1 Ce serait se faire une bien fausse idée du Spiritisme de croire qu’il puise sa force dans la pratique des manifestations matérielles, et qu’ainsi en entravant ces manifestations on peut le miner dans sa base. Sa force est dans sa philosophie, dans l’appel qu’il fait à la raison, au bon sens. 2 Dans l’antiquité, il était l’objet d’études mystérieuses, soigneusement cachées au vulgaire ; aujourd’hui, il n’a de secrets pour personne ; il parle un langage clair, sans ambiguïté ; chez lui, rien de mystique, point d’allégories susceptibles de fausses interprétations : il veut être compris de tous, parce que le temps est venu de faire connaître la vérité aux hommes ; loin de s’opposer à la diffusion de la lumière, il la veut pour tout le monde ; 3 il ne réclame pas une croyance aveugle, il veut que l’on sache pourquoi l’on croit ; en s’appuyant sur la raison, il sera toujours plus fort que ceux qui s’appuient sur le néant. 4 Les entraves que l’on tenterait d’apporter à la liberté des manifestations pourraient-elles les étouffer ? Non, car elles produiraient l’effet de toutes les persécutions : celui d’exciter la curiosité et le désir de connaître ce qui serait défendu. 5 D’un autre côté, si les manifestations spirites étaient le privilège d’un seul homme, nul doute qu’en mettant cet homme de côté, on ne mit fin aux manifestations ; malheureusement pour les adversaires, elles sont à la disposition de tout le monde, et l’on en use depuis le plus petit jusqu’au plus grand, depuis le palais jusqu’à la mansarde. 6 On peut en interdire l’exercice public ; mais on sait précisément que ce n’est pas en public qu’elles se produisent le mieux : c’est dans l’intimité ; 7 or, chacun pouvant être médium, qui peut empêcher une famille dans son intérieur, un individu dans le silence du cabinet, le prisonnier sous les verrous, d’avoir des communications avec les Esprits, à l’insu et à la face même des sbires ? 8 Si on les interdit dans un pays, les empêchera-t-on dans les pays voisins, dans le monde entier, puisqu’il n’y a pas une contrée, dans les deux continents, où il n’y ait des médiums ? Pour incarcérer tous les médiums, il faudrait incarcérer la moitié du genre humain ; 9 en vînt-on même, ce qui ne serait guère plus facile, à brûler tous les livres spirites, que le lendemain ils seraient reproduits, parce que la source en est inattaquable, et qu’on ne peut ni incarcérer ni brûler les Esprits qui en sont les véritables auteurs.
10 Le Spiritisme n’est pas l’œuvre d’un homme ; nul ne peut s’en dire le créateur, car il est aussi ancien que la création ; 11 il se trouve partout, dans toutes les religions et dans la religion catholique plus encore, et avec plus d’autorité que dans toutes les autres, car on y trouve le principe de tout : les Esprits de tous les degrés, leurs rapports occultes et patents avec les hommes, les anges gardiens, la réincarnation, l’émancipation de l’âme pendant la vie, la double vue, les visions, les manifestations de tout genre, les apparitions et même les apparitions tangibles. 12 A l’égard des démons, ce ne sont autre chose que les mauvais Esprits et, sauf la croyance que les premiers sont voués au mal à perpétuité, tandis que la voie du progrès n’est pas interdite aux autres, il n’y a entre eux qu’une différence de nom.
13 Que fait la science spirite moderne ? Elle rassemble en un corps ce qui était épars ; elle explique en termes propres ce qui ne l’était qu’en langage allégorique ; elle élague ce que la superstition et l’ignorance ont enfanté pour ne laisser que la réalité et le positif : voilà son rôle ; mais celui de fondatrice ne lui appartient pas ; elle montre ce qui est, elle coordonne, mais elle ne crée rien, car ses bases sont de tous les temps et de tous les lieux ; 14 qui donc oserait se croire assez fort pour l’étouffer sous les sarcasmes et même sous la persécution ? Si on la proscrit d’un côté, elle renaîtra en d’autres lieux, sur le terrain même d’où on l’aura bannie, parce qu’elle est dans la nature et qu’il n’est pas donné à l’homme d’anéantir une puissance de la nature, ni de mettre son veto sur les décrets de Dieu.
15 Quel intérêt, du reste, aurait-on à entraver la propagation des idées spirites ? Ces idées, il est vrai, s’élèvent contre les abus qui naissent de l’orgueil et de l’égoïsme ; mais ces abus, dont quelques-uns profitent, nuisent à la masse ; il aura donc pour lui la masse, et n’aura pour adversaires sérieux que ceux qui sont intéressés à maintenir ces abus. 16 Par leur influence, au contraire, ces idées, rendant les hommes meilleurs les uns pour les autres, moins avides des intérêts matériels et plus résignés aux décrets de la Providence, sont un gage d’ordre et de tranquillité.
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- Recherche de livres (Deuxième
édition - 1860) et (Quatorzième
édition - 1866.)