1. — Soyez bons et charitables, c’est la clef des cieux que vous tenez en vos mains ; tout le bonheur éternel est renfermé dans cette maxime : Aimez-vous les uns les autres. L’âme ne peut s’élever dans les régions spirituelles que par le dévouement au prochain ; elle ne trouve de bonheur et de consolation que dans les élans de la charité ; soyez bons, soutenez vos frères, laissez de côté cette affreuse plaie de l’égoïsme ; ce devoir rempli doit vous ouvrir la route du bonheur éternel. Du reste, qui d’entre vous n’a senti son cœur bondir, sa joie intérieure se dilater par l’action d’une œuvre charitable ? Vous ne devriez penser qu’à cette sorte de volupté que procure une bonne action, et vous resteriez toujours dans le chemin du progrès spirituel. Les exemples ne vous manquent pas ; il n’y a que les bonnes volontés qui sont rares. Voyez la foule des hommes de bien dont votre histoire vous rappelle le pieux souvenir. Je vous les citerais par milliers ceux dont la morale n’avait pour but que d’améliorer votre globe. Le Christ ne vous a-t-il pas dit tout ce qui concerne ces vertus de charité et d’amour ? Pourquoi laisse-t-on de côté ses divins enseignements ? Pourquoi ferme-t-on l’oreille à ses divines paroles, le cœur à toutes ses douces maximes ? Je voudrais que les lectures évangéliques fussent faites avec plus d’intérêt personnel ; on délaisse ce livre, on en fait un mot creux, une lettre close ; on laisse ce code admirable dans l’oubli : vos maux ne proviennent que de l’abandon volontaire que vous faites de ce résumé des lois divines. Lisez donc ces pages toutes brûlantes du dévouement de Jésus, et méditez-les. Je suis honteux moi-même d’oser vous promettre un travail sur la charité, quand je songe que dans ce livre vous trouvez tous les enseignements qui doivent vous mener par la main dans les régions célestes.
Hommes forts, ceignez-vous ; hommes faibles, faites-vous des armes de votre douceur, de votre foi ; ayez plus de persuasion, plus de constance dans la propagation de votre nouvelle doctrine ; ce n’est qu’un encouragement que nous sommes venus vous donner ; ce n’est que pour stimuler votre zèle et vos vertus que Dieu nous permet de nous manifester à vous ; mais si on voulait, on n’aurait besoin que de l’aide de Dieu et de sa propre volonté : les manifestations spirites ne sont faites que pour les yeux fermés et les cœurs indociles. Il y a parmi vous des hommes qui ont à remplir des missions d’amour et de charité ; écoutez-les, exaltez leur voix ; faites resplendir leurs mérites, et vous vous exalterez vous-mêmes par le désintéressement et par la foi vive dont ils vous pénétreront.
Les avertissements détaillés seraient très longs à donner sur le besoin d’élargir le cercle de la charité, et d’y faire participer tous les malheureux dont les misères sont ignorées, toutes les douleurs que l’on doit aller trouver dans leurs réduits pour les consoler au nom de cette vertu divine : la charité. Je vois avec bonheur que des hommes éminents et puissants aident à ce progrès qui doit relier entre elles toutes les classes humaines : les heureux et les malheureux. Les malheureux, chose étrange ! se donnent tous la main et soutiennent leur misère les uns par les autres. Pourquoi les heureux sont-ils plus tardifs à écouter la voix du malheureux ? Pourquoi faut-il que ce soit une main puissante et terrestre qui donne l’élan aux missions charitables ? Pourquoi ne répond-on pas avec plus d’ardeur à ces appels ? Pourquoi laisse-t-on les misères entacher, comme à plaisir, le tableau de l’humanité ?
La charité est la vertu fondamentale qui doit soutenir tout l’édifice des vertus terrestres ; sans elle les autres n’existent pas : point de charité, point de foi ni d’espérance ; car sans la charité point d’espoir dans un sort meilleur, pas d’intérêt moral qui nous guide. Sans la charité, point de foi ; car la foi n’est qu’un pur rayon qui fait briller une âme charitable ; elle en est la conséquence décisive.
Quand on laissera son cœur s’ouvrir à la prière du premier malheureux qui vous tend la main ; quand on lui donnera, sans se demander si sa misère n’est pas feinte, ou son mal dans un vice dont il est cause ; quand on laissera toute justice entre les mains divines ; quand on laissera le châtiment des misères menteuses au Créateur ; enfin, lorsqu’on fera la charité pour le seul bonheur qu’elle procure et sans recherche de son utilité, alors vous serez les enfants que Dieu aimera et qu’il appellera vers lui.
La charité est l’ancre éternelle du salut dans tous les globes : c’est la plus pure émanation du Créateur lui-même ; c’est sa propre vertu qu’il donne à la créature. Comment voudrait-on méconnaître cette suprême bonté ? Quel serait, avec cette pensée, le cœur assez pervers pour refouler et chasser ce sentiment tout divin ? Quel serait l’enfant assez méchant pour se mutiner contre cette douce caresse : la charité ?
Je n’ose pas parler de ce que j’ai fait, car les Esprits ont aussi la pudeur de leurs œuvres ; mais je crois l’œuvre que j’ai commencée une de celles qui doivent le plus contribuer au soulagement de vos semblables. Je vois souvent des Esprits demander pour mission de continuer mon œuvre ; je les vois, mes douces et chères sœurs, dans leur pieux et divin ministère ; je les vois pratiquer la vertu que je vous recommande, avec toute la joie que procure cette existence de dévouement et de sacrifices ; c’est un grand bonheur pour moi de voir combien leur caractère est honoré, combien leur mission est aimée et doucement protégée. Hommes de bien, de bonne et forte volonté, unissez-vous pour continuer grandement l’œuvre de propagation de la charité ; vous trouverez la récompense de cette vertu par son exercice même ; il n’est pas de joie spirituelle qu’elle ne donne dès la vie présente. Soyez unis ; aimez-vous les uns les autres selon les préceptes du Christ. Ainsi soit-il.
2. — Nous remercions saint Vincent de Paul de la belle et bonne communication qu’il a bien voulu nous faire. — R. Je voudrais qu’elle vous profitât à tous.
Voulez-vous nous permettre quelques questions complémentaires au sujet de ce que vous venez de nous dire ? — R. Je le veux bien ; mon but est de vous éclairer ; demandez ce que vous voudrez.
1. La charité peut s’entendre de deux manières : l’aumône proprement dite, et l’amour de ses semblables. Lorsque vous nous avez dit qu’il faut laisser son cœur s’ouvrir à la prière du malheureux qui nous tend la main, sans lui demander si sa misère n’est pas feinte ; n’avez-vous pas voulu parler de la charité au point de vue de l’aumône ? — R. Oui, seulement dans ce paragraphe.
2. Vous nous avez dit qu’il faut laisser à la justice de Dieu l’appréciation de la misère feinte ; il nous semble cependant que donner sans discernement à des gens qui n’ont pas besoin, ou qui pourraient gagner leur vie par un travail honorable, c’est encourager le vice et la paresse. Si les paresseux trouvaient trop facilement la bourse des autres ouverte, ils se multiplieraient à l’infini au préjudice des véritables malheureux. — R. Vous pouvez discerner ceux qui peuvent travailler, et alors la charité vous oblige à faire tout pour leur procurer du travail ; mais il y a aussi des pauvres menteurs qui savent simuler adroitement des misères qu’ils n’ont pas ; c’est pour ceux-là qu’il faut laisser à Dieu toute justice.
3. Celui qui ne peut donner qu’un sou, et qui a le choix entre deux malheureux qui lui demandent, n’a-t-il pas raison de s’enquérir de celui qui a réellement le plus besoin, ou doit-il donner sans examen au premier venu ? — R. Il doit donner à celui qui paraît le plus souffrir.
4. Ne peut-on considérer aussi comme faisant partie de la charité la manière de la faire ? — R. C’est surtout dans la manière dont on oblige que la charité est vraiment méritoire ; la bonté est toujours l’indice d’une belle âme.
5. Quel genre de mérite accordez-vous à ceux qu’on appelle des bourrus bienfaisants ? — R. Ils ne font le bien qu’à moitié. On reçoit leurs bienfaits, mais ils ne touchent pas.
6. Jésus a dit : « Que votre main droite ne sache pas ce que donne votre main gauche. » ( † ) Ceux qui donnent par ostentation n’ont-ils aucune espèce de mérite ? — R. Ils n’ont que le mérite de l’orgueil, ce dont ils seront punis.
7. La charité chrétienne, dans son acception la plus large, ne comprend-elle pas aussi la douceur, la bienveillance et l’indulgence pour les faiblesses d’autrui ? — R. Imitez Jésus ; il vous a dit tout cela ; écoutez-le plus que jamais.
8. La charité est-elle bien entendue quand elle est exclusive entre les gens d’une même opinion ou d’un même parti ? — R. Non, c’est surtout l’esprit de secte et de parti qu’il faut abolir, car tous les hommes sont frères. C’est sur cette question que nous concentrons nos efforts.
9. Je suppose un individu qui voit deux hommes en danger ; il n’en peut sauver qu’un seul, mais l’un est son ami et l’autre son ennemi ; lequel doit-il sauver ? — R. Il doit sauver son ami, parce que cet ami pourrait réclamer de celui qu’il croit l’aimer ; quant à l’autre, Dieu s’en charge.
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