Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Le Livre des Esprits — Livre IV.

(Langue portugaise)

Chapitre premier.


PEINES ET JOUISSANCES TERRESTRES.

1. Bonheur et malheur relatifs. (920-933.)2. Perte des personnes aimées. (934-936.) — 3. Déceptions. Ingratitude. Affections brisées. (937, 938.) — 4. Unions antipathiques. (939, 940.) — 5. Appréhension de la mort. (941, 942.) — 6. Dégoût de la vie. Suicide. (943-957.)


Bonheur et malheur relatifs.


920. L’homme peut-il jouir sur la terre d’un bonheur complet ?

« Non, puisque la vie lui a été donnée comme épreuve ou expiation ; mais il dépend de lui d’adoucir ses maux et d’être aussi heureux qu’on le peut sur la terre. »


921. On conçoit que l’homme sera heureux sur la terre lorsque l’humanité aura été transformée ; mais en attendant, chacun peut-il s’assurer un bonheur relatif ?

1 « L’homme est le plus souvent l’artisan de son propre malheur. En pratiquant la loi de Dieu, il s’épargne bien des maux et se procure une félicité aussi grande que le comporte son existence grossière. »


2 L’homme qui est bien pénétré de sa destinée future ne voit dans la vie corporelle qu’une station temporaire. C’est pour lui une halte momentanée dans une mauvaise hôtellerie ; il se console aisément de quelques désagréments passagers d’un voyage qui doit le conduire à une position d’autant meilleure qu’il aura mieux fait d’avance ses préparatifs.

3 Nous sommes punis dès cette vie de l’infraction aux lois de l’existence corporelle par les maux qui sont la suite de cette infraction et de nos propres excès. 4 Si nous remontons de proche en proche à l’origine de ce que nous appelons nos malheurs terrestres, nous les verrons, pour la plupart, être la suite d’une première déviation du droit chemin. Par cette déviation nous sommes entrés dans une mauvaise voie, et de conséquence en conséquence nous tombons dans le malheur.


922. Le bonheur terrestre est relatif à la position de chacun ; ce qui suffit au bonheur de l’un fait le malheur de l’autre. Y a-t-il cependant une mesure de bonheur commune à tous les hommes ?

« Pour la vie matérielle, c’est la possession du nécessaire ; pour la vie morale : la bonne conscience et la foi en l’avenir. »


923. Ce qui serait du superflu pour l’un ne devient-il pas nécessaire pour d’autres, et réciproquement, suivant la position ?

1 « Oui, selon vos idées matérielles, vos préjugés, votre ambition et tous vos travers ridicules dont l’avenir fera justice quand vous comprendrez la vérité. 2 Sans doute, celui qui avait cinquante mille livres de revenu et se trouve réduit à dix se croit bien malheureux, parce qu’il ne peut plus faire une aussi grande figure, tenir ce qu’il appelle son rang, avoir des chevaux, des laquais, satisfaire toutes ses passions, etc.. Il croit manquer du nécessaire ; mais franchement le crois-tu bien à plaindre, quand à côté de lui il y en a qui meurent de faim et de froid, et n’ont pas un abri pour reposer leur tête ? 3 Le sage, pour être heureux, regarde au-dessous de lui, et jamais au-dessus, si ce n’est pour élever son âme vers l’infini. » (715.)


924. Il est des maux qui sont indépendants de la manière d’agir et qui frappent l’homme le plus juste ; n’a-t-il aucun moyen de s’en préserver ?

« Il doit alors se résigner et les subir sans murmure, s’il veut progresser ; mais il puise toujours une consolation dans sa conscience qui lui donne l’espoir d’un meilleur avenir, s’il fait ce qu’il faut pour l’obtenir. »


925. Pourquoi Dieu favorise-t-il des dons de la fortune certains hommes qui ne semblent pas l’avoir mérité ?

« C’est une faveur aux yeux de ceux qui ne voient que le présent ; mais, sache-le bien, la fortune est une épreuve souvent plus dangereuse que la misère. » (814 et suivants.)


926. La civilisation, en créant de nouveaux besoins, n’est-elle pas la source d’afflictions nouvelles ?

1 « Les maux de ce monde sont en raison des besoins factices que vous créez. 2 Celui qui sait borner ses désirs et voit sans envie ce qui est au-dessus de lui s’épargne bien des mécomptes dans cette vie. 3 Le plus riche est celui qui a le moins de besoins.

4 « Vous enviez les jouissances de ceux qui vous paraissent les heureux du monde ; mais savez-vous ce qui leur est réservé ? S’ils ne jouissent que pour eux, ils sont égoïstes, alors viendra le revers. Plaignez-les plutôt. 5 Dieu permet quelquefois que le méchant prospère, mais son bonheur n’est pas à envier, car il le paiera avec des larmes amères. Si le juste est malheureux, c’est une épreuve dont il lui sera tenu compte s’il la supporte avec courage. Souvenez-vous de ces paroles de Jésus : Heureux ceux qui souffrent, car ils seront consolés. »


927. Le superflu n’est certainement pas indispensable au bonheur, mais il n’en est pas ainsi du nécessaire ; or le malheur de ceux qui sont privés de ce nécessaire n’est-il pas réel ?

« L’homme n’est véritablement malheureux que lorsqu’il souffre du manque de ce qui est nécessaire à la vie et à la santé du corps. Cette privation est peut-être sa faute ; alors il ne doit s’en prendre qu’à lui-même ; si elle est la faute d’autrui, la responsabilité retombe sur celui qui en est la cause. »


928. Par la spécialité des aptitudes naturelles, Dieu indique évidemment notre vocation en ce monde. Beaucoup de maux ne viennent-ils pas de ce que nous ne suivons pas cette vocation ?

« C’est vrai, et ce sont souvent les parents qui, par orgueil ou par avarice, font sortir leurs enfants de la voie tracée par la nature, et par ce déplacement compromettent leur bonheur ; ils en seront responsables. »


a — Ainsi vous trouveriez juste que le fils d’un homme haut placé dans le monde fît des sabots, par exemple, s’il avait de l’aptitude pour cet état ?

1 « Il ne faut pas tomber dans l’absurde, ni rien exagérer : la civilisation a ses nécessités. Pourquoi le fils d’un homme haut placé, comme tu le dis, ferait-il des sabots s’il peut faire autre chose ? Il pourra toujours se rendre utile dans la mesure de ses facultés, si elles ne sont pas appliquées à contre-sens. Ainsi, par exemple, au lieu d’un mauvais avocat, il pourrait peut-être faire un bon mécanicien, etc.. »


2 Le déplacement des hommes hors de leur sphère intellectuelle est assurément une des causes les plus fréquentes de déception. L’inaptitude pour la carrière embrassée est une source intarissable de revers ; 3 puis, l’amour-propre venant s’y joindre empêche l’homme tombé de chercher une ressource dans une profession plus humble et lui montre le suicide comme remède pour échapper à ce qu’il croit une humiliation. 4 Si une éducation morale l’avait élevé au-dessus des sots préjugés de l’orgueil, il ne serait jamais pris au dépourvu.


929. Il y a des gens qui, étant dénués de toutes ressources, alors même que l’abondance règne autour d’eux, n’ont que la mort en perspective ; quel parti doivent-ils prendre ? Doivent-ils se laisser mourir de faim ?

« On ne doit jamais avoir l’idée de se laisser mourir de faim ; on trouverait toujours moyen de se nourrir, si l’orgueil ne s’interposait entre le besoin et le travail. On dit souvent : Il n’y a point de sot métier ; ce n’est pas l’état qui déshonore ; on le dit pour les autres et non pour soi. »


930. Il est évident que sans les préjugés sociaux par lesquels on se laisse dominer, on trouverait toujours un travail quelconque qui pût aider à vivre, dût-on déroger de sa position ; mais parmi les gens qui n’ont point de préjugés, ou qui les mettent de côté, il en est qui sont dans l’impossibilité de subvenir à leurs besoins, par suite de maladies ou autres causes indépendantes de leur volonté.

1 « Dans une société organisée selon la loi du Christ, personne ne doit mourir de faim. »


2 Avec une organisation sociale sage et prévoyante, l’homme ne peut manquer du nécessaire que par sa faute ; mais ses fautes mêmes sont souvent le résultat du milieu où il se trouve placé. 3 Lorsque l’homme pratiquera la loi de Dieu, il aura un ordre social fondé sur la justice et la solidarité, et lui-même aussi sera meilleur. (793.)


931. Pourquoi, dans la société, les classes souffrantes sont-elles plus nombreuses que les classes heureuses ?

« Aucune n’est parfaitement heureuse, et ce que l’on croit le bonheur cache souvent de poignants chagrins ; la souffrance est partout. Cependant, pour répondre à ta pensée, je dirai que les classes que tu appelles souffrantes sont plus nombreuses, parce que la terre est un lieu d’expiation. Quand l’homme en aura fait le séjour du bien et des bons Esprits, il n’y sera plus malheureux, et elle sera pour lui le paradis terrestre. »


932. Pourquoi, dans le monde, les méchants l’emportent-ils si souvent en influence sur les bons ?

« C’est par la faiblesse des bons ; les méchants sont intrigants et audacieux, les bons sont timides ; quand ceux-ci le voudront, ils prendront le dessus. »


933. Si l’homme est souvent l’artisan de ses souffrances matérielles, en est-il de même des souffrances morales ?

1 « Plus encore, car les souffrances matérielles sont quelquefois indépendantes de la volonté ; mais l’orgueil blessé, l’ambition déçue, l’anxiété de l’avarice, l’envie, la jalousie, toutes les passions, en un mot, sont des tortures de l’âme.

2 « L’envie et la jalousie ! Heureux ceux qui ne connaissent pas ces deux vers rongeurs ! Avec l’envie et la jalousie, point de calme, point de repos possible pour celui qui est atteint de ce mal : les objets de sa convoitise, de sa haine, de son dépit se dressent devant lui comme des fantômes qui ne lui laissent aucune trêve et le poursuivent jusque dans son sommeil 3 L’envieux et le jaloux sont dans un état de fièvre continuelle. Est-ce donc là une situation désirable, et ne comprenez-vous pas qu’avec ses passions, l’homme se crée des supplices volontaires, et que la terre devient pour lui un véritable enfer ? »


4 Plusieurs expressions peignent énergiquement les effets de certaines passions ; on dit : être bouffi d’orgueil, mourir d’envie, sécher de jalousie ou de dépit, en perdre le boire et le manger, etc. ; ce tableau n’est que trop vrai. 5 Quelquefois même la jalousie n’a pas d’objet déterminé. Il y a des gens jaloux par nature de tout ce qui s’élève, de tout ce qui sort de la ligne vulgaire, alors même qu’ils n’y ont aucun intérêt direct, mais uniquement parce qu’ils n’y peuvent atteindre ; 6 tout ce qui paraît au-dessus de l’horizon les offusque, et s’ils étaient en majorité dans la société, ils voudraient tout ramener à leur niveau. C’est la jalousie jointe à la médiocrité.

7 L’homme n’est souvent malheureux que par l’importance qu’il attache aux choses d’ici-bas ; 8 c’est la vanité, l’ambition et la cupidité déçues qui font son malheur. 9 S’il se place au-dessus du cercle étroit de la vie matérielle, s’il élève ses pensées vers l’infini qui est sa destinée, les vicissitudes de l’humanité lui semblent alors mesquines et puériles, comme les chagrins de l’enfant qui s’afflige de la perte d’un jouet dont il faisait son bonheur suprême.

10 Celui qui ne voit de félicité que dans la satisfaction de l’orgueil et des appétits grossiers est malheureux quand il ne peut les satisfaire, tandis que celui qui ne demande rien au superflu est heureux de ce que d’autres regardent comme des calamités.

11 Nous parlons de l’homme civilisé, car le sauvage ayant des besoins plus bornés n’a pas les mêmes sujets de convoitise et d’angoisses : sa manière de voir les choses est tout autre. 12 Dans l’état de civilisation, l’homme raisonne son malheur et l’analyse ; c’est pourquoi il en est plus affecté ; mais il peut aussi raisonner et analyser les moyens de consolation. Cette consolation, il la puise dans le sentiment chrétien qui lui donne l’espérance d’un avenir meilleur, et dans le Spiritisme qui lui donne la certitude de cet avenir.


Perte des personnes aimées.


934. La perte des personnes qui nous sont chères n’est-elle pas une de celles qui nous causent un chagrin d’autant plus légitime que cette perte est irréparable, et qu’elle est indépendante de notre volonté ?

« Cette cause de chagrin atteint le riche comme le pauvre : c’est une épreuve ou expiation, et la loi commune ; mais c’est une consolation de pouvoir communiquer avec vos amis par les moyens que vous avez, en attendant que vous en ayez d’autres plus directs et plus accessibles à vos sens. »


935. Que penser de l’opinion des personnes qui regardent les communications d’outre-tombe comme une profanation ?

1 « Il ne peut y avoir profanation quand il y a recueillement, et quand l’évocation est faite avec respect et convenance ; 2 ce qui le prouve, c’est que les Esprits qui vous affectionnent viennent avec plaisir ; ils sont heureux de votre souvenir et de s’entretenir avec vous ; 3 il y aurait profanation à le faire avec légèreté. »


4 La possibilité d’entrer en communication avec les Esprits est une bien douce consolation, puisqu’elle nous procure le moyen de nous entretenir avec nos parents et nos amis qui ont quitté la terre avant nous. 5 Par l’évocation nous les rapprochons de nous, ils sont à nos cotés, nous entendent et nous répondent ; il n’y a pour ainsi dire plus de séparation entre eux et nous. Ils nous aident de leurs conseils, nous témoignent leur affection et le contentement qu’ils éprouvent de notre souvenir. 6 C’est pour nous une satisfaction de les savoir heureux, d’apprendre par eux-mêmes les détails de leur nouvelle existence et d’acquérir la certitude de les rejoindre à notre tour.


936. Comment les douleurs inconsolables des survivants affectent-elles les Esprits qui en sont l’objet ?

1 « L’Esprit est sensible au souvenir et aux regrets de ceux qu’il a aimés, mais une douleur incessante et déraisonnable l’affecte péniblement, parce qu’il voit, dans cette douleur excessive, un manque de foi en l’avenir et de confiance en Dieu, et par conséquent un obstacle à l’avancement et peut-être à la réunion. »


2 L’Esprit étant plus heureux que sur terre, regretter pour lui la vie, c’est regretter qu’il soit heureux. Deux amis sont prisonniers et enfermés dans le même cachot ; tous les deux doivent avoir un jour leur liberté, mais l’un d’eux l’obtient avant l’autre. Serait-il charitable à celui qui reste d’être fâché que son ami soit délivré avant lui ? N’y aurait-il pas plus d’égoïsme que d’affection de sa part à vouloir qu’il partage sa captivité et ses souffrances aussi longtemps que lui ? Il en est de même de deux êtres qui s’aiment sur la terre ; celui qui part le premier est le premier délivré, et nous devons l’en féliciter, en attendant avec patience le moment où nous le serons à notre tour.

3 Nous ferons sur ce sujet une autre comparaison. Vous avez un ami qui, auprès de vous, est dans une situation très pénible ; sa santé ou son intérêt exige qu’il aille dans un autre pays où il sera mieux sous tous les rapports. Il ne sera plus auprès de vous momentanément, mais vous serez toujours en correspondance avec lui : la séparation ne sera que matérielle. Serez-vous fâché de son éloignement, puisque c’est pour son bien ?

4 La doctrine spirite, par les preuves patentes qu’elle donne de la vie future, de la présence autour de nous de ceux que nous avons aimés, de la continuité de leur affection et de leur sollicitude, par les relations qu’elle nous met à même d’entretenir avec eux, nous offre une suprême consolation dans une des causes les plus légitimes de douleur. Avec le Spiritisme, plus de solitude, plus d’abandon ; l’homme le plus isolé a toujours des amis près de lui, avec lesquels il peut s’entretenir.

5 Nous supportons impatiemment les tribulations de la vie ; elles nous paraissent si intolérables que nous ne comprenons pas que nous les puissions endurer ; et pourtant, si nous les avons supportées avec courage, si nous avons su imposer silence à nos murmures, nous nous en féliciterons quand nous serons hors de cette prison terrestre, comme le patient qui souffre se félicite, quand il est guéri, de s’être résigné à un traitement douloureux.


Déceptions. Ingratitude. Affections brisées.


937. Les déceptions que nous font éprouver l’ingratitude et la fragilité des liens de l’amitié, ne sont-elles pas aussi pour l’homme de cœur une source d’amertume ?

1 « Oui ; mais nous vous apprenons à plaindre les ingrats et les amis infidèles : ils seront plus malheureux que vous. L’ingratitude est fille de l’égoïsme, et l’égoïste trouvera plus tard des cœurs insensibles comme il l’a été lui-même. 2 Songez à tous ceux qui ont fait plus de bien que vous, qui valurent mieux que vous, et qui ont été payés par l’ingratitude. Songez que Jésus lui-même a été bafoué et méprisé de son vivant, traité de fourbe et d’imposteur, et ne vous étonnez pas qu’il en soit de même à votre égard. 3 Que le bien que vous avez fait soit votre récompense en ce monde, et ne regardez pas ce qu’en disent ceux qui l’ont reçu. 4 L’ingratitude est une épreuve pour votre persistance à faire le bien ; il vous en sera tenu compte, et ceux qui vous ont méconnu en seront punis d’autant plus que leur ingratitude aura été plus grande. »


938. Les déceptions causées par l’ingratitude ne sont-elles pas faites pour endurcir le cœur et le fermer à la sensibilité ?

« Ce serait un tort ; car l’homme de cœur, comme tu dis, est toujours heureux du bien qu’il fait. Il sait que si l’on ne s’en souvient pas en cette vie, on s’en souviendra dans une autre, et que l’ingrat en aura de la honte et des remords. »


a — Cette pensée n’empêche pas son cœur d’être ulcéré ; or, cela ne peut-il faire naître en lui l’idée qu’il serait plus heureux s’il était moins sensible ?

1 « Oui, s’il préfère le bonheur de l’égoïste ; c’est un triste bonheur que celui-là ! Qu’il sache donc que les amis ingrats qui l’abandonnent ne sont pas dignes de son amitié, et qu’il s’est trompé sur leur compte ; dès lors, il ne doit pas les regretter. Plus tard il en trouvera qui sauront mieux le comprendre. 2 Plaignez ceux qui ont pour vous de mauvais procédés que vous n’avez pas mérités, car il y aura pour eux un triste retour ; mais ne vous en affectez pas : c’est le moyen de vous mettre au-dessus d’eux. »


3 La nature a donné à l’homme le besoin d’aimer et d’être aimé. 4 Une des plus grandes jouissances qui lui soit accordée sur la terre, c’est de rencontrer des cœurs qui sympathisent avec le sien ; 5 elle lui donne ainsi les prémices du bonheur qui lui est réservé dans le monde des Esprits parfaits où tout est amour et bienveillance : c’est une jouissance qui est refusée à l’égoïste.


Unions antipathiques.


939. Puisque les Esprits sympathiques sont portés à s’unir, comment se fait-il que, parmi les Esprits incarnés, l’affection ne soit souvent que d’un côté et que l’amour le plus sincère soit accueilli avec indifférence et même répulsion ? Comment, en outre, l’affection la plus vive de deux êtres peut-elle se changer en antipathie et quelquefois en haine ?

1 « Tu ne comprends donc pas que c’est une punition, mais qui n’est que passagère. Puis, combien n’y en a-t-il pas qui croient aimer éperdument, parce qu’ils ne jugent que sur les apparences, et quand ils sont obligés de vivre avec les personnes, ils ne tardent pas à reconnaître que ce n’est qu’un engouement matériel ! 2 Il ne suffit pas d’être épris d’une personne qui vous plaît et à qui vous croyez de belles qualités ; c’est en vivant réellement avec elle que vous pourrez l’apprécier. 3 Combien aussi n’y a-t-il pas de ces unions qui tout d’abord paraissent ne devoir jamais être sympathiques, et quand l’un et l’autre se sont bien connus et bien étudiés finissent par s’aimer d’un amour tendre et durable, parce qu’il repose sur l’estime ! 4 Il ne faut pas oublier que c’est l’Esprit qui aime et non le corps, et quand l’illusion matérielle est dissipée, l’Esprit voit la réalité.

5 « Il y a deux sortes d’affections : celle du corps et celle de l’âme, et l’on prend souvent l’une pour l’autre. 6 L’affection de l’âme, quand elle est pure et sympathique, est durable ; celle du corps est périssable ; voilà pourquoi souvent ceux qui croyaient s’aimer d’un amour éternel se haïssent quand l’illusion est tombée. »


940. Le défaut de sympathie entre les êtres destinés à vivre ensemble n’est-il pas également une source de chagrins d’autant plus amers qu’ils empoisonnent toute l’existence ?

1 « Très amers, en effet ; mais c’est un de ces malheurs dont vous êtes le plus souvent la première cause ; d’abord ce sont vos lois qui ont tort, 2 car crois-tu que Dieu t’astreigne à rester avec ceux qui te déplaisent ? Et puis, dans ces unions, vous cherchez souvent plus la satisfaction de votre orgueil et de votre ambition que le bonheur d’une affection mutuelle ; vous subissez alors la conséquence de vos préjugés. »  [697, 876.]


a — Mais dans ce cas, n’y a-t-il pas presque toujours une victime innocente ?

1 « Oui, et c’est pour elle une dure expiation ; mais la responsabilité de son malheur retombera sur ceux qui en auront été la cause. 2 Si la lumière de la vérité a pénétré son âme, elle puisera sa consolation dans sa foi en l’avenir ; 3 du reste, à mesure que les préjugés s’affaibliront, les causes de ces malheurs privés disparaîtront aussi. »


Appréhension de la mort.


941. L’appréhension de la mort est pour beaucoup de gens une cause de perplexité ; d’où vient cette appréhension, puisqu’ils ont devant eux l’avenir ?

1 « C’est à tort qu’ils ont cette appréhension ; mais que veux-tu ! on cherche à leur persuader dans leur jeunesse qu’il y a un enfer et un paradis, mais qu’il est plus certain qu’ils iront en enfer, parce qu’on leur dit que ce qui est dans la nature est un péché mortel pour l’âme : alors quand ils deviennent grands, s’ils ont un peu de jugement ils ne peuvent admettre cela, et ils deviennent athées ou matérialistes ; c’est ainsi qu’on les amène à croire qu’en dehors de la vie présente, il n’y a plus rien. Quant à ceux qui ont persisté dans leurs croyances d’enfance, ils redoutent ce feu éternel qui doit les brûler sans les anéantir.

2 « La mort n’inspire au juste aucune crainte, parce qu’avec la foi, il a la certitude de l’avenir ; l’espérance lui fait attendre une vie meilleure, et la charité dont il a pratiqué la loi lui donne l’assurance qu’il ne rencontrera dans le monde où il va entrer aucun être dont il ait à redouter le regard. » (730.)


3 L’homme charnel, plus attaché à la vie corporelle qu’à la vie spirituelle, a, sur la terre, des peines et des jouissances matérielles ; son bonheur est dans la satisfaction fugitive de tous ses désirs. Son âme, constamment préoccupée et affectée des vicissitudes de la vie, est dans une anxiété et une torture perpétuelles. La mort l’effraye, parce qu’il doute de son avenir et qu’il laisse sur la terre toutes ses affections et toutes ses espérances.

4 L’homme moral, qui s’est élevé au-dessus des besoins factices créés par les passions, a, dès ici-bas, des jouissances inconnues à l’homme matériel. La modération de ses désirs donne à son Esprit le calme et la sérénité. Heureux du bien qu’il fait, il n’est point pour lui de déceptions, et les contrariétés glissent sur son âme sans y laisser d’empreinte douloureuse.


942. Certaines personnes ne trouveront-elles pas ces conseils pour être heureux sur la terre un peu banaux ; n’y verront-elles pas ce qu’elles appellent les lieux communs, des vérités rebattues ; et ne diront-elles pas qu’en définitive le secret pour être heureux, c’est de savoir supporter son malheur ?

« Il y en a qui diront cela, et beaucoup ; mais il en est d’elles comme de certains malades à qui le médecin prescrit la diète ; ils voudraient être guéris sans remèdes et en continuant à se donner des indigestions. »


Dégoût de la vie. Suicide.


943. D’où vient le dégoût de la vie qui s’empare de certains individus, sans motifs plausibles ?

« Effet de l’oisiveté, du manque de foi et souvent de la satiété.

« Pour celui qui exerce ses facultés dans un but utile et selon ses aptitudes naturelles, le travail n’a rien d’aride, et la vie s’écoule plus rapidement ; il en supporte les vicissitudes avec d’autant plus de patience et de résignation, qu’il agit en vue du bonheur plus solide et plus durable qui l’attend. »


944. L’homme a-t-il le droit de disposer de sa propre vie ?

« Non, Dieu seul a ce droit. Le suicide volontaire est une transgression de cette loi. »


a — Le suicide n’est il pas toujours volontaire ?

« Le fou qui se tue ne sait ce qu’il fait. »


945. Que penser du suicide qui a pour cause le dégoût de la vie ?

« Insensés ! pourquoi ne travaillaient-ils pas ? L’existence ne leur aurait pas été à charge ! »


946. Que penser du suicide qui a pour but d’échapper aux misères et aux déceptions de ce monde ?

1 « Pauvres Esprits, qui n’ont pas le courage de supporter les misères de l’existence ! Dieu aide ceux qui souffrent, et non pas ceux qui n’ont ni force, ni courage. 2 Les tribulations de la vie sont des épreuves ou des expiations ; heureux ceux qui les supportent sans murmurer, car ils en seront récompensés ! 3 Malheur au contraire à ceux qui attendent leur salut de ce que, dans leur impiété, ils appellent le hasard ou la fortune ! Le hasard ou la fortune, pour me servir de leur langage, peuvent en effet les favoriser un instant, mais c’est pour leur faire sentir plus tard et plus cruellement le néant de ces mots. »


a — Ceux qui ont conduit le malheureux à cet acte de désespoir en subiront-ils les conséquences ?

« Oh ! ceux-là, malheur à eux ! car ils en répondront comme d’un meurtre. »


947. L’homme qui est aux prises avec le besoin et qui se laisse mourir de désespoir, peut-il être considéré comme se suicidant ?

1 « C’est un suicide, mais ceux qui en sont cause ou qui pourraient l’empêcher sont plus coupables que lui, et l’indulgence l’attend. Pourtant ne croyez pas qu’il soit entièrement absous s’il a manqué de fermeté et de persévérance, et s’il n’a pas fait usage de toute son intelligence pour se tirer du bourbier. 2 Malheur surtout à lui si son désespoir naît de l’orgueil ; je veux dire s’il est de ces hommes en qui l’orgueil paralyse les ressources de l’intelligence, qui rougiraient de devoir leur existence au travail de leurs mains, et qui préfèrent mourir de faim plutôt que de déroger à ce qu’ils appellent leur position sociale ! 3 N’y a-t-il pas cent fois plus de grandeur et de dignité à lutter contre l’adversité, à braver la critique d’un monde futile et égoïste qui n’a de bonne volonté que pour ceux qui ne manquent de rien, et vous tourne le dos dès que vous avez besoin de lui ? Sacrifier sa vie à la considération de ce monde est une chose stupide, car il n’en tient aucun compte. »


948. Le suicide qui a pour but d’échapper à la honte d’une mauvaise action est-il aussi répréhensible que celui qui est causé par le désespoir ?

1 « Le suicide n’efface pas la faute, au contraire, il y en a deux au lieu d’une. 2 Quand on a eu le courage de faire le mal, il faut avoir celui d’en subir les conséquences. 3 Dieu juge, et selon la cause peut quelquefois diminuer ses rigueurs. »


949. Le suicide est-il excusable lorsqu’il a pour but d’empêcher la honte de rejaillir sur les enfants ou la famille ?

1 « Celui qui agit ainsi ne fait pas bien, mais il le croit, et Dieu lui en tient compte, car c’est une expiation qu’il s’impose lui-même. 2 Il atténue sa faute par l’intention, mais il n’en commet pas moins une faute. 3 Du reste, abolissez les abus de votre société et vos préjugés, et vous n’aurez plus de ces suicides. »


4 Celui qui s’ôte la vie pour échapper à la honte d’une mauvaise action, prouve qu’il tient plus à l’estime des hommes qu’à celle de Dieu, car il va rentrer dans la vie spirituelle chargé de ses iniquités, et il s’est ôté les moyens de les réparer pendant la vie. 5 Dieu est souvent moins inexorable que les hommes ; il pardonne au repentir sincère et nous tient compte de la réparation ; 6 le suicide ne répare rien.


950. Que penser de celui qui s’ôte la vie dans l’espoir d’arriver plus tôt à une meilleure ?

1 « Autre folie ! qu’il fasse le bien et il sera plus sûr d’y arriver ; car il retarde son entrée dans un monde meilleur, et lui-même demandera à venir finir cette vie qu’il a tranchée par une fausse idée. 2 Une faute, quelle qu’elle soit, n’ouvre jamais le sanctuaire des élus. »


951. Le sacrifice de sa vie n’est-il pas quelquefois méritoire quand il a pour but de sauver celle d’autrui ou d’être utile à ses semblables ?

1 « Cela est sublime, selon l’intention, et le sacrifice de sa vie n’est pas un suicide ; 2 mais Dieu s’oppose à un sacrifice inutile et ne peut le voir avec plaisir s’il est terni par l’orgueil. 3 Un sacrifice n’est méritoire que par le désintéressement, et celui qui l’accomplit a quelquefois une arrière-pensée qui en diminue la valeur aux yeux de Dieu. »


4 Tout sacrifice fait aux dépens de son propre bonheur est un acte souverainement méritoire aux yeux de Dieu, car c’est la pratique de la loi de charité. 5 Or, la vie étant le bien terrestre auquel l’homme attache le plus de prix, celui qui y renonce pour le bien de ses semblables ne commet point un attentat : c’est un sacrifice qu’il accomplit. 6 Mais avant de l’accomplir, il doit réfléchir si sa vie ne peut pas être plus utile que sa mort.


952. L’homme qui périt victime de l’abus de passions qu’il sait devoir hâter sa fin, mais auxquelles il n’a plus le pouvoir de résister, parce que l’habitude en a fait de véritables besoins physiques, commet-il un suicide ?

« C’est un suicide moral. Ne comprenez-vous pas que l’homme est doublement coupable dans ce cas ? Il y a chez lui défaut de courage et bestialité, et de plus oubli de Dieu. »


a — Est-il plus ou moins coupable que celui qui s’ôte la vie par désespoir ?

« Il est plus coupable, parce qu’il a le temps de raisonner son suicide ; chez celui qui le fait instantanément, il y a quelquefois une sorte d’égarement qui tient de la folie ; l’autre sera beaucoup plus puni, car les peines sont toujours proportionnées à la conscience que l’on a des fautes commises. »


953. Lorsqu’une personne voit devant elle une mort inévitable et terrible, est-elle coupable d’abréger de quelques instants ses souffrances par une mort volontaire ?

« On est toujours coupable de ne pas attendre le terme fixé par Dieu. Est-on d’ailleurs bien certain que ce terme soit arrivé malgré les apparences, et ne peut-on recevoir un secours inespéré au dernier moment ? »


a — On conçoit que dans les circonstances ordinaires le suicide soit répréhensible, mais nous supposons le cas où la mort est inévitable, et où la vie n’est abrégée que de quelques instants ?

« C’est toujours un manque de résignation et de soumission à la volonté du Créateur. »


b — Quelles sont, dans ce cas, les conséquences de cette action ?

« Une expiation proportionnée à la gravité de la faute, selon les circonstances, comme toujours. »


954. Une imprudence qui compromet la vie sans nécessité est-elle répréhensible ?

« Il n’y a pas culpabilité quand il n’y a pas intention ou conscience positive de faire le mal. »


955. Les femmes qui, dans certains pays, se brûlent volontairement sur le corps de leur mari, peuvent-elles être considérées comme se suicidant, et en subissent-elles les conséquences ?

1 « Elles obéissent à un préjugé, et souvent plus à la force qu’à leur propre volonté. Elles croient accomplir un devoir, et ce n’est pas là le caractère du suicide. 2 Leur excuse est dans la nullité morale de la plupart d’entre elles et dans leur ignorance. Ces usages barbares et stupides disparaissent avec la civilisation. »


956. Ceux qui, ne pouvant supporter la perte de personnes qui leur sont chères, se tuent dans l’espoir d’aller les rejoindre, atteignent-ils leur but ?

« Le résultat pour eux est tout autre que celui qu’ils attendent, et au lieu d’être réunis à l’objet de leur affection, ils s’en éloignent pour plus longtemps, car Dieu ne peut récompenser un acte de lâcheté, et l’insulte qui lui est faite en doutant de sa providence. Ils payeront cet instant de folie par des chagrins plus grands que ceux qu’ils croient abréger, et n’auront pas pour les compenser la satisfaction qu’ils espéraient. » (934 et suivants.)


957. Quelles sont, en général, les conséquences du suicide sur l’état de l’Esprit ?

1 « Les conséquences du suicide sont très diverses ; 2 il n’y a pas de peines fixées, et dans tous les cas elles sont toujours relatives aux causes qui l’ont amené ; 3 mais une conséquence à laquelle le suicidé ne peut échapper, c’est le désappointement. 4 Du reste, le sort n’est pas le même pour tous : il dépend des circonstances ; 5 quelques-uns expient leur faute immédiatement, d’autres dans une nouvelle existence qui sera pire que celle dont ils ont interrompu le cours. »


6 L’observation montre, en effet, que les suites de suicide ne sont pas toujours les mêmes ; mais il en est qui sont communes à tous les cas de mort violente, et la conséquence de l’interruption brusque de la vie. C’est d’abord la persistance plus prolongée et plus tenace du lien qui unit l’Esprit et le corps, ce lien étant presque toujours dans toute sa force au moment où il a été brisé, tandis que dans la mort naturelle il s’affaiblit graduellement, et souvent est dénoué avant que la vie soit complètement éteinte. 7 Les conséquences de cet état de choses sont la prolongation du trouble spirite, puis l’illusion qui, pendant un temps plus ou moins long, fait croire à l’Esprit qu’il est encore au nombre des vivants. (155 et 165.)

8 L’affinité qui persiste entre l’Esprit et le corps produit, chez quelques suicidés, une sorte de répercussion de l’état du corps sur l’Esprit qui ressent ainsi malgré lui les effets de la décomposition, et en éprouve une sensation pleine d’angoisses et d’horreur, et cet état peut persister aussi longtemps qu’aurait dû durer la vie qu’ils ont interrompue. 9 Cet effet n’est pas général ; mais dans aucun cas le suicidé n’est affranchi des conséquences de son manque de courage, et tôt ou tard il expie sa faute d’une manière ou d’une autre. 10 C’est ainsi que certains Esprits, qui avaient été très malheureux sur la terre, ont dit s’être suicidés dans leur précédente existence, et s’être volontairement soumis à de nouvelles épreuves pour essayer de les supporter avec plus de résignation. 11 Chez quelques-uns c’est une sorte d’attachement à la matière dont ils cherchent en vain à se débarrasser pour s’envoler vers des mondes meilleurs, mais dont l’accès leur est interdit ; 12 chez la plupart c’est le regret d’avoir fait une chose inutile, puisqu’ils n’en éprouvent que de la déception.

13 La religion, la morale, toutes les philosophies condamnent le suicide comme contraire à la loi de nature ; toutes nous disent en principe qu’on n’a pas le droit d’abréger volontairement sa vie ; mais pourquoi n’a-t-on pas ce droit ? 14 Pourquoi n’est-on pas libre de mettre un terme à ses souffrances ? Il était réservé au Spiritisme de démontrer, par l’exemple de ceux qui ont succombé, que ce n’est pas seulement une faute comme infraction à une loi morale, considération de peu de poids pour certains individus, mais un acte stupide, puisqu’on n’y gagne rien, loin de là ; ce n’est pas la théorie qu’il nous enseigne, ce sont les faits qu’il met sous nos yeux.



Il y a deux images de ce chapitre dans le service Google - Recherche de livres (Deuxième édition - 1860) et (Quatorzième édition - 1866.)


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