Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année II — Juin 1859.

(Langue portugaise)

LE MUSCLE CRAQUEUR.

Les adversaires du Spiritisme viennent de faire une découverte qui doit bien contrarier les Esprits frappeurs ; c’est pour eux un coup de massue, dont ils auront bien de la peine à se relever. Que doivent penser, en effet, ces pauvres Esprits de la terrible botte que vient de leur porter M. Schiff,  †  et puis M. Jobert (de Lamballe),  †  et puis M. Velpeau ? Il me semble les voir tout penauds, tenir à peu près ce langage : « Eh bien ! mon cher, nous sommes dans de beaux draps ! nous voilà enfoncés ; nous avions compté sans l’anatomie qui a découvert nos ficelles. Décidément, il n’y a pas moyen de vivre dans un pays où il y a des gens qui voient si clair. » — Allons, messieurs les badauds, qui avez cru bonnement à tous ces contes de bonne femme ; imposteurs qui avez voulu nous faire accroire qu’il peut exister des êtres que nous ne voyons pas. Ignorants qui croyez que quelque chose peut échapper au scalpel, même votre âme ; et vous tous, écrivains spirites ou spiritualistes, plus ou moins spirituels, inclinez-vous et reconnaissez que vous étiez tous des dupes, des charlatans, voire même des fripons ou des imbéciles : ces messieurs vous laissent le choix, car voici la lumière, la vérité pure.

« Académie des sciences (Séance du 18 avril 1859.) — DE LA CONTRACTION RYTHMIQUE MUSCULAIRE INVOLONTAIRE. — M. JOBERT (de Lamballe) communique un fait curieux de contractions involontaires rythmiques du court péronier latéral droit, qui confirme l’opinion de M. Schiff relativement au phénomène occulte des esprits frappeurs.

Mademoiselle X…, âgée de quatorze ans, forte, bien constituée, est affectée depuis six ans de mouvements involontaires réguliers du muscle court péronier latéral droit et de battements qui se font entendre derrière la malléole externe droite, offrant la régularité du pouls. Ils se sont déclarés pour la première fois à la jambe droite, pendant la nuit, en même temps qu’une douleur assez vive. Depuis peu de temps le court péronier latéral gauche est atteint d’une affection de même nature, mais de moindre intensité.

L’effet de ces battements est de provoquer de la douleur, de produire des hésitations dans la marche et même de déterminer des chutes. La jeune malade nous déclare que l’extension du pied et la compression exercée sur certains points du pied et de la jambe suffisent pour les arrêter, mais qu’elle continue alors à éprouver de la douleur et de la fatigue dans le membre.

Lorsque cette intéressante personne se présenta à nous, voici dans quel état nous la trouvâmes : Au niveau de la malléole externe droite, il était facile de constater, vers le bord supérieur de cette saillie osseuse, un battement régulier, accompagné d’une saillie passagère et d’un soulèvement des parties molles de cette région, lesquels étaient suivis d’un bruit sec succédant à chaque contraction musculaire. Ce bruit se faisait entendre dans le lit, hors du lit et à une distance assez considérable du lieu où la jeune personne reposait. Remarquable par sa régularité et son éclat, ce bruit l’accompagnait partout. En appliquant l’oreille sur la jambe, le pied ou sur la malléole, on distinguait un choc incommode qui gagnait toute la largeur du trajet parcouru par le muscle, absolument comme un coup qui est transmis d’une extrémité d’une poutre à l’autre. Le bruit ressemblait quelquefois à un frottement, à un grattement, et cela lorsque les contractions offraient moins d’intensité. Ces mêmes phénomènes se sont toujours reproduits, que la malade fût debout, assise ou couchée, quelle que fût l’heure du jour ou de la nuit où nous l’ayons examinée.

Si nous étudions le mécanisme des battements produits, et si, pour plus de clarté, nous décomposons chaque battement en deux temps, nous verrons :

Que, dans le premier temps, le tendon du court péronier latéral se déplace en sortant de la gouttière, et nécessairement en soulevant le long péronier latéral et la peau ;

Que, dans le deuxième temps, le phénomène de contraction étant accompli, son tendon se relâche, se replace dans la gouttière, et produit, en frappant contre celui-ci, le bruit sec et sonore dont nous avons parlé.

Il se renouvelait, pour ainsi dire, à chaque seconde, et chaque fois le petit orteil éprouvait une secousse et la peau qui recouvre le cinquième métatarsien était soulevée par le tendon. Il cessait lorsque le pied était fortement étendu. Il cessait encore lorsqu’une pression était exercée sur le muscle ou la gaine des péroniers.

Dans ces dernières années, les journaux français et étrangers, ont beaucoup parlé de bruits semblables à des coups de marteau, tantôt se succédant régulièrement, tantôt affectant un rythme particulier, qui se produisaient autour de certaines personnes couchées dans leur lit.

Les charlatans se sont emparés de ces phénomènes singuliers, dont la réalité est d’ailleurs attestée par des témoins dignes de foi. Ils on essayé de les rapporter à l’intervention d’une cause surnaturelle, et s’en sont servis pour exploiter la crédulité publique.

L’observation de mademoiselle X… montre comment, sous l’influence de la contraction musculaire, les tendons déplacés peuvent, au moment où ils retombent dans leurs gouttières osseuses, produire des battements qui, pour certaines personnes, annoncent la présence d’esprits frappeurs.

En s’exerçant, tout homme peut acquérir la faculté de produire à volonté de semblables déplacements des tendons et battements secs qui sont entendus à distance.

Repoussant toute idée d’intervention surnaturelle et remarquant que ces battements et ces bruit étranges se passaient toujours au pied du lit des individus agités par les esprits, M. Schiff s’est demandé si le siège de ces bruits n’était pas en eux plutôt que hors d’eux. Ses connaissances anatomiques lui ont donné à penser qu’il pouvait bien être à la jambe, dans la région péronière, où se trouvent placés une surface osseuse, des tendons et une coulisse commune.

Cette manière de voir étant bien arrêtée dans son esprit, il a fait des expériences et des essais sur lui-même, qui ne lui ont pas permis de douter que le bruit n’eût son siège derrière la malléole externe et dans la coulisse des tendons des péroniers.

Bientôt M. Schiff a été à même d’exécuter des bruits volontaires, réguliers, harmonieux, et a pu devant un grand nombre de personnes (une cinquantaine d’auditeurs), imiter les prodiges des esprits frappeurs avec ou sans chaussure, debout ou couché.

M. Schiff établit que tous ces bruits ont pour origine le tendon du long péronier, lorsqu’il passe dans la gouttière péronière, et il ajoute qu’ils coexistent avec un amincissement ou l’absence de la gaine commune au long et au court péronier. Quant à nous, admettant d’abord que tous ces battements sont produits par la chute d’un tendon contre la surface osseuse péronière, nous pensons cependant qu’il n’est pas besoin d’une anomalie de la gaine pour s’en rendre compte. Il suffit de la contraction du muscle, du déplacement du tendon et de son retour dans la gouttière pour que le bruit ait lieu. De plus, le court péronier seul est l’agent du bruit en question. En effet, il affecte une direction plus droite que le long péronier, qui subit plusieurs déviations dans son trajet ; il est profondément situé dans la gouttière ; il recouvre tout à fait la gouttière osseuse, d’où il est naturel de conclure que le bruit est produit par le choc de ce tendon sur les parties solides de la gouttière ; il présente des fibres musculaires jusqu’à l’entrée du tendon dans la gouttière commune, tandis que c’est tout le contraire pour le long péronier.

Le bruit est variable dans son intensité, et l’on peut en effet y distinguer diverses nuances. C’est ainsi que, depuis le bruit éclatant et qui se distingue au loin, on retrouve des variétés de bruit, de frottement, de scie, etc.

Nous avons successivement, par la méthode sous-cutanée, incisé en travers le corps du court péronier latéral droit et le corps du même muscle du côté gauche chez notre malade, et nous avons maintenu les membres dans l’immobilité à l’aide d’un appareil. La réunion s’est faite et les fonctions des deux membres ont été recouvrées sans aucune trace de cette singulière et RARE affection.

M. VELPEAU. Les bruits dont M. Jobert vient de traiter dans son intéressante notice me semblent se rattacher à une question assez vaste. On observe, en effet, de ces bruits dans une foule de régions. La hanche, l’épaule, le côté interne du pied en deviennent assez souvent le siège. J’ai vu, entre autres, une dame qui, a l’aide de certains mouvements de rotation de la cuisse, produisait ainsi une sorte de musique assez manifeste pour être entendue d’un côté à l’autre du salon. Le tendon de la longue portion du biceps brachial en engendre facilement en sortant de sa coulisse, quand les brides fibreuses qui le retiennent naturellement viennent à se relâcher ou à se rompre. Il en est de même du jambier postérieur ou du fléchisseur du gros orteil, derrière la malléole interne. De tels bruits s’expliquent, ainsi que MM. Schiff et Jobert l’ont bien compris, par le frottement ou les soubresauts des tendons dans les rainures ou contre des bords à surfaces synoviales. Ils sont, par conséquent, possibles dans une infinité de régions ou au voisinage d’une foule d’organes. Tantôt clairs ou éclatants, tantôt sourds ou obscurs, parfois humides et d’autres fois secs, ils varient, d’ailleurs, extrêmement d’intensité.

Espérons que l’exemple donné à ce sujet par MM. Schiff et Jobert portera les physiologistes à s’occuper sérieusement de ces divers bruits, et qu’ils donneront un jour l’explication rationnelle de phénomènes incompris ou attribués jusqu’ici à des causes occultes et surnaturelles.

M. JULES CLOQUET, à l’appui des observations de M. Velpeau sur les bruits anormaux que les tendons peuvent produire dans diverses régions du corps, cite l’exemple d’une jeune fille de seize à dix-huit ans qui lui fui présentée à l’hôpital Saint-Louis, à une époque où MM. Velpeau et Jobert étaient attachés à ce même établissement. Le père de cette jeune fille, qui s’intitulait père d’un phénomène, espèce de saltimbanque, comptait tirer profit de son enfant pour la livrer à une exhibition publique ; il annonça que sa fille avait dans le ventre un mouvement de pendule. Cette fille était parfaitement conformée. Par un léger mouvement de rotation dans la région lombaire de la colonne vertébrale, elle produisait des craquements très forts, plus ou moins réguliers, suivant le rythme des légers mouvements qu’elle imprimait à la partie inférieure de son torse. Ces bruits anormaux pouvaient s’entendre très distinctement à plus de vingt-cinq pieds de distance, et ressemblaient au bruit d’un vieux tournebroche ; ils étaient suspendus à la volonté de la jeune fille, et paraissaient avoir leur siège dans les muscles de la région lombo-dorsale de la colonne vertébrale. »


Cet article, tiré de l’Abeille médicale — Google Books, et que nous avons cru devoir transcrire dans son intégrité pour l’édification de nos lecteurs, et afin qu’on ne nous accusât pas d’avoir voulu esquiver quelques arguments, a été reproduit avec des variantes, par différents journaux, avec accompagnement des épithètes obligées. Nous n’avons pas l’habitude de relever les grossièretés : nous les laissons pour compte, notre vulgaire bon sens nous disant qu’on ne prouve rien par des sottises et des injures, quelque savant qu’on soit. Si l’article en question se fût borné à ces banalités, qui ne sont pas toujours marquées au coin de l’urbanité et du savoir vivre, nous ne l’aurions pas relevé ; mais il traite la question au point de vue scientifique ; il nous accable par des démonstrations avec lesquelles il prétend nous pulvériser ; voyons donc si, décidément, nous sommes morts de par l’arrêt de l’Académie des sciences, ou bien, si nous avons quelque chance de vivre comme ce pauvre fou de Fulton dont le système fut déclaré, par l’Institut, un rêve creux, impraticable, ce qui a tout simplement privé la France de l’initiative de la marine à vapeur ; et qui sait les conséquences que cette puissance, entre les mains de Napoléon Iº, eût pu avoir sur les événements ultérieurs !

Nous ne ferons qu’une très courte remarque au sujet de la qualification de charlatan donnée aux partisans des idées nouvelles ; elle nous semble quelque peu hasardée, quand elle s’applique à des millions d’individus qui n’en tirent aucun profit, et quand elle atteint les sommets les plus élevés des régions sociales. On oublie que le Spiritisme a fait, en quelques années, des progrès incroyables dans toutes les parties du monde ; qu’il se propage, non parmi les ignorants, mais dans les classes éclairées ; qu’il compte dans ses rangs un très grand nombre de médecins, des magistrats, des ecclésiastiques, des artistes, des hommes de lettres, de hauts fonctionnaires : gens auxquels on accorde généralement quelques lumières et un peu de bon sens. Or, les confondre dans le même anathème, et les envoyer sans façon aux Petites-Maisons, c’est agir par trop cavalièrement.

Mais direz-vous, ces gens-là sont de bonne foi ; ils sont dupes d’une illusion ; nous ne nions pas l’effet, nous ne contestons que la cause que vous lui attribuez, la science vient de découvrir la véritable cause, elle la fait connaître, et par cela même, fait crouler tout cet échafaudage mystique d’un monde invisible qui peut séduire des imaginations exaltées, mais loyales.

Nous ne nous piquons pas d’être savant, et encore moins oserions-nous nous placer au niveau de nos honorables adversaires ; nous dirons seulement que nos études personnelles en anatomie, et les sciences physiques et naturelles que nous avons eu l’honneur de professer, nous permettent de comprendre leur théorie et que nous ne sommes nullement étourdi par cette avalanche de mots techniques ; les phénomènes dont ils parlent nous sont parfaitement connus. Dans nos observations sur les effets attribués à des êtres invisibles, nous n’avons eu garde de négliger une cause aussi patente de méprise. Quand un fait se présente, nous ne nous contentons pas d’une seule observation ; nous voulons le voir de tous les côtés, sous toutes ses faces, et avant d’accepter une théorie, nous examinons si elle rend compte de toutes les circonstances, si aucun fait inconnu ne vient la contredire, en un mot si elle résout toutes les questions : la vérité est à ce prix. Vous admettrez bien, messieurs, que cette manière de procéder est assez logique. Eh bien ! malgré tout le respect que commande votre savoir, il se présente quelques difficultés dans l’application de votre système à ce qu’on appelle les Esprits frappeurs. La première c’est qu’il est au moins singulier que cette faculté, jusqu’à présent exceptionnelle et regardée comme un cas pathologique, que M. Jobert (de Lamballe) qualifie de rare et singulière affection, soit devenue tout à coup si commune. M. de Lamballe dit, il est vrai, que tout homme peul l’acquérir par l’exercice ; mais comme il dit aussi qu’elle est accompagnée de douleur et de fatigue, ce qui est assez naturel, on conviendra qu’il faut avoir une bien robuste envie de mystifier pour faire craquer son muscle pendant deux ou trois heures de suite quand cela ne rapporte rien, et pour le seul plaisir d’amuser une société.

Mais parlons sérieusement ; ceci est plus grave, car c’est de la science. Ces messieurs qui ont découvert cette merveilleuse propriété du long péronier, ne se doutent pas de tout ce que peut faire ce muscle ; or voilà un beau problème à résoudre. Les tendons déplacés ne frappent pas seulement dans leurs gouttières osseuses ; par un effet vraiment bizarre, ils vont frapper contre les portes, les murailles, les plafonds, et cela à volonté, dans tel endroit désigné. Mais voici qui est plus fort, et voyez combien la science était loin de se douter de toutes les vertus de ce muscle craqueur : il a le pouvoir de soulever une table sans la toucher, de la faire frapper des pieds, se promener dans une chambre, se maintenir dans l’espace sans point d’appui ; de l’ouvrir et de la fermer, et jugez de sa force ! de la faire briser en retombant. Vous croyez qu’il s’agit d’une table fragile et légère comme une plume, et qu’on enlève en soufflant dessus ? Détrompez-vous, il s’agit de tables lourdes et massives, pesant cinquante à soixante kilos, qui obéissent à de jeunes filles, à des enfants. Mais dira M. Schiff, je n’ai jamais vu ces prodiges. Cela est facile à concevoir, il n’a voulu voir que des jambes.

M. Schiff a-t-il apporté dans ses observations l’indépendance d’idées nécessaire ? Etait-il dégagé de toute prévention ? Il est permis d’en douter ; ce n’est pas nous qui le disons, c’est M. Jobert. Selon lui, M. Schiff s’est demandé, en parlant des médiums, si le siège de ces bruits n’était pas plutôt en eux que hors d’eux ; ses connaissances anatomiques lui ont donné à penser qu’il pouvait bien être dans la jambe. Cette manière de voir étant bien arrêtée dans son esprit, etc. Ainsi, de l’aveu de M. Jobert, M. Schiff a pris pour point de départ, non les faits, mais sa propre idée, son idée préconçue bien arrêtée ; de là des recherches dans un sens exclusif, et par conséquent une théorie exclusive qui explique parfaitement le fait qu’il a vu, mais non ceux qu’il n’a pas vus. — Et pourquoi n’a-t-il pas vu ? — Parce que, dans sa pensée, il n’y avait qu’un point de départ vrai, et une explication vraie ; partant de là, tout le reste devait être faux et ne méritait pas examen ; il en est résulté que, dans son ardeur à pourfendre les médiums, il a frappé à côté.

Vous croyez, Messieurs, connaître toutes les vertus du long péronier, parce que vous l’avez surpris jouant de la guitare dans sa coulisse ? Ah ! bien oui ! voilà bien autre chose à enregistrer dans les annales anatomiques. Vous avez cru que le cerveau était le siège de la pensée ; erreur ! on peut penser par la cheville. Les coups frappés donnent des preuves d’intelligence, donc si ces coups viennent exclusivement du péronier, que ce soit le long, selon M. Schiff, ou le court, selon M. Jobert (il faudrait pourtant bien s’entendre à cet égard) : c’est que le péronier est intelligent. — Cela n’a rien d’étonnant ; le médium faisant craquer son muscle à volonté exécutera ce que vous voudrez : il imitera la scie, le marteau, battra le rappel, le rythme d’un air demandé. — Soit ; mais quand le bruit répond à une chose que le médium ne sait pas du tout, qu’il ne peut savoir ; quand il vous dit de ces petits secrets que vous seul savez, de ces secrets qu’on voudrait cacher à son bonnet de nuit, il faut bien convenir que la pensée vient d’autre part que de son cerveau. D’où vient-elle ? Eh parbleu ! du long péronier. Ce n’est pas tout, il est poète aussi, ce long péronier, car il peut composer des vers charmants, quoique le médium n’ait jamais su en faire de sa vie ; il est polyglotte, car il dicte des choses vraiment fort sensées dans des langues dont le médium ne sait pas le premier mot ; il est musicien… nous le savons, M. Schiff a fait exécuter au sien des sons harmonieux, avec ou sans chaussure, devant cinquante personnes. — Oui ; mais il compose. Vous, Monsieur Dorgeval, qui nous avez donné dernièrement une charmante sonate, vous croyez bonnement que c’est l’Esprit de Mozart qui vous l’a dictée ? Détrompez-vous, c’est votre long péronier qui jouait du piano. En vérité, messieurs les médiums, vous ne vous doutiez pas avoir tant d’esprit dans votre talon. Honneur donc à ceux qui ont fait cette découverte ; que leurs noms soient inscrits en grosses lettres pour l’édification de la postérité et l’honneur de leur mémoire !

Vous plaisantez d’une chose sérieuse, dira-t-on ; mais des plaisanteries ne sont pas des raisons. Non, pas plus que les sottises et les grossièretés. Confessant notre ignorance auprès de ces messieurs, nous acceptons leur savante démonstration et la prenons très sérieusement. Nous avions cru que certains phénomènes étaient produits par des êtres invisibles qui se sont donné le nom d’Esprits : nous nous sommes trompé, soit ; comme nous cherchons la vérité, nous n’aurons pas la sotte prétention de nous entêter sur une idée qui nous est démontrée fausse d’une manière aussi péremptoire. Du moment que M. Jobert, par une incision sous-cutanée, a coupé court aux Esprits, c’est qu’il n’y a plus d’Esprits. Puisqu’il dit que tous les bruits viennent du péronier, il faut bien le croire et en admettre toutes les conséquences ; ainsi, quand les coups se font entendre dans la muraille ou au plafond, c’est que le péronier y correspond, ou que la muraille a un péronier ; quand ces coups dictent des vers par une table qui frappe du pied, de deux choses l’une, c’est la table qui est poète ou bien le péronier ; ceci nous paraît logique. Nous allons même plus loin : un officier de notre connaissance reçut un jour en faisant des expériences spirites, et par une main invisible, une paire de soufflets tellement bien appliqués qu’il s’en ressentit encore deux heures après. Or, le moyen de provoquer une réparation ? Si pareille chose arrivait à M. Jobert, il ne s’en inquiéterait pas, parce qu’il dirait qu’il a été cinglé par le long péronier.

Voici ce que nous lisons à ce sujet dans le journal la Mode du 1º mai 1859.

« L’Académie de médecine continue la croisade des esprits positifs contre le merveilleux en tout genre. Après avoir, à bon droit, mais peut-être un peu maladroitement foudroyé le fameux docteur noir, par l’organe de M. Velpeau, voici maintenant qu’elle vient d’entendre M. Jobert (de Lamballe) déclarer, en plein Institut, le secret de ce qu’il appelle la grande comédie des Esprits frappeurs, qui s’est jouée avec tant de succès dans les deux hémisphères.

« Suivant le célèbre chirurgien, tous les toc toc, tous les pan pan, faisant tressaillir de si bonne foi les gens qui les entendaient ; ces bruits singuliers, ces coups secs frappés successivement et comme en cadence, précurseurs de l’arrivée, signes certains de la présence des habitants de l’autre monde, sont tout simplement le résultat d’un mouvement imprimé à un muscle, à un nerf, à un tendon ! Il s’agit d’une bizarrerie de la nature, habilement exploitée, pour produire, sans qu’il soit possible de le remarquer, cette musique mystérieuse qui a charmé, séduit tant de gens.

« Le siège de l’orchestre est placé dans la jambe. C’est le tendon du péronier, jouant dans une coulisse, qui fait tous ces bruits que l’on entend sous les tables, ou à distance, à la volonté du prestidigitateur.

« Je doute très fort, pour ma part, que M. Jobert ait mis la main, comme il le croit, sur le secret de ce qu’il appelle « une comédie, » et les articles qui ont été publiés dans ce journal même, par notre confrère M. Escande, sur les mystères du monde occulte, me paraissent poser la question avec une largeur bien autrement sincère et philosophique, dans le bon sens du mot.

« Mais, si les charlatans de toutes couleurs sont agaçants avec leurs coups de grosse caisse, il faut convenir que messieurs les savants ne le sont pas moins quelquefois avec l’éteignoir qu’ils prétendent poser sur tout ce qui luit en dehors des flambeaux officiels.

« Ils ne comprennent pas que la soif du merveilleux, qui dévore notre époque, a justement pour causes les excès de positivisme où certains esprits ont voulu l’entraîner. L’âme humaine a besoin de croire, d’admirer et d’avoir vue sur l’infini. On a travaillé à lui boucher les fenêtres que lui ouvrait le catholicisme, elle regarde par n’importe quelles lucarnes. »

HENRY DE PENE.


« Notre excellent ami, M. Henry de Pène, nous permettra une observation. Nous ignorons quand M. Jobert a fait cette immortelle découverte, et quel est le jour mémorable où il l’a communiquée à l’Institut. Ce que nous savons, c’est que cette originale explication avait déjà été donnée par d’autres. En 1854, M. le docteur Rayer, un praticien célèbre, qui ne fit pas ce jour là preuve d’une rare perspicacité, présenta lui aussi, à l’Institut, un Allemand dont le savoir-faire donnait, selon lui, la clé de tous les knokings et rappings des deux mondes. Il s’agissait, comme aujourd’hui, du déplacement de l’un des tendons musculaires de la jambe, appelé le long péronier. La démonstration en fut donnée séance tenante, et l’Académie exprima sa reconnaissance pour cette intéressante communication. Quelques jours après, un professeur agrégé de la Faculté de médecine consigna le fait dans le Constitutionnel, et il eut le courage d’ajouter que « les savants ayant enfin prononcé, le mystère était enfin éclairci. » Ce qui n’a pas empêché le mystère de persister et de grandir, en dépit de la science qui, se refusant à l’expérimenter, se contente de l’attaquer par des explications ridicules et burlesques, comme celles dont nous venons de parler. Par respect pour M. Jobert (de Lamballe), nous nous plaisons à croire qu’on lui a prêté une expérience qui ne lui appartient nullement. Quelque journal, à bout de nouvelles, aura retrouvé dans quelque coin oublié de son portefeuille l’ancienne communication de M. Rayer, et l’aura ressuscitée, en la plaçant sous son patronage, afin de varier un peu. Mutato nomine, de te fabula narratur. C’est fâcheux, sans doute, mais cela vaut encore mieux que si ce journal avait dit vrai. »

A. ESCANDE



Il y a une image de ce article dans le service Google — Recherche de livres (Revue Spirite 1859).


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