter, il voit ses parents et ses amis qui le pleurent, et son corps inerte. Enfin ses yeux se détachent de la terre et s’élèvent vers le ciel ; si la volonté de Dieu ne le retient pas au sol, il monte lentement et se sent flotter dans l’espace, ce qui est une sensation délicieuse. Alors le souvenir de la vie qu’il quitte lui apparaît avec une clarté, désolante le plus souvent, mais consolante quelquefois. Je te parle ici de ce que j’ai éprouvé, moi qui ne suis pas un mauvais esprit, mais qui n’ai pas le bonheur d’occuper un rang élevé. On se dépouille de tous les préjugés terrestres ; la vérité apparaît dans toute sa lumière ; rien ne pallie les fautes ; rien ne cache les vertus ; on voit son âme aussi clairement que dans un miroir ; on cherche parmi les Esprits ceux que l’on a connus, car l’Esprit s’effraie de son isolement, mais ils passent sans s’arrêter ; il n’y a pas de communications amicales entre les Esprits errants ; ceux mêmes qui se sont aimés n’échangent pas de signes de reconnaissance ; ces formes diaphanes glissent et ne se fixent pas ; les communications affectueuses sont réservées aux Esprits supérieurs qui échangent leurs pensées. Quant à nous, notre état transitoire ne sert qu’à notre avancement dont rien ne doit nous distraire, les seules communications qui nous soient permises sont avec les humains, parce qu’elles ont un but d’utilité mutuelle que Dieu prescrit.
Les mauvais Esprits contribuent aussi à l’amélioration humaine : ils servent aux épreuves ; si on leur résiste, on acquiert des mérites. Les Esprits qui dirigent les hommes sont récompensés par un grand adoucissement de leurs peines. Les Esprits errants ne souffrent pas de l’absence de communications entre eux, parce qu’ils savent qu’ils se retrouveront ; ils n’en ont que plus d’ardeur pour arriver au moment où les épreuves accomplies leur rendront les objets de leur affection qui ne peut s’exprimer, mais qui gît, latente, en eux. Aucun des liens que nous avons contractés sur la terre n’est brisé ; nos sympathies se rétabliront dans l’ordre où elles auront existé, plus ou moins vives selon le degré de chaleur ou d’intimité qu’elles auront eu.
GEORGES.
[Revue de novembre 1860.]
2. RELATIONS AFFECTUEUSES DES ESPRITS.
Commentaire sur la dictée spontanée publiée dans la revue du mois d’octobre 1860, sous le titre de le Réveil de l’Esprit.
On a généralement admiré les belles communications de l’Esprit qui signe Georges ; mais en raison même de la supériorité dont cet Esprit a fait preuve, plusieurs personnes ont vu avec surprise ce qu’il dit dans sa communication du Réveil de l’Esprit, à propos des relations d’outre-tombe.
On y lit ce qui suit : « On se dépouille de tous les préjugés terrestres, la vérité apparaît dans toute sa lumière, rien ne pallie les fautes ; rien ne cache les vertus ; on voit son âme aussi clairement que dans un miroir ; on cherche parmi les Esprits ceux que l’on a connus, car l’Esprit s’effraie de son isolement, mais ils passent sans s’arrêter ; il n’y a pas de communications amicales entre les Esprits errants ; ceux même qui se sont aimés n’échangent pas de signes de reconnaissance ; ces formes diaphanes glissent et ne se fixent pas : les communications affectueuses sont réservées aux Esprits supérieurs. »
La pensée de se retrouver après la mort et de communiquer avec ceux que l’on a aimés est une des plus douces consolations du Spiritisme, et l’idée que les âmes ne peuvent avoir entre elles de relations amicales serait navrante si elle devait être absolue, aussi ne sommes-nous pas surpris du sentiment pénible qu’elle a produit. Si Georges avait été un de ces Esprits vulgaires et systématiques qui émettent leurs propres idées sans s’inquiéter de leur justesse ou de leur fausseté, on n’y aurait attaché aucune importance ; en raison de sa sagesse et de sa profondeur habituelles, on pouvait croire qu’il y avait au fond de cette théorie quelque chose de vrai, mais que la pensée n’avait pas été complètement exprimée ; c’est en effet ce qui résulte des explications que nous avons demandées. Nous trouvons donc là une preuve de plus qu’il ne faut rien accepter sans l’avoir soumis au contrôle de la raison, et ici la raison et les faits nous disent que cette théorie ne saurait être absolue.
Si l’isolement était une propriété inhérente à l’erraticité, cet état serait un véritable supplice, d’autant plus pénible qu’il peut se prolonger pendant une longue suite de siècles. Nous savons, par expérience, que la privation de la vue de ceux que l’on a aimés est une punition pour certains Esprits ; mais nous savons aussi que beaucoup sont heureux de se retrouver ; qu’à la sortie de cette vie, nos amis du monde spirite viennent nous recevoir et nous aident à nous débarrasser des langes matériels, et que rien n’est plus pénible que de ne trouver aucune âme bienveillante à ce moment solennel. Cette consolante doctrine serait-elle une chimère ? Non, cela ne se peut pas, car elle n’est pas seulement le résultat d’un enseignement, ce sont les âmes elles-mêmes, heureuses ou souffrantes qui sont venues décrire leur situation. Nous savons que les Esprits se réunissent et se concertent entre eux pour agir d’un commun accord avec plus de puissance en certaines occasions, pour le mal comme pour le bien ; que les Esprits qui manquent des connaissances nécessaires pour répondre aux questions qu’on leur adresse, peuvent être assistés par des Esprits plus éclairés ; que ceux-ci ont pour mission d’aider, par leurs conseils, à l’avancement des Esprits arriérés ; que les Esprits inférieurs agissent sous l’impulsion d’autres Esprits dont ils sont les instruments ; qu’ils reçoivent des ordres, des défenses ou des permissions, toutes circonstances qui ne sauraient avoir lieu si les Esprits étaient livrés à eux-mêmes. Le simple bon sens nous dit donc que la situation dont il a été parlé est relative et non absolue ; qu’elle peut exister pour quelques-uns dans des circonstances données, mais qu’elle ne saurait être générale, car autrement elle serait le plus grand obstacle au progrès de l’Esprit, et par cela même ne serait conforme ni à la justice, ni à la bonté de Dieu. Evidemment l’Esprit de Georges n’a envisagé qu’une phase de l’erraticité, ou, pour mieux dire, il a restreint l’acception du mot errant à une certaine catégorie d’Esprits, au lieu de l’appliquer, comme nous le faisons, à tous les Esprits non incarnés indistinctement.
Il peut donc se faire que deux êtres qui se sont aimés n’échangent pas de signes de reconnaissance ; qu’ils ne puissent même ni se voir ni se parler, si c’est une punition pour l’un des deux. D’un autre côté, comme les Esprits se réunissent selon l’ordre hiérarchique, deux êtres qui se sont aimés sur la terre peuvent appartenir à des ordres très différents, et par cela même se trouver séparés jusqu’à ce que le moins avancé soit arrivé au degré de l’autre ; cette privation peut être ainsi une suite de l’expiation et des épreuves terrestres ; c’est à nous de faire en sorte de ne pas la mériter.
Le bonheur des Esprits est relatif à leur élévation ; ce bonheur n’est complet que pour les Esprits épurés dont la félicité consiste principalement dans l’amour qui les unit ; cela se conçoit et c’est de toute justice, car l’affection véritable ne peut exister qu’entre des êtres qui ont dépouillé tout égoïsme et toute influence matérielle, parce que, chez ceux-là seulement, elle est pure, sans arrière-pensée, et ne peut être troublée par rien ; d’où il suit que leurs communications doivent être, par cela même, plus affectueuses, plus expansives, qu’entre les Esprits qui sont encore sous l’empire des passions terrestres ; il faut en conclure que les Esprits errants ne sont pas forcément privés, mais peuvent être privés de ces sortes de communications, si telle est la punition qui leur est infligée. Comme le dit Georges dans un autre passage : « cette privation momentanée ne leur donne que plus d’ardeur pour arriver au moment où les épreuves accomplies leur rendront les objets de leur affection ; » donc cette privation n’est pas l’état normal des Esprits errants, mais une expiation pour ceux qui l’ont méritée, une des mille et une variétés qui nous attendent dans l’autre vie, quand nous avons démérité en celle-ci.
[Revue de février 1861.]
3.
COMMENTAIRE SUR LA DICTÉE PUBLIÉE SOUS LE TITRE DE : LE RÉVEIL
DE L’ESPRIT.
Il y a une image de ce article dans le service Google — Recherche de livres (Revue Spirite 1861).
Dans une communication que l’Esprit Georges a dictée à madame Costel, et qui a été publiée dans la Revue de 1860, page 332, sous le titre de Le Réveil de l’Esprit, il est dit qu’il n’y a pas de relations amicales entre les Esprits errants ; que ceux mêmes qui se sont aimés n’échangent pas de signes de reconnaissance. Cette théorie a fait sur beaucoup de personnes une impression d’autant plus pénible, que les lecteurs de la Revue considèrent cet Esprit comme élevé, et ont admiré la plupart de ses communications. Si cette théorie était absolue, elle serait en contradiction avec ce qui a été dit si souvent, qu’au moment de la mort, les Esprits amis viennent recevoir le nouvel arrivant, l’aident à se dégager des liens terrestres, et l’initient en quelque sorte à sa nouvelle vie. D’un autre côté, si les Esprits inférieurs ne communiquaient pas avec des Esprits plus avancés ils ne pourraient s’améliorer.
Nous avons essayé de réfuter ces objections dans un article de la Revue de 1860, page 342, sous le titre de Relations affectueuses des Esprits, mais voici le commentaire que, sur notre demande, Georges lui-même a donné de sa communication :
« Lorsqu’un homme surpris par la mort dans les habitudes matérialistes d’une vie qui ne lui a jamais laissé le temps de s’occuper de Dieu ; lorsque, tout palpitant encore des angoisses et des craintes terrestres, il arrive dans le monde des Esprits, il ressemble à un voyageur qui ignore la langue et les mœurs du pays qu’il visite. Plongé dans le trouble, il est incapable de se communiquer et de comprendre ni ses propres sensations, ni celles des autres ; il erre enveloppé de silence ; alors il sent germer, éclore et se développer lentement des pensées inconnues, et une nouvelle âme fleurit en la sienne. Arrivée à ce point, l’âme captive sent tomber ses liens, et comme un oiseau rendu à la liberté, elle s’élance vers Dieu, en jetant un cri d’allégresse et d’amour ; alors se pressent autour d’elle les Esprits des parents, des amis purifiés qui avaient silencieusement accueilli sa venue parmi eux. Ils sont en petit nombre ceux qui peuvent, aussitôt après la délivrance du corps communiquer avec leurs amis retrouvés ; il faut l’avoir mérité, et ce ne sont que ceux qui ont accompli glorieusement leurs dernières migrations qui sont, dès le premier moment, assez dématérialisés pour jouir de cette faveur que Dieu accorde comme récompense. J’ai présenté une des phases de la vie spirite ; je n’ai point entendu généraliser, et, comme on le voit, je n’ai parlé que de l’état des premiers instants qui suivent la mort, et cet état peut durer plus ou moins longtemps, selon la nature de l’Esprit ; il dépend de chacun de l’abréger en se détachant des liens terrestres dès la vie corporelle, car ce n’est que l’attachement aux choses matérielles qui empêche de jouir du bonheur de la vie spirituelle. »
GEORGES.
Remarque. Rien n’est plus moral que cette doctrine, car elle montre qu’aucune des jouissances que nous promet la vie future n’est obtenue sans l’avoir méritée ; que le bonheur même de revoir les êtres qui nous sont chers et de s’entretenir avec eux peut être ajourné ; en un mot que la situation dans la vie spirite est en toutes choses, ce que nous la faisons par notre conduite dans la vie corporelle.