1. — Un point capital dans la doctrine spirite est celui des différences qui existent entre les Esprits sous le double rapport intellectuel et moral ; leur enseignement à cet égard n’a jamais varié ; mais il n’est pas moins essentiel de savoir qu’ils n’appartiennent pas perpétuellement au même ordre, et que, par conséquent, ces ordres ne constituent pas des espèces distinctes : ce sont différents degrés de développement. Les Esprits suivent la marche progressive de la nature ; ceux des ordres inférieurs sont encore imparfaits ; ils atteignent les degrés supérieurs après s’être épurés ; ils avancent dans la hiérarchie à mesure qu’ils acquièrent les qualités, l’expérience et les connaissances qui leur manquent. L’enfant au berceau ne ressemble pas à ce qu’il sera dans l’âge mûr, et pourtant c’est toujours le même être.
La classification des Esprits est basée sur le degré de leur avancement, sur les qualités qu’ils ont acquises, et sur les imperfections dont ils ont encore à se dépouiller. Cette classification, du reste, n’a rien d’absolu ; chaque catégorie ne présente un caractère tranché que dans son ensemble ; mais d’un degré à l’autre la transition est insensible, et, sur les limites, la nuance s’efface comme dans les règnes de la nature, comme dans les couleurs de l’arc-en-ciel, ou bien encore comme dans les différentes périodes de la vie de l’homme. On peut donc former un plus ou moins grand nombre de classes selon le point de vue sous lequel on considère la chose. Il en est ici comme dans tous les systèmes de classifications scientifiques ; ces systèmes peuvent être plus ou moins complets, plus ou moins rationnels, plus ou moins commodes pour l’intelligence, mais, quels qu’ils soient, ils ne changent rien au fond de la science. Les Esprits interrogés sur ce point ont donc pu varier dans le nombre des catégories, sans que cela tire à conséquence. On s’est armé de cette contradiction apparente, sans réfléchir qu’ils n’attachent aucune importance à ce qui est purement de convention ; pour eux la pensée est tout ; ils nous abandonnent la forme, le choix des termes, les classifications, en un mot les systèmes.
Ajoutons encore cette considération que l’on ne doit jamais perdre de vue, c’est que parmi les Esprits, aussi bien que parmi les hommes, il en est de fort ignorants, et qu’on ne saurait trop se mettre en garde contre la tendance à croire que tous doivent tout savoir parce qu’ils sont Esprits. Toute classification exige de la méthode, de l’analyse, et la connaissance approfondie du sujet. Or, dans le monde des Esprits, ceux qui ont des connaissances bornées sont, comme ici-bas les ignorants, inhabiles à embrasser un ensemble, à formuler un système ; ceux mêmes qui en sont capables peuvent varier dans les détails selon leur point de vue, surtout quand une division n’a rien d’absolu. Linnée, Jussieu, Tournefort, ont eu chacun leur méthode, et la botanique † n’a pas changé pour cela ; c’est qu’ils n’ont inventé ni les plantes, ni leurs caractères ; ils ont observé les analogies d’après lesquelles ils ont formé les groupes ou classes. C’est ainsi que nous avons procédé ; nous n’avons inventé ni les Esprits ni leurs caractères ; nous avons vu et observé, nous les avons jugés à leurs paroles et à leurs actes, puis classés par similitudes ; c’est ce que chacun eût pu faire à notre place.
Nous ne pouvons cependant revendiquer la totalité de ce travail comme étant notre fait. Si le tableau que nous donnons ci-après n’a pas été textuellement tracé par les Esprits, et si nous en avons l’initiative, tous les éléments dont il se compose ont été puisés dans leurs enseignements ; il ne nous restait plus qu’à en formuler la disposition matérielle.
Les Esprits admettent généralement trois catégories principales ou trois grandes divisions. Dans la dernière, celle qui est au bas de l’échelle, sont les Esprits imparfaits qui ont encore tous ou presque tous les degrés à parcourir ; ils sont caractérisés par la prédominance de la matière sur l’Esprit et la propension au mal. Ceux de la seconde sont caractérisés par la prédominance de l’Esprit sur la matière et par le désir du bien : ce sont les bons Esprits. La première enfin comprend les Purs Esprits, ceux qui ont atteint le suprême degré de perfection.
Cette division nous semble parfaitement rationnelle et présenter des caractères bien tranchés ; il ne nous restait plus qu’à faire ressortir, par un nombre suffisant de subdivisions, les nuances principales de l’ensemble ; c’est ce que nous avons fait avec le concours des Esprits, dont les instructions bienveillantes ne nous ont jamais fait défaut.
A l’aide de ce tableau il sera facile de déterminer le rang et le degré de supériorité ou d’infériorité des Esprits avec lesquels nous pouvons entrer en rapport, et, par conséquent, le degré de confiance et d’estime qu’ils méritent. Il nous intéresse en outre personnellement, car, comme nous appartenons par notre âme au monde spirite dans lequel nous rentrons en quittant notre enveloppe mortelle, il nous montre ce qui nous reste à faire pour arriver à la perfection et au bien suprême. Nous ferons observer, toutefois, que les Esprits n’appartiennent pas toujours exclusivement à telle ou telle classe ; leur progrès ne s’accomplissant que graduellement, et souvent plus dans un sens que dans un autre, ils peuvent réunir les caractères de plusieurs catégories, ce qu’il est aisé d’apprécier à leur langage et à leurs actes.
2. — TROISIÈME ORDRE. — ESPRITS IMPARFAITS.
Caractères généraux. — Ils ont l’intuition de Dieu, mais ils ne le comprennent pas.
Tous ne sont pas essentiellement mauvais ; chez quelques-uns il y a plus de légèreté, d’inconséquence et de malice que de véritable méchanceté. Les uns ne font ni bien ni mal ; mais par cela seul qu’ils ne font point de bien, ils dénotent leur infériorité. D’autres, au contraire, se plaisent au mal, et sont satisfaits quand ils trouvent l’occasion de le faire.
Ils peuvent allier l’intelligence à la méchanceté ou à la malice ; mais quel que soit leur développement intellectuel, leurs idées sont peu élevées et leurs sentiments plus ou moins abjects.
Leurs connaissances sur les choses du monde spirite sont bornées, et le peu qu’ils en savent se confond avec les idées et les préjugés de la vie corporelle. Ils ne peuvent nous en donner que des notions fausses et incomplètes ; mais l’observateur attentif trouve souvent dans leurs communications, même imparfaites, la confirmation des grandes vérités enseignées par les Esprits supérieurs.
Leur caractère se révèle par leur langage. Tout Esprit qui, dans ses communications, trahit une mauvaise pensée, peut être rangé dans le troisième ordre ; par conséquent toute mauvaise pensée qui nous est suggérée nous vient d’un Esprit de cet ordre.
Ils voient le bonheur des bons, et cette vue est pour eux un tourment incessant, car ils éprouvent toutes les angoisses que peuvent produire l’envie et la jalousie.
Ils conservent le souvenir et la perception des souffrances de la vie corporelle, et cette impression est souvent plus pénible que la réalité. Ils souffrent donc véritablement et des maux qu’ils ont endurés, et de ceux qu’ils ont fait endurer aux autres ; et comme ils souffrent longtemps, ils croient souffrir toujours ; Dieu, pour les punir, veut qu’ils le croient ainsi.
On peut les diviser en quatre groupes principaux.
Neuvième classe. ESPRITS IMPURS. — Ils sont enclins au mal et en font l’objet de leurs préoccupations. Comme Esprits, ils donnent des conseils perfides, soufflent la discorde et la défiance, et prennent tous les masques pour mieux tromper. Ils s’attachent aux caractères assez faibles pour céder à leurs suggestions afin de les pousser à leur perte, satisfaits de pouvoir retarder leur avancement en les faisant succomber dans les épreuves qu’ils subissent.
Dans les manifestations on les reconnaît à leur langage ; la trivialité et la grossièreté des expressions, chez les Esprits comme chez les hommes, est toujours un indice d’infériorité morale sinon intellectuelle. Leurs communications décèlent la bassesse de leurs inclinations, et s’ils veulent faire prendre le change en parlant d’une manière sensée, ils ne peuvent longtemps soutenir leur rôle et finissent toujours par trahir leur origine.
Certains peuples en ont fait des divinités malfaisantes, d’autres les désignent sous les noms de démons, mauvais génies, Esprits du mal.
Les êtres vivants qu’ils animent, quand ils sont incarnés, sont enclins à tous les vices qu’engendrent les passions viles et dégradantes : la sensualité, la cruauté, la fourberie, l’hypocrisie, la cupidité, l’avarice sordide.
Ils font le mal pour le plaisir de le faire, le plus souvent sans motifs, et par haine du bien ils choisissent presque toujours leurs victimes parmi les honnêtes gens. Ce sont des fléaux pour l’humanité, à quelque rang de la société qu’ils appartiennent, et le vernis de la civilisation ne les garantit pas de l’opprobre et de l’ignominie.
Huitième classe. ESPRITS LÉGERS. — Ils sont ignorants, malins, inconséquents et moqueurs. Ils se mêlent de tout, répondent à tout, sans se soucier de la vérité. Ils se plaisent à causer de petites peines et de petites joies, à faire des tracasseries, à induire malicieusement en erreur par des mystifications et des espiègleries. A cette classe appartiennent les Esprits vulgairement désignés sous les noms de follets, lutins, gnomes, farfadets. Ils sont sous la dépendance des Esprits supérieurs, qui les emploient souvent comme nous le faisons des serviteurs et des manœuvres.
Ils paraissent, plus que d’autres, attachés à la matière, et semblent être les agents principaux des vicissitudes des éléments du globe, soit qu’ils habitent l’air, l’eau, le feu, les corps durs ou les entrailles de la terre. Ils manifestent souvent leur présence par des effets sensibles, tels que les coups, le mouvement et le déplacement anormal des corps solides, l’agitation de l’air, etc., ce qui leur a fait donner le nom d’Esprits frappeurs ou perturbateurs. On reconnaît que ces phénomènes ne sont point dus à une cause fortuite et naturelle, quand ils ont un caractère intentionnel et intelligent. Tous les Esprits peuvent produire ces phénomènes, mais les Esprits élevés les laissent en général dans les attributions des Esprits inférieurs plus aptes aux choses matérielles qu’aux choses intelligentes.
Dans leurs communications avec les hommes, leur langage est quelquefois spirituel et facétieux, mais presque toujours sans profondeur ; ils saisissent les travers et les ridicules qu’ils expriment en traits mordants et satiriques. S’ils empruntent des noms supposés, c’est plus souvent par malice que par méchanceté.
Septième classe. ESPRITS FAUX-SAVANTS. — Leurs connaissances sont assez étendues, mais ils croient savoir plus qu’ils ne savent en réalité. Ayant accompli quelques progrès à divers points de vue, leur langage a un caractère sérieux qui peut donner le change sur leurs capacités et leurs lumières ; mais ce n’est le plus souvent qu’un reflet des préjugés et des idées systématiques de la vie terrestre ; c’est un mélange de quelques vérités à côté des erreurs les plus absurdes, au milieu desquelles percent la présomption, l’orgueil, la jalousie et l’entêtement dont ils n’ont pu se dépouiller.
Sixième classe. ESPRITS NEUTRES. — Ils ne sont ni assez bons pour faire le bien, ni assez mauvais pour faire le mal ; ils penchent autant vers l’un que vers l’autre, et ne s’élèvent pas au-dessus de la condition vulgaire de l’humanité tant pour le moral que pour l’intelligence. Ils tiennent aux choses de ce monde, dont ils regrettent les joies grossières.
3. — SECOND ORDRE. — BONS ESPRITS.
Caractères généraux. - Prédominance de l’Esprit sur la matière ; désir du bien. Leurs qualités et leur pouvoir pour faire le bien sont en raison du degré auquel ils sont parvenus : les uns ont la science, les autres la sagesse et la bonté ; les plus avancés réunissent le savoir aux qualités morales. N’étant point encore complètement dématérialisés, ils conservent plus ou moins, selon leur rang, les traces de l’existence corporelle, soit dans la forme du langage, soit dans leurs habitudes où l’on retrouve même quelques-unes de leurs manies, autrement ils seraient Esprits parfaits.
Ils comprennent Dieu et l’infini, et jouissent déjà de la félicité des bons. Ils sont heureux du bien qu’ils font et du mal qu’ils empêchent. L’amour qui les unit est pour eux la source d’un bonheur ineffable que n’altèrent ni l’envie, ni les regrets, ni les remords, ni aucune des mauvaises passions qui font le tourment des Esprits imparfaits, mais tous ont encore des épreuves à subir jusqu’à ce qu’ils aient atteint la perfection absolue.
Comme Esprits, ils suscitent de bonnes pensées, détournent les hommes de la voie du mal, protègent dans la vie ceux qui s’en rendent dignes, et neutralisent l’influence des Esprits imparfaits chez ceux qui ne se complaisent pas à la subir.
Ceux en qui ils sont incarnés sont bons et bienveillants pour leurs semblables ; ils ne sont mus ni par l’orgueil, ni par l’égoïsme, ni par l’ambition ; ils n’éprouvent ni haine, ni rancune, ni envie, ni jalousie et font le bien pour le bien.
A cet ordre appartiennent les Esprits désignés dans les croyances vulgaires sous les noms de bons génies, génies protecteurs, Esprits du bien. Dans les temps de superstition et d’ignorance on en a fait des divinités bienfaisantes.
On peut également les diviser en quatre groupes principaux.
Cinquième classe. ESPRITS BIENVEILLANTS. — Leur qualité dominante est la bonté ; ils se plaisent à rendre service aux hommes et à les protéger, mais leur savoir est borné : leur progrès s’est plus accompli dans le sens moral que dans le sens intellectuel.
Quatrième classe. ESPRITS SAVANTS. — Ce qui les distingue spécialement, c’est l’étendue de leurs connaissances. Ils se préoccupent moins des questions morales que des questions scientifiques, pour lesquelles ils ont plus d’aptitude ; mais ils n’envisagent la science qu’au point de vue de l’utilité, et n’y mêlent aucune des passions qui sont le propre des Esprits imparfaits.
Troisième classe. ESPRITS SAGES. — Les qualités morales de l’ordre le plus élevé forment leur caractère distinctif. Sans avoir des connaissances illimitées, ils sont doués d’une capacité intellectuelle qui leur donne un jugement sain sur les hommes et sur les choses.
Deuxième classe. ESPRITS SUPÉRIEURS. — Ils réunissent la science, la sagesse et la bonté. Leur langage ne respire que la bienveillance ; il est constamment digne, élevé, souvent sublime. Leur supériorité les rend plus que les autres aptes à nous donner les notions les plus justes sur les choses du monde incorporel dans les limites de ce qu’il est permis à l’homme de connaître. Ils se communiquent volontiers à ceux qui cherchent la vérité de bonne foi, et dont l’âme est assez dégagée des liens terrestres pour la comprendre, mais ils s’éloignent de ceux qu’anime la seule curiosité, ou que l’influence de la matière détourne de la pratique du bien.
Lorsque, par exception, ils s’incarnent sur la terre, c’est pour y accomplir une mission de progrès, et ils nous offrent alors le type de la perfection à laquelle l’humanité peut aspirer ici-bas.
4. — PREMIER ORDRE. — PURS ESPRITS.
Caractères généraux. — Influence de la matière nulle. Supériorité intellectuelle et morale absolue par rapport aux Esprits des autres ordres.
Première classe. Classe unique. — Ils ont parcouru tous les degrés de l’échelle et dépouillé toutes les impuretés de la matière. Ayant atteint la somme de perfection dont est susceptible la créature, ils n’ont plus à subir ni épreuves, ni expiations. N’étant plus sujets à la réincarnation dans des corps périssables, c’est pour eux la vie éternelle qu’ils accomplissent dans le sein de Dieu.
Ils jouissent d’un bonheur inaltérable, parce qu’ils ne sont sujets ni aux besoins, ni aux vicissitudes de la vie matérielle ; mais ce bonheur n’est point celui d’une oisiveté monotone passée dans une contemplation perpétuelle. Ils sont les messagers et les ministres de Dieu dont ils exécutent les ordres pour le maintien de l’harmonie universelle. Ils commandent à tous les Esprits qui leur sont inférieurs, les aident à se perfectionner et leur assignent leur mission. Assister les hommes dans leur détresse, les exciter au bien ou à l’expiation des fautes qui les éloignent de la félicité suprême, est pour eux une douce occupation. On les désigne quelquefois sous les noms d’anges, archanges ou séraphins.
Les hommes peuvent entrer en communication avec eux, mais bien présomptueux serait celui qui prétendrait les avoir constamment à ses ordres.
5 — ESPRITS ERRANTS OU INCARNÉS.
Sous le rapport des qualités intimes, les Esprits sont de différents ordres qu’ils parcourent successivement à mesure qu’ils s’épurent. Comme état, ils peuvent être incarnés, c’est-à-dire unis à un corps, dans un monde quelconque ; ou errants, c’est-à-dire dégagés du corps matériel et attendant une nouvelle incantation pour s’améliorer.
Les Esprits errants ne forment point une catégorie spéciale ; c’est un des états dans lesquels ils peuvent se trouver.
L’état errant ou erraticité ne constitue point une infériorité pour les Esprits, puisqu’il peut y en avoir de tous les degrés. Tout Esprit qui n’est pas incarné est, par cela même, errant, à l’exception des Purs Esprits qui, n’ayant plus d’incarnation à subir, sont dans leur état définitif.
L’incarnation n’étant qu’un état transitoire, l’erraticité est en réalité l’état normal des esprits, et cet état n’est point forcément une expiation pour eux ; ils y sont heureux ou malheureux selon le degré de leur élévation, et selon le bien ou le mal qu’ils ont fait.
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