Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année II — Avril 1859.

(Langue portugaise)

TABLEAU DE LA VIE SPIRITE.

1. — Tous, sans exception, nous atteignons tôt ou tard le terme fatal de la vie ; nulle puissance ne saurait nous soustraire à cette nécessité, voilà qui est positif. Les préoccupations du monde nous détournent souvent de la pensée de ce qui se passe au-delà de la tombe, mais quand arrive le moment suprême, il en est peu qui ne se demandent ce qu’ils vont devenir, car l’idée de quitter sans retour l’existence a quelque chose de navrant. Qui pourrait, en effet, envisager avec indifférence une séparation absolue, éternelle, de tout ce que l’on a aimé ? Qui pourrait voir sans effroi s’ouvrir devant soi le gouffre immense du néant où viendraient s’engloutir à jamais toutes nos facultés, toutes nos espérances ? « Quoi ! après moi, rien, plus rien que le vide ; tout est fini sans retour ; encore quelques jours et mon souvenir sera effacé de la mémoire de ceux qui me survivent ; bientôt il ne restera nulle trace de mon passage sur la terre ; le bien même que j’ai fait sera oublié des ingrats que j’ai obligés ; et rien pour compenser tout cela, aucune autre perspective que celle de mon corps rongé par les vers ! » Ce tableau de la fin du matérialiste, tracé par un Esprit qui avait vécu dans ces pensées, n’a-t-il pas quelque chose d’affreux, de glacial ? La religion nous enseigne qu’il ne peut en être ainsi, et la raison nous le confirme ; mais cette existence future, vague et indéfinie, n’a rien qui satisfasse notre amour du positif ; c’est ce qui, chez beaucoup, engendre le doute. Nous avons une âme, soit ; mais qu’est-ce que c’est que notre âme ? A-t-elle une forme, une apparence quelconque ? Est-ce un être limité ou indéfini ? Les uns disent que c’est un souffle de Dieu, d’autres une étincelle, d’autres une partie du grand tout, le principe de la vie et de l’intelligence ; mais qu’est-ce que tout cela nous apprend ? On dit encore qu’elle est immatérielle ; mais une chose immatérielle ne saurait avoir des proportions définies ; pour nous ce n’est rien. La religion nous enseigne encore que nous serons heureux ou malheureux, selon le bien ou le mal que nous aurons fait ; mais quel est ce bonheur qui nous attend dans le sein de Dieu ? Est-ce une béatitude, une contemplation éternelle, sans autre emploi que de chanter les louanges du Créateur ? Les flammes de l’enfer sont-elles une réalité ou une figure ? L’Église elle-même l’entend dans cette dernière acception, mais quelles sont ces souffrances ? où est ce lieu de supplice ? En un mot, que fait-on, que voit-on, dans ce monde qui nous attend tous ? Personne, dit-on, n’est revenu pour nous en rendre compte. C’est une erreur, et la mission du Spiritisme est précisément de nous éclairer sur cet avenir, de nous le faire, jusqu’à un certain point, toucher au doigt et à l’œil, non plus par le raisonnement, mais par les faits. Grâce aux communications spirites, ce n’est plus une présomption, une probabilité sur laquelle chacun brode à sa guise, que les poètes embellissent de leurs fictions, ou sèment d’images allégoriques qui nous trompent, c’est la réalité même qui nous apparaît, car ce sont les êtres mêmes d’outre-tombe qui viennent nous dépeindre leur situation, nous dire ce qu’ils font, qui nous permettent d’assister pour ainsi dire à toutes les péripéties de leur vie nouvelle, et, par ce moyen, nous montrent le sort inévitable qui nous attend selon nos mérites et nos méfaits. Y a-t-il là rien d’anti-religieux ? bien au contraire, puisque les incrédules y trouvent la foi, et les tièdes un renouvellement de ferveur et de confiance. Le Spiritisme est donc le plus puissant auxiliaire de la religion. Puisque cela est, c’est que Dieu le permet, et il le permet pour ranimer nos espérances chancelantes, et nous ramener dans la voie du bien par la perspective de l’avenir qui nous attend.

Les entretiens familiers d’outre-tombe que nous donnons, les récits qu’ils contiennent de la situation des Esprits qui nous parlent, nous initient à leurs peines, à leurs joies, à leurs occupations ; c’est le tableau animé de la vie spirite, et dans la variété même des sujets, nous pouvons trouver les analogies qui nous touchent. Nous allons essayer d’en résumer l’ensemble.


2. — Prenons d’abord l’âme à sa sortie de ce monde, et voyons ce qui se passe dans cette transmigration. Les forces vitales s’éteignant, l’Esprit se dégage du corps au moment où cesse la vie organique ; mais la séparation n’est pas brusque et instantanée. Elle commence quelquefois avant la cessation complète de la vie ; elle n’est pas toujours complète à l’instant de la mort. Nous savons qu’entre l’Esprit et le corps il y a un lien semi-matériel qui constitue une première enveloppe ; c’est ce lien qui n’est pas brisé subitement, et tant qu’il subsiste, l’Esprit est dans un état de trouble qu’on peut comparer à celui qui accompagne le réveil ; souvent même il doute de sa mort ; il sent qu’il existe, il se voit, et ne comprend pas qu’il puisse vivre sans son corps dont il se voit séparé ; les liens qui l’unissent encore à la matière le rendent même accessible à certaines sensations qu’il prend pour des sensations physiques ; ce n’est que lorsqu’il est complètement libre que l’Esprit se reconnaît : jusque-là il ne se rend pas compte de sa situation. La durée de cet état de trouble, ainsi que nous l’avons dit en d’autres occasions, est très variable ; elle peut être de plusieurs heures, comme de plusieurs mois, mais il est rare qu’au bout de quelques jours l’Esprit ne se reconnaisse pas plus ou moins bien. Cependant comme tout est étrange et inconnu pour lui, il lui faut un certain temps pour se familiariser avec sa nouvelle manière de percevoir les choses.

L’instant où l’un d’eux voit cesser son esclavage par la rupture des liens qui le retiennent au corps, est un instant solennel ; à sa rentrée dans le monde des Esprits, il est accueilli par ses amis qui viennent le recevoir comme au retour d’un pénible voyage ; si la traversée a été heureuse, c’est-à-dire, si le temps d’exil a été employé d’une manière profitable pour lui et l’élève dans la hiérarchie du monde des Esprits, ils le félicitent ; là il retrouve ceux qu’il a connus, se mêle à ceux qui l’aiment et sympathisent avec lui, et alors commence véritablement pour lui sa nouvelle existence.


3. — L’enveloppe semi-matérielle de l’Esprit constitue une sorte de corps d’une forme définie, limitée et analogue à la nôtre ; mais ce corps n’a point nos organes et ne peut ressentir toutes nos impressions. Il perçoit cependant tout ce que nous percevons : la lumière, les sons, les odeurs, etc. ; et ces sensations, pour n’avoir rien de matériel, n’en sont pas moins réelles ; elles ont même quelque chose de plus clair, de plus précis, de plus subtil, parce qu’elles arrivent à l’Esprit sans intermédiaire, sans passer par la filière des organes qui les émoussent. La faculté de percevoir est inhérente à l’Esprit : c’est un attribut de tout son être ; les sensations lui arrivent de partout et non par des canaux circonscrits. L’un d’eux nous disait en parlant de la vue : « C’est une faculté de l’Esprit et non du corps ; vous voyez par les yeux, mais en vous ce n’est pas l’œil qui voit, c’est l’Esprit. »

Par la conformation de nos organes, nous avons besoin de certains véhicules pour nos sensations ; c’est ainsi qu’il nous faut la lumière pour refléter les objets, l’air pour nous transmettre les sons ; ces véhicules deviennent inutiles dès lors que nous n’avons plus les intermédiaires qui les rendaient nécessaires ; l’Esprit voit donc sans le secours de notre lumière, entend sans avoir besoin des vibrations de l’air ; c’est pourquoi il n’y a point pour lui d’obscurité. Mais des sensations perpétuelles et indéfinies, quelque agréables qu’elles soient, deviendraient fatigantes à la longue si l’on ne pouvait s’y soustraire ; aussi l’Esprit a-t-il la faculté de les suspendre ; il peut cesser à volonté de voir, d’entendre, de sentir telles ou telles choses, par conséquent, ne voir, n’entendre, ne sentir que ce qu’il veut ; cette faculté est en raison de sa supériorité, car il est des choses que les Esprits inférieurs ne peuvent éviter, et voilà ce qui rend leur situation pénible.

C’est cette nouvelle manière de sentir que l’Esprit ne s’explique pas tout d’abord, et dont il ne se rend compte que peu à peu. Ceux dont l’intelligence est encore arriérée ne la comprennent même pas du tout, et seraient fort en peine de la décrire ; absolument comme parmi nous, les ignorants voient et se meuvent sans savoir pourquoi ni comment.

Cette impuissance à comprendre ce qui est au-dessus de leur portée, jointe à la forfanterie, compagne ordinaire de l’ignorance, est la source des théories absurdes que donnent certains Esprits, et qui nous induiraient nous-mêmes en erreur si nous les acceptions sans contrôle, et sans nous être assurés, par les moyens que donne l’expérience et l’habitude de converser avec eux, du degré de confiance qu’ils méritent.

Il y a des sensations qui ont leur source dans l’état même de nos organes ; or les besoins inhérents à notre corps ne peuvent avoir lieu du moment que le corps n’existe plus. L’Esprit n’éprouve donc ni la fatigue, ni le besoin du repos, ni celui de nourriture, parce qu’il n’a aucune déperdition à réparer ; il n’est affligé d’aucune de nos infirmités. Les besoins du corps entraînent des besoins sociaux qui n’existent plus pour les Esprits ; ainsi pour eux les soucis des affaires, les tracasseries, les mille tribulations du monde, les tourments que l’on se donne pour se procurer les nécessités ou les superfluités de la vie n’existent plus ; ils prennent en pitié la peine que nous nous donnons pour de vains hochets ; et pourtant, autant les Esprits élevés sont heureux, autant les Esprits inférieurs souffrent, mais ces souffrances sont plutôt des angoisses qui pour n’avoir rien de physique n’en sont pas moins poignantes ; ils ont toutes les passions, tous les désirs qu’ils avaient de leur vivant (nous parlons des Esprits inférieurs), et leur châtiment est de ne pouvoir les satisfaire ; c’est pour eux une véritable torture qu’ils croient perpétuelle, parce que leur infériorité même ne leur permet pas d’en voir le terme, et c’est encore pour eux un châtiment.

La parole articulée est aussi une nécessité de notre organisation ; les Esprits n’ayant pas besoin de sons vibrants pour frapper leurs oreilles, se comprennent par la seule transmission de la pensée, comme il nous arrive souvent à nous-mêmes de nous comprendre par le seul regard. Les Esprits cependant font du bruit ; nous savons qu’ils peuvent agir sur la matière, et cette matière nous transmet le son ; c’est ainsi qu’ils font entendre, soit des coups frappés, soit des cris dans le vague de l’air, mais alors c’est pour nous qu’ils le font, et non pour eux. Nous aurons à revenir sur ce sujet dans un article spécial où nous traiterons de la faculté des médiums auditifs.

Tandis que nous traînons péniblement notre corps lourd et matériel sur la terre, comme le galérien son boulet, celui des Esprits, vaporeux, éthéré, se transporte sans fatigue d’un lieu à un autre, franchit l’espace avec la rapidité de la pensée ; il pénètre partout, aucune matière ne lui fait obstacle.

L’Esprit voit tout ce que nous voyons, et plus clairement que nous ne pouvons le faire ; il voit de plus ce que nos sens bornés ne nous permettent pas de voir ; pénétrant lui-même la matière, il découvre ce que la matière dérobe à notre vue.

Les Esprits ne sont donc point des êtres vagues, indéfinis, selon les définitions abstraites de l’âme que nous avons rapportées plus haut ; ce sont des êtres réels, déterminés, circonscrits, jouissant de toutes nos facultés et de beaucoup d’autres qui nous sont inconnues, parce qu’elles sont inhérentes à leur nature ; ils ont les qualités de la matière qui leur est propre, et composent le monde indivisible qui peuple l’espace, nous entoure, nous coudoie sans cesse. Supposons pour un instant que le voile matériel qui les dérobe à notre vue soit déchiré, nous nous verrions environnés d’une multitude d’êtres qui vont, viennent, s’agitent autour de nous, nous observent, comme nous sommes nous-mêmes quand nous nous trouvons dans une assemblée d’aveugles. Pour les Esprits nous sommes les aveugles, et ils sont les voyants.


4. — Nous avons dit qu’en entrant dans sa nouvelle vie, l’Esprit est quelque temps à se reconnaître, que tout est étrange et inconnu pour lui. On se demandera sans doute comment il peut en être ainsi s’il a déjà eu d’autres existences corporelles ; ces existences ont été séparées par des intervalles pendant lesquels il habitait le monde des Esprits ; ce monde ne doit donc pas lui être inconnu, puisqu’il ne le voit pas pour la première fois.

Plusieurs causes contribuent à rendre ces perceptions nouvelles pour lui, quoiqu’il les ait déjà éprouvées. La mort, avons-nous dit, est toujours suivie d’un instant de trouble, mais qui peut être de courte durée. Dans cet état ses idées sont toujours vagues et confuses : la vie corporelle se confond en quelque sorte avec la vie spirite, il ne peut encore les séparer dans sa pensée. Ce premier trouble dissipé, les idées s’élucident peu à peu et avec elles le souvenir du passé qui ne lui revient que graduellement à la mémoire, car jamais cette mémoire ne fait en lui une brusque irruption. Ce n’est que lorsqu’il est tout à fait dématérialisé que le passé se déroule devant lui, comme une perspective sortant d’un brouillard. Alors seulement il se rappelle tous les actes de sa dernière existence, puis ses existences antérieures et ses divers passages dans le monde des Esprits. On conçoit donc, d’après cela, que, pendant un certain temps, ce monde doit lui paraître nouveau, jusqu’à ce qu’il s’y soit complètement reconnu, et que le souvenir des sensations qu’il y a éprouvées lui soit revenu d’une manière précise. Mais à cette cause il faut en ajouter une autre non moins prépondérante.

L’état de l’Esprit, comme Esprit, varie extraordinairement en raison du degré de son élévation et de sa pureté. A mesure qu’il s’élève et s’épure, ses perceptions et ses sensations sont moins grossières ; elles acquièrent plus de finesse, de subtilité, de délicatesse ; il voit, sent, et comprend des choses qu’il ne pouvait ni voir, ni sentir, ni comprendre dans une condition inférieure. Or, chaque existence corporelle étant pour lui une occasion de progrès l’amène dans un milieu nouveau pour lui, parce qu’il se trouve, s’il a progressé, parmi des Esprits d’un autre ordre dont toutes les pensées et toutes les habitudes sont différentes. Ajoutons à cela que cette épuration lui permet de pénétrer, toujours comme Esprit, dans des mondes inaccessibles aux Esprits inférieurs, comme chez nous les salons du grand monde sont interdits aux gens mal élevés. Moins il est éclairé, plus l’horizon est borné pour lui ; à mesure qu’il s’élève et s’épure, cet horizon grandit, et avec lui le cercle de ses idées et de ses perceptions. La comparaison suivante peut nous le faire comprendre. Supposons un paysan brut et ignorant, venant à Paris pour la première fois ; connaîtra-t-il et comprendra-t-il le Paris du monde élégant et du monde savant ? non, car il n’y fréquentera que les gens de sa classe et les quartiers qu’ils habitent. Mais que, dans l’intervalle d’un second voyage, ce paysan se soit débrouillé, qu’il ait acquis de l’instruction et des manières polies, ses habitudes et ses relations seront tout autres ; alors il verra un monde nouveau pour lui qui ne ressemblera plus à son Paris d’autrefois. Il en est de même des Esprits ; mais tous n’éprouvent pas cette incertitude au même degré. A mesure qu’ils progressent, leurs idées se développent, la mémoire est plus prompte ; ils sont familiarisés d’avance avec leur nouvelle situation ; leur retour parmi les autres Esprits n’a plus rien qui les étonne : ils se retrouvent dans leur milieu normal, et le premier moment de trouble passé, ils se reconnaissent presque immédiatement.


5. — Telle est la situation générale des Esprits à l’état que l’on appelle errant ; mais dans cet état, que font-ils ? à quoi passent-ils leur temps ? cette question est pour nous d’un intérêt capital. Ce sont eux-mêmes qui vont y répondre, comme ce sont eux qui nous ont fourni les explications que nous venons de donner, car dans tout ceci rien n’est le fait de notre imagination ; ce n’est pas un système éclos dans notre cerveau : nous jugeons d’après ce que nous voyons et entendons. Toute opinion à part sur le Spiritisme, on conviendra que cette théorie de la vie d’outre-tombe n’a rien d’irrationnel ; elle présente une suite, un enchaînement parfaitement logiques et dont plus d’un philosophe se ferait honneur.

On serait dans l’erreur si l’on croyait que la vie spirite est une vie oisive ; elle est au contraire essentiellement active, et tous nous parlent de leurs occupations ; ces occupations diffèrent nécessairement selon que l’Esprit est errant ou incarné. A l’état d’incarnation, elles sont relatives à la nature des globes qu’ils habitent, aux besoins qui dépendent de l’état physique et moral de ces globes, ainsi que de l’organisation des êtres vivants. Ce n’est pas ce dont nous avons à nous occuper ici ; nous ne parlerons que des Esprits errants. Parmi ceux qui ont atteint un certain degré d’élévation, les uns veillent à l’accomplissement des desseins de Dieu dans les grandes destinées de l’Univers ; ils dirigent la marche des événements, et concourent au progrès de chaque monde ; d’autres prennent les individus sous leur protection et s’en constituent les génies tutélaires, les anges gardiens, les suivent depuis la naissance jusqu’à la mort en cherchant à les diriger dans la voie du bien : c’est un bonheur pour eux quand leurs efforts sont couronnés de succès. Quelques-uns s’incarnent dans des mondes inférieurs pour y accomplir des missions de progrès ; ils cherchent par leurs travaux, leurs exemples, leurs conseils, leurs enseignements à faire avancer ceux-ci dans les sciences ou les arts, ceux-là dans la morale. Ils se soumettent alors volontairement aux vicissitudes d’une vie corporelle souvent pénible, en vue de faire le bien, et le bien qu’ils font leur est compté. Beaucoup enfin n’ont point d’attributions spéciales ; ils vont partout où leur présence peut être utile, donner des conseils, inspirer de bonnes idées, soutenir les courages défaillants, donner de la force aux faibles et châtier les présomptueux.

Si l’on considère le nombre infini des mondes qui peuplent l’univers, et le nombre incalculable des êtres qui les habitent, on concevra qu’il y a de quoi occuper les Esprits ; mais ces occupations n’ont rien de pénible pour eux ; ils les remplissent avec joie, volontairement et non par contrainte, et leur bonheur est de réussir dans ce qu’ils entreprennent ; nul ne songe à une oisiveté éternelle qui serait un véritable supplice. Quand les circonstances l’exigent, ils se réunissent en conseil, délibèrent sur la marche à suivre, selon les événements, donnent des ordres aux Esprits qui leur sont subordonnés, et vont ensuite où le devoir les appelle. Ces assemblées sont plus ou moins générales ou particulières selon l’importance du sujet ; aucun lieu spécial et circonscrit n’est affecté à ces réunions : l’espace est le domaine des Esprits ; pourtant elles se tiennent de préférence sur les globes qui en font l’objet. Les Esprits incarnés qui y sont en mission y prennent part selon leur élévation ; tandis que leur corps repose, ils vont puiser des conseils parmi les autres Esprits, souvent recevoir des ordres sur la conduite qu’ils doivent tenir comme hommes. A leur réveil ils n’ont point, il est vrai, un souvenir précis de ce qui s’est passé, mais ils en ont l’intuition qui les fait agir comme de leur propre mouvement.

En descendant la hiérarchie, nous trouvons des Esprits moins élevés, moins épurés, et par conséquent moins éclairés, mais qui n’en sont pas moins bons, et qui, dans une sphère d’activité plus restreinte, remplissent des fonctions analogues. Leur action, au lieu de s’étendre aux différents mondes, s’exerce plus spécialement sur un globe déterminé en rapport avec le degré de leur avancement ; leur influence est plus individuelle, et a pour objet des choses de moindre importance.

Vient ensuite la foule des Esprits vulgaires plus ou moins bons ou mauvais qui pullulent autour de nous ; ils s’élèvent peu au-dessus de l’humanité dont ils représentent toutes les nuances et en sont comme le reflet, car ils en ont tous les vices et toutes les vertus ; chez un grand nombre on retrouve les goûts, les idées et les penchants qu’ils avaient de leur vivant ; leurs facultés sont bornées, leur jugement faillible comme celui des hommes, souvent erroné et imbu de préjugés.

Chez d’autres le sens moral est plus développé ; sans avoir ni grande supériorité, ni grande profondeur, ils jugent plus sainement, et souvent condamnent ce quels ont fait, dit ou pensé pendant la vie. Du reste il y a ceci de remarquable, c’est que même parmi les Esprits les plus ordinaires, la plupart ont des sentiments plus purs comme Esprits que comme hommes ; la vie spirite les éclaire sur leurs défauts ; et, à bien peu d’exceptions près, ils se repentent amèrement, et regrettent le mal qu’ils ont fait, car ils en souffrent plus ou moins cruellement. Nous en avons quelquefois vus qui n’étaient pas meilleurs, mais jamais qui fussent plus mauvais qu’ils n’avaient été de leur vivant. L’endurcissement absolu est fort rare et n’est que temporaire, car tôt ou tard ils finissent par gémir de leur position, et l’on peut dire que tous aspirent à se perfectionner, car tous comprennent que c’est le seul moyen de sortir de leur infériorité ; s’instruire, s’éclairer c’est là leur grande préoccupation, et ils sont heureux quand ils peuvent y joindre quelques petites missions de confiance qui les relèvent à leurs propres yeux.

Ils ont aussi leurs assemblées, mais plus ou moins sérieuses selon la nature de leurs pensées. Ils nous parlent, voient et observent ce qui se passe ; ils se mêlent à nos réunions, à nos jeux, à nos fêtes, à nos spectacles, comme à nos affaires sérieuses ; ils écoutent nos conversations : les plus légers pour s’amuser et souvent rire à nos dépens ou nous faire quelques malices s’ils le peuvent, les autres pour s’instruire ; ils observent les hommes, leur caractère, et font ce qu’ils appellent des études de mœurs, en vue de se fixer sur le choix de leur existence future.

Nous avons vu l’Esprit au moment où, quittant son corps, il entre dans sa vie nouvelle ; nous avons analysé ses sensations, suivi le développement graduel de ses idées. Les premiers moments sont employés à se reconnaître, à se rendre compte de ce qui se passe en lui ; en un mot il essaye pour ainsi dire ses facultés, comme l’enfant qui peu à peu voit grandir ses forces et ses pensées. Nous parlons des Esprits vulgaires, car les autres, comme nous l’avons dit, sont en quelque sorte identifiés d’avance avec l’état spirite qui ne leur cause aucune surprise, mais seulement la joie d’être délivrés de leurs entraves et des souffrances corporelles. Parmi les Esprits inférieurs beaucoup regrettent la vie terrestre, parce que leur situation comme Esprit est cent fois pire, c’est pourquoi ils cherchent une distraction dans la vue de ce qui faisait jadis leurs délices, mais cette vue même est pour eux un supplice, car ils ont les désirs et ne peuvent les satisfaire.

Le besoin de progresser est général chez les Esprits, et c’est ce qui les excite à travailler à leur amélioration, car ils comprennent que leur bonheur est à ce prix ; mais tous n’éprouvent pas ce besoin au même degré, surtout en commençant ; quelques-uns même se complaisent dans une sorte de flânerie, mais qui n’a qu’un temps ; l’activité devient bientôt pour eux une nécessité impérieuse, à laquelle d’ailleurs ils sont poussés par d’autres Esprits qui stimulent en eux le sentiment du bien.

Vient ensuite ce que l’on peut appeler la lie du monde spirite, composée de tous les Esprits impurs dont le mal est la seule préoccupation. Ils souffrent, et voudraient voir tous les autres souffrir comme eux. La jalousie leur rend toute supériorité odieuse ; la haine est leur essence ; ne pouvant s’en prendre aux Esprits, ils s’en prennent aux hommes et s’attaquent à ceux qu’ils sentent plus faibles. Exciter les mauvaises passions, souffler la discorde, séparer les amis, provoquer les rixes, gonfler l’orgueil des ambitieux pour se donner le plaisir de l’abattre ensuite, répandre l’erreur et le mensonge, en un mot détourner du bien, telles sont leurs pensées dominantes.

Mais pourquoi Dieu permet-il qu’il en soit ainsi ? Dieu n’a pas de comptes à nous rendre. Les Esprits supérieurs nous disent que les méchants sont des épreuves pour les bons, et qu’il n’y a pas de vertu là où il n’y a pas de victoire à remporter. Du reste si ces Esprits malfaisants se donnent rendez-vous sur notre terre, c’est qu’ils y trouvent des échos et des sympathies. Consolons-nous en pensant qu’au-dessus de cette fange qui nous entoure, il y a des êtres purs et bienveillants qui nous aiment, nous soutiennent, nous encouragent, et nous tendent les bras pour nous amener à eux, et nous conduire dans des mondes meilleurs où le mal n’a pas d’accès, si nous savons faire ce qu’il faut pour le mériter.



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